Expositions

Isidore Isou et la flamme Lettriste

A défaut d’engloutir le Centre Pompidou de Paris sous le Tsunami de ses propositions historiques, le mouvement Lettriste aura atteint cependant aujourd’hui les cimes de l’institution avec l’exposition consacrée à son fondateur Isidore Isou au quatrième étage du Centre. Isou n’est ni le premier ni le seul artiste a bénéficier d’une reconnaissance tardive après tant d’années laissé dans l’oubli.

Exposition Isou Centre Pompidou Paris 2019

Ce n’est pas faute d’avoir agité le monde artistique ni d’avoir investi tous les domaines de la connaissance. Le créateur du Lettrisme, (proclamé à Paris le 8 janvier 1946 par Isidore Isou et Gabriel Pomerand), prônait une nouvelle poésie, préconisait une nouvelle musique. Très vite Jean-Isidore Isou Goldstein, artiste d’origine roumaine mort à Paris en 2007, élargit l’objectif de son projet à d’autres territoires. Cette ambition sans limite de révolutionner tous les champs du savoir, et pas seulement dans le domaine de l’art, atteindra la science, l’économie, la philosophie, la politique : toutes les activités humaines doivent passer sous les fourches Caudines du Lettrisme. Les arts plastiques seront les plus impliqués avec l’invention de l’hypergraphie, basée sur l’organisation esthétique de lettres et de signes (1950) puis celle de l’Art « infinitésimal » fondé sur des particules esthétiques imaginaires (1956) et de l’Art « supertemporel », reposant sur la participation infinie du public (1960). Dès 1952, avec Esthétique du cinéma, il s’empare du septième art.
L’exposition du Centre Pompidou, dans le cadre d’une Saison Roumaine, s’appuie sur le fond d’archives récemment acquises par la Bibliothèque Kandinsky. Mais loin d’une sage présentation d’archives, c’est cette volonté farouche de tout embrasser dans un même élan contestataire qui surgit dans ce qui nous est montré. Tous ces documents doivent être replacés dans le contexte de leur époque, estimés à la mesure de ce qu’il représentaient de transgressif au moment de leur parution.
Au-delà le l’impulsion donnée par Isou, les Lettristes ne cesseront de produire des textes, publier des ouvrages pour alimenter sans se lasser le feu actif du mouvement. Il a fallu en 2010 l’exposition majeure organisée par Roland Sabatier à la Villa Tamaris à la Seyne sur mer : « Lettrisme, vue d’ensemble sur quelques dépassements précis » pour infirmer le constat fait depuis de nombreuses années sur l’indifférence, l’oubli dans lesquels les artistes de ce courant se retrouvaient confinés. La remarquable exposition de 2012 au Passage de Retz à Paris :« Pensiez-vous (vraiment) voir une exposition ? Bientôt les Lettristes (1946-1977) «  , mise en place par une équipe conséquente de commissaires d’exposition (Bernard Blistène et Frédéric Acquaviva assistés de Nicolas Liucci-Goutnikov ) présentait au public des œuvres de toute nature, des archives, des documents essentiels, mêlant peintures, dessins et objets, films et enregistrements, livres, revues et manuscrits parmi d’autres modes d’expression.
Cet appétit dévorant d’assumer la totalité de la pensée a engendré plus d’un tumulte, plus d’une controverse et a donné de la première génération Lettriste (Isou, Lemaître) une image de provocation permanente, voire d’intolérance.  Isidore Isou enflammait ses interventions avec une fougue inextinguible.
Aujourd’hui, c’est la seconde génération Lettriste qui, depuis la disparition d’ Isou, entretient la flamme et poursuit avec une ténacité indéfectible le combat pour la reconnaissance de son mouvement artistique comme avant-garde décisive de l’art de son temps. Cette armée n’est pas remarquable par son importance numérique mais bien davantage par l’engagement sans réserve de ses soldats. Les Roland Sabatier, François Poyet, Philippe Broutin , Anne-Catherine Caron notamment, sont aujourd’hui encore autant de fantassins dévoués corps et âmes à la pérennité du mouvement, héritiers irréductibles d’un Lettrisme inscrit désormais dans l’Histoire.

Photos de l’auteur

Isidore Isou
6 mars – 20 mai 2019
Centre Pompidou Paris

Expositions

NOMADE : Qu’est-ce qu’une performance ?

Le Festival culturel NOMADE va se déployer dans le 3eme arrondissement à Paris  sous le signe de le performance. Il regroupe sous cette appellation des actions d’artistes plasticiens, des propositions théâtrales, des créations musicales. C’est dire combien ce terme, s’il peut être fédérateur de l’expression artistique, recouvre également des objectifs très divers. Le mot  même de performance qui fait florès de nos jours peut aussi bien désigner le happening, l’ actionnisme, l’ art de rue, le  théâtre total,  la poésie sonore que la danse ou le chant. Dans NOMADE, il rassemble dans le même évènement Action writing, performance de Marie Gossard sur la disparition annonce du geste de l’écriture,  Les Soliloques, performances sonores d’Adrianna Wallis, Paradiso, le déjeuner sur l’herbe de Romina de Novellis,  O comme Opéra de Lyricomédiae, ou encore Le Live painting musical de Vladimir Kara pour ne citer que quelque exemples.
Aussi la mise en perspective historique de ces expressions peut fournir des points de repères aux visiteurs peut-être quelque peu désorientés par ce bouillonnement artistique éclaté dans toutes les directions.

