Expositions

Le Monde selon Albinet

C’est une exposition bien protégée dans un forteresse imprenable qui sera évoquée ici. Dans le nouvel immeuble du journal « Le Monde » à Paris, les privilégiés qui ont accès à cette citadelle peuvent découvrir les travaux de l’artiste Jean-Paul Albinet, ancien membre du groupe UNTEL, collectif d’artistes, créé en 1975.
Jean-Paul Albinet, Philippe Cazal et Alain Snyers ont développé, dans le courant de ces années soixante dix, une œuvre centrée sur «La vie quotidienne en milieu urbain».

« Le Monde et Moi »

Aujourd’hui, dans ce lieu mythique de la presse où l’esprit d’Hubert Beuve-Mery flotte au-dessus de son bureau conservé comme une relique, Jean-Paul Albinet a gardé, lui, l’esprit UNTEL. Son exposition « Le Monde et Moi », se présente comme une collection de quarante tableaux en diptyques. Elle repose sur un principe simple : conserver chaque année un exemplaire du Monde du 13 décembre, date de l’anniversaire de l’artiste, et l’associer à son actualité personnelle. Vingt et un de ces tableaux sont exposés au Café de la presse du « Monde ».
Les numéros du « Monde » précieusement collectionnés par l’artiste, fixent ces séquences de l’actualité qui nous renvoient à notre propre mémoire. Sans s’attarder sur la symbolique du 13, bénéfique ou maléfique, cette répétition à date fixe des numéros du « Monde » témoigne à la fois de la vocation poursuivie par un quotidien référence depuis 1944, celle de porter sur le monde une réflexion ouverte, non sectaire et de fixer des repères pour notre propre existence personnelle. C’est ce à quoi se livre Jean-Paul Albinet en posant en regard des exemplaires du « Monde » ce « et Moi », page blanche qui maintient une énigme sur la vie de l’artiste. Il nous reste alors à partir à la recherche de ce que l’artiste produisait à chaque période de ce 13 décembre. Curieusement cette page blanche mise en relation avec « Le Monde » m’a renvoyé personnellement à un autre blanc dans le quotidien, celui que Fred Forest avait réussi à faire accepter par le directeur de l’époque Jacques Fauvet. Cette singulière intervention dans « Le Monde » a commencé le 27 septembre 1970 pour s’achever le 12 janvier 1972. Durant plus de trois mois, Fred Forest a pu obtenir du journal un encart blanc de 14,5 cm x 10,2 cm, soit 150 cm2, offert à ses lecteurs comme surface de libre expression. Dans les jours qui suivirent, plus de neuf cents participations de lecteurs arrivèrent dans sa boîte à lettres. Là s’arrête la comparaison avec le travail de Jean-Paul Albinet mais la juxtaposition de l’écrit et du silence blanc de la page relie peut-être ces deux démarches à cinquante ans de distance.

Tableau n°39 – 2018

337731

Cette page blanche du « et Moi » n’est pas vide pour autant. En bas de page figure un code barre qu’il faut décrire. Il signe le nom de l’artiste. En 1990, Jean-Paul Albinet a été un des premiers artistes à se faire réellement attribuer par Gencod son nom sous forme d’un code-barres à lecture optique et une identification numérique le 337731 pour signer ses œuvres.
« Le Monde » selon Albinet est aussi celui de tous ceux qui ont tourné, pendant de nombreuses années, les pages de ce quotidien toujours empreint de discrétion dans sa typographie et qui a longtemps attendu avant d’oser mettre une photographie sur sa première page. Jean-Paul Albinet signe numériquement son travail sur ce journal qui ne lui en tient pas rigueur en poursuivant son édition sur papier, papier sans lequel l’exposition n’existerait pas.


