Seuphor, libre comme l'art

Seuphor, libre comme l’art : l’affaire des Mondrian

Le blog des Chroniques du Chapeau noir poursuit la publication de « Seuphor, libre comme l’art », écrit par Claude Guibert sur la vie de l’écrivain, historien et artiste Michel Seuphor (1901-1999), de son vrai nom Fernand Berckelaers. Ce livre a été écrit en 2008 et sera publié intégralement à raison de quelques pages par publication, une fois par semaine.

Publication N° 80

A la fin de l’année 1977 Seuphor a fait bénéficier le Centre Pompidou d’une donation. Il entend, par ce geste, faire retourner au public pour combler des trous dans les collections publiques des œuvres de  Larionov, Robert Delaunay (portrait de Michel Seuphor), Stanton Macdonald-Whright, Morgan Russel, Patrick Henri Bruce, Janco, Baumeister, Huszar, Peeters, Werman, Fleischmann, Joostens, Marcelle Cahn, Nina Trygvadottir, Atlan. En 1979 la donation Seuphor fera l’objet d’une exposition au Musée National d’Art Moderne du Centre Georges Pompidou.

L’affaire des Mondrian

Au début de l’année 1978, Germain Viatte, conservateur au musée d’Art moderne, demande à Seuphor comment joindre madame Simone Verdé. Les tableaux de Mondrian l’intéressent pour le Centre Pompidou. Seuphor est pris de court : Le mari de Simone Verdé vient de mourir. Son épouse est constamment en voyage. On ne lui connaît pas d’adresse, l’appartement près du bois de Boulogne liquidé, le chalet qu’elle possédait à Meugève mis en vente, et Seuphor ignore les coordonnées de son appartement à Cannes

–  « Ce serait volontiers, mais en ce moment c’est difficile, je ne sais pas où elle se trouve, elle est toujours par monts et par vaux. »

Germain Viatte mène sa propre enquête et apprend que madame Verdé séjourne au Sheraton, le grand hôtel qui venait de se construire à côté de la gare Montparnasse. Rendez-vous pris dans le hall de cet hôtel, le projet d’un achat des tableaux de Mondrian est envisagé avec enthousiasme. A peine trois mois plus tard, Germain Viatte écrit à madame Verdé :

–  « Vous savez combien nous serions désireux que nos projets puissent aboutir. Ne serait-il pas merveilleux que vous puissiez être à l’origine d’une salle prestigieuse du musée d’Art moderne, l’un des musées les plus importants au monde ? »1

Le projet d’achat prend corps très rapidement. Cinq rendez-vous, dont l’un dans la salle des coffres à la banque de I’Harpe Leclerc et Compagnie, à Genève, pour examiner les tableaux On s’entend sur un prix d’achat de six millions de francs français pour les trois œuvres.
Fin mai, les trois tableaux sont livrés au Centre Pompidou pour inspection. Seuphor, invité, se réjouit de voir les trois chef-d’œuvres de Mondrian s’acheminer vers les collections nationales. Tout va très vite. Le cinq juin, une commission de dix sept personnalités des Musées de France se réunit pour inventorier les tableaux. Françoise Cachin directrice des musées de France, Pontus Hulten, directeur du Centre Pompidou, Germain Viatte lui-même font partie de cet aréopage. L’enthousiasme s’exprime de façon unanime et tous se réjouissent de voir ces œuvres intégrer le patrimoine national. Mais le rêve tourne au cauchemar. Quelques jours plus tard, Germain Viatte, catastrophé, rend visite à Seuphor : deux coups de téléphones venus de Suisse l’ont alerté : les tableaux de Mondrian sont des faux !

– « Je vais aller à Amsterdam, au Stedelijk Museum, c’est là que les experts connaissent le mieux l’œuvre de Mondrian. Vous êtes d’accord, Seuphor ? »2

En une phrase, Seuphor n’est plus le grand connaisseur de Mondrian, le véritable spécialiste auquel la commission de musée de France rendait hommage. Fin juillet, Germain Viatte se rend aux Pays-Bas, revient avec Joseph Joosten du Stedelijk Museum à qui on montre les trois tableaux 

Michel Seuphor en 1985

– « Ils sont faux ! Nous les connaissions, ils nous ont été présentés il y a quelque temps déjà, et ce sont des faux ! »

Joseph Joosten reprend l’après-midi même le chemin de la Hollande.

A partir du 9 mai 1984, le tribunal de Paris examine l’affaire. Seuphor se voit accusé de : « Complicité en matière de fraude artisti­que. établissement et usage de certificats faisant état de faits matériellement inexacts »

Face à une adversité qu’il comprend mal, Seuphor maintient sa position :

– «  Ils ne sont pas peints, ils ne peuvent pas avoir été peints par un faussaire. J’en ai connu beaucoup de faux tableaux. Il m’en a été apporté beaucoup. Il y en a même un qui m’a été apporté trois fois , par trois galeries différentes du monde ; en me disant toujours que je devais dire qu’ils étaient vrais. Ces trois tableaux ne sont pas d’un faussaire ; un faussaire fait autre chose ; un faussaire fait quelque chose qui est plus habile que cela. Ce sont les tableaux d’un créateur. Et ce créateur ne peut être que Mondrian. Il y a des incertitudes là-dedans qu’un faussaire ne peut pas faire, surtout dans le tableau de 1912-1913 et que Max Bill, je crois, trouvait fantastique. Je ne peux pas faire autrement que maintenir ce que j’ai classé parmi les chefs-d’œuvre de l’art de ce siècle. Voilà mon opinion. Qu’on me  condamne sur cette opinion, je suis d’accord ! » 3

Le lendemain, jeudi 10 mai, Harry Holtzman, autre ami et confident de Mondrian, citoyen américain et légataire universel du créateur du mouvement néoplastique, n’est pas moins catégorique :

–  « Ces tableaux ne sont pas de la main de Mondrian. Dans la toile Plus et minus. il  y a trop de minus. Dans le tableau de droite, la touche, le rythme, l’organisation, il n’y a rien de Mondrian: dans le troisième aussi . »

 Et, en aparté, d’ajouter que de telles croûtes sont « Disgusting. ! »

Un  des membres du laboratoire de la préfecture de police monsieur Clément a, en expert technique, énoncé un certain nombre d’observations : signature des tableaux en pleine pâte, ce qui est contraire à la technique de Mondrian; lignes noires d’une composition géométrique tirées à l’aide d’une règle ; craquelures suspectes, obtenues probablement par enroulement des toiles sur un cylindre; recours à des toiles déjà utilisées, contrairement aux habitudes du peintre; la toile et les châssis de deux tableaux, datés 1915 et 1921, postérieurs à 1932. On pourrait également passer outre l’existence de sous-couches picturales révélées par les radiographies et contraires aux principes de Mondrian : en 1945, un faussaire aurait pu commettre par ignorance l’erreur de ne pas utiliser une toile vierge; en 1965, un faussaire, à moins d’être stupide, ne l’aurait sans doute pas commise. Impossible en revanche d’opposer une parade – dans l’état actuel des rapports joints au dossier – à l’existence de dioxyde de titane « sous forme rutile » décelé en de multiples endroits dans la peinture et commercialisé à partir de 1941 seulement, alors que le tableau le plus récent remonterait à 1921. Maudit dioxyde de titane qui pose autant de questions qu’il n’en résout. Un vieux contremaître à la retraite ayant travaillé pour une maison d’article pour peintres à Montparnasse se souvient d’essais réalisés dans ces années vingt avec le titane.

Seuphor digère d’autant moins les poursuites du centre Pompidou qu’il a donné au musée plusieurs tableaux importants de la période abstraite.

–  « Je veux que la justice me rende ma donation ! « 

Affolement.

L’avocate du musée Pompidou tente de le calmer :

–  «  Vous n’êtes pas ici à la demande du Centre… »

–  « Un comble, vous êtes partie civile ! »

–  « Il faut vous que vous compreniez…Il y a de l’argent en jeu… » 4

Il faudra encore de nombreux mois avant que, par son juge- ment rendu le 3 décembre 1985, la 13 e me chambre de la cour d’appel de Paris confirme la décision du 26 septembre 1984 rendue par la 31 e me chambre correctionnelle de Paris: Michel Seuphor est relaxé des délits de « complicité en matière de fraude artistique et d’établissement et usage de certification faisant état de faits matériellement inexacts ».

Madame Simone Verdé voit sa condamnation de deux ans de prison avec sursis assortie d’une amende de dix mille francs.

1 « Michel Seuphor, un siècle de libertés » Alexandre Grenier 1996 Hazan

2 Ibid Alexandre Grenier 1996 Hazan

3 Relevé dactylographié audience procès Mondrian M Doussault de Bazignan

4 Relevé dactylographié audience procès Mondrian M Doussault de Bazignan

Seuphor, libre comme l'art

Seuphor, libre comme l’art : Constructivisme et mouvement

Le blog des Chroniques du Chapeau noir poursuit la publication de « Seuphor, libre comme l’art », écrit par Claude Guibert sur la vie de l’écrivain, historien et artiste Michel Seuphor (1901-1999), de son vrai nom Fernand Berckelaers. Ce livre a été écrit en 2008 et sera publié intégralement à raison de quelques pages par publication, une fois par semaine.