L'art est inutile, rentrez chez vous !  Ben
L’art est inutile, rentrez chez vous ! Ben

La parole est d’Art

La parole est d’Art, avec le témoignage des artistes historiques de la performance, permet de resituer les axes majeurs de ce mouvement indocile. Il y a quelques mois, au sujet du livre « Interviewer la performance« , j’évoquais cet art d’attitudes qui se développait dans les années soixante et soixante dix, époque où se révélaient les créations théâtrales comme le Living theater de Judith Malina  et Julian Beck ou le Bread and Puppet Theater de Peter Schumann , période où  la rue allait connaître une primauté politique.
Les témoignages vidéo présentés dans le cadre de La parole est d’Art au sein du festival NOMADE  rappellent ces  lignes de forces : Benjamin Vautier découvre à New-York le mouvement Fluxus et va devenir, en France, le promoteur de cette approche d’un art total. Jean-Jacques Lebel rapportera des Etats-Unis; le Happening dont il sera le vecteur en Europe, avec entre autres son  Festival de la Libre Expression.  Les artistes de la seconde génération Lettriste, à commencer par Roland Sabatier, perpétuent, avec opiniâtreté, les propositions d’Isidore Isou avec notamment les actions déjà engagées dans les années cinquante. Fred Forest  créateur de l’Art sociologique, art vidéo, art interactif  signait son inoubliable action en 1973 à Sao Polo, « Le blanc envahit la ville « , les manifestants brandissant des pancartes… blanches, intolérables par le régime militaire en place.

Jean Jacques Lebel, Happening – 19 novembre 1966, Bordeaux SIGMA
Jean Jacques Lebel, Happening – 19 novembre 1966, Bordeaux SIGMA

Définir la performance

Tous ces témoignages historiques décrivent le parcours de ce mouvement indomptable. Le festival NOMADE tentera, lors d’une rencontre sur la performance avec des théoriciens, critiques, historiens et philosophes et artistes  d’évaluer les enjeux de définition  « de cette pratique singulière qui traverse de façon protéiforme toute la modernité artistique. » Peut-ou ou non mettre sur le même plan l’acte contestataire de l’artiste plasticien et la proposition artistique du danseur ?  La notion d’art total sa rattache-t-elle ou non à un mélange des disciplines ?
Sans préjuger des conclusions de ces réflexions, on peut envisager qu’un mot clef soit le fil rouge de ces expressions si diverses et tellement  réfractaires à la définition : liberté. Celle-ci, au-delà même de la valeur institutionnelle de liberté publique, revendique haut et fort à travers la performance, son exigence libératrice de tous les formatages de la pensée.

Photos: BEN : Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain
LEBEL : http://sigma.hypotheses.org

 

La parole est d’Art
Vidéo des artistes de la performance: Ben, Gérard-Philippe Broutin, Fred Forest, Jacques Halbert, Jean-Jacques Lebel, François ,Poyet, Roland Sabatier, AlainSatié,
Conception et réalisation : Claude Guibert, Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain
Festival NOMADE Paris 3eme
samedi 13 et dimanche 14 juin de 14 h à 18 h
Galerie Laure Roynette
20 rue de Torigny
75003 Paris

 

Expositions

Isidore Isou, le Lettrisme pour l’éternité

Les artistes du mouvement Lettriste, on le sait, sont animés par une conviction inoxydable. Rencontrant il y a une dizaine d’années ceux de la deuxième génération, notamment Roland Sabatier, François Poyet, Gérard Broutin, j’ai pu vérifier leur certitude chevillée au corps de la prééminence historique du Lettrisme dans l’histoire de l’art contemporain, et, pour tout dire, que le Lettrisme constituait le seul avenir de l’art de notre temps. C’est dire si le silence qui pesait alors sur leur existence et leur création pouvait leur paraître injuste et même scandaleux.