Exposition « Le Monde et Moi »
Jean-Paul Albinet
Jusqu’au 16 octobre 2021
« Le Monde »
67 avenue Pierre Mendès France
75013 Paris

Livres

Quand les attitudes deviennent paroles

Regards sur la scène française depuis les années soixante

Interviwer la performanceCes  » Regards sur la scène française depuis les années soixante  » dessinent les contours d’un pan de l’art de notre temps, d’un courant particulièrement indocile, indomptable, difficile à cerner et même à définir. Car le terme de performance recouvre à l’évidence des pratiques diverses, se présentant sous des noms variés : happening, actionnisme, art de rue, théâtre total,  poésie sonore…. Ces appellations indiquent combien cette notion de performance ne s’en tient pas aux arts plastiques mais dépasse les frontières en direction du spectacle, du théâtre notamment. Dans son introduction, l’ouvrage n’élude pas la question en précisant qu’on ne peut se satisfaire d’une seule définition de la performance. Soulignant ce « Renouvellement des stratégies d’indiscipline », les auteurs décrivent ( avec Eric Mangion ) la performance comme « un terme générique qui englobe toutes les typologies d’actions définies à travers le temps, à savoir happening, event, body art, art action ou interventions plus conceptuelles« .
On observera avec les entretiens réalisés auprès d’une douzaine d’artistes que ceux-ci adoptent parfois des appellations diverses, confirmant leur sensibilité réfractaire à toute tentative de classement réducteur.
L’introduction de cette investigation resitue dans les années soixante le contexte dans lequel cette notion de performance s’inscrit. Cet art d’attitudes se développe dans une époque ou coexistent les expressions publiques, où se révèlent les créations théâtrales comme le Living theater de Judith Malina  et Julian Beck ou le Bread and Puppet Theater de Peter Schumann et ou la rue connaîtra une primauté politique.  Les noms de Ben et Jean-Jacques Lebel, s’ils sont évoqués, ne font pas partie des artistes interviewés, pourtant tous deux acteurs majeurs de cette histoire, Ben pour avoir contribué à l’arrivée du mouvement Fluxus en France et et Jean-Jacques Lebel pour l’importation du happening en Europe. Un peu surpris également de ne pas voir citer une seule fois les noms de Jean Mas proche de Fluxus  et ses nombreuses « PerforMas » ou encore de Roland Sabatier, membre moteur de la deuxième génération lettriste.
Chaque entretien, réalisé entre 2011 et 2012, a fait l’objet d’une retranscription en concertation avec chaque artiste qui a validé ensuite le texte final.
C’est donc un témoignage vivant sur un art bien vivant qui rassemble de Julien Blaine à Jean-Luc Verna les composantes de cette pratique artistique décidée à se tenir à l’écart des formats institutionnels et marchands.
Le corps apparaît comme l’outil primordial de cette expression, qu’il s’agisse d’un corps engagé dans un art relationnel avant la lettre où d’un corps matériau soumis à toutes les contraintes comme chez Orlan.

"Le déjeuner sur l'herbe" Groupe Untel intervention non officiel Salon des artistes Français  Galeries nationales du Grabnd Palais 8 avril 1975
« Le déjeuner sur l’herbe » Groupe Untel intervention non officiel Salon des artistes Français Galeries nationales du Grand Palais 8 avril 1975

Untel

Cas particulier dans cette liste d’artistes, celui du seul groupe présent, Untel. Le groupe Untel fut un collectif d’artistes créé en 1975 à Paris par Jean-Paul Albinet, Philippe Cazal et Alain Snyers. Ces copains étudiants d’écoles d’art ont eu pour objectif pendant cinq ans d’aborder «La vie quotidienne en milieu urbain». Dans cet univers que le sociologue américain David Riesman appelait «La foule solitaire», c’est un groupe formé d’individus innommables qui s’en prend aux médias, au marché, au tourisme, à la publicité pour mieux toucher du doigt les maladies de la vie sociale urbaine.
Aujourd’hui la performance aurait-elle acquis droit de cité au sein des institutions comme le Street-art a pris place entre les murs des musées ? Dans les deux cas, c’est l’identité même de cette pratique, marquée par ses valeurs subversives, qui serait en question.

Interviewer la performance
Mehdi Brit, Sandrine Meats
Manuella éditions
Octobre 2014
ISBN : 978-2-917217-61-0

Coups de chapeau

Jean-Paul Albinet : What else ?

Stèle N°4 Slogans collections; Jean-Paul Albinet
Stèle N°4 Slogans collections; Jean-Paul Albinet

Untel et après..