Publication N° 78

Mondrian à l’Orangerie

C’est au cours de cette turbulente année 1968 que Seuphor a participé à la préparation de l’exposition sur Mondrian destinée à l’Orangerie des Tuileries à Paris. La tâche n’est pas mince et requiert de nombreux concours. André Berne-Joffroy, chargé de mission au musée d’art moderne de la ville de Paris et Seuphor  rassemblent des concours européens pour mener à bien cette tâche. La Nationale galerie de Berlin, le Gemeentenusuem de la Haye, le Stedelijk museum d’Amsterdam sont mis à contribution et soutiennent le projet français organisé par un comité où figurent également Jean Leymarie, Hélène Adhemar, LJF Wisenbeek. Des États-Unis, de Suède, de Suisse, de Grande –Bretagne, les collectionneurs prêtent des tableaux. Pour Seuphor, un tel déploiement d’énergie prend une saveur particulière. Il s’en ouvre dans l’introduction du catalogue :

« Mondrian à l’Orangerie! Pour ceux qui l’ont connu, cela paraît un rêve. Un peu comme si l’on avait dit à Verlaine que Rimbaud serait un jour reçu au Collège de France. Mais tout arrive. »1

En janvier 1969, André Malraux inaugure l’exposition. Plus de soixante ans après sa rencontre avec Mondrian, Seuphor voit célébrer, au cœur de Paris, à la fois une œuvre unique et le parcours intègre d’un ami.

COMO

Venus d’horizons divers, Allemagne, Italie, Amérique latine, Belgique, Suisse, Suède, des artistes conjuguent leurs efforts pour présenter un travail qui associe souvent art construit et art cinétique. Seuphor, plus que jamais au centre du monde de l’art géométrique, s’implique.
Le 18 septembre 1968, à la Maison des quatre vents à Paris, une exposition « Construction et mouvement 70 » révèle  ce groupe en gestation. Autour de Seuphor, dans la quarantaine d’artistes présentés figurent Vincenzo Arena, Vincent Batbedat, Bougelet, Léo Breuer, Nino Calos, Ivan Contreras-Brunet, Louis Délédicq, Marino Di Teana, Frank Malina, Aurélie Nemours, Luc Peire, Romano Zanotti. Fin juin 1969, au château d’Ancy-le-France, dans l’Yonne, l‘exposition « Le style et le cri », à laquelle Louis Delédicq et Seuphor ont apporté leur énergie, confirme cette volonté de groupe autour des valeurs de l’art construit et du mouvement. Sur huit salles, les tendances récentes de l’art présentées, aussi bien avec la peinture gestuelle que l’art géométrique. Mais dans l’ultime salle, c’est bien cette école autour de « Construction et mouvement » qui s’affirme. Consacrée en partie à Seuphor lui-même, à son œuvre littéraire et graphique, l’espace présente des exemplaires uniques de ses livres, des revues  Cercle et carré  et Documents internationaux de l’esprit nouveau . Autour de lui apparaissent les œuvres de Luc Peire, Louis Délédicq, Léo Breuer entre autres.

Vincenzo Arena, Léo Breuer, Nino Calos, Yvan Contreras-Brunet, Louis Delédicq, R. Gayoso, Luc Peire, Romano Zanotti fondent avec Seuphor, dans la galerie de Denise Riquelme, un centre autogéré au 25 de la rue de l’échaudée à Paris le « Centre COMO » (Constructivisme et mouvement) : Son fonctionnement ? Une exposition par mois , une collective alternant avec une individuelle. Ses objectifs :

– « Un centre d’émulation où des artistes, brûlant de la même flamme froide pour l’art construit, se confrontent. » 2

Pour nombre de ces artistes que la galerie Denise René ne présente pas, ce nouvel espace s’ouvre et les expositions personnelles, dont celles d’ Arena, Breuer, Contreras-Brunet,  Erb, Peire,Torres-Aguero, Zanotti se succèdent. Celle consacrée à Seuphor attire des visiteurs de marque tels que Gorin, Hartung, Humeau. Au nombre des membres du groupe COMO, le sculpteur Vincent Batbedat compte parmi les habitués de l’avenue Émile Zola. Jeune soldat appelé pour la guerre d’Algérie, Batbedat a rencontré Régis Berckelaers, fils de Michel Seuphor. Si son service militaire aux confins du Sahara lui laisse un souvenir ineffaçable, ce contact avec Régis Berckelaers lui offre l’opportunité, en 1961, de faire connaissance avec Seuphor. Il croise, chez lui, Aurélie Nemours et Luc Peire. A cette époque, Batbedat réalise des sculptures composées avec des tasseaux de bois polychromes. Les conversations avec Seuphor, les échanges entre artistes avenue Émile Zola influent alors de manière décisive sur son travail. Il cherche et découvre le travail du métal, la possibilité de souder des structures en tiges d’acier. En 1969 le tube carré avec ses possibilités de pliage devient son matériau de prédilection.


L’écho rencontré par l’activité du groupe COMO suscite également quelques inquiétudes sur son évolution. Un des membres fondateurs, Nino Calos s’en ouvre dans une lettre aux autres membres.

– «  J’aimerais que le choix des artistes (ne faisant pas partie des neuf) invités à présenter une exposition personnelle au centre COMO soit fait avec plus de rigueur. Et j’aimerais surtout que ce choix ne soit pas fait par une seule personne, mais par l’ensemble du groupe. »
Nino Calos, Paris 7 avril 1970 3

Pour mener à bien cet objectif, Nino Calos propose une réunion mensuelle pour éviter les errements. A la fin de l’année 1970, le groupe COMO doit migrer dans la galerie Guénégaud, 14 rue Guénégaud.. Ivan Contreras-Brunet maintient encore quelque temps l’élan du groupe pour une ultime exposition collective pour le mois de mai suivant.

« L’Art abstrait » chez Maeght

Vingt ans après l’aventure heureuse de la collaboration avec Aimé Maeght, Seuphor retrouve le galeriste. Les relations parfois difficiles entretenues avec la rue de Téhéran, et surtout Marguerite Maeght, expliquent l’éloignement des deux hommes. Dans la revue Derrière le miroir, Aimé Maeght  défend les artistes de sa galerie. Seuphor, participant à la rédaction de cette revue, conserve son indépendance, au risque de déplaire. La collaboration avec la galerie ayant cessé depuis longtemps, c’est à l’occasion d’une circonstance fortuite qu’ils se rencontrent à nouveau. Maeght se montre aimable, élogieux pour la démarche de Seuphor et lui propose de renouer pour travailler à nouveau ensemble. Son idée est de rééditer « L’Art abstrait, ses origines, ses premiers maîtres ». L’ouvrage publié vingt ans plus tôt, établit une base solide et il faudrait le réactualiser, pourquoi pas en deux volumes? Seuphor, sans hésitation, fixe la barre plus haut :

–  «  Ce n’est pas de deux volumes dont j’ai besoin, mais de quatre ! De plus, je ne peux pas faire ce travail seul. Je vois une sorte de panorama à l’échelle mondiale de l’évolution de l’art abstrait…Je ne connais pas l’évolution de l’art abstrait au Japon, pas plus qu’en Grande-Bretagne ou dans certains pays d’Amérique Latine ! ».4

Après réflexion, un écrivain paraît s’imposer pour collaborer à un tel projet: Michel Ragon. Plus de vingt ans séparent les deux hommes. Leurs itinéraires respectifs les distinguent également. A cinquante ans, Michel Ragon a déjà connu une vie mouvementée. Après une enfance vendéenne marquée par la découverte de la lecture  puis les turbulences de la guerre, c’est à Paris que s’épanouit sa nouvelle existence faite de métiers en tous genres, dont celui de bouquiniste, de rencontres, voyages, écritures. Celui qui devient critique d’art, historien et écrivain penche également pour la littérature prolétarienne et s’engage dans la voie libertaire. Son appétit pour l’art de son temps lui fait rencontrer des peintres tournés  vers une autre abstraction que celle promue par Seuphor. De Hartung à Soulages, de James Guitet à Jean Dubuffet,  Michel Ragon  multiplie les écrits et prend  une place éminente en témoin privilégié de l’art de son époque. . Aimé Maeght accepte le projet ambitieux et Ragon se retrouve associé au projet. Seuphor et Ragon, dans une sorte de Yalta de l’art abstrait, se partagent le monde. Il faut gérer tant bien que mal des questions de préséance. Mais l’aventure de cette édition colossale avance. Cette somme brosse un tableau général de l’aventure inéluctable de l’art abstrait. Sous le titre générique de « L’Art abstrait », les quatre volumes sont publiés successivement chaque année et connaissent le succès dans les premières années Soixante-dix.

1 « Mondrian » Catalogue Orangerie des tuileries 1969 RMN

2 Jacqueline Felman Affiche COMO expo commémorative Octobre 1984

3Lettre du 7/4/1970  Archives ANCV  210935

4 « Michel Seuphor, un siècle de libertés » Alexandre Grenier 1996

Seuphor, libre comme l'art

Seuphor, libre comme l’art : Le « Mondrian » de Seuphor

Le blog des Chroniques du Chapeau noir poursuit la publication de « Seuphor, libre comme l’art », écrit par Claude Guibert sur la vie de l’écrivain, historien et artiste Michel Seuphor (1901-1999), de son vrai nom Fernand Berckelaers. Ce livre a été écrit en 2008 et sera publié intégralement à raison de quelques pages par publication, une fois par semaine.