Isou tournage
Tournage Isou

Retour du Lettrisme

Il a fallu en 2010 une exposition majeure à la Villa Tamaris à la Seyne sur mer : « Lettrisme, vue d’ensemble sur quelques dépassements précis » pour infirmer le constat fait depuis de nombreuses années sur l’indifférence, l’oubli dans lesquels les artistes de ce courant marquant depuis la fin de la seconde guerre mondiale se retrouvaient confinés. Puis la remarquable exposition intitulée « Pensiez-vous (vraiment) voir une exposition ? Bientôt les Lettristes (1946-1977) » au Passage de Retz à Paris en 2012  a permis aux plus jeunes de faire connaissance avec cette histoire agitée d’une aventure artistique mise de côté par les institutions. Seul le Musée de l’objet à Blois accordait une place effective à ce mouvement. Aujourd’hui c’est encore à Blois, cette fois dans la Fondation du Doute qui succède au Musée de l’objet, que le Lettrisme trouve une visibilité légitime avec l’hommage rendu à Isidore Isou, son créateur.
Singulier retournement pour Jean-Isidore Isou Goldstein, artiste d’origine roumaine mort à Paris en 2007 après une fin de vie particulièrement pénible, malade, oublié de tous sauf du carré de ses fidèles. Initiée par Ben Vautier, influencé dès l’après-guerre par Isou et le Lettrisme, la Fondation du Doute fait désormais souffler l’esprit Fluxus et accorde au Lettrisme une présence réelle. Dans quelques jours s’ouvre l’exposition consacrée au cinéma d’Isidore Isou.

Traité de bave et d’éternité Isou
Traité de bave et d’éternité Isou

Esthétique du cinéma

Le cinéma, qui était défini dans Esthétique du cinéma (1952) d’Isou comme l’art de l’écoulement dans le temps de la reproduction, devient un matériau expérimental  comme dans Traité de Bave et d’Éternité (1951) où s’opèrent d’une part la disjonction du son et de l’image (le montage discrépant), mais aussi la ciselure des images, les rayures et les attaques de l’image (l’image ciselée). La bande sonore, dans cette nouvelle conception cinématographique, devient une œuvre autonome sans relation directe avec ce que montrent les images. Isidore Isou parvient même à créer le Film-débat ou l’œuvre débat: la réalisation du film est réduite au simple débat sur le cinéma entre les spectateurs. L’autre figure historique du mouvement, Maurice Lemaître, a pris une part remarquée dans cette réflexion sur le cinéma avec en 1951 « Le film est déjà commencé? » prolongeant l’expérimentation du Traité de Bave et d’Éternité sorti quelques mois plus tôt. Les lettristes de la seconde génération n’ont pas oublié cette composante de la recherche, je pense notamment aux films expérimentaux de François Poyet ( Film sans histoire(s) ).

Une pensés totale

Cette présentation de la face cinématographique d’Isou peut permettre à ceux qui le découvriront de déceler cette volonté implacable de l’artiste, cette ambition sans limite de révolutionner toutes les branches du savoir et pas seulement dans le domaine de l’art. La science, l’économie, la philosophie, la politique ne peuvent lui échapper et doivent passer sous les fourches caudines du Lettrisme. Cet appétit dévorant d’assumer la totalité de la pensée a engendré plus d’un tumulte, plus d’une controverse et a donné de la première génération Lettriste ( Isou, Lemaître ) une image de provocation permanente, voire d’intolérance. Dans le même temps, Guy Debord fonde l‘Internationale Lettriste puis l’Internationale Situationniste qui apparaîtra davantage en phase avec le monde de son temps. « Grâce à Isou, dit Ben, j’ai compris que l’important n’est pas la beauté, mais la nouveauté, la création ». Oublié de son vivant, Isidore Isou peut-il aspirer à l’éternité ?

Photo : Fondation du Doute

Isidore Isou
Oeuvres de cinéma 1951-1999

11 avril 2015 /14 juin 2015
Fondation du Doute
14 rue de la Paix
6 rue Franciade
41000 Blois

Expositions

Street art : la guerre est finie

Perturbateur, contestataire, rebelle, l’art des graffitis puis des tags, né dans la rue pour la rue a rendu les armes. Désormais, pour reprendre les mots de Christophe Genin dans « Le Street art au tournant » : « Le Street art est entré dans l’industrie de la mode, devenue une rubrique du marché de l’art et du design qui promeut des oeuvres cessibles (toiles, objets d’art, installations, vidéos, vêtements, accessoires de mode, objets de consommation courante), faites dans le style de la rue pour satisfaire une clientèle fascinée ou divertie par l’héroïsme canaille associé à la figure du graffeur, que cette clientèle soit un adolescent mimétique en mal de modèle d’identification ou une grande bourgeoise blasée en mal de frisson« .

"Djibril Cissé" 2014 pochoir aérosols   C215
« Djibril Cissé » 2014 pochoir aérosols C215

In Situ

Avec lucidité et honnêteté
C 215 , dont l’exposition « Douce France » s’ouvre au Palais Bénédictine à Fécamp dans quelques jours, reconnaissait dans une tribune du Nouvel observateur :
« Alors que ceux du graffiti ne recherchaient pas la commercialisation, les Street artistes se ruent vers le système commercial, vers les musées et les honneurs les plus divers. J’en suis l’exemple navré. »
Enfonçant le clou, il ajoutait : « Le Street art n’est pas revendicatif mais hédoniste. Pour employer une formule lapidaire, le Street art est un peu au graffiti ce que Doc Gynéco est aux Black Panthers. »