En s’attelant à la tâche ardue de collectionner depuis 1988 les slogans publicitaires lus dans les magazines, vus à la télévision ou remarqués sur les affiches urbaines, Jean-Paul Albinet ne renie pas ses origines. Car si cette démarche s’inscrit dans la lignée de son parcours artistique, ayant pour finalité la conservation «d’une dose de quotidien », elle prolonge celle entreprise dans un collectif qui appartient désormais à l’Histoire. Le groupe Untel fut, en effet, un collectif d’artistes créé en 1975 à Paris par Jean-Paul Albinet, Philippe Cazal et Alain Snyers. Ces copains étudiants d’écoles d’art ont eu pour objectif pendant cinq ans d’aborder « La vie quotidienne en milieu urbain ». Par tous moyens (création d’objets, installations, interventions), ces artistes se sont employés à proposer un regard critique sur les éléments constitutifs de la société urbaine de consommation.

« Slogans collection »

C’est dire si « Slogans collection » qui regroupe actuellement environ quatre mille slogans issus du sport, de la mode, de l’économie, ou du tourisme (sans nom de marque ni référence précise à un produit) porte la griffe de cette préoccupation initiale. Ces slogans sont simplement classés par année pour composer actuellement vingt six ensembles comprenant chacun, suivant le millésime entre cinq et dix huit stèles. Toutes les années collectionnées sont caractérisées graphiquement par un fonds photographique imprimé d’aspect marbre, ou chacune a sa couleur spécifique allant du rouge au vert, du bleu au gris, etc. Les textes des slogans apparaissent eux toujours découpés sur un fond couleur or.
On sait combien Jean-Paul Albinet a abordé de front l’étendard de la mondialisation : le code-barre avec lequel il a joué pour mieux nous montrer comment ce petit symbole technique tellement banal dans notre quotidien, révèle et désigne l’uniformisation des échanges et l’emprise de la société marchande sur toute la planète. La collection des slogans publicitaires participe donc de cette même volonté de mettre à jour cette domination de la culture mercantile sur nos vies.

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Salle de lecture Bibliothèque de Cergy-Pontoise 2014

Au-delà du propos initial, il y a, me semble-t-il, dans cette action de longue haleine, la tentative de quelque chose qui relève de la performance à la manière d’un Roman Opalka et son long périple dans l’incrémentation des nombres sur ses toiles. Et comme nous sommes ici dans le décor d’une bibliothèque, comment ne pas évoquer la constance infinie du moine scribe qui, année après année, dans le scriptorium de son monastère, préservait la mémoire du monde ?
Jean-Paul Albinet n’a pas choisi une présentation numérique de cette littérature de notre quotidien. Il a voulu, avec cette présentation formelle, nous donner le sentiment que cette mémoire publicitaire devait s’inscrire dans le marbre, singulier privilège pour des formules le plus souvent envolées au fil des jours. Il reste que si ces tables de la loi publicitaires devaient survivre à notre civilisation, les éventuels défricheurs de ces textes formant un bout à bout énigmatique risquent de s’interroger avec perplexité sur les commandements auxquels nous étions assujettis.

Jean-Paul Albinet dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Jean-Paul Albinet
« Slogans/collection-1988-2013 »
Du 12 juillet au 30 Aout 2014

Bibliothèque d’étude et d’information
Parvis de la Préfecture place des arts
Cergy grand centre

Coups de chapeau

« 123 gouttes de Cage plus une cuillère de Duchamp… »

La Fondation du Doute

Déjà évoqué dans ce blog, le musée de l’Objet à Blois a fermé ses portes en 2011 et le lieu renaît aujourd’hui dans le projet de la Fondation du Doute. « Créer c’est douter et douter c’est créer » écrit Ben Vautier en frontispice de ce nouveau lieu de questionnement et de création qu’il installe à Blois. L’artiste annonce ainsi le projet :

Ben Vautier « Fluxus, c’est la vie »

« La Fondation du doute n’est pas que Fluxus, mais du Fluxus, du non-Fluxus, de l’Anti-Fluxus, de là Bas Fluxus et du Post-Fluxus. La Fondation du Doute, c’est du désordre qui change le monde. Il y aura un étage consacré à Fluxus et un étage consacré à tout ce qui est art vivant, doute, création, tout ce qui est dérangeant, vivant dont les racines contiennent du Duchamp et du John Cage. »
En 1962, Ben rencontre George Maciunas à Londres et découvre le groupe Fluxus qu’il décide de rejoindre. En 1963, a lieu un concert Fluxus à Nice créé par George Maciunas, en 1964 Ben rencontre George Brecht à New York. Ben diffuse alors les idées et l’esprit Fluxus en France et devient le défenseur d’un art d’attitude.