Publication N° 71

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Le « Mondrian » de Seuphor

Voilà maintenant cinq ans que l’ouvrage sur Mondrian attend un éditeur. Depuis ce jour de 1951 où il a opposé un refus catégorique à Alfred Barr pour l’inclusion de son livre dans un ensemble plus vaste contrairement aux engagements pris, le « Mondrian » de Seuphor reste à l’état de manuscrit dormant. Déjà la récupération du texte et de tous les documents rassemblés au cours de ses voyages, il la doit à l’ami Fritz Glarner, qui, muni d’une lettre de Seuphor, réussit à déjouer les oppositions en obtenant d’une secrétaire pendant la période de vacances l’original et les précieuses archives. Hans Richter rapporte le tout lors d’un voyage à Paris. Bien que riche de son énorme travail, Seuphor traverse ces années dans les difficultés financières. Les correspondances mensuelles qu’il envoie à Art Digest ne suffisent pas à pourvoir au quotidien.
Il faudra donc attendre 1955 pour que l’ouvrage voie enfin le jour. En Allemagne, un puissant imprimeur et éditeur de presse, la maison Dumont-Schauberg, a pignon sur rue avec son imposant immeuble de Cologne. Le directeur, Neven-du-Mont, ambitionne d’ouvrir l’activité de sa maison à l’édition d’art. Un vieil ami, le peintre Willi Baumeister, évoque le travail de Seuphor. Bientôt, entouré de quelques collaborateurs, le directeur de presse vient à Paris à la rencontre de l’écrivain.

Mondrian par Seuphor

– « Nous gagnons trop d’argent, cher monsieur, nous ne faisons que travailler et gagner de l’argent. Nous voulons, enfin, faire quelque chose qui nous donne du plaisir » 1

déclare-t-il à Seuphor. Cette fois, le « Mondrian » de Seuphor sort des tiroirs. Son édition en allemand paraît immédiatement alors que dans l’urgence on prépare l’édition américaine afin qu’elle sorte pour les fêtes de fin d’année. Aux États-Unis, le livre connaît un succès rapide. Six mois plus tard, Flammarion  publie l’édition Française. L’obstination de Seuphor à préserver l’intégrité de son travail aura ainsi eu raison des tentatives de contournement. L’ouvrage marque une date essentielle pour l’historiographie de Mondrian.

Entre Denise René et Seuphor, dans ces premières années Cinquante, les relations s’établissent, suivant les circonstances, sur un ton coloré d’ accords et de désaccords feutrés. Une concurrence sourde préside parfois au travail commun. En 1955, Seuphor a écrit une préface pour l’exposition Vasarely à la galerie Denise René. Lorsque la galeriste prépare pour début 1957 la toute première exposition Mondrian en France, avant même les musées nationaux,  Seuphor est à nouveau sollicité pour écrire une préface. Avec une mauvaise foi de potache, il se dérobe :

– «  16 décembre 1956

 Chère madame,

         Après une nuit d’insomnie, je me suis levé avec une crampe à la main droite qui me met dans l’impossibilité d’écrire la préface sur Mondrian que vous m’avez demandée ».2

Ce prétexte cache une autre réalité. Seuphor, fort de sa qualité de connaisseur incontesté de l’œuvre de Mondrian, n’accepte pas la présence d’une autre préface de Willem Sandberg, directeur du Stedelijk Museum à Amsterdam, autre spécialiste dont il ne partage pas les idées. Denise René, déçue, insiste pour que Seuphor accepte, au moins, d’écrire un texte pour l’album de sérigraphie sur Mondrian qu’elle souhaite réaliser à l’occasion de cette exposition inédite. Pourtant le jeu des susceptibilités se poursuit. Sur la suggestion de Seuphor de faire figurer dans cet album le « Tableau-poème »  de 1928 peint par Mondrian avec son texte, Denise René, pour son malheur, écrit maladroitement que le « Tableau-poème  devra figurer » dans l’album ! Infamie ! Piqué au vif, Seuphor monte sur ses grands chevaux :

– «  30 janvier 1957

(…) Évidemment, j’obéirai à votre injonction et vous prêterai le « Tableau-poème ». Mais l’impératif « devra participer » n’était  ni utile ni élégant.
Si j’ai une prière à vous faire, c’est de reconsidérer la question de la préface que vous m’avez demandée pour un album de sérigraphies d’après des œuvres de Mondrian. Je crois devoir insister pour que vous vous passiez de moi car, ayant peu de temps à consacrer au service de la dictature, je ferais ce travail de très mauvaise grâce . Quant à l’exposition de dessins que vous m’avez fait le grand honneur de me proposer, il serait bon que nous en parlions sérieusement en 1957. Vous serez alors sortie de l’adolescence.
Au demeurant, en toute cordialité.   Michel Seuphor ». 3

Au fil des expositions, des publications, dans le Paris artistique, les petits conflits, les susceptibilités, les jeux de cache cache se poursuivent. Quelques rancœurs encore bien vivantes reviennent à la surface au gré des circonstances. Lorsque l’éditeur Hammacher, à Otterlo, sollicite Seuphor pour un article sur Robert Delaunay dans sa revue, il récolte, en retour, une fin de non recevoir :

– «  24 juillet 1957  Cher ami,  Il m’est pénible de devoir refuser d’écrire un grand article sur Delaunay pour Museum journal. Je me rends compte que c’est un honneur que l’on me fait, mais n’y peux rien : le temps me manque. Degand a beaucoup écrit sur Delaunay et fera certainement très bien la chose. De plus il est dans les bonnes grâces de Madame Delaunay, ce qui n’est pas mon cas. Elle a refusé d’exposer, à la rétrospective du Musée d’art moderne, le portrait que Delaunay a fait de moi en 1924 ; Cela m’a peiné. Complot nationaliste avec Dorival et Francastel. Je suis leur bête noire parce que ma pensée  est a-nationale. Paris, pour moi, n’est pas la capitale d’un pays mais la capitale du monde. A toutes fins utiles,  je vous envoie un texte de moi qui a été lu sur la tombe de Delaunay, à Gambais, en mars 1950 ; Peut-être pourriez-vous la faire traduire ? Bien cordialement. Michel Seuphor » 119

L’ Exposition universelle et internationale de Bruxelles de 1958

 Au milieu de ces années Cinquante, la perception du monde par les humains connaît une avancée significative : le premier satellite artificiel de la Terre est lancé le 4 octobre 1957, par une fusée conçue par l’ingénieur soviétique Sergeuï Korolev. La surprise est totale. Depuis quelques années, on annonçait l’ouverture de l’ère spatiale par les États-Unis Ce 4 octobre, le « Spoutnik », cette petite sphère de cinquante-huit centimètres de diamètre et qui émet un simple Bip Bip fait le tour de la terre en quatre-vingt-dix huit minutes. Le lendemain matin, l’information , elle aussi, fait le tour du monde. Le retentissement est phénoménal. La Terre a un second satellite et il est artificiel ! L’humanité vient d’accéder à l’espace.

L’ Exposition universelle et internationale de Bruxelles, première de l’après guerre ouvre ses portes au public le 17 avril 1958 sur un thème humaniste et pacifique : » Bilan du monde pour un monde plus humain. La technique au service de l’homme. »  Les théories urbanistiques synthétisées dans la Charte d’Athènes, élaborée lors du quatrième Congrès international d’architecture moderne en 1933, reviennent au premier plan. Un nouveau type de ville est imaginé, applicable partout dans le monde. Il doit permettre à l’homme de s’épanouir pleinement dans un urbanisme qui, parfaitement mise en ordre, atteint alors sa pleine efficacité. En Europe, le prototype le plus célèbre est l’unité d’habitation ou Cité Radieuse de Le Corbusier, qui a connu cinq réalisations, dont la première à Marseille entre 1947 et 1952. L’Atomium, conçu par l’ingénieur André Waterkeyn, entend symboliser cette ère nouvelle. A mi-chemin entre sculpture et architecture, il se compose d’une charpente d’acier portant neuf sphères reliées entre elles et habillées d’aluminium. L’Atomium exprime l’audace d’une époque qui a voulu confronter le destin de l’humanité aux découvertes scientifiques. Cette construction, qui culmine à plus de cent mètres évoque le concept d’atome en représentant un cristal de fer grossi cent soixante cinq milliards de fois. Le visiteur découvre de nombreuses sculptures significatives de l’art contemporain de l’époque : Roi et Reine de Henry Moore, le Whirling Ear de Calder placé devant le pavillon des États-Unis, des œuvres de Arp, Gabo, Pevsner, côtoient la vierge folle de Rik Wouters placée près de la flèche du génie civil, du sculpteur Moeschal. Plus loin, on aperçoit des monstres de Roel D’Haese ou des insectes.