Dans les années cinquante, les murs des villes  deviennent le lieu de la révolte. Il est même question de révolution. En France le  » Ne travaillez jamais !  » de Guy Debord en 1953 marque une prise de possession de la rue certes politique mais également artistique aux yeux de son auteur. Les Lettristes, les Situationnistes  accaparent cet espace avant que  les acteurs de 1968 s’approprient la rue et ses murs. La nature même de cet art de la rue tenait à cette présence urbaine non autorisée, libre de toute attache mercantile, imposant au spectateur involontaire son cri rebelle. A cette trop libre parole, les institutions opposent alors les accusations de vandalisme et de dégradation réprimées par la loi. La généralisation de la bombe aérosol ouvre une ère nouvelle pour ce Street art envahissant, dérangeant mais qui montre que la dimension artistique se développe avec une créativité sans entraves. Et quand apparaissent  les premiers signes de fléchissement dans la vocation protestataire de cet art des rues, les contradictions entre la nature in situ de cet art et une probable récupération par le marché se font jour.

" Max Spray "  Mr Brainwash
 » Max Spray  » Mr Brainwash

« Si un jour le tag est autorisé, j’arrête. « 

C215 témoigne : « Oclock m’a dit un jour : « Si un jour le tag est autorisé, j’arrête.  »
L’art du graffiti, les créations de l’aérosol participaient d’une démarche clandestine, le plus souvent nocturne, anonyme. Désormais le Street art  avance à visage découvert, revendique sa signature, son identité à quelques très rares exceptions, s’emploie à promouvoir son image à travers les médias, les réseaux sociaux. Centres d’art, musées, galeries accueillent aujourd’hui les artistes  d’un Street art  qui a abandonné en franchissant le seuil des lieux d’art ce qui constituait la raison même de son existence : sa liberté subversive.
Révélateur également le fait que les institutions ont non seulement fait rentrer dans le rang et dans leurs murs les artistes du Street art, mais également l’espace urbain devient le support d’un muralisme pour lesquels les artistes du Street art produisent désormais sur commande des œuvres à l échelle de la ville, dans une création encadrée à l’opposé du geste rebelle des origines. La guerre est finie.

 

C215
« Douce France »

13 juin – 28 septembre 2014
Palais Bénédictine
110 rue Alexandre Legrand
76400 Fécamp

MR BRAINWASH
« Life is beautiful »

6 juin -5 juillet 2014
Galerie Rive gauche Marcel Strouk
23 rue de Seine
75006 Paris

Coups de chapeau

« 123 gouttes de Cage plus une cuillère de Duchamp… »

La Fondation du Doute

Déjà évoqué dans ce blog, le musée de l’Objet à Blois a fermé ses portes en 2011 et le lieu renaît aujourd’hui dans le projet de la Fondation du Doute. « Créer c’est douter et douter c’est créer » écrit Ben Vautier en frontispice de ce nouveau lieu de questionnement et de création qu’il installe à Blois. L’artiste annonce ainsi le projet :

Ben Vautier « Fluxus, c’est la vie »

« La Fondation du doute n’est pas que Fluxus, mais du Fluxus, du non-Fluxus, de l’Anti-Fluxus, de là Bas Fluxus et du Post-Fluxus. La Fondation du Doute, c’est du désordre qui change le monde. Il y aura un étage consacré à Fluxus et un étage consacré à tout ce qui est art vivant, doute, création, tout ce qui est dérangeant, vivant dont les racines contiennent du Duchamp et du John Cage. »
En 1962, Ben rencontre George Maciunas à Londres et découvre le groupe Fluxus qu’il décide de rejoindre. En 1963, a lieu un concert Fluxus à Nice créé par George Maciunas, en 1964 Ben rencontre George Brecht à New York. Ben diffuse alors les idées et l’esprit Fluxus en France et devient le défenseur d’un art d’attitude.

Mur des mots à Blois Ben

Le mur des mots

Déjà le site de Blois constituait un lieu privilégié dans lequel Ben avait installé un nid propre à faire naître ses projets. Sur la façade de l’école des Beaux-arts de Blois a été inauguré en 1995  le « Mur des mots » de Ben   : 300 plaques émaillées fixées au mur de l’école d’art, constituent une rétrospective des célèbres tableaux-écritures de l’artiste, depuis les années 60. Déjà aussi l’ancien musée de l’ Objet présentait des collections lettristes (Isou, Sabatier, Poyet, Wolman), mouvement souvent invisible dans la plupart des musées français. De Ben aux Lettristes, de Jean-Jacques Lebel aux anciens membres du groupe Untel (Albinet, Cazal, Snyers) ou encore Jacques Halbert, la Fondation du Doute devrait permettre de revisiter la mouvance Fluxus.
On sait que le mot « Fluxus » (flux, courant) a été choisi en 1961, par George Maciunas pour désigner ce nouveau courant auquel il donne un manifeste, Manifesto, distribué au festival Fluxus de Dusseldorf en1963. À la fin des années 1950, de jeunes artistes influencés par les enseignements de Marcel Duchamp et de John Cage rejoignent le groupe rassemblé autour de Maciunas et de la galerie qu’il crée à New York en 1961. Expositions, happenings, concerts de John Cage, Dick Higgins ou La Monte Young animent ce lieu.