Mur des mots à Blois Ben

Le mur des mots

Déjà le site de Blois constituait un lieu privilégié dans lequel Ben avait installé un nid propre à faire naître ses projets. Sur la façade de l’école des Beaux-arts de Blois a été inauguré en 1995  le « Mur des mots » de Ben   : 300 plaques émaillées fixées au mur de l’école d’art, constituent une rétrospective des célèbres tableaux-écritures de l’artiste, depuis les années 60. Déjà aussi l’ancien musée de l’ Objet présentait des collections lettristes (Isou, Sabatier, Poyet, Wolman), mouvement souvent invisible dans la plupart des musées français. De Ben aux Lettristes, de Jean-Jacques Lebel aux anciens membres du groupe Untel (Albinet, Cazal, Snyers) ou encore Jacques Halbert, la Fondation du Doute devrait permettre de revisiter la mouvance Fluxus.
On sait que le mot « Fluxus » (flux, courant) a été choisi en 1961, par George Maciunas pour désigner ce nouveau courant auquel il donne un manifeste, Manifesto, distribué au festival Fluxus de Dusseldorf en1963. À la fin des années 1950, de jeunes artistes influencés par les enseignements de Marcel Duchamp et de John Cage rejoignent le groupe rassemblé autour de Maciunas et de la galerie qu’il crée à New York en 1961. Expositions, happenings, concerts de John Cage, Dick Higgins ou La Monte Young animent ce lieu.

 » Nouvelle société »  1977 Roland Sabatier

Certes depuis les années soixante marquées par l’esprit Fluxus  Ben a parfois cédé aux sirènes du marchandising. Sur mes cahiers d’écolier, sur mes agendas et mes timbres, sur mes tee-shirts j’écris ton nom, Ben ! Mais l’artiste, bien qu’adoubé par les institutions (notamment en  2010, sa grande rétrospective «Ben, strip-tease intégral» au Musée d’art contemporain de Lyon),  n’a rien perdu de sa capacité parfois épuisante à secouer le joug et à garder un oeil lucide sur l’art de son temps. L’intention affichée de Ben est d’éviter de créer un musée pour au contraire promouvoir un lieu d’agitation. Dans sa dernière lettre Ben écrit :
«  Quand Blois et la Fondation me prennent la tête  et que je me sens découragé  Je me dis : stop Ben  il suffit de voir clair La fondation c’est l’occasion rêvé de semer le doute en art le moment et l’endroit pour produire un autre son de cloche il faut faire de la Fondation et du Centre Mondial du Questionnement quelque chose de totalement différent et nouveau poser d’autres questions douter de tout  Rappelle-toi le Bateau lavoir  Rappelle-toi le Cabaret Voltaire  »

Comme cocktail de la Fondation du doute, l’hôte prévoit : « 123 gouttes de Cage plus une cuillère de Duchamp plus une pincée de Zen, plus un verre de constructivistes polonais et russes, plus un grog, le tout secoué très fort et servi sans glace. » Pour agiter le shaker de la Fondation du Doute, Ben peut compter assurément  sur les artistes invités, notamment les Lettristes. Sur ce point, je n’ai aucun doute.

Photo Fluxus et Sabatier : Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain
Photo Blois: de l’auteur

Inauguration de la Fondation du doute
vendredi 5 avril 2013
Fondation du Doute
rue de la Paix
Administration : 6 rue Franciade
41000 Blois

Ben Vautier dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

 

Portraits

Philippe Cazal, la vie d’artiste

Alors que s’ouvre aujourd’hui au musée d’art contemporain de Strasbourg, la salle présentant « Vie quotidienne » du groupe Untel« ,  voilà l’occasion d’évoquer l’itinéraire d’un des membres de ce groupe des années soixante dix : Philippe Cazal.