Mais le grand événement pour les amateurs d’art, le choc provient de l’exposition “50 ans d’art moderne” au Palais II. Les tableaux proviennent des plus grands musées du monde. Pour l’occasion, l’Ermitage à Leningrad et le musée Pouchkine à Moscou ont accepté de confier leurs chef-d’œuvres, de Gauguin à Seurat. Les plus grands collectionneurs belges ont prêté des œuvres de De Staël et Soulages. L’exposition “50 ans d’art moderne” marque un tournant pour ceux qui feront ensuite l’art contemporain en Belgique. C’est l’apogée d’un certain modernisme, le triomphe de l’abstraction. Déjà s’annonce le pop art, l’art conceptuel. Dans ce cadre consensuel, où dans le monde d’après-guerre, les idées de progrès technique se confondent avec celles du bonheur, une avant-garde naissante passera plutôt inaperçue dans cette mise en scène grandiose.
Un groupe encore inconnu, L’ Internationale Situationniste, prépare dans le plus grand secret un coup d’éclat pour l’ouverture de l’exposition universelle de Bruxelles : Guy Debord, un des fondateurs de l’internationale Lettriste puis de l’internationale situationniste, veut imprimer à Paris deux mille exemplaires d’un tract à jeter dans l’assemblée générale de l’association internationale des critiques d’art tandis que l’un d’eux prenant soudainement la parole, en lira le texte. Sur cette affaire le secret le plus rigoureux doit prévaloir, l’effet de surprise étant nécessaire pour assurer le succès. Réunie le 14 avril 1958 dans l’exposition, l’assemblée de l’association internationale des critiques d’art est ainsi interpellée :

– « Disparaissez, critiques d’art, imbéciles partiels, incohérents et divisés ! C’est en vain que vous montrez le spectacle d’une fausse rencontre. Vous n’avez rien en commun qu’un rôle à tenir; vous avez à faire l’étalage, dans ce marché, d’un des aspects du commerce occidental : votre bavardage confus et vide sur une culture décomposée. (…). C’est maintenant dans l’internationale situationniste que s’organise l’activité artistique unitaire de l’avenir. Vous n’avez plus rien à dire. L’internationale situationniste ne vous laissera aucune place. Nous vous réduirons à la famine. »  1


1 Mirella Bandini, L’esthétique, le Politique De Cobra à l’Internationale situationniste. 1948-1957 Éditions Sulliver/Via Valeriano, Arles, Nov 98

1 Seuphor, Fonds Mercator SA , Anvers, Paris   p 346

2 Archives ANCV  S 59 / Galerie Denise René

3 Archives ANCV  S 59 / Galerie Denise René

Seuphor, libre comme l'art

Seuphor, libre comme l’art : les rencontres de Batignolles

Le blog des Chroniques du Chapeau noir poursuit la publication de « Seuphor, libre comme l’art », écrit par Claude Guibert sur la vie de l’écrivain, historien et artiste Michel Seuphor (1901-1999), de son vrai nom Fernand Berckelaers. Ce livre a été écrit en 2008 et sera publié intégralement à raison de quelques pages par publication, une fois par semaine.

Publication N° 69

Les rencontres de Batignolles

Dans son quartier de la place Clichy, Seuphor, peut-être inspiré par l’Histoire, a trouvé la méthode pour animer les rencontres avec les artistes. Clin d’œil historique au groupe des Batignolles qui, de 1869 à 1875, réunissait autour d’ Édouard Manet, les acteurs de l’impressionnisme naissant, Seuphor organise, en 1953, près de son appartement de la rue La Condamine, chaque semaine au café Saint Victor, boulevard des Batignolles, des réunions libres, ouvertes. Chaque lundi soir à vingt heures il assure cette permanence. Au gré des semaines, les artistes se retrouvent, se comptant parfois sur les doigts de la main, puis à l’occasion, regroupant une trentaine de participants. Parmi eux Bazaine, Hartung, Manessier ou Singier côtoient d’autres peintres moins illustres. Loin des réunions de Cercle et Carré à l’ordre du jour précis, les réunions de Batignolles s’ouvrent à tous les débats, artistiques, politiques. Les animateurs du salon des Réalités nouvelles ne voient pas d’un très bon œil la présence de certains de leurs membres dans ce cénacle. La défiance envers Seuphor n’est pas dissipée. Lors de ces rendez-vous des Batignolles, Seuphor lie connaissance avec une artiste à peine plus jeune que lui : Aurélie Nemours Après quelques années d’études chez André Lhote et Fernand Léger, Aurélie Nemours a emprunté, dans la solitude de son atelier, la voie de l‘abstraction. Depuis trois ans, elle s’est engagée dans une recherche déjà rigoureuse caractérisée par de grands pastels austères, noirs, blanc, gris. Un système aux lois strictes et au vocabulaire restreint se met en place. Le carré, le rectangle, la ligne construisent les éléments premiers de son vocabulaire plastique. La rencontre se révèle décisive : Seuphor lui fait découvrir Mondrian. Cette fois nous y sommes! Aurélie Nemours investit ce chemin déjà inscrit dans son propre destin. Elle abandonne la diagonale qu’elle juge « trop corporelle » pour ne conserver que l’horizontale et la verticale. Lorsque cette année 1953 Colette Allendy lui offre sa première exposition personnelle à Paris, Seuphor est sollicité pour écrire la préface de son catalogue.
Pour Seuphor et Nemours, c’est le début d’une amitié fondée sur des valeurs communes. Tous deux consacrent leur vie à une défense militante pour un art abstrait géométrique, concret, sans dévier, tout au long de leur existence, de ce chemin rigoureux, faisant face à l’adversité permanente, parfois à l’indifférence ou à l’ignorance. Tous deux font passer en premier cette exigence avant toute autre préoccupation du quotidien. Pour Nemours, la quête spirituelle d’un absolu anime l’œuvre. Seuphor se retrouve dans cet idéal. Pour Aurélie Nemours,

– « Le noir absorbe tout le spectre et le blanc l’irradie. Le noir et le blanc les seules couleurs totales absolues. »

Poussant sa réflexion au-delà de la simple géométrie, elle se concentre sur l’intersection de la verticale et de l’horizontale : la croix, évidemment. Les formes se chargent d’une valeur spirituelle et morale. Seuphor perçoit, chez cette artiste rare, toutes les valeurs dans lesquelles il se reconnaît. Peut-être resurgit, dans leurs échanges, ses réflexions lors de sa conversion vingt ans plus tôt: les artistes abstraits n’ont voulu voir de la croix que l’horizontale et la verticale. N’y voient-ils pas que l’essentiel de la croix, c’est le corps sanglant du Christ ? Entre exigence et spiritualité, rigueur et détermination, ferveur et exaltation, tous deux accèdent dans la défense de leur art à ce chemin de la liberté. Aurélie Nemours, après cette rencontre inéluctable avec Seuphor, s’engage en cette année 1953 pour un demi siècle de création.

Aurélie Nemours 1983

Le 83 avenue Émile Zola

L’année 1954 apporte un changement significatif dans la vie du couple Seuphor. Arp, l’ami de toujours, l’incite à quitter ses chambres sous les toits. Sa seconde femme, Marguerite Hagenbach, leur fait un prêt qui permet d’acheter un appartement au 83 avenue Émile Zola où ils vont, enfin, en juin 1954, s’installer cessant de subir les aléas des logements précaires et exigus.
Si l’avenue est animée, l’appartement au sixième étage est protégé du bruit. Il faut sortir sur le balcon pour retrouver la vie trépidante de la rue. Seuphor aime beaucoup cette avancée. Lorsque le soleil frappe aux fenêtres, la sortie sur le balcon est un plaisir partagé par tous ses visiteurs. Surtout, il dispose enfin de place pour écrire, pour dessiner. L’espace disponible influe sur le travail lui-même. Seuphor écrit dans une pièce. Puis il en change pour dessiner. Les dessins y deviennent plus grands. Dans ce nouveau domicile, la vie s’organise plus confortablement. Suzanne assure toute l’intendance. Seuphor avoue sa maladresse pour utiliser les outils du quotidien. Mais l’épouse assure d’autres tâches essentielles. Comme dans les premiers temps de leur rencontre, elle vérifie les manuscrits et les tape à la machine. Avec le temps et la complicité dans l’œuvre, Suzanne détecte rapidement les erreurs, se montre parfois critique, sans indulgence. Elle se place également en première ligne pour la communication avec le monde extérieur. Gestionnaire infatigable de l’œuvre de son mari, elle s’occupe de tout. Conscient d’un tel privilège, Seuphor se consacre, enfin, définitivement à son œuvre écrite et dessinée. Terminées les contraintes d’Anduze où il fallait bricoler, réparer, défricher…
Le 83 avenue Émile Zola devient un point d’appui décisif pour permettre à l’œuvre de progresser et à l’artiste de ne plus diluer son temps et son énergie dans les tracasseries des déménagements, l’entrave des locaux insalubres ou des chambres d’hôtels minuscules comme il en a trop connus.

Dans ces nouvelles conditions de vie, le Seuphor dessinateur occupe une place grandissante à côté de l’écrivain. C’est encore une fois Arp qui montre son intérêt pour le travail de son ami. Il aime ses dessins et estime qu’il est temps de rendre public cette facette du personnage. Seul Sartoris, vingt ans plus tôt, s’est occupé, pour la première fois, des dessins unilinéaires en les faisant exposer en Suisse.
Arp prend quelques dessins à lacunes, les présente à la galerie Berggruen qui donne le sentiment d’hésiter. Arp insiste, se montre convaincant, sa notoriété a du poids et, pour la première fois, Seuphor voit une exposition organisée autour de ses œuvres à Paris. Curieuse inversion pour celui qui écrit habituellement les préfaces pour les autres artistes, il a le privilège d’être présenté, cette fois, par Arp lui-même.

« ….Je peux m’imaginer le plaisir de Seuphor à voir, pendant qu’il dessine, comme le temps passe en beauté ; je le vois, riant, posant contre son oreille un nuage carré, à défaut d’une montre arrêtée, après quoi il continue de dessiner une page après l’autre sans jamais trébucher sur une onde théâtrale. (…) L’essentiel est que vous preniez plaisir à ces dessins et que vous reconnaissiez que nous sommes pour la liberté de l’art et contre les radoteurs présomptueux, contre les fouetteurs d’écume qui seraient bien fiers de nous déranger dans notre travail, nous les arrière-petits-fils des bâtisseurs de Stonehenge et des Alignements. Michel Seuphor est un des rares hommes qui ont vécu avec nous l’art contemporain dans ses débuts. »Jean Arp1

1 Seuphor, Fonds Mercator SA , Anvers, Paris    p 227 228

Seuphor, libre comme l'art

Seuphor, libre comme l’art : Seuphor à New York

Le blog des Chroniques du Chapeau noir poursuit la publication de « Seuphor, libre comme l’art », écrit par Claude Guibert sur la vie de l’écrivain, historien et artiste Michel Seuphor (1901-1999), de son vrai nom Fernand Berckelaers. Ce livre a été écrit en 2008 et sera publié intégralement à raison de quelques pages par publication, une fois par semaine.