 » Nouvelle société »  1977 Roland Sabatier

Certes depuis les années soixante marquées par l’esprit Fluxus  Ben a parfois cédé aux sirènes du marchandising. Sur mes cahiers d’écolier, sur mes agendas et mes timbres, sur mes tee-shirts j’écris ton nom, Ben ! Mais l’artiste, bien qu’adoubé par les institutions (notamment en  2010, sa grande rétrospective «Ben, strip-tease intégral» au Musée d’art contemporain de Lyon),  n’a rien perdu de sa capacité parfois épuisante à secouer le joug et à garder un oeil lucide sur l’art de son temps. L’intention affichée de Ben est d’éviter de créer un musée pour au contraire promouvoir un lieu d’agitation. Dans sa dernière lettre Ben écrit :
«  Quand Blois et la Fondation me prennent la tête  et que je me sens découragé  Je me dis : stop Ben  il suffit de voir clair La fondation c’est l’occasion rêvé de semer le doute en art le moment et l’endroit pour produire un autre son de cloche il faut faire de la Fondation et du Centre Mondial du Questionnement quelque chose de totalement différent et nouveau poser d’autres questions douter de tout  Rappelle-toi le Bateau lavoir  Rappelle-toi le Cabaret Voltaire  »

Comme cocktail de la Fondation du doute, l’hôte prévoit : « 123 gouttes de Cage plus une cuillère de Duchamp plus une pincée de Zen, plus un verre de constructivistes polonais et russes, plus un grog, le tout secoué très fort et servi sans glace. » Pour agiter le shaker de la Fondation du Doute, Ben peut compter assurément  sur les artistes invités, notamment les Lettristes. Sur ce point, je n’ai aucun doute.

Photo Fluxus et Sabatier : Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain
Photo Blois: de l’auteur

Inauguration de la Fondation du doute
vendredi 5 avril 2013
Fondation du Doute
rue de la Paix
Administration : 6 rue Franciade
41000 Blois

Ben Vautier dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

 

Portraits

Gérard-Philippe Broutin, le Lettrisme sans frontières

Si les artistes Lettristes ont quelques difficultés à être prophète en leur pays, le Lettrisme, lui, ne connaît pas de frontières. En Europe, l’Italie accueille mieux qu’en France, ces artistes dont la conviction chevillée au corps leur fait endurer  parfois la solitude et la difficulté pour faire reconnaître leur création.

Le Lettrisme à New-York

L’actualité du jour, il faut la chercher à New-York, à la fondation Emily Harvey : le quinze décembre , il sera possible d’assister au concert  donné par Loré Lixenberg avec – entre autre – des oeuvres de Isidore Isou, Maurice Lemaitre et Gérard-Philippe Broutin.
Mezzo-Soprano, Lore Lixenberg a participé à de nombreux festivals dont ceux de Salzbourg, la Luzerne, Donaueschingen, Aldeburgh, Witten, Édimbourg et Huddersfield, au Wien Moderne et Oslo.  C’est un concert de musique aphonistique  qu’elle présente ce quinze décembre. Loré Lixenberg interprète la musique silencieuse et aphonistique, avec notamment  l’Opus aphonistique de Isidore Isou, le Batelier de Maurice Lemaitre et le Concerto Berlinois (2nd mouvement aphonistique) de Broutin.

L’engagement lettriste

Après des études d’Histoire de l’Art à l’Université de Paris/Nanterre, puis à l’École du Louvre, où il assiste aux cours d’épigraphie égyptienne, Gérard-Philippe Broutin va prendre une voie  artistique exigeante, semée de difficultés, réclamant un engagement total. À côté d’autres artistes tels que Roland Sabatier, François Poyet, Alain Satié ou Jean-Pierre Gillard notamment, il rencontre Isidore Isou en 1968 et dès lors, il participe à la plupart des manifestations et expositions lettristes.  Ses premières œuvres picturales sont exposées en mars 1969, lors de l’exposition “Aujourd’hui le lettrisme et l’hypergraphie” à la Galerie Stadler à Paris.

La Grande Fabre 2 (le Désir paradisiaque et l’externité quatre-vingt dix et quatre-vingt onze I), encre de chine sur toile, cm 300×200, 2010-2011 GP Broutin

