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Sur les murs j’écris ton nom : street art

« Capitales 60 ans d’art urbain »

Depuis son ouverture, l’exposition « Capitales 60 ans d’art urbain » à l’Hôtel de ville de Paris rencontre un succès considérable avec plus de 150.000 visiteurs au point que la manifestation bénéficie d’une prolongation jusqu’en juin prochain. Si le sujet de « Capitales » est bien le street art, il évite cependant l’écueil d’un reproche : celui de nommer street art ce qui est exposé entre quatre murs. Car présenter cette expression marginale au sein d’un musée ou d’un centre d’art est antinomique. L’équipe des commissaires d’exposition échappe donc à cette critique et offre un parcours qui, partant des précurseurs de l’art urbain dans Paris, nous conduit jusqu’aux confins de la réalité augmentée.

Une salle de « Capitales 60 ans d’art urbain » Hôtel de ville de Paris

Les artistes des années 60 et 70, dont le profil n’est pas celui des fantassins du street art, appartiennent à des courants de l’art contemporain : Jacques Villeglé, membre des Nouveaux Réalistes, Ernest-Pignon-Ernest légitimement reconnu par les institutions, ont pris possession de la rue chacun à sa manière. Pour Jacques Villeglé, les affiches de la rue ont fourni son matériau de départ pour introduire ce réalisme brut sur les murs des musées. Ernest-Pignon-Ernest a investi les rues avec ses sérigraphies qui l’ont fait reconnaître comme un des précurseurs de l’art urbain.
En France ce n’est qu’au début des années 80 qu’une nouvelle génération s’approprie les murs de la capitale. Jérôme Mesnager, plus jeune que les précurseurs Jacques Villeglé et Ernest-Pignon-Ernest, a établi des passerelles entre l’univers de l’art de son temps et la mouvance de l’art urbain. Créateur de l’« Homme en blanc », il est l’un des premiers peintres de rue parisiens tout en reprenant les codes de l’art contemporain.
Avec le graffiti s’affirme une expression rebelle, non autorisée, voire clandestine. De New York à Paris de Los Angeles à Londres, c’est une contre-culture qui s’approprie les murs de façon sauvage. Et c’est toute la difficulté d’inscrire dans une histoire de l’art consacrée par les institutions un phénomène social et culturel dont la nature même relève de la contestation, de la désobéissance, de la résistance à la culture dominante.
L’exposition de l’hôtel de ville de Paris présente le mérite de documenter ce mouvement urbain : outils des graffeurs, bombes à peinture etc.. ainsi que plusieurs programmes vidéo sur les témoignages de ces artistes de la rue.

RERO « The way out is in… »

Si ce phénomène urbain présentait, à son origine, une forme d’anonymat, des noms sont apparus, ont acquis une notoriété et se retrouvent légitimés par les institutions, Bansky, Keith Haring, Shepard Fairey notamment. A Paris RERO, à la frontière de l’art urbain et du conceptuel bénéficie, lui aussi, d’une visibilité renforcée par son accueil dans les centres d’art.
Pour autant la réalité sauvage du street art se réveille parfois. La disparition tragique il y a moins d’un an de deux artistes français à New York rappelle douloureusement combien le street art est identifié à une pratique hors des institutions, illégale parfois, underground souvent, risquée. Pierre Audebert et Julien Blanc, alias « Full 1 » et « Jibeone », sont morts le 20 avril 2022 à New York, happés par une rame de métro alors qu’ils s’apprêtaient à réaliser l’un de leurs rêves : graffer l’intérieur d’un des iconiques métros de la ville de New York, érigés au rang de symbole dans le monde du graffiti. Les corps ont été retrouvés près de la station Sutter Ave-Rutland Road un endroit connu pour être un haut lieu du graffiti new-yorkais. Les deux artistes Toulousains avaient 28 et 34 ans. C’est dire si ce « J’écris ton nom liberté » peut se payer au prix fort, celui de la vie.
Le street art , dans sa vocation originelle, n’est pas un long fleuve tranquille.


 Capitales 60 ans d’art urbain
Du samedi 15 octobre 2022 au samedi 3 juin 2023
Salle Saint-Jean de l’Hôtel de Ville de Paris
5 rue de Lobau, Paris 4e
Artistes présents dans l’exposition

Villeglé, Zlotykamien, Ernest Pignon-Ernest, Surface Active, Captain Fluo, Edmond Marie Rouffet, Blek le Rat, Miss.Tic, Vive La Peinture, Speedy Graphito, Jean Faucheur, Mesnager, Mosko, Jef Aérosol, Bando, Ash, Jay0ne, SKKI, Keith, Haring, Mambo, Nasty, Slice, Psyckoze, Lokiss, Shoe, Futura, A-One, Rammellzee, Jon0ne, André, Zevs, Dize, Invader, Shepard Fairey, JR, Vhils, Swoon, Banksy, C215, L’Atlas, YZ, Seth, Tarek Benaoum, El Seed, Ludo, Rero, Dran, O’Clock, Tanc, Lek, Sowat, Cristobal Diaz, Philippe Baudelocque, Levalet, Madame, Kashink, Vision, Pest, Greky, Sébastien Preschoux, Romain Froquet, Kraken, 9eme Concept, Les Francs Colleurs.