Publication N° 67

A l’occasion d’un vernissage chez Sidney Janis, son attention est attirée par la galerie Betty Parsons toute proche. Dans ce lieu où furent exposés Mark Rothko, Clyfford Still, Ellsworth Kelly, et bien d’autres, ce soir là on présente des œuvres de Jackson Pollock. Bien qu’il s’agisse là aussi d’un vernissage, la salle est déserte. Observant les murs couverts par les immenses tableaux de Pollock, Seuphor s’interroge. Il ne connaît pas ce peintre, bien que Glarner lui en ait parlé. Est-ce du papier peint ? est-ce décoratif ? Lors de plusieurs rencontres à suivre avec l’artiste, il découvre un homme rebelle et triste.
C’est à la galerie de Janis que Seuphor doit la miraculeuse commande pour le livre du Mondrian. Lors d’un accrochage des œuvres du peintre chez Janis, un riche propriétaire de vingt cinq puits de pétrole, John Senior Junior, tombe en arrêt devant cette peinture dont il ignore le nom de l’auteur. Coup de foudre. Le magnat du pétrole achète cash une grande quantité de toiles, décide de produire un ouvrage sur Mondrian et requiert le galeriste pour s’en occuper. Janis réunit ainsi son comité et pressent Seuphor pour s’atteler à la tâche.
A New York, Seuphor reçu en tant qu’ami de Mondrian, est le centre d’intérêt, voire la curiosité des réceptions. Fritz Glarner endosse son rôle d’accompagnateur. Son carnet d’adresses ouvre toutes les portes. Pendant ces deux mois de rêve, Seuphor est invité partout, avec égards. Il croise Clyfford Still, précurseur et rebelle au monde de l’art. Il s’entretient en néerlandais avec William de Kooning, quelque peu nostalgique de l’Europe et de sa jeunesse à Rotterdam.

Au total, il rencontre la plupart de ceux qui, quelques mois plus tôt, le 20 mai 1950, ont associé leur protestation à l’encontre des institutions. Dix huit peintres en colère, que l’on appela les « Irascibles » signent une lettre ouverte adressée au président du Metropolitan museum of art pour réfuter les décisions assumées par le musée pour son exposition « American Painting Today – 1950 ». Ils estiment que ces choix sont marqués par l’hostilité à l’art d’avant-garde. La lettre, publiée par le Herald Tribune sous le titre  « The Irascibles Eighteen » , porte les signatures de Willem De Kooning, Adolph Gottlieb, Ad Reinhardt, Hedda Sterne, Richard Pousette-Dart, William Baziotes, Jimmy Ernst, Jackson Pollock, James Brooks, Clyfford Still, Robert Motherwell, Bradley Walker Tomlin, Theodoros Stamos, Barnett Newman, Mark Rothko, Weldon Kees, Fritz Bultman et Hans Hofmann.

Un soir de vernissage, Hans Richter interpelle Seuphor : 

– « Êtes-vous cet homme célèbre de Paris ? l’invité d’honneur, l’homme du jour ? »

Richter, dont le film « Rêves à vendre » achevé en 1947, est  devenu un des classiques du cinéma surréaliste, entraîne lui aussi Seuphor dans ses rencontres new-yorkaises. Pas moins de trois dîners sont organisés par ses soins autour de « l’ami de Mondrian » pour la gloire également de Richter lui-même. Le tourbillon dans lequel Seuphor se voit entraîné à New York ne lui fait pas perdre de vue le motif de sa venue dans cette ville : cheminer sur les traces de Mondrian dont il retrace le cheminement.
Après avoir quitté Paris pour Londres en 1939 devant les risques de guerre, Mondrian voit le danger se préciser à Londres même. Pendant la campagne de bombardement de l’Angleterre par l’aviation allemande, plusieurs maisons sont atteintes de l’autre côté de Parkhill Road, brisant les fenêtres et le forçant à quitter les lieux. Il se réfugie au Ormonde Hôtel. Un artiste américain, Holtzman, lui envoie de l’argent pour traverser en bateau l’Atlantique. Mondrian emporte ses toiles et arrive fatigué aux États-Unis le 3 octobre 1940. Après un repos de quelques semaines dans le Connecticut, il s’établit au troisième étage de 353 est 56th St., au coin de First Avenue àNew York.
Au terme de cet exode précipité, Mondrian s’implante dans un pays neuf qui lui convient parfaitement. Il découvre avec enthousiasme ce qui se fait à New York, et établit de bonnes relations avec Max Ernst, Chagall, Matta, Léger, Zadkine, Breton. Il s’installe dans un petit local à l’image de son ancien atelier de la rue du Départ à Paris, aux murs blancs, à la cheminée blanche, tonifiés par quelques carrés de couleur.  En 1942, sa première exposition personnelle a eu lieu à la  Dudensing Gallery de New York. A l’automne de 1943, Mondrian emménage dans son deuxième et dernier studio au 15 East Street 59e qu’il harmonise, une fois de plus, à la manière d’un tableau. Il peint les hauts murs du même blanc cassé, ainsi que son chevalet et les sièges. Le dessus d’un tabouret de métal blanc est peint en primaire rouge. Mondrian aime ce décor qu’il considère comme le meilleur environnement qu’il ait jamais eu .
Dans cette cité hors normes, il découvre le jazz, apprécie la souveraineté du rythme. Il y décèle l’expression de la grande mégalopole trépidante, avec sa vitesse, sa géométrie, ses rues qui se coupent à angle droit. La danse l’a toujours fasciné. Le peintre reprend le rapport vertical/horizontal des danseurs sur la piste. Le boggie-woogie, à l’image de New York, s’harmonise avec sa peinture. « Broadway Bogie Woogie » qu’il peint en 1942, témoigne de cette imprégnation. Plongé dans cette multitude, Mondrian reste un solitaire. S’il accepte, sur l’insistance de la femme de Fritz Glarner, d’installer le téléphone, il le fait supprimer peu de temps après car il reçoit trop peu de communications. Toujours isolé, il assume seul l’intendance et ne vit que pour sa peinture. Glarner le découvre malade un soir. Assez vite son état inquiète et il faut l’hospitaliser. Les médecins diagnostiquent une pneumonie foudroyante. A une époque où il n’y a pas d’antibiotiques, Mondrian survit encore quelques jours sous la tente à oxygène. Les amis artistes Calder, Holtzman, Chagall, inquiets, viennent aux nouvelles dans le hall du Murray Hill Hospital. Le 1er février 1944, Mondrian décède. A sa mort, il laisse inachevé le Victory Bogie Woogie. Auprès de Fritz Glarner, Seuphor recueille le témoignage de celui qui accompagna  la vie de Mondrian à New York. Il déchiffre la feuille de papier que le peintre a écrit difficilement sur son lit d’hôpital. Sur ce document à peine lisible, il déchiffre  à propos du Victory Bogie Woogie inachevé

Broadway boogie woogie de Piet Mondrian, 127cm x 127cm, Musée d’art moderne de New-York

– « Glarner, arrange the work ».

Le séjour à New York s’achève après encore quelques rencontres édifiantes sur la vitalité de l’art américain: Rothko, Barnet Neumann. Il déjeune avec Marcel Duchamp et revoit, dans une pâtisserie, Num Gabo, connu trente plus tôt à Berlin. Après cette odyssée américaine, Seuphor rentre à Paris étourdi par tant de nouveautés et riche de son enquête sur Mondrian.

Écrire sur l’art prend donc une place de choix depuis le retour d’Anduze. Seuphor ne se veut pas historien. Il exprime une certaine réserve sur le travail de l’historien. Pour lui, l’histoire est une certaine histoire inventée. Il  ne veut être que le témoin de ce qu’il a connu, de ceux qu’il a rencontrés. Mais depuis longtemps déjà, la plume lui sert aussi pour dessiner. Sa première exposition suisse « De la plume qui sert à bien des choses. » révélait déjà cette vocation.
Depuis ce séjour en 1932 à Vevey chez le docteur Miéville, l’œuvre sur papier s’est installée dans sa vie, avec l’apparition des dessins unilinéaires. Si la ligne dessinée dansait, virevoltait dans les premiers jeux dessinés de Vevey, peu à peu ce trait s’est calmé. Les constructions s’organisent avec des lignes parallèles horizontales. Aujourd’hui, en 1951, ses dessins se développent autour de cette horizontalité du trait tiré à main levée, échappant à la rigueur géométrique, à la rigidité de la règle . Défenseur de l’art construit, promoteur du néoplasticisme, Seuphor, toujours en homme de liberté, s’affranchit de ces lois pour se promener librement sur sa page blanche, sans contrainte.

Revenu des États-Unis, il a englouti l’acompte de son livre sur Mondrian pour ses voyages et les temps restent encore difficiles. Le dessin, dans le calme de son bureau atelier, affirme l’expression la plus économique de sa liberté.