Et si le Lettrisme n’accepte pas les frontières  géographiques, il refuse également de reconnaître des frontières à l’art.
On le sait, le Lettrisme a une grande ambition pour intervenir dans tous les domaines de la création. La création musicale n’échappe pas à cet objectif. : Poésie sonore., poésie-action, performance-poetry, poésie directe…Toutes ces appellations tentent de cerner un « art nouveau visant à faire la synthèse de la poésie et de la musique par un travail sur le langage, sur le texte et sur le son dans leurs différents aspects. Les nouvelles technologies d’enregistrement et de traitement électronique de la bande sonore permettent une élaboration virtuelle. Le résultat doit être diffusé sur disques ou cassettes. La voix humaine garde au départ un rôle important mais la page imprimée peut ne plus jouer aucun rôle. »
Broutin, attiré par cette dimension du lettrisme,  est également l’auteur et l’interprète de nombreuses oeuvres poétiques et musicales à base de lettres et de phonèmes. Deux de ses réalisations sonores,  Cathédrales Englouties et Ere isouienne, an 52; un musicien lettriste: Gérard-Philippe Broutin, sont composées et diffusées la même année en 1975 sur les ondes de France Musique la Nuit. En 1976, il crée  le « Concerto pour une bouche et quatre membres ».
C’est cette face du travail de GP Broutin qui a l’honneur de ce concert New-Yorkais. Pour autant, Broutin poursuit une œuvre d’artiste plasticien, telle  « La Grande Fabre 2 (le Désir paradisiaque et l’externité quatre-vingt dix et quatre-vingt onze I), encre de chine sur toile,  2010-2011« Cette année 2012 a, en France, marqué une réactualisation significative du Lettrisme avec une exposition intitulée « Pensiez-vous (vraiment) voir une exposition ? Bientôt les Lettristes (1946-1977) » au Passage de Retz à Paris. Riche d’œuvres de toute nature, d’archives et de documents essentiels, mêlant peintures, dessins et objets, films et enregistrements, livres, revues et manuscrits parmi d’autres modes d’expression, cette exposition s’est présentée comme la première étape d’une suite de projets, ambitionnant de dresser un état des lieux de l’action de ses différents membres fondateurs.
Le lettrisme deviendrait-il prophète en son pays ?

Photos GP Broutin

Gérard Broutin dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Expositions

Pierre Tilman : « Tu vois ce que je veux dire »

Depuis quelques années déjà, l’artiste Pierre Tilman, à la recherche du soleil et du calme, a quitté la vie parisienne qu’il connaît bien, s’est éloigné des turbulences de l’art en capitale et trouvé vraisemblablement, dans les rues du Midi, une certaine nonchalance que son œuvre requiert. Car Pierre Tilman n’est pas un artiste forgé pour une compétition féroce, un challenge permanent.

Pierre Tilman

L’homme de Chorus

Celui qui fut dans l’œil du cyclone lorsque, avec la revue Chorus,  et son ami Jean-Pierre Leboul’ch, il contribua à promouvoir l’œuvre de Ben, Daniel Biga, Marcel Alocco, Serge Oldenburg, Roland Flexner, Jacques Monory, Gérard Fromanger ou Jean-Pierre Raynaud, a pris du recul et, pour cultiver sa véritable identité d’artiste, a pris le temps et le rythme qui lui convenaient le mieux.

J’ai déjà évoqué Pierre Tilman dans un article précédent. La discrétion, la réserve de l’homme cachent pourtant la vitalité d’un artiste qui aime les mots et les choses. D’ailleurs ses mots sont des choses et ses choses forment des mots.

Pierre Tilman

Les chemins buissonniers

Ecrivain et poète, il sait bien de quoi sont faits ces mots dont il joue si aisément. Pour l’artiste plasticien, le plaisir continue. Avec quelques objets de bricolage, quelques petits soldats en plastique, l’art se prolonge comme un jeu d’enfant. Pierre Tilman prend son temps ou plutôt perd son temps : c’est le moyen qu’il a trouvé sur ses amis artistes pour trouver la distance, prendre le recul et, toujours à la merci d’un chemin de traverses, échapper au rythme effréné de la compétition artistique. Comme quelques autres artistes rares (je pense notamment à Jean-Loup Cornilleau), Tilman s’engage dans les chemins buissonniers  à la recherche d’une raison valable pour arriver en retard dans cette course à la gloire. L’artiste met un malin plaisir à déjouer les tentatives de normalisation, à éviter l’enfermement dans un style:

« De style, je n’en ai pas, dit-il . Je n’en veux pas. Le style, c’est une infirmité. Des béquilles de luxe ! Je ne veux pas que l’on me reconnaisse. Les mots n’appartiennent à personne. Je fais comme tout le monde, j’écris le roman anonyme de la fin du XXe siècle. »

N’allons pas jusqu’à croire que Pierre Tilman  offrira sa dépouille au monument à l’artiste inconnu. Son monument à lui ne ressemblera pas à une architecture pompeuse. Son oeuvre se  dispersera, légère comme une plume, d’une mémoire à l’autre, d’une lecture à la suivante, mais avec une résistance au temps que lui envieront les cénotaphes vaniteux. Vous voyez ce que je veux dire…

Pierre Tilman dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photos: Pierre Tilman

 

Pierre Tilman  « Tu vois ce que je veux dire »

Du 15-12-2012 au 17-03-2013

Villa Tamaris Centre d’Art
Avenue de la Grande Maison
Tamaris
83500 La Seyne

 

Expositions

« Entre les mots »

C’est dans un lieu historique de l’architecture que l’on peut visiter actuellement l’exposition « Entre les mots». La Fondation Hyppocrène loge, en effet, dans l’atelier de Mallet-Stenvens (1886-1945), rue Mallet-Stevens à Paris. Le motif serait déjà suffisant pour justifier une visite. L’ancien atelier de l’architecte n’est peut-être pas conçu idéalement pour présenter des expositions, mais il offre un cadre pour le moins personnalisé à toute manifestation culturelle et artistique. Le nom de la Fondation a été choisi en référence à cette source légendaire qui jaillit d’un rocher que le cheval ailé Pégase avait frappé de son sabot. La source Hippocrène devint par la suite un lieu d’élection pour les poètes et pour les muses.