Expositions

Gupta : les dérives d’un art ménager

La semaine du blanc (dont Aristide Boucicaut, fondateur du magasin du Bon Marché à Paris, est l’inventeur), sert d’argument au Bon Marché à Paris pour proposer chaque année à un artiste d’investir les amples espaces marchands du magasin. Depuis 2016 cette exposition à grande échelle a accueilli des artistes de toutes origines, notamment Ai Weiwei, Chiharu Shiota, Leandro Erlich, Joana Vasconcelos et Oki Sato. En 2020 le facétieux Philippe Katherine s’en était donné à cœur joie en envahissant les lieux avec son armée pacifique de « Monsieur Rose » dans l’ensemble du bâtiment.
Cette année, Subodh Gupta (né en 1964 et vivant à New Delhi), artiste contemporain de renommée internationale, investit à son tour à la fois les salles du magasin et les vitrines nombreuses qui bordent la rue de Sèvres.
Dans la capitale les installations de l’artiste Indien s’étaient déjà fait remarquer lors de l’exposition « Paris Delhi Bombay » en 2011 au Centre Pompidou et « Adda / rendez-vous » à la Monnaie de Paris.

« Sangam»

Aujourd’hui au Bon Marché Gupta propose «Sangam». Sangam est une cascade de facettes de miroir et de sculptures formées d’objets domestiques. « Une installation qui interroge les spectateurs sur leur pèlerinage dans une société axée sur la consommation”, explique Subodh Gupta. Avec les milliers d’ustensiles de cuisine et de fragments de miroirs «Sangam» fait référence à la Kumbh Mela de Prayagraj (Allahabad), un immense pèlerinage à la confluence sacrée du Gange, de la Yamuna et de la mythique Saraswati.
Pour autant nous ne sommes plus dans l’accumulation Nouveau réaliste d’un Arman mais dans une construction cumulative destinée à générer avec cet assemblage une réalité seconde donnant à lire un autre discours.
Cette dérive d’un art ménager opère alors un métissage inattendu entre la multitude de ces objets quotidiens et l’approche quasiment sacrée de l’artiste.

« Confluences »

Le sous-titre de l’exposition « Confluences » évoque ce métissage. « Confluences car, ici, des gens du monde entier se retrouvent. On est à la confluence de différentes cultures » revendique l’artiste. Les ustensiles quotidiens pourraient banaliser cette ambition. Encore que ces ustensiles ménagers que l’on pourrait considérer comme des objets sans valeur marchande significative, représentent pour nombre de familles indiennes un vrai trésor. Leur apparence impeccable, rutilante, presque scintillante, contribue à donner à ces outils ordinaires du quotidien leur qualification de richesse inaccessible.
L’historien Lucien Febvre se livrait en 1955 dans l’avant-propos de La civilisation quotidienne, à une valorisation de ces objets ménagers si ordinaires que les historiens et les sociologues délaissaient ces témoignages d’une société. « Toutes les pièces d’une même civilisation sont solidaires parce qu’elles reflètent les mêmes tendances profondes » soulignait-il.


The Proust effect

The Proust Effect

Le « Very Hungry God », crane géant composé de centaines d’ustensiles de cuisine présenté à la Monnaie de Paris en 2018 laisse la place ici à une installation moins inquiétante avec The Proust Effect, assemblage en suspensions de ces mêmes ustensiles de cuisine, hutte fragile que le visiteur doit éviter de bousculer.
The Proust Effect, en référence à la fameuse madeleine de Proust se veut une rencontre spirituelle qu’il souhaite provoquer chez chaque visiteur, le plongeant dans sa mémoire culinaire pour y déclencher un souvenir enfoui. L’artiste explore ce lien avec la cuisine indienne dès ses premières créations, fasciné depuis l’enfance par l’aspect rutilant des ustensiles de cuisine.
On peut alors envisager plusieurs entrées pour tenter de cerner le propos de Gupta. De l’approche contemporaine post-Duchamp d’une accumulation d’objets à la cascade d’une consommation ménagère démesurée, de la civilisation matérialiste d’un art ménager quotidien à l’approche spirituelle indienne, l’oeuvre reste ouverte aux spéculations. Et si tout ce qui brille n’est pas d’art, la carte blanche offerte à Subodh Gupta ne passe pas inaperçue pour les milliers de clients qui parcourent les rayons du Bon Marché.