Les dessins à lacunes

Un léger coup de pouce du destin arrive une nouvelle fois à point nommé. Pour aider Ruth Tillard, la nièce de Arp, qui souhaite offrir à son mari une édition à compte d’auteur de ses poèmes, Seuphor accepte de prendre en charge la réalisation matérielle du petit ouvrage. Il s’occupe de la mise en page, des corrections, du papier, de l’impression. Par erreur, le fournisseur lui livre du papier au format double de celui prévu. Ruth  Tillard offre le solde à Seuphor qui hérite d’un stock de beau papier blanc de qualité qu’il n’aurait pas pu s’acheter. Comme son fils Régis utilise pour l’école une plume « trait raide», il adopte, une fois pour toutes, cette plume et s’embarque sur cette mer libre pour un voyage sans fin. Est-ce le temps de s’habituer à cet outil rigide ? S’agit-il d’une intuition ? Seuphor interrompt parfois le trait en laissant quelques blancs. A cet instant, une évidence se révèle : l’essentiel n’est pas le trait, mais le vide. La lacune crée la nouveauté : le blanc est plus important que la ligne.
A cinquante ans, Seuphor vient de déterminer sa véritable identité d’artiste dessinateur.

Après New York, Seuphor se rend aux Pays-Bas et à Londres pour parachever son étude sur Mondrian.

« Quatre voyage en Hollande , avec le seul propos ‘connaissant la langue du pays) des questionner les contemporains de Mondrian encore vivants, n’ont pas résolu toutes les questions qui se présentaient à moi et certains points me sont restés obscurs. La mémoire des vieilles personnes n’est pas toujours exacte et parfois les témoignages sont contradictoires. Quelques-uns sont passionnés. D’autres sont tatillons, avares. Ainsi l’imprécision règne partout et il est bon de n’accorder créance qu’aux documents irrécusables. ».1

Au milieu de l’année 1951, il dispose de l’ensemble des éléments nécessaires pour écrire le livre. Tous les documents obtenus à New York et en Europe se mettent en place d’eux-mêmes dans son esprit, déjà pleinement habité par le sujet. L’écriture de l’ouvrage sera donc rapide et à l’automne, il peut avec satisfaction envoyer le tout rapidement à Alfred Barr pressé d’éditer le « Mondrian » dans le cadre du musée d’art moderne de New York. Or rien ne se passe. Seuphor attend perplexe voire inquiet. Il écrit pour savoir si le paquet est bien arrivé. Ce n’est qu’au printemps suivant qu’il reçoit une lettre d’Alfred Barr postée du midi de la France. Barr accuse réception, fait l’éloge du livre, mais le trouve trop « métaphysique ». Plus tard, Seuphor apprend qu’on envisageait un projet d’ouvrage en trois volumes sur Mondrian, avec celui de Seuphor, un second de James Johnson Sweeney conservateur, et un troisième avec tous les documents de Seuphor commentés par Barr. James Johnson Sweeney, conservateur du Musée d’art Moderne va devenir directeur de la Solomon R. Guggenheim Museum. Il a connu Mondrian dans les deux dernières années de sa vie et s’estime légitime pour écrire l’ouvrage. Sweeney fait pression pour imposer son ouvrage qui n’est pas encore écrit. Seuphor, dont le besoin d’argent reste aigu, en cette année 1952 , n’a qu’une réponse radicale :

– « Retournez-moi immédiatement mon manuscrit et mes documents. Faites ce que vous voudrez avec Sweeney, mais sans moi. Refus absolu ! ».

Les mois vont passer en atermoiements, palabres. Le livre de James Johnson Sweeney n’est toujours pas écrit. Alfred Barr vient à Paris avec un collaborateur pour rencontrer Seuphor. Ils tentent de l’amadouer, lui font cadeau d’une édition de luxe des « Fables de La Fontaine » illustrées et dédicacée par Calder. Rien n’y fait. Seuphor est intraitable :

-« Je ne peux pas revenir en arrière ».

Seuphor se trouve dans l’inconfortable situation d’avoir investi tout son temps, son travail et tout l’argent de l’acompte versé pour accoucher de son livre et de laisser son œuvre inachevée.

1« Piet Mondrian, sa vie, son œuvre » M. Seuphor préface Flammarion, Paris 1956

2Extrait du document original dactylographié 1951

Seuphor, libre comme l'art

Seuphor, libre comme l’art : l’année 1929

Le blog des Chroniques du Chapeau noir poursuit la publication de « Seuphor, libre comme l’art », écrit par Claude Guibert sur la vie de l’écrivain, historien et artiste Michel Seuphor (1901-1999), de son vrai nom Fernand Berckelaers. Ce livre a été écrit en 2008 et sera publié intégralement à raison de quelques pages par publication, une fois par semaine.

Publication N° 41

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Wall Street 1929

Cet été 1929, aux États-Unis, le LZ 127 Graf Zeppelin réussit, en vingt et un jours, le premier tour du monde d’un ballon dirigeable. Son équipage reçoit un accueil triomphal dans les rues de New-York, signant les derniers instants d’insouciance de la société américaine. Bientôt, de sourds craquements affolent les familiers d’une rue au sud de l’île de Manhattan. Wall Street, puisqu’il faut l’appeler par son nom, devient l’épicentre d’un cataclysme. Le New York Stock Exchange, la plus puissante bourse mondiale, va connaître l’enfer pendant cinq jours.

Le jeudi 24 octobre 1929 marque la première vraie panique. Le matin, les cours s’effondrent. À midi, l’indice Dow Jones a perdu plus de vingt pour cent. Des gardes du bâtiment et la police empêchent des actionnaires d’entrer. Une émeute éclate à l’extérieur. Les rumeurs les plus folles circulent : onze spéculateurs se seraient suicidés, les bourses de Chicago et Buffalo auraient déjà fermé, celle de New York serait sur le point de suivre.

Le 28 on échange près de dix millions de titres. Les banques n’interviennent. L’indice Dow Jones perd treize pour cent. Eastman Kodak, General Electric, Westinghouse s’effondrent. Le 29 octobre mardi noir, le volume échangé atteint plus de seize millions de titres. Comme les téléimprimeurs réagissent jusqu’à deux heures et demie de retard sur les cours, les vendeurs paniqués ne savent pas encore à quel prix ils ont cédé leurs titres. Le Dow Jones perd encore douze pour cent et les gains d’une année partent en fumée. J. P. Morgan. Jr perd plus de vingt millions de dollars, la famille Vanderbilt quarante millions, la famille Rockefeller perd quatre vingts pour cent de ses actifs. La vague gigantesque qui s’abat sur cette île de Manhattan va, au fil des jours, des mois, des années, déferler sur le monde, entraîner les faillites, la récession, le chômage et en corollaire, la montée des nationalismes et des mouvements extrémistes.

Dali

Un jeune éditeur et écrivain belge, Camille Goemans, installé à Paris depuis 1925, participe aux réunions des surréalistes. En 1929, il ouvre rue de Seine la galerie Goemans, prend sous contrat Jean Arp, René Magritte et Yves Tanguy. Cette même année, il présente les œuvres d’un jeune artiste de vingt cinq ans, Salvador Dali. Cet été 1929, Dali a reçu la visite de Goemans, des Magritte et des Éluard dans sa maison de Cadaqués. Tombé amoureux fou de Gala, la compagne d’Éluard, qui restera définitivement à ses côtés devenant sa femme et sa muse pour le restant de ses jours, Dali s’impose bruyamment dans le monde artistique parisien. Il vient d’écrire avec Luis Buñuel le scénario du Chien andalou qui, à sa sortie en juin, déclenche un scandale. Dès les toutes premières minutes du film, une femme se fait trancher l’œil avec une lame de rasoir par Buñuel lui-même. Cet avertissement brutal indique que ce film ne ressemble pas aux autres.
Du 20 novembre au 15 décembre, l’exposition de Dali, première manifestation française du peintre, s’avère un un succès . Onze peintures, dont Sport Morne, Accommodations du Désir, Plaisirs illuminés, Visage du Grand Masturbateur, Homme au complexe malsain écoutant le son de la mer et Portrait d’Eluard composent l’exposition dont André Breton préface le catalogue:

– « C’est peut-être avec Dalí, la première fois que s’ouvrent toutes grandes les fenêtres mentales et qu’on va se sentir glisser vers la trappe du ciel fauve […]. L’art de Dalí, est jusqu’à ce jour le plus hallucinatoire qu’on connaisse, constitue une véritable menace. » 1

Certaines de ces œuvres sont reproduites dans le numéro du 15 décembre 1929 de la revue La Révolution surréaliste. Pour Dali, c’est aussi l’année de sa rupture familiale. La voie singulière, fantasque du jeune peintre espagnol semble tracée pour plusieurs décennies.

Mondrian – Van Doesburg

Le groupe Cercle et Carré comprend maintenant environ quatre vingts membres. Le projet prend corps : conjointement seront créées une revue et une exposition. Une ombre au tableau cependant : Van Doesburg manifeste son hostilité. Le fondateur de De Stijl, fort de son histoire personnelle, ne peut se contenter d’une place de second plan. Dès janvier 1930 Seuphor lui écrit pour lui proposer de se joindre au mouvement. Il ignore que déjà des tensions se font jour entre Van Doesburg et Mondrian. Ce dernier reproche à Van Doesburg d’avoir introduit des lignes obliques dans le néoplasticisme! L’élémentarisme, terme choisi par Van Doesburg pour désigner son introduction de l’oblique en 1924, provoque une réaction de rejet chez Mondrian qui y voit un procédé niant l’effort accompli pour parvenir à une intégration totale de tous les éléments du tableau. Les deux hommes prennent leur dis- tances. Alors que Seuphor souhaite voir le groupe bénéficier à la fois du dynamisme d’un Van Doesburg pour la promotion de leur activité et de la rigueur et de la pondération d’un Mondrian, la cohabitation s’avère impossible.