Exposition "Entre les mots" Fondation Hyppocrène Paris 2012

Depuis 2001, c’est donc cette ancienne agence de l’architecte Mallet-Stevens fondateur de l’Union des Artistes Modernes (1929), qui constitue le siège de la Fondation.
Sur le thème « La plasticité du langage » se succèderont deux expositions dont la premiere « Entre les mots » est ouverte. Les artiste qui se sont servis des mots à des fins plastiques se retrouvent dans ce cadre : Ben, Julien Blaine, Alighiero Boetti, Philippe Cazal, Henri Chopin, Claude Closky, Johan Creten, Jean Daviot, Peter Downsbrough, François Dufrêne, Jean Dupuy, Mounir Fatmi, Raymond Hains, Isidore Isou, Maurice Lemaître, Laurent Mareschal, Henri Michaux, Georges Noël, Jaume Plensa, Ernest T, Agnès Thurnauer, Pierre Tilman et Agnès Rosse, Jacques Villeglé, Gil Joseph Wolman.
Cette rencontre entre les oeuvres d’artistes de génération différentes, d’Isidore Isou à Philippe Cazal ou Claude Closky donne un ensemble ludique.

La plasticité du langage

Décomposition 1979 Gil J Wolman

Si ce jeu avec les mots est porté avec notoriété par des artistes tels que Jaume Plensa, Ben ou Jacques Villeglé, l’exposition présente avec bonheur les artistes lettristes, avec, pour ma part, un intérêt particulier pour les œuvres de Gil Joseph Wolman présentées ici.
Pour ce créateur de  l’Internationale lettriste avec Guy Debord, Serge Berna et Jean-Louis Brau, « L’art scotch» apparaît en 1964, technique d’arrachage et de prélèvement avec du ruban adhésif. Les fragments d’images et de textes de journaux, tracts, affiches, repositionnés en lignes, forment des tableaux d’où émane une forte critique sociale et politique.

L’ombre d’un doute

Peint, collé, sculpté, animé, sonore, le mot « unité de sens » se prête docilement à toutes les manipulations, à tous les jeux. Pour Pierre Tilman le mot « vert » est vert et le mot « rouge » est rouge. Et quand le mot «Doute» éclairé porte son ombre au sol, il y a bien l’ombre d’un doute. (Oeuvre non présentée dans l’exposition).

Photos de l’auteur


La plasticité du langage
Entre les mots

du 6 septembre au 6 octobre 2012
Entre les langues
du 16 octobre au 16 décembre 2012
Fondation Hippocrène
12 rue Mallet-Stevens
75016 Paris

Portraits

François Poyet sur le front du Lettrisme

L’armée Lettriste qui, en France, entretient le combat pour la reconnaissance de son mouvement artistique comme avant-garde décisive de l’art de son temps n’est pas remarquable par  son importance numérique mais bien davantage par l’engagement total de ses soldats. Dans ce régiment, ou plutôt cette compagnie, voire cet escadron, les combattants consacrent entièrement leur énergie au maintien de cette permanence d’un mouvement né après la seconde guerre mondiale avec Isidore Isou.

François Poyet

François Poyet fait partie de ces fantassins sur le front du Lettrisme et depuis quarante cinq ans sacrifie toute autre préoccupation à cette unique défense du mouvement. Dès 1966, avant même d’avoir terminé ses études supérieures de philosophie et de gestion, alors qu’il est encore lycéen, François Poyet aborde la création dans toutes ses dimen­sions artistiques, cinéma, peinture, roman, photo, sculpture, poésie, danse, théâtre, architecture sous l’angle radical de l’avant-garde, à travers les différents apports proposés par le Lettrisme et son fondateur Isidore Isou.  Activiste du mouvement, il se lance  dans des spectacles, organise des scandales, des lancers de tracts, collages, bombages, pour de se doter de structures esthétiques originales, comme :

Symposium d’Aracena(Espagne) 2007 François Poyet « hypergraphie tridimensionnelle modulaire »

l’hypergraphie tri- dimensionnelle modulaire : des signes découpés dans la masse, indépendants matériellement les uns des autres, en polystyrène expansé, extrudé, en mousse, en rhodoïd, etc. confrontés en des rythmes fixés définitivement sur support ou ouverts à des installations « in situ » ou livrés à l’intervention manipulatrice du public.