Subodh Gupta
« Sangam»
Du 9 janvier au 19 février 2023
Bon Marché
24 Rue de Sèvres, 75007 Paris

Expositions

Les fables intranquilles de Mauro Bordin

La luxuriance de la jungle nous la connaissions déjà à travers les toiles du Douanier Rousseau, ce peintre voyageur qui n’avait pourtant jamais quitté la France. Son exotisme imaginaire et stylisé, issu du Jardin des Plantes, du jardin d’Acclimatation et des revues de botanique de l’époque, proposait un monde empreint de sérénité, nourri de la nostalgie de l’enfance, du merveilleux révélé par un homme vagabondant entre raison et fantasme.
C’est une autre jungle que nous propose Mauro Bordin actuellement au 100 ECS, rue de Charenton à Paris. Et si l’exubérance de cette nature inventée peut rivaliser avec celle du Douanier Rousseau, le monde qu’il nous révèle s’éloigne singulièrement de la candeur du peintre naïf. Car cette nature n’est peut-être pas aussi accueillante qu’il y paraît. Déjà, la densité inquiétante des cactées envahissant la toile du peintre alerte sur le danger redoutable de cette végétation trop monstrueuse pour être hospitalière. Si bien que les animaux de la ferme égarés dans ce cadre hostile, plutôt que sortis d’une fable de La Fontaine, semblent davantage s’être enfuis du monde de Georges Orwell. Cette flore colonisant les toiles porte à la fois son attrait naturel et sa répulsion périlleuse.

During Big Moon, 2019, 210×250 cm huile sur toile

D’une scène à l’autre les tableaux proposés par Mauro Bordin balancent en permanence entre ces deux penchants : l’apparence accueillante du cadre et la troublante mise en scène de ces fables grinçantes. Parfois même, au-delà du trouble, le sépulcral s’invite dans la saynète. Pour preuve cette « Danse macabre » de 2019 qui ne peut que créer le malaise. La grâce apparente de ces danseurs endiablés et la sinistre présence de ces cranes humains que l’on imagine ricanants, grimaçants comme pour mieux déstabiliser le spectateur stupéfait se superposent dans une séquence où justement le diable tire peut-être les ficelles de ces pantins en costume cravate.

Danse macabre, 2019, huile sur toile, 165×335 cm

Qu’est devenu, dans ces fresques, le monde du vivant ? L’univers qui nous est présenté d’un tableau au suivant serait-il le vestige fossilisé d’une civilisation perdue ou l’annonciateur inquiétant d’un futur pétrifié ? Cette fascination pour le cataclysme, le peintre s’y était déjà confronté avec l’impressionnante fresque de la ville d’Hiroshima après la bombe atomique, une œuvre de près de trente mètres de longueur réalisée au début des années 2000. Il s’agit d’un énorme puzzle composé de 220 parties assemblées. Le projet d’exposition se compose de deux périodes distinctes qu’on pourrait intituler « la décomposition », puis « la recomposition». Cet objectif ambitieux jouait sur une stratégie à l’intention des collectionneurs. L’idée était que les amateurs puissent acheter des éléments de la peinture pendant l’exposition, laissant ainsi des espaces vides apparaitre dans l’œuvre jusqu’à ce qu’elle soit progressivement supprimée, avant que, plus tard, une tentative de reconstitution de l’œuvre rassemble à nouveaux ces collectionneurs.
La mémoire de l’Apocalypse pourrait bien habiter la plupart des tableaux du peintre. Si bien que loin du jardin d’Eden, la profusion de cette flore inventée participe peut-être à un enfouissement des valeurs perdues d’un monde égaré, en voie de perdition. Le végétal inquiétant qui étouffe progressivement toutes ses toiles pourrait bien être l’ultime vainqueur sur cette humanité se détruisant elle-même à la manière des visions d’un Georges Orwell. Les fables intranquilles de Mauro Bordin trouvent alors chaque jour davantage, y compris dans les drames de l’actualité, leur raison d’être.