Phlippe Cazal

Membre d’Untel de 1975 à 1980, il présente avec le groupe cet environnement de type « Grand Magasin » au Musée d’art moderne de la Ville de Paris (Biennale de Paris, 1977). Après l’arrêt des activités du groupe en 1980, chaque artiste sort de cet anonymat volontaire.
Chacun des membres d’Untel cherchera à prolonger cette interrogation sur la société contemporaine.

« Artiste publicitaire »

Sorti de l’ École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris , le peintre et sculpteur décide qu’il deviendra « artiste ». Dès 1984, Cazal se présente comme un « Artiste publicitaire », transforme son nom en logo (via l’agence parisienne Minium) et développe son « image de marque » en détournant les codes de l’univers du marketing et de la publicité.
Cazal en a fait lui même la commande à une agence de graphisme parisienne Minium. Il décide de jouer avec le positif-négatif en noir et blanc proposé par l’agence pour mettre en valeur son nom et se présente ainsi comme un produit commercial. Sa signature est devenue une marque. A travers son oeuvre, il ne cesse de s’interroger sur la place de l’art et de l’artiste contemporain dans l’économie de marché. Comment se situer par rapport au milieu de l’art ? Quel rôle jouer ?

Qu’est-ce qu’un artiste ?

Si bien que la question de ce que l’artiste peut produire passe d’abord par la question : qu’est-ce qu’un artiste ?
Cette interrogation, l’artiste la prolonge, au-delà de ce positionnement « publicitaire » sur les question du langage. Il oriente son travail vers une réflexion sur les relations entre texte et image via les slogans, les mots-images, ou la sérigraphie.
Dans quelques jours, Cazal participe au second volet de l’exposition « La plasticité du langage » intitulé Entre les langues à la Fondation Hippocrène à Paris. Cette exposition posera la question de la pluralité des langages, de la compréhension entre les différentes cultures. Il abordera le langage sous sa forme architecturale, comme un dispositif visuel et graphique, et il interroge l’articulation entre texte et image.

Photo Wlkipédia et Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Philippe Cazal dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

 

« La plasticité du langage »
Entre les langues

Avec : Art & Language, Basserode, Alighiero Boetti, Eva T. Bony, Sophie Calle, Philippe Cazal, Jean Daviot, Angela Detanico et Rafael Lain, Sammy Engramer, Mounir Fatmi, Elsa Mazeau, Tania Mouraud, Nina Papaconstantinou, Vittorio Santoro, Agnès Thurnauer, Jorinde Voigt, Max Wechsler.

Fondation  Hippocrène
16 octobre au 16 décembre 2012
dans l’ancienne agence de Mallet-Stevens
siège de la Fondation
12 rue Mallet-Stevens, 75016 Paris

 

Expositions

La vie quotidienne au temps du groupe Untel

Le musée d’art contemporain de Strasbourg s’enrichit d’une pièce devenue historique depuis les années soixante dix : « Vie quotidienne » du groupe Untel. En 1977, le groupe UNTEL (Jean-Paul Albinet, Philippe Cazal et Alain Snyers) conçoit et réalise « Vie quotidienne » , un environnement de type grand magasin, présenté pour la première fois à la XIème Biennale de Paris.

"Vie quotidienne" Groupe Untel. Biennale de Paris 1977

Installation ambitieuse qui occupa  l’espace du musée d’art moderne de la ville de Paris, « Vie quotidienne » mit en scène le rapport direct entre art et société à travers le détournement d’une structure de vente : le magasin de grande distribution. L’environnement UNTEL ouvrit la voie à la réalisation d’oeuvres d’autres artistes autour de thématiques similaires.
«  L’environnement conçu par UNTEL synthétisait les problématiques du regard critique que l’art peut porter sur le quotidien de la ville, en prenant Paris comme modèle d’un mode de vie banalisé. La forme de l’installation « Vie quotidienne » illustre de manière inédite, l’articulation entre l’art et l’environnement social : le dispositif est donné à voir à la faveur de la distanciation d’une position critique de l’artiste inscrit dans son temps. »

Il fallait bien ce groupe de trois artistes pour s’atteler à cette tâche impressionnante : la fabrication d’ un environnement, de type Grand magasin composé d’un ensemble de dix huit rayons thématiques interrogeant la réalité de la vie quotidienne en milieu urbain  L’ensemble se compose de 1600 pièces environ, dont 1580 objets, 29 présentoirs supports etc.