Les homophonies, un de ses ressorts de l’art infinitésimal, que l’on ne peut comprendre que lues et que le créateur peut intégrer à l’hypergraphie.  Donnons cet exemple au lecteur: « Elle crie au génie, ça jette un froid » (cryogénie.)
Les anamorphographies, écritures étirées utilisées dans l’excoordisme que l’on ne peut appréhender qu’en n’inclinant leur support sont un autre aspect de son travail.
Je ne cite ici que quelques aspects d’une démarche répondant à la vocation totale du Lettrisme sur laquelle François Poyet explique avec passions toutes les implications.
Dans son histoire, le mouvement Lettriste, dont la récente exposition au passage de Retz à Paris a permis de revisiter la diversité de ses expressions, n’a pas non plus manqué de s’affaiblir avec ses propres discordes, ses conflits durables. Il n’est pas certain que cette faiblesse ait totalement disparu aujourd’hui.

(Signes au pochoir rehaussés à la gouache, sur une couverture de plaquette commerciale pour la Semaine européenne des technologies de l’information 2001 (SETI ), organisée par Infopromotions, Paris, mars 2001)

Il reste que dans sa vocation ambitieuse, totale, avec cette volonté d’embrasser tous les domaines de la pensée, de l’art, économie, politique, philosophie, le Lettrisme assure aujourd’hui une présence opiniâtre avec ces artistes qui, tel François Poyet, prolongent jour à après jour cette inoxydable volonté d’exister.

 

 François Poyet dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photos François Poyet

Source photo SETI : http://www.festrad.com/fichiers/07saPoF2.html

 

Pour mémoire

Alain Satié : un Lettriste peut en cacher un autre.

Alain Satié (1944-2011) était un artiste lettriste, comme Roland Sabatier. Alain Satié et Roland Sabatier sont tous deux nés à Toulouse. Ces deux artistes ont eu un autre point commun remarquable: ils avaient la même voix. Rien d’étonnant à tout cela: ils étaient frères. Mais pour éviter, je suppose, toute confusion, leurs noms d’artistes diffèrent.
Malgré tant de points communs, Alain Satié et Roland Sabatier ont tracé chacun un chemin personnel dans le lettrisme.

Alain Satié

Rencontrant Alain Satié il y a une dizaine d’années, l’artiste avec cette même voix grave, témoignait, comme son frère, sur les difficultés auxquelles étaient confrontés les artistes lettristes. Comme son frère encore, il portait la conviction de l’importance historique de ce mouvement. La cohésion du groupe, la vocation « encombrante » du lettrisme sur tous les terrains autorisent une question: Comment la démarche individuelle peut-elle s’exprimer dans ce contexte ?
La preuve la plus manifeste est peut-être justement celle que nous donnent ces deux artistes si proches dans leur choix artistique et si proches par leur lien familial: Alain Satié et Roland Sabatier ont créé des œuvres multiples, variées et différentes

Alain Satié est décédé le 6 février 2011. Lors de ses obsèques, plusieurs textes furent lus par ses amis lettrristes, dont celui de Broutin :

« Alain Satié est né en 1944. Après un passage à l’École des Beaux Arts de Toulouse, il monte à Paris en 1964 et rallie aussitôt le mouvement lettriste dont il deviendra un des protagonistes les plus importants. Pendant presque cinquante ans, il va développer une oeuvre essentielle pour la compréhension de l’évolution de l’art de la deuxième moitié du 20ème siècle.
Ce qu’il nous laisse est immense. Peinture, sculpture, architecture, art du meuble, poésie, cinéma, aucun domaine n’a échappé à sa soif inventive. Il fera de l’approfondissement des concepts isouiens la base de ses apports.

Buvard – 1964 (encre sur buvard) 13 x20 cm Alain Satié

Les premieres oeuvres aux traits encore incertains (1964),  les Entassements maitrisés (1966), l’infinitésimal controlé et relancé (1971), les Transparences (1983),  Les créations du lettrisme en 26 tableaux explicites (1990), les Portraits d’un groupe excoordiste (1995), les Déplacements consécutifs sans origine (2004),  jusqu’aux Souvenirs présents (2006), sont autant d’étapes qui lui permettent d’exprimer ses nuances, d’imposer ses propres dépassements créatifs dans l’ensemble lettriste.
En 1979, dans l’art du meuble, l’un de ses apports le plus important, il propose des fauteuils hiératiques dressant leur dossier comme des totems hypergraphiques et des panneaux de bois mystérieux pour les parois d’une salle de billard.
Mais son oeuvre est également importante par l’énergie qu’il a constamment déployée dans l’édition. Plus de quarante ouvrages originaux jalonnent son demi-siècle, du précieux Superstrat (1966) à la réédition de Pour un avenir meilleur, fin 2010.
Son oeuvre est encore largement inconnue, mais la redécouverte du lettrisme permettra de mieux situer son importance dans l’histoire de l’art contemporain.
Alain Satié rêvait de la Société paradisiaque, idéal pour lequel il a combattu toute sa vie. Alain Sabatier est mort !  Vive Alain Satié ! »  Broutin de Berlin le 12 février 2011
lu par Delphine Ganne lors de ses funérailles

Alain Satié dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Texte de Broutin sur le site : http://lettrisme.typepad.com/lettrismofficialxxi/contributions.html

Photos Satié Wilipédia et Alain Satié