Le bûcher des Vanités

Prolongation jusqu’au 30.04.2022
SCIC le 100ecs
Établissement Culturel Solidaire
100, rue de Charenton
75012 Paris
Expositions

L’art portugais, à tire-d’elles

« Tout ce que je veux »

Avant même de découvrir l’exposition que présente actuellement le CCCOD de Tours, l’apostrophe est lancée : « Tout ce que je veux » . Et si l’initiatrice de cette interpellation (Lou Andreas-Salomé, une femme de lettres germano-russe) n’est pas d’origine portugaise, les bases de l’exposition sont fixées : il s’agit d’artistes femmes, toutes venues du Portugal. Réunissant des peintures, sculptures, dessins, objets, livres, céramiques, installations, films et vidéos, du début du XXème siècle à nos jours, l’exposition fusionne ce regroupement de quarante productions avec cet argument militant : « Comment, dans un univers majoritairement masculin, les femmes sont passées du statut de muse à celui de créatrice. »
C’est donc à la fois un point de vue et un parti-pris qui animent la scénographie ambitieuse occupant la totalité des espaces du Centre de Création Contemporaine Olivier Debré à Tours.
Au-delà des frontières du Portugal certains noms de générations différentes sont bien connus comme Maria Helena Vieira da Silva (première femme à avoir reçu le Grand Prix National des Arts créé par le gouvernement français), Lourdes Castro, Ana Vieira ou Joana Vasconcelos, première artiste-femme invitée à exposer au Château de Versailles en 2012, représentant le Portugal à la Biennale de Venise en 2013 et ayant fait l’objet en 2018 d’une vaste exposition au musée Guggenheim de Bilbao. Sa récente installation dans le cadre inattendu du Bon marché à Paris (2019) illustre le positionnement militant de cette artiste intervenant dans l’impressionnant volume du magasin avec la monstrueuse Simone se livrant dans ce temple du luxe à une guerre en dentelles. Le nom de Simone ne doit rien au hasard : il établit un rapport avec le côté engagé de la femme incarné par deux personnalités françaises qui ont marqué l’histoire par leurs militantismes respectifs : Simone de Beauvoir et Simone Weil.
De nombreux autres peintres sont à découvrir tout au long du parcours. L’exposition, de la peinture à la vidéo, ambitionne de nous donner à percevoir les liens souterrains entre ces créations faisant appel à des pratiques si éloignées et qui cependant peuvent éclairer sur cette appropriation par les artistes femmes d’une liberté qui n’allait pas de soi dans la société portugaise.

Tout ce que je veux Femmes artistes 1900 à 2020

A défaut de pouvoir évoquer la grande diversité des œuvres présentées, on peut notamment porter un éclairage sur les ombres de Lourdes Castro. Après les premières Ombres peintes sur toile, elle trouve en 1964 dans le plexiglas transparent un matériau qui lui permet de transformer l’obscur en clarté. « Les Ombres s’autonomisent et flottent dans l’espace. Ce matériau alchimique du xxe siècle opère une transmutation, qui modernise l’ombre en la dotant de ce qui lui manque : transparence, lumière, couleur, volume. L’artifice des coloris pop et fluo accentue la présence fantasmatique de ces doubles.».
D’autres formes d’ombres également sont celles induites par les oeuvres d’Ana Vieira nous donnant « à voir et à sentir avec tout le corps des lieux vidés de quelque chose qui s’est retiré en laissant son empreinte dans sa fuite. » Sa façon de « Montrer ce qui ne se voit pas » interpelle. Sortir de l’ombre pourrait bien être un cri de ralliement pour toutes ces femmes qui, pour la plupart, ont connu et subi dans la société portugaise une relégation au second rang.

Ana Vieira sans titre 1968

Car une autre ombre enfin plane sur l’exposition même sans être explicitement évoquée : la révolution des Œillets, nom donné aux événements d’avril 1974 qui ont entraîné la chute de la dictature salazariste qui dominait le Portugal depuis 1933. La femme était reléguée jusqu’alors à la sphère du domestique. La loi Portugaise désignait le mari littéralement comme «chef de la Famille». La femme ne disposait pas de la même citoyenneté que l’homme. La révolution des œillets a brisé ce statu quo patriarcal du régime dictatorial. C’est à partir de 1975 que des organisations féministes sont crées et se manifestent publiquement notamment contre la législation sur l’avortement. Il faudra attendre 1976 pour que toutes les femmes portugaises accèdent au droit de vote.
Si le fil rouge de l’exposition se développe sur l’identité et la valeur des femmes artistes, ce positionnement ne relève pas systématiquement d’un féminisme militant. D’autres considérations interviennent dans les préoccupations abordées au travers de cette multiplicité des œuvres présentées : droits civiques, écologie, post-colonialisme, d’autres encore participent à la relation au monde engagée par ces artistes.
En 2007 la militante du M.L.F. Françoise Flamant, dans son ouvrage « À tire d’elles. Itinéraires de féministes radicales des années 1970« , évoquait la trajectoire de femmes ayant parcouru certains pays d’Europe (notamment la France, l’Italie, le Danemark et l’Angleterre) et plusieurs régions des États-Unis. Ces femmes décrivaient leurs entrées dans le mouvement féministe comme un essor, un envol sur elles-mêmes qui se manifeste par des ruptures diverses. Les œuvres des artistes portugaises pourrait bien signifier comment leur investissement dans l’art a contribué à cet envol libérateur. L’exposition « Tout ce que je veux » pose conjointement la question d’un art comme moyen d’émancipation pour les femmes et celle d’un art au féminin. On observera qu’à la différence d’autres appellations (écrivain, auteur, créateur) le mot d’artiste conserve la même identité au féminin comme au masculin. Serait-ce le signe que l’art dépasse les genres pour unir dans une préoccupation commune la création et la relation au monde ?