"Vie quotidienne" présentée à Cimaise et Portique, Albi, 2001.

L’environnement UNTEL de type Grand magasin se compose, à l’image d’un lieu de vente de produits de consommation, d’un ensemble de « rayons » thématiques. Une sélection de « produits différents » sont regroupés par thèmes et présentés en utilisant les codes du commerce.
Chaque produit est classé, répertorié et mis sous vide par thermoformage sous la forme de blisters. Les informations sont sérigraphiées sur le support. Chaque blister (emballage, mis sous vide par thermoformage) est titré « Vie quotidienne », appellation générique de l’environnement.

Les différents thèmes sont également mentionnés sur les blisters de chaque catégorie. Un trou central sur la partie haute du blister permet son attache sur un présentoir. Selon les thèmes, des adhésifs ou des impressions au timbre à caoutchouc sont porteurs de slogans. Au verso de chaque blister la mention Produit Untel est tamponnée, elle en certifie la labellisation.

Archéologie du quotidien : prélèvement d’échantillons urbain, petits objets, tombés ou jetés sur les trottoirs des rues de Paris Untel 1977

A titre d’exemple, « achetons » un de leurs produits : Archéologie du quotidien : prélèvement d’échantillons urbain, petits objets, tombés ou jetés sur les trottoirs des rues de Paris.. De quoi s’agit-il ? Une centaine de rue de Paris ont fait l’objet d’une campagne de prélèvements. Ces collectes reconsidèrent ces objets de l’ordinaire qui, mis sous vide, sont donnés à voir comme archéologie de la consommation et des pratiques des habitants de la cité. A l’image de ce produit Untel, le magasin offre aux visiteurs-clients nombre d’autres produits attractifs de la société urbaine des années soixante dix : la pochette « Banque »  met sous vide différents documents d’information bancaire et bordereaux d’opérations financières. Photographie déchirée, façades de banques. En vignette la Bourse de Paris. Slogan : main mise sur la ville.
La pochette « Non aux expulsions »
Illustre la perte d’un logement
par l’usage métaphorique d’un bout
de moquette ou de papier peint. Les  échantillons, témoignages de ce qui est perdu, sont individuellement mis sous vide et réunis verticalement (6 à 7 éléments). Une étiquette en carton dans la partie supérieure de la bande donne le titre et localise par une mention manuscrite le lieu d’une expulsion.
Rues où des expulsions se sont produites : rue Montmartre, rue Saint-Martin, rue Vercingétorix, rue de Charonne, rue Monsieur le Prince, rue de Lappe, rue Léon
Frot, rue Lhomond, rue de l’Ouest, rue Tournefort, rue Didot, rue Rambuteau, rue Quincampoix, Boulevard de Charonne.
Avec un recul de trente cinq ans, cette pièce unique témoigne non seulement d’une pratique artistique novatrice qui n ‘a rien perdu de son actualité mais également constitue un échantillon sociologique significatif de la société de consommation triomphante des années soixante dix.

 

Photos Groupe Untel

NOUVEAUX HORIZONS
Inauguration de la salle Untel le 12 octobre 2012
Musée d’art contemporain
Strasbourg

 

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Expositions

Encore un coucher de soleil sur Nice

A l’occasion des cinquante ans du mouvement Fluxus, l’exposition Ben signe Nice (titre d’une oeuvre de 1968) à la Villa Arson à Nice est constituée d’un ring de boxe entouré d’une tribune et de documents et d’objets fixés sur le murs. Le ring est le théâtre d’actions que l’artiste souhaite organiser en soirée  Il est identique à celui qu’il avait installé à Cologne lors de l’exposition Happenings and Fluxus organisée en 1970 par Harald Szeemann.
L’artiste Alain Snyers (ancien membre du groupe Untel), invité pour une performance sur le ring, a décidé de rendre hommage, cent deux ans plus tard, à celle du Lapin agile à Montmartre.

«  Et le coucher de soleil s’endormit sur l’Adriatique« .

A l’époque, Roland Dorgelès, André Warnod, et Jules Depaquit demandèrent au patron du Lapin Agile, le père Frédé, de leur prêter son âne…

" Et le coucher de soleil s’endormit sur l'Adriatique".