– « Je te suis, je reste avec toi! » confirme Mondrian qui ne veut pas de son ancien compagnon de De Stijl.

Van Doesburg se manifeste auprès de Seuphor par une lettre injurieuse à son égard. Aussitôt, Mondrian réplique par un mot à Van Doesburg lui demandant de ne plus chercher à le voir. La rupture entre les deux hommes n’est pas sans poser des problèmes d’étiquette. Tous deux fréquentent les mêmes amis, les mêmes lieux. Lorsqu’ils occupent le Dôme, un partage du territoire s’opère. Van Doesburg se place près de la porte d’entrée ou sur la terrasse, Mondrian s’installe toujours au fond de la salle. Pour les proches, le protocole consiste à saluer en premier Van Doesburg avant d’accéder au groupe Mondrian-Seuphor, sans échapper parfois à une remarque cinglante de Doesburg à l’encontre de Mondrian

– « Ah! Tu vas encore voir cet idiot! » 1

1 Cercle et Carré, Peinture et Avant-garde au seuil des années 30 »     Marie-Aline Prat    L’âge d’Homme, Peinture,1990 Entretien avec Alberto Sartoris en 1978.




1Préface du catalogue  de la galerie Camille Goemans du 20/11 au 15/12/1929

Seuphor, libre comme l'art

Seuphor, libre comme l’art : le tableau a quatre mains

Le blog des Chroniques du Chapeau noir poursuit la publication de « Seuphor, libre comme l’art », écrit par Claude Guibert sur la vie de l’écrivain, historien et artiste Michel Seuphor (1901-1999), de son vrai nom Fernand Berckelaers. Ce livre a été écrit en 2008 et sera publié intégralement à raison de quelques pages par publication, une fois par semaine.

Publication N° 36

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Le jeune Seuphor ne sait que répondre. Tout lui semble parfait, abouti. Comment pourrait-il oser conseiller le peintre? Il con- naît le chemin parcouru par Mondrian: comment la mer et l’horizon l’ont fasciné pour arriver à cette abstraction où deux seuls éléments simples s’opposent. Il sait aussi que rien ne se vend, que le peintre vit encore essentiellement d’une fleur qu’il peint de temps en temps. En cachette des autres, le fondateur de De Stijl peint un chrysanthème unique qu’il envoie à deux dames, amies hollandaises, fleur qu’on lui paie vingt cinq florins minimum, quarante florins maximum. L’homme vit seul, s’occupe de sa cuisine et de son ménage, sans domestique.

– « Ne crois-tu pas que la ligne verticale devrait être un tout petit peu plus large ? Je crois, mais je ne suis pas sûr . Qu’est-ce que tu en penses? »

Seuphor n’en pense rien. Il admire sans fin. Mondrian a posé le petit tableau sur le chevalet uniquement pour le voir, alors qu’il peint à plat sur la table.

– « C’est difficile, mon cher, c’est très difficile! »

Un jour de mai 1928, Seuphor croise, avant de se rendre chez Mondrian, un peintre de Montparnasse, Auguste-Joseph Clergé, Enthousiaste, l’homme prépare une exposition sur les tableaux-poèmes dans un café de la porte d’Orléans.
Seuphor ,aussitôt, informe Mondrian.

Mndrian par Seuphor
  • «  J’y participerai volontiers, lui répond son ami. As-tu un texte ? »

Fébrilement, Seuphor, quelque peu pris de court, y réfléchit dans la nuit et lui fait parvenir dès le lendemain sa proposition par la poste:

« Îlot physique Seuphor sous l’aile de Mondrian sous les drapeaux sérieux du néoplasticisme battant le pavillon très pur

échappée belle de l’art

enfin mesure d’hygiène

ralliez-vous tous au pavillon du grande secours

du grand sérieux quand nous serons mieux éclairés

et disparaisse la flore sous le regard néo

et cessent les éboulements

l’îlot physique sort des cavernes

il ose construire dans le clair

il lève la tête

où il n’y a que le grand bleu

et le grand gris et le grand blanc

et le grand noir et le soleil tout feu

suivi des synonymes bonheur sagesse connaissance

et de la joie…

qu’il ne faut pas confondre encore

mai il fallait y penser si j’ose dire

être déjà et non choisir et choisir bien quand même

mais il fallait prendre contact

marcher longtemps et sous le juste signe »

Michel Seuphor 16 mai 1928 1

Trois jours plus tard, Seuphor, lors d’une de ses visites à l’atelier, reçoit le choc: Mondrian a intégré son texte dans un de ses tableaux, le « Tableau-poème » animé par trois carrés rouge, bleu, jaune et en vertical :

T

E

X

T

U

E

L

 – « Tu aimes ça ? » demande Mondrian dans un sourire 

Seuphor bredouille qu’il s’agit là d’une des plus belles choses qu’il ait jamais faites.

– « Une pure merveille! »

1Seuphor, Fonds Mercator SA , Anvers, Paris  P 78

Seuphor, libre comme l'art

Seuphor, libre comme l’art : le nouveau Bauhaus

Le blog des Chroniques du Chapeau noir poursuit la publication de « Seuphor, libre comme l’art », écrit par Claude Guibert sur la vie de l’écrivain, historien et artiste Michel Seuphor (1901-1999), de son vrai nom Fernand Berckelaers. Ce livre a été écrit en 2008 et sera publié intégralement à raison de quelques pages par publication, une fois par semaine.

Publication N° 35

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Le Bauhaus

A Berlin, le bouleversement radical de la situation s’impose à tous. Pevsner, sous la pression politique, a quitté son atelier pour émigrer à Paris. Moholy-Nagy, appelé au Bauhaus par Gropius, assure la responsabilité de l’atelier de métal. Les conservateurs revenus au pouvoir, réclamant la fermeture de l’école, décident de diviser par trois la subvention. Face à cette situation, les maîtres du Bauhaus déclarent la dissolution du Bauhaus de Weimar et choisissent Dessau, ville prête à les accueillir.
Dans ce centre industriel en pleine expansion, Gropius obtient carte blanche pour construire pour l’école de nouveaux bâtiments qui lui donnent l’occasion d’appliquer ses théories sur l’architecture: « le fonctionnalisme » : rejet de tout principe de symétrie, rejet des courbes au profit de la ligne droite, refus de tout placage décoratif, et enfin la transparence, celle de la grande façade de verre, l’ensemble constituant un des plus célèbres bâtiment de l’architecture du XX e me siècle. Dans ce cadre novateur et pour la première fois de son histoire, le Bauhaus ouvre un département d’architecture sous la direction de Hannes Meyer qui succède à Gropius sur proposition de ce dernier.
En 1922, lors de son voyage à Berlin avec Peeters, Seuphor n’a pu visiter le Bauhaus. Cette fois, il ne veut pas manquer le rendez-vous. C’est pourtant ce qui arrive dans un premier temps. Toujours en relation épistolaire, Moholy-Nagy lui a proposé une visite un dimanche pour disposer plus librement des lieux. Par un fâcheux contretemps, Seuphor manque son train, n’arrive pas à l’heure alors qu’un groupe d’élèves et de professeurs l’attend à la gare de Dessau. Ne voyant pas leur invité, ils partent en excursion, comme ils le font chaque dimanche. Finalement, Seuphor arrive seul au Bauhaus où plus personne n’est là pour l’accueillir, pas même le concierge qui se montre récalcitrant pour lui ouvrir les portes du bâtiment. Heureux hasard, son amie hongroise, madame Thal, se trouve dans la place où elle assure une fonction d’assistante. Avec ce guide, il découvre, pendant deux heures, des locaux vides, écoute les explications sur le fonctionnement des ateliers, auditoriums, salle de théâtre, annexes. Au terme de cette visite insolite, Seuphor reprend son train pour Magdebourg.

Tableau-poème Mondrian-Seuphor

Au centre de toutes les relations les amitiés créées par Seuphor avec les artistes, le lien tissé avec Mondrian se révèle plus fervent, plus étroit. Presque trente ans séparent Mondrian  et Seuphor. Un tel écart pouvait suffire à creuser un fossé infranchissable entre eux. Déjà, Seuphor avait eu à réviser l’image qu’il s’était construit de l’homme. L’ayant imaginé plus jeune, plus conquérant, c’est un homme presque âgé qui lui fait face. Une forme de tristesse paisible se dégage  de ce visage allongé, au front haut et aux yeux noirs. Il n’en faut pas davantage pour que Seuphor trouve chez son interlocuteur l’allure d’un hidalgo, avec cette élégance d’une noblesse espagnole tourmentée. L’attitude de Mondrian entretient cette impression. Toujours discret, souvent silencieux, il accompagne son écoute de l’autre par  un vague hochement de tête, quelques rictus au sens incertain. Approuve-t-il ? Désapprouve-t-il ?  Nulle indifférence de sa part,  seulement une bienveillante attention, une véritable humilité. A l’opposé d’une volonté de gloire, de réussite, d’arrivisme, un idéalisme authentique anime son comportement. 
Le peintre a pris en affection ce jeune journaliste, même si son attitude toujours réservée ne laisse aucune place à l’effusion. Preuve de cette affinité, il lui attribue, dès leurs premières entrevues, le diminutif de « Nant » issu de son prénom Fernand. Seuphor, guère emballé par ce choix, doit s’en accommoder. Peu bavard, Mondrian se lie rarement avec les autres peintres, même ceux de la colonie hollandaise. Dès leur rencontre, l’attachement inconditionnel de Seuphor pour celui qui représente à ses yeux l’aboutissement de l’art, le sommet du néoplasticisme, établit une connivence entre les deux hommes. Attentif au regard de son jeune admirateur, Mondrian lui confie la traduction des « Principes généraux du néoplasticisme » écrits en 1920. Seuphor devient un visiteur presque au quotidien de l’atelier. Parfois, à peine franchi l’entrée, Mondrian l’arrête:

– « Reste dans l’encadrement de la porte et regarde ce tableau. Qu’en penses-tu ? Ne devrais-je pas épaissir ce trait ? »

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Copyright Claude Guibert 2008

Seuphor, libre comme l'art

Seuphor, libre comme l'art : le Dôme





Le blog des Chroniques du Chapeau noir poursuit la publication de « Seuphor, libre comme l’art », écrit par Claude Guibert sur la vie de l’écrivain, historien et artiste Michel Seuphor (1901-1999), de son vrai nom Fernand Berckelaers. Ce livre a été écrit en 2008 et sera publié intégralement à raison de quelques pages par publication, une fois par semaine.