tout ce que je veux
artistes portugaises de 1900 à 2020
25 mars – 4 septembre 2022
Centre de Création Contemporaine Olivier Debré Tours
Exposition organisée par le Ministère de la Culture portugais et la Fondation Calouste Gulbenkian, en coproduction avec le Centre de Création Contemporaine Olivier Debré et avec la collaboration du Plan National des Arts portugais.

AURÉLIA DE SOUSA MILY POSSOZ ROSA RAMALHO MARIA LAMAS SARAH AFFONSO OFÉLIA MARQUES MARIA HELENA VIEIRA DA SILVA MARIA KEIL SALETTE TAVARES MENEZ ANA HATHERLY LOURDES CASTRO HELENA ALMEIDA PAULA REGO MARIA ANTÓNIA SIZA ANA VIEIRA MARIA JOSÉ OLIVEIRA CLARA MENÉRES GRAÇA MORAIS MARIA JOSÉ AGUIAR LUISA CUNHA ROSA CARVALHO ANA LÉON ÂNGELA FERREIRA JOANA ROSA ANA VIDIGAL ARMANDA DUARTE FERNANDA FRAGATEIRO PATRÍCIA GARRIDO GABRIELA ALBERGARIA SUSANNE THEMLITZ GRADA KILOMBA MARIA CAPELO PATRÍCIA ALMEIDA JOANA VASCONCELOS CARLA FILIPE FILIPA CÉSAR INÊS BOTELHO ISABEL CARVALHO SÓNIA ALMEIDA

Crédit photographique :
« Tout ce que je veux. Artistes portugaises de 1900 à 2020 » vue d’exposition au CCC OD, Tours, France, mars 2022 © Photo(s) : F. Fernandez, CCCOD – Tours

Expositions

Le Monde selon Albinet

C’est une exposition bien protégée dans un forteresse imprenable qui sera évoquée ici. Dans le nouvel immeuble du journal « Le Monde » à Paris, les privilégiés qui ont accès à cette citadelle peuvent découvrir les travaux de l’artiste Jean-Paul Albinet, ancien membre du groupe UNTEL, collectif d’artistes, créé en 1975.
Jean-Paul Albinet, Philippe Cazal et Alain Snyers ont développé, dans le courant de ces années soixante dix, une œuvre centrée sur «La vie quotidienne en milieu urbain».

« Le Monde et Moi »

Aujourd’hui, dans ce lieu mythique de la presse où l’esprit d’Hubert Beuve-Mery flotte au-dessus de son bureau conservé comme une relique, Jean-Paul Albinet a gardé, lui, l’esprit UNTEL. Son exposition « Le Monde et Moi », se présente comme une collection de quarante tableaux en diptyques. Elle repose sur un principe simple : conserver chaque année un exemplaire du Monde du 13 décembre, date de l’anniversaire de l’artiste, et l’associer à son actualité personnelle. Vingt et un de ces tableaux sont exposés au Café de la presse du « Monde ».
Les numéros du « Monde » précieusement collectionnés par l’artiste, fixent ces séquences de l’actualité qui nous renvoient à notre propre mémoire. Sans s’attarder sur la symbolique du 13, bénéfique ou maléfique, cette répétition à date fixe des numéros du « Monde » témoigne à la fois de la vocation poursuivie par un quotidien référence depuis 1944, celle de porter sur le monde une réflexion ouverte, non sectaire et de fixer des repères pour notre propre existence personnelle. C’est ce à quoi se livre Jean-Paul Albinet en posant en regard des exemplaires du « Monde » ce « et Moi », page blanche qui maintient une énigme sur la vie de l’artiste. Il nous reste alors à partir à la recherche de ce que l’artiste produisait à chaque période de ce 13 décembre. Curieusement cette page blanche mise en relation avec « Le Monde » m’a renvoyé personnellement à un autre blanc dans le quotidien, celui que Fred Forest avait réussi à faire accepter par le directeur de l’époque Jacques Fauvet. Cette singulière intervention dans « Le Monde » a commencé le 27 septembre 1970 pour s’achever le 12 janvier 1972. Durant plus de trois mois, Fred Forest a pu obtenir du journal un encart blanc de 14,5 cm x 10,2 cm, soit 150 cm2, offert à ses lecteurs comme surface de libre expression. Dans les jours qui suivirent, plus de neuf cents participations de lecteurs arrivèrent dans sa boîte à lettres. Là s’arrête la comparaison avec le travail de Jean-Paul Albinet mais la juxtaposition de l’écrit et du silence blanc de la page relie peut-être ces deux démarches à cinquante ans de distance.