Un huissier fut appelé, ainsi qu’ un photographe pour immortaliser la scène et, tandis qu’on mettait sous le nez de l’âne une cargaison de choux, carottes et poireaux, ils ficelèrent au bout de sa queue, un pinceau enduit de peinture;  une toile vierge, glissée sous son arrière train était posée sur un tabouret et,  de temps en temps, on déplaçait le tabouret et on changeait de pinceau et de couleurs.
Ainsi naquit le tableau intitulé :  » Et le coucher de soleil s’endormit sur l’Adriatique« . Attribué à un artiste imaginaire Joachim-Raphaèl Boronali, le tableau présenté au salon des Indépendants en 1910, accompagné d’un texte “Le manifeste de l’excessivisme”, fit grand bruit et davantage encore lorsque le quotidien « Le Matin » révéla la supercherie.

« Encore un coucher de soleil sur Nice« 

Alain Snyers(à droite) action-painting Lolo II

Le 30 juin, dernier, Alain Snyers  invite  un paisible âne des hauts de Nice « Lolo II »  à participer à la performance sur le ring de Ben.  Snyers a fixé un pinceau à la queue de Lolo II. Ce dernier refuse de monter sur le ring et préfère rester sur un tapis persan. Après l’intervention de l’assistant Snyers trempant  le pinceau dans de la peinture bleue puis dans un jaune de Naples, l’œuvre fut considérée comme achevée par Lolo II qui se refusa à toute autre intervention. La toile est nommée « Encore un coucher de soleil sur Nice « .

«  Et le soleil se rendormit sur l’Adriatique… »

Et comme un pastiche peut en cacher un autre, on peut rappeler que la République de Montmartre, a fait revivre le jeudi 3 juin 2010 au même endroit et à l’identique, le canular orchestré en mars 1910 par Roland Dorgelès.  Marmot, l’âne à Gilles (Lemaire), a poursuivi l’œuvre de son ancêtre Lolo, l’âne du père Frédé, en peignant avec sa queue sous constat d’huissier ! «  Et le soleil se rendormit sur l’Adriatique… »

 

Photo  » Et le coucher de soleil s’endormit sur l’Adriatique » : Wikipédia
Photo Snyers: source « L’indispensable lettre d’information de l’atelier Alain Snyers » septembre 2012

 

« Ben signe Nice »
A l’occasion du 50ème anniversaire de Fluxus
Galerie Carrée
1er juillet – 28 octobre 2012

 

Portraits

Jean-Paul Albinet, matricule N° 337731

Untel
Pour Jean-Paul Albinet , le début du parcours artistique s’identifie à celui du groupe Untel. Cofondateur du groupe avec Philippe Cazal et Alain Snyers, il participe à l’aventure de ce groupe qui, de 1975 à 1980, réalise de nombreuses expositions et manifestations en France. Le regard porté par le groupe Untel sur la société de son temps en ce début des années soixante dix a gardé toute son actualité et toute son acuité. Mais l’histoire récente des groupes d’artistes montre que les aventures collectives ne durent qu’un temps. Chacun de ces artistes aura ainsi à poursuivre son chemin propre.

L’étendard de la mondialisation
Pour Jean-Paul Albinet, après quelques recherches diverses, c’est un remarquable signe du temps qui devient le support de son travail : le code-barre ! Ce choix ne doit rien au hasard. Jean-Paul Albinet explique comment ce code-barre constitue le premier signe de la mondialisation.

Jean-Pau lAlbinet

A la fois symbole graphique et symbole économique, ce code-barre devient, chez cet artiste, le moyen de décliner sur le plan et en volume toute une série d’œuvres.
On peut remarquer à quel point ce développement personnel de l’œuvre s’inscrit très logiquement dans le prolongement de l’expérience collective du groupe Untel qui avait su nous faire regarder autrement la vie quotidienne en milieu urbain.