Publication N° 31

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Le Dôme

Tout se passe donc à Paris, élue capitale de l’Europe intellectuelle. Montparnasse règne au centre de la capitale et le Dôme au cœur de Montparnasse. De l’hôtel Monaco, rue Champollion, à l’avenue Victor Hugo à Levallois, de l’appartement de Dermée rue des Morillons à l’avenue des Bleuets à Villeneuve le Roi, quel que soit son hébergement momentané, Seuphor établit ses quartiers au Dôme.
Désargenté, il peut y occuper une table toute une soirée pour le prix d’une modeste consommation. Il y retrouve ses amis artistes, y réunit son comité de rédaction, y noue de nouvelles relations. Quand Mondrian vend, rarement, une toile, il envoie une carte postale à Seuphor pour l’inviter à dîner. Autour d’un beefsteak pommes frites et un pichet de vin rouge, ils fêtent ensemble l‘événement et terminent leur soirée au Dôme devant« crème bien noir ». . Parfois, des inconnus invitent Seuphor à dîner. Un soir un couple hongrois se présente à sa table en lui assurant que leur fils, amateur de ses écrits, serait tellement heureux de le rencontrer. C’est toujours au Dôme que le peintre Gyula Zilzer lui parle d’un de ses compatriotes hongrois, mal en point, André Kertész. Malade, désœuvré, il vit isolé dans la minus- cule chambre d’un hôtel du marais. Photographe, il cherche du travail. Ne sachant pas parler le français, il tente d’expliquer à Seuphor, dans un allemand rudimentaire, son envie de tout capter.

Le Dôme à Paris années vingt

Déjà en 1925 Seuphor s’est essayé à la photographie. Le matériel reste rudimentaire : une petite « box » en bois. A Belle-île, déjà, ses clichés témoignent de la volonté de rigueur, de simplicité : une maison blanche  au toit pentu devient un authentique tableau abstrait. Plus tard, des amis lui offrent un appareil photo avec l’espoir de l’aider à travailler pour des revues, des magazines. Il fait le portrait de Mondrian, réalise des photos pour Léger et d’autres peintres et gagne quelque argent avec cet outil de travail inhabituel pour lui. De Montmartre au Luxembourg, de sa chambre d’hôtel aux squares et jardins, tout s’offre au regard. Seuphor s’intéresse aux choses insolites. Le réalisme du lieu disparaît au profit d’une composition quasi-abstraite : l’angle d’une rue à Menton en 1928, la place Kléber à Vanves en 1929, espace d’autant plus vide qu’une frêle silhouette noire s’inscrit sur cette page blanche. Parfois, il s’enhardit à composer des montages, des collages. Les toits de Paris, un carrefour boulevard Saint-Jacques constituent les matériaux de ses cadrages Cette recherche d’un art géométrique capté sur le réel  devient sa contribution à l’art photographique. Acceptant de servir de guide, Seuphor convainc Kertész que photographier tous les lieux parisiens ne présente pas un grand intérêt et lui suggère de rechercher un autre regard. Il demande à Kertész de photographier davantage les objets apparemment insignifiants plutôt que les monuments. Mieux vaut cadrer l’ombre d’une chaise que le Sacré Cœur. Kertész s’exécute et tire des leçons précieuses de cet enseignement sur le terrain. Il va devenir le témoin privilégié de l’avant-garde parisienne. Seuphor l’introduit chez Mondrian, lui offre l’occasion de garder trace de ses amis et collaborateurs. Son regard sur Paris change. Il s’intéresse aux détails, à l’ombre d’un monument, à une fourchette posée sur une assiette, à un escalier désert, à un instant vide et silencieux. Pour le photographe miséreux du Montparnasse des années Vingt , c’est le début d’une carrière à succès.
Il se voit proposer une exposition dans une des soirées du « Sacre du printemps ». A cette occasion, Paul Dermée lui rend hommage :

« Kertész,
Des yeux d’enfant dont chaque regard est le premier :
Qui voient le grand roi nu lorsqu’il est vêtu de mensonges ;
Qui s’effraient des fantômes drapés de bâches hantant les quais de la Seine ;
Qui s’extasient devant les tableaux tout neufs que créent, sans malice, trois
Chaises au soleil du Luxembourg, la porte de Mondrian s’ouvrant sur
L’escalier, des lunettes jetées sur une table à côté d’une pipe.
Pas d’arrangement, de rangement, de trucage, de contreplacage.
Votre technique est aussi loyale, aussi incorruptible que votre vision.
Dans notre hospice des Quinze-Vingts,
Kertész est un frère voyant. »(1)

Copyright Claude Guibert 2008

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1 La Savoie d’André Kertész par Jean Nicolas, Renée Nicolas, Pascal Lemaître

Seuphor, libre comme l'art

Seuphor, libre comme l'art : retour à Paris








Le blog des Chroniques du Chapeau noir poursuit la publication de « Seuphor, libre comme l’art », écrit par Claude Guibert sur la vie de l’écrivain, historien et artiste Michel Seuphor (1901-1999), de son vrai nom Fernand Berckelaers. Ce livre a été écrit en 2008 et sera publié intégralement à raison de quelques pages par publication, une fois par semaine (accès aux publications précédentes dans la catégorie éponyme du blog ).

Publication N°26
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Retour à Paris

En ce début de printemps, Paris est accueillant, le temps doux. Seuphor a le sentiment réconfortant de rentrer chez lui. D’un côté à l’autre du boulevard Montparnasse, du Dôme à la Rotonde, on l’interpelle :
– « Seuphor ! On te croyait parti pour de bon ! ».
Le temps de retrouver une chambre dans son petit hôtel, il se rend aussitôt à l’atelier de Mondrian. Encore habité par toutes les émotions de son périple italien, Seuphor est intarissable. Mondrian, quelque peu dubitatif, se montre perplexe devant une aussi longue absence. Le voyage intérieur reste, lui semble-t-il, le seul qui mérite autant d’énergie. Pour preuve de son élan créateur à Rome, Seuphor lui tend le texte tapé de « L’Ephémère est éternel ». Il lui relate, une fois encore, ça plongée dans l’univers des futuristes, l’achoppement de son projet de congrès auprès de Marinetti, ses rencontres avec Prampolini, Balla et Brabaglia et sa proposition sans suite de créer les décors de sa pièce. Toujours circonspect, économe dans ses gestes comme dans ses phrases, Mondrian écoute.

Décor créé par Mondrian pour « L’Ephémère est éternel »

Quelques jours plus tard, lors d’une de ses visites quasi quotidiennes au peintre, Seuphor aperçoit sur une petite commode rouge qui, jusque-là servait de support à un tourne-disque, une maquette pour sa pièce de théâtre, avec trois décors amovibles…

Un ami hongrois lui propose de partager avec un couple sa villa des Bleuets à Villeneuve le Roi. Six cents francs de loyer en trois parts, nourriture cinq francs par jour et par personne, la perspective lui convient. Pour autant, la vie a trois n’est pas toujours simple. Son frère Paul en est informé :
– « On engloutit d’énormes quantités de « rouge ordinaire » il y a trois jours on avait aussi une bouteille de « Kirsch Fantaisie » qui est du pur alcool à base de quelque poison il s’ensuit que plus une soupe hongroise au vinaigre plus les secousses du train électrique j’ai dégobillé entre Villeneuve et Paris sur mon beau pantalon clair et mon veston rayé on m’a pris par les quatre pattes et j’ai passé quelques heures dans une infirmerie il paraît que je n’ai pas été loin de claquer , mais grâce à cela une révolution complète s’est accomplie : à Villeneuve j’ai presque complètement perdu l’usage de la langue allemande et du vin rouge et je me suis remis en relations plus intimes avec ma machine-à-écrire-en-français. »(1)

Le fidèle Paul Dermée, fort de sa position de journaliste à la Tour Eiffel, trouve une opportunité pour parler sur les ondes du travail de Seuphor, notamment sur « Diaphragme intérieur ». Enthousiasmé, Seuphor avertit sa mère en urgence car il est question qu’il s’exprime également sur les ondes :
– « N’aurais-tu pas un poste pour m’écouter ? »(2)

Après ce moment de gloire où Dermée assure, au mois d’août 1926, la promotion des œuvres de son ami, il faut tenter de prolonger l’événement Seuphor suggère à Félix Del Marle de publier dans sa revue Vouloir.

Copyright Claude Guibert 2008

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1 « Spécial Seuphor » Archipel Cahiers international de littérature Anvers 2001

2 Seuphor, Fonds Mercator SA , Anvers, Paris   p 140