Tableau n°39 – 2018

337731

Cette page blanche du « et Moi » n’est pas vide pour autant. En bas de page figure un code barre qu’il faut décrire. Il signe le nom de l’artiste. En 1990, Jean-Paul Albinet a été un des premiers artistes à se faire réellement attribuer par Gencod son nom sous forme d’un code-barres à lecture optique et une identification numérique le 337731 pour signer ses œuvres.
« Le Monde » selon Albinet est aussi celui de tous ceux qui ont tourné, pendant de nombreuses années, les pages de ce quotidien toujours empreint de discrétion dans sa typographie et qui a longtemps attendu avant d’oser mettre une photographie sur sa première page. Jean-Paul Albinet signe numériquement son travail sur ce journal qui ne lui en tient pas rigueur en poursuivant son édition sur papier, papier sans lequel l’exposition n’existerait pas.


Exposition « Le Monde et Moi »
Jean-Paul Albinet
Jusqu’au 16 octobre 2021
« Le Monde »
67 avenue Pierre Mendès France
75013 Paris

Non classé

Zao Wou-Ki : « Il ne fait jamais nuit ».

Ce mercredi 19 mai 2021 n’est pas un jour tout à fait comme les autres pour les amateurs d’art. La réouverture des musées et de centres d’art réanime tous ces passionnés dont la curiosité se trouvait maintenue en vie sous oxygénation artificielle par les visites virtuelles mises en place par les espaces culturels pour retrouver enfin le réel de l’art.
A Aix en Provence, l’Hôtel de Caumont, géré par l’opérateur privé « Culturespaces », propose dès aujourd’hui une rétrospective concernant le peintre Zao Wou-Ki en collaboration avec la Fondation Zao Wou-Ki.
« L’exposition regroupe près de 80 oeuvres de 1935 à 2009 (huiles sur toile, aquarelles et encres de Chine sur papier) provenant de collections publiques et privées. Cet ensemble a pour ambition de mettre au jour un des grands thèmes de création de l’artiste : inventer de nouveaux espaces picturaux construits à partir de son travail sur la couleur et la représentation de la lumière.« 

« Il ne fait jamais nuit »

Fils de banquier, Zao Wou-Ki éprouva le désir de s’orienter vers les Beaux-arts. En 1949 il arrive en France et devient à Montparnasse le voisin d’Alberto Giacometti avant de partager l’amitié de Hans Hartung, Jean-Paul Riopelle, Nicolas de Staël, Sam Francis, Pierre Soulages, Maria Elena Vieira da Silva….
Ayant eu le privilège de le recevoir en 1996 dans le cadre de l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain, c’est un homme discret qui témoigna sur son parcours.
Le peintre n’avait rien d’un tribun et, au tout au long de l’entretien, conserva une réserve et au bout du compte s’exprima avec une grande économie de mots. Au regard de l’immense œuvre de l’artiste, de la reconnaissance internationale de cette œuvre, de l’incroyable palmarès de ses expositions à travers le monde, ce moment privilégié reste un souvenir marquant.

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Pourtant, en 1996, en dépit de cette notoriété désormais mondiale, Zao Wou-Ki m’exprimait ses regrets de constater les difficultés rencontrées pour exposer dans les institutions françaises, notamment à Paris. Le monde de l’art avait les yeux ailleurs, vers d’autres recherches. Ce n’est qu’en 2003 que le Jeu de Paume lui offrit une superbe rétrospective.

« Il ne fait jamais nuit » nous dit le titre de cette exposition à l’Hôtel de Caumont. Toute l’oeuvre du peintre témoigne de cette recherche permanente de la lumière. Pourtant, à la fin de sa vie, Zao Wou-Ki rencontra une autre nuit, celle de la maladie d’Alzheimer dont il était atteint.