Jean-Paul Albinet – Sérigraphie 337731

Le numéro 337731, identité conceptuelle de l’artiste Jean-Paul AIBINET, correspondant à l’ immatriculation CNUF (code national unifié des fournisseurs) en tant que fabricant d’oeuvres peintes et sculptées, ou d’objets. Cette double attribution est dûment enregistrée par GENCOD, l’organisme qui s’occupe de ces questions pour la France. Jean-Paul Albinet, à travers sa démarche artistique, nous montre ce que nous ne voyons plus depuis longtemps : comment un petit symbole technique tellement banal dans notre quotidien, révèle et désigne l’uniformisation des échanges et l’emprise de la société marchande sur toute la planète.

Photos  Wikipédia et  JP Albinet

Jean-Paul Albinet dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain
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Pour mémoire

Untel

La catégorie « Pour mémoire » de ce blog concerne l’évocation d’artistes disparus. Pour cet article, les artistes concernés sont heureusement vivants et en excellente forme. Seul le groupe qui les a réunis pendant cinq ans est défunt.
Le groupe Untel fut un collectif d’artistes créé en 1975 à Paris par Jean-Paul Albinet, Philippe Cazal et Alain Snyers. Ces copains étudiants d’écoles d’art ont eu pour objectif pendant cinq ans d’aborder « La vie quotidienne en milieu urbain ».

Déjeuner sur l'herbe untel
« Le déjeuner sur l’herbe » Groupe Untel intervention non officiel Salon des artistes Français Galeries nationales du Grabnd Palais 8 avril 1975

Par tous moyens (création d’objets,,installations, interventions), ces artistes se sont employés à proposer un regard critique sur les éléments divers de la société urbaine de consommation.
Déjà le nom du groupe annonce cette volonté de situer cette action dans un anonymat peut-être destiné à fondre leur regard dans un environnement où chacun ignore l’autre, où l’invisibilité des individus contribue à l’abandon d’un regard critique.
Dans cet univers que le sociologue américain David Riesman appelait «La foule solitaire», c’est un groupe formé d’individus innommables qui s’en prend aux médias, au marché, au tourisme, à la publicité pour mieux toucher du doigt les maladies de la vie sociale urbaine.
Je garde le souvenir de la biennale de Paris de 1977 où le groupe Untel, au musée d’art moderne de la ville de Paris, reconstitue l’Environnement de type Grand magasin.
A la manière de n’importe quel magasin de grande distribution, on pouvait trouver, dans des emballages plastiques toutes les traces de la société urbaine : la radio-télévision (Service public ? Ou conditionnement mental), les déchets urbains (L’écume des jours), l’inauguration de Beaubourg, le métro (Gardez votre indifférence jusqu’à la sortie), le logement (A louer, à vendre, à acheter ou à la rue), la police (S’il vous plaît, vous créez des attroupements, circulez!).
Je n’oublie pas, non plus, cette action d’Alain Snyers sur le trottoir du BHV à Paris, rampant sur le trottoir devant une foule intriguée, manière pour lui de modifier son rapport du corps à la ville. Trente cinq ans plus tard, aujourd’hui 14 janvier 2012, Alain Snyers propose à la Maison des arts de Bagneux une « exposition burlesque »
« Dans l’espace urbain (avenue Albert Petit):
Une grande ENQUÊTE D’UTILITÉ PUBLIQUE pour déterminer la future destination du jardin public de l’avenue Albert Petit. 9 projets audacieux sont présentés sous forme d’affiches dans la rue pour inviter les passants à en prendre connaissance et à se prononcer. La population pourra ainsi choisir entre : une MINE À CIEL OUVERT, un MUSÉE DE LA FRITE HEUREUSE, un CENTRE DE RECYCLAGE DES IDÉES NOIRES, un PALAIS DE LA CHAUSSURE IDÉALE, un HÉLIPORT RÉGIONAL, un MAXI-CHENIL de 3000 niches, un JARDIN DES MALICES, un PARC D’ÉOLIENNES À PAROLES, un MÉMORIAL AMNÉSIQUE. Le public pourra choisir et voter dans la Maison des arts. »

« Tissus de mensonges » Alain Snyers 2012

Chacun des anciens membres du groupe Untel poursuit ainsi aujourd’hui un chemin personnel, mais comme pour Philippe Cazal ou Jean-Paul Albinet (avec une œuvre sur le thème du code-barre), les questions posées dans les années soixante dix n’ont rien perdu de leur actualité.