Portraits

Jean-Loup Cornilleau, un art buissonnier

Lorsque l’on voit les artistes déborder d’activité, faire assaut d’audace, de spectaculaire, il est très étonnant de découvrir l’un d’entre eux se signaler par sa différence.
Jean Loup Cornilleau, dans ce concert parfois bruyant, fait entendre une petite musique discrète, dont on peut se demander comme elle peut rivaliser avec celle des autres artistes. Je crois que la réponse est la suivante: elle a pris le chemin des écoliers.
Jean-Loup Cornilleau fait d’un rien le point de départ d’une œuvre légère comme une plume, mais qui peut vite devenir obsédante si elle vous touche en restant là, presque insignifiante dans son apparence. Car signifiante elle l’est, mais il faut l’accompagner, la voir, l’entendre presque.
« Les « œuvres » que je donne à voir, explique-t-il, sont davantage le résultat d’un art de vivre que d’un art de faire. Elles sont au plus proche de la fluidité de la vie avec ses moments d’intensité fragile. La vie, l’art, entre l’éblouissement et la révolte. »

Jean-Loup Cornilleau

Certes Jean-Loups Cornilleau est un « récupérateur » d’objets, choses indéfinissables, rebuts, déchets… Pour autant, il n’en fait pas l’usage tels que d’autres artistes récupérateurs l’on déjà tenté. De ce glanage, il extrait de quoi nous interroger par un montage inattendu, pour nous amener à regarder le monde avec d’autres grilles de lecture.
Cornilleau, comme son œuvre, ne cherche pas à emporter l’adhésion par un discours véhément; il s’exprime tranquillement sur son cheminement. Il n’a pas l’obsession de produire, mais de vivre un instant. Jean Loup Cornilleau a dû faire l’école buissonnière, il lui en est resté ce retrait des institutions, des écoles, des formats. Il nous suggère de le suivre discrètement, sur la pointe des pieds, presque à reculons pour ne pas se faire remarquer. Et là, à l’abri des turbulences, il va nous faire découvrir son trésor, avec quelques cailloux, quelques plumes ou quelques déchets dénichés au détour du chemin.
Et avec lui, nous aurons partagé un instant ce regard sur un art buissonnier.

Jean-Loup Cornilleau dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photo Wikipedia


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Pour mémoire

Pierre Szekely

D’origine  hongroise, le sculpteur Pierre Szekely (1923-2001) connut, dans sa jeunesse, les drames de la guerre. Pris dans un convoi de déportés vers l’Allemagne, il s’échappe et erre dans Budapest jusqu’à la libération de la ville en avril  1945. Dès 1947, il s’installe en France, d’abord à Paris, puis dans d’autres villes de la région parisienne avant de revenir dans la capitale.

Pierre Szekely atelier

Formé à la taille de la pierre, Szekely met au point une technique de  taille du granit à la flamme. Cet homme tenace, rompu à l’adversité depuis sa jeunesse, réussit à convaincre nombre de décideurs pour réaliser des œuvres monumentales qui lui survivent. C’est aussi dans la relation architecture – sculpture qu’il donna la mesure de sa créativité, notamment au village de Beg-Meil en Bretagne. A Evry, il conçoit un mur-escalade, à la fois sculpture et terrain d’entrainement.
Ayant fait sa connaissance dans les années soixante dix,  j’ai suivi le parcours du sculpteur  pendant une trentaine d’années, au gré de ses projets qu’il décrivait toujours d’une voix lente presque confidentielle. Son œuvre, en équilibre entre figuration et abstraction, passait de la taille du marbre ou du granit à l’usage du béton armé au besoin. Parfois l’œuvre optait pour une fonction utilitaire, tel le mur–escalade d’Evry ou des « sculptures-jeux » comme celle du village olympique de Grenoble. Je lui avais appris, lors d’une visite à cette dernière pièce, que l’aire de jeux, dans la cour d’école était… interdite au jeu pour les enfants, ce qui le désolait. Szekely multipliait les projets qui ne furent pas tous réalisés, laissant dans l’atelier quelques maquettes oubliées.
D’une manière générale, le musée des projets abandonnés reste à créer.

Pierre Szekely dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

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