Zao Wou-Ki « Il ne fait jamais nuit »
Du 19 mai au 10 octobre 2021
Hôtel de Caumont
3, rue Joseph Cabassol

13100 Aix-en-Provence


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Gérard Garouste : peindre Kafka

Lorsque Gérard Garouste arrive à l’école des Beaux-arts, Buren et le groupe BMPT constituent le fer de lance de la recherche plastique. Garouste va découvrir Marcel Duchamp. Dans ce contexte, s’attacher à une « peinture d’Histoire », tant par ses thèmes que par sa forme, suppose une conviction forte et peut même passer pour une provocation. Loin de la table rase de Supports/surfaces, du point Zéro de BMPT. Garouste ouvre à nouveau les livres d’art, les livres d’histoire, redécouvre Goya. Cette position dans le champ artistique, le peintre l’assume.

Actuellement à la galerie Daniel Templon à Paris, sous le titre « Correspondances », Gérard Garouste part à la rencontre de Kafka en compagnie du philosophe Marc-Alain Ouaknin.

«Correspondances» est l’histoire de cette rencontre: celle de Gérard Garouste et de la littérature de Franz Kafka, mais aussi entre le peintre et un philosophe, Marc-Alain Ouaknin. « A travers une vingtaine de tableaux, Garouste propose une plongée jubilatoire et toute personnelle dans l’univers de Kafka. Certaines créatures semblent sorties de ses nouvelles,comme le «chat-agneau»et toute une collection d’écureuils et de martres. Mais l’esprit de Kafka est ailleurs. Il affleure dans la déformation des silhouettes et les paysages ambigus où réalisme et fantastique se côtoient avec naturel. Il transparaît dans la juxtaposition d’époques et de symboles dont la profusion laisse présager mille histoires et filiations secrètes ».

Gérard Garouste

Correspondances (Gérard Garouste – Marc-Alain Ouaknin)
25 mars – 19 juin 2021

Galerie Daniel Templon
Paris – Grenier Saint Lazare

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Christian Sorg : aux racines de l’art rupestre

Le peintre Claude Viallat affirmait : « Toute la peinture contemporaine est dans Lascaux et dans la préhistoire. »
Christian Sorg pourrait vraisemblablement s’approprier cette affirmation. Il appartient à la génération des artistes qui, notamment au sein du groupe Supports-Surfaces, se sont interrogés sur les éléments constitutifs de la peinture. Chez lui cette réflexion se fera de façon personnelle en créant en 1978 la revue « Documents sur » dont le conseiller artistique était l’écrivain Marcellin Pleynet..
« Christian Sorg a été partie prenante d’un moment très particulier de l’histoire de la peinture en France celui de la re-fondation de l’ abstraction par le retour aux constituants essentiels du tableau. Couvrir une surface par la couleur, la diviser pour y travailler l’espace, y inscrire une trace, il s’ y confronte comme les peintres de sa génération (notamment Supports/Surface), mais refuse tout système. »

Arcy, chemin des grottes 2020

Au début des années 90, depuis ses nombreux séjours en Aragon, une calligraphie picturale nouvelle s’impose à lui. En effet, il découvre et arpente l’environnement préservé des sierras, visite les sites préhistoriques du Levant, et ceux très proches de son atelier en Bourgogne à Arcy- sur-Cure. Christian Sorg a vu les grottes de Lascaux et du Pech Merle. En 2014 il présente dans la galerie du théâtre de Privas, lors de l’exposition « Les Artistes de la grotte Chauvet et les artistes contemporains« , à l’occasion de l’ouverture du fac-similé de la grotte Chauvet, « Mains inverses », une peinture proche des mains négatives préhistoriques ou des panneaux d’empreintes de la paume de la main avec de la terre rouge.
 » Je retiens la présence très forte qui vient des parois, car il n’y a pas de démonstration picturale par rapport à un sujet choisi. J’aime cette présence par rapport au temps qui passe, que ce soit cinq ou dix-huit mille ans. »

L’exposition actuelle à la galerie Dutko à Paris met en perspective cette recherche qui nous dit que, à l’échelle du temps terrestre, ce qui sépare le peintre de Lascaux et le peintre contemporain n’est qu’un bref moment.

« Je suis toujours au commencement de quelque chose où rien n’est jamais joué d’avance. » Christian Sorg

CHRISTIAN SORG
SURGISSEMENTS

20 février – 3 Avril 2021
Galerie Dutko – Ile Saint-Louis
4 rue de Bretonvilliers 
Paris 4e

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Mémoires d’expositions : « Annoncez la couleur! » au château de Vascoeuil en 2017

Après Orléans, Perpignan et Agen, l’exposition « Annoncez la couleur ! » est accueillie au château de Vascoeuil en 2017. L’oeuvre de Gérard Fromanger bénéficie à Vascoeuil d’un cadre somptueux pour développer plusieurs grandes séries de son oeuvre. Le Château est aujourd’hui un centre d’art renommé qui présente d’importantes expositions de peintures et de sculpture. Le site, classé et inscrit, comporte un magnifique colombier du XVIIe siècle avec son système d’échelle tournante entouré de jardins et parc de sculptures, avec, en permanence, plus d’une cinquantaine d’oeuvres d’artistes modernes et contemporains. Par ailleurs un musée est consacré dans une dépendance du XVIIIe siècle à l’historien Jules Michelet (1798-1974) qui séjourna à Vascoeuil et y écrivit de longues années.

« Je me suis toujours demandé ce qui était à l’origine de la quadrichromie, technique avec laquelle j’ai fait plusieurs séries de peinture. Avant la quadrichromie, il y a eu la trichromie utilisée par le fameux Ducos du Hauron. Avec un nom pareil, on ne peut pas l’oublier. Avec sa physionomie que l’on découvre dans les photographies noir et blanc de l’époque, ça m’a donné envie de faire son portrait avec l’idée de trichromie.
Cela peut être quoi la constante d’un peintre ? Pour certains ce sera la matière, pour d’autres la forme, pour d’autres encore l’environnement. Pour ma part, l’idée c’était d’expérimenter la couleur et la couleur est devenue ma constante. Je suis davantage un homme de la lumière que de la nuit et sans lumière, il n’y a pas de couleur. La couleur est devenue ma constante dans la lumière.
Alors l’idée de Ducos du Hauron, avec sa méthode d’extraction et de reproduction de la couleur, va me servir pour inventer une nouvelle vision de la quadrichromie. Par exemple, dans la série des Quadrichromies, si je bouge un peu la reproduction techniquement parfaite, impeccable, des trois couleurs primaires et du noir, ah ! il se passe quelque chose, je donne une autre image du réel.
Plus tard, j’apprends, je ne sais pas par quel hasard, que l’arc-en-ciel s’appelle également « l’écharpe d’Iris ». J’apprends, en effet, que Zeus avait, entre autres amoureuses, une certaine Iris.
Tout d’un coup : Iris, l’irisation, l’oeil, cela m’intéresse beaucoup. Je vais un peu plus loin et j’apprends qu’Iris après avoir passé une nuit d’amour avec Zeus, celui-ci l’envoie sur la terre avec une écharpe pour déposer les rayons de couleur sur la terre pour faire se lever la lumière.
Dans tous les tableaux de la Série noire , il y a l’arc-en-ciel 3 avec des morceaux de couleur déposés par Iris sur un petit bout d’arrêt d’autobus, un petit bout de trottoir, un petit morceau de kiosque à journaux, une roue de bagnole, sur n’importe quoi qui fait mon univers quand je marche dans le monde. Donc dans la « Série noire », ce n’est pas seulement le bicolore d’un monde mafieux, ce sont
toutes les couleurs pour rendre possible la vie dans le polar.
 » Gérard Fromanger


La chaîne vidéo

Mémoires d’expositions : « Annoncez la couleur ! » aux Jacobins à Agen 2016

Quand l’exposition « Annoncez la couleur ! » avec Gérard Fromanger est présentée dans la Collégiale des Jacobins à Agen en 2016, elle se trouve particulièrement légitime pour se situer dans la ville où naquit et mourut Louis Ducos du hauron , inventeur de la photographie couleur en trichromie.
En 1868, après dix années de recherches, Ducos du Hauron met au point le procédé de trichromie et invente ainsi la photographie couleur.
Originaire de la région d’Agen, il s’était tourné vers l’étude des couleurs et de la lumière par passion pour la peinture. Son exposition de photos à l’exposition universelle de Paris en 1878 lui valu un grand succès. La première photographie couleur, prise à Agen, reposait sur le principe de Maxwell de décomposition de la lumière par les trois couleurs fondamentales que sont le rouge, le vert et le bleu.

Sa jeunesse dans le Sud-Ouest
Photo d’Agen par Louis Ducos du Hauron 1877

Les travaux de Louis Ducos du Hauron ne s’arrêtent pas à cette invention. Après l’héliochromie, il s’attèle à des recherches optiques en particulier sur l’anamorphose. Le procédé qu’il met au point est toujours appliqué dans les observatoires astronomiques. Il se lance dans des recherches qui aboutiront également à l’invention du cinéma.En 1874, il dépose le brevet du mélanochromoscope, appareil photographique à objectif unique permettent, via deux miroirs semi-transparents, un miroir normal et trois filtres colorés, d’impressionner sur une seule plaque trois vues de 35 x35 mm, correspondant à chaque couleur primaire. Le même appareil permet de visualiser une image en couleurs à partir de plaques positives.
L’exposition de l’oeuvre de Fromanger, mise en perspective avec l’invention patrimoniale de Ducos du Hauron, décrit la stratégie de la couleur du peintre sur un demi-siècle.

Jaune,paysage Paris-Bastille 1993 1994