La chaîne vidéo

Mémoires d’expositions : « Annoncez la couleur! » au château de Vascoeuil en 2017

Après Orléans, Perpignan et Agen, l’exposition « Annoncez la couleur ! » est accueillie au château de Vascoeuil en 2017. L’oeuvre de Gérard Fromanger bénéficie à Vascoeuil d’un cadre somptueux pour développer plusieurs grandes séries de son oeuvre. Le Château est aujourd’hui un centre d’art renommé qui présente d’importantes expositions de peintures et de sculpture. Le site, classé et inscrit, comporte un magnifique colombier du XVIIe siècle avec son système d’échelle tournante entouré de jardins et parc de sculptures, avec, en permanence, plus d’une cinquantaine d’oeuvres d’artistes modernes et contemporains. Par ailleurs un musée est consacré dans une dépendance du XVIIIe siècle à l’historien Jules Michelet (1798-1974) qui séjourna à Vascoeuil et y écrivit de longues années.

« Je me suis toujours demandé ce qui était à l’origine de la quadrichromie, technique avec laquelle j’ai fait plusieurs séries de peinture. Avant la quadrichromie, il y a eu la trichromie utilisée par le fameux Ducos du Hauron. Avec un nom pareil, on ne peut pas l’oublier. Avec sa physionomie que l’on découvre dans les photographies noir et blanc de l’époque, ça m’a donné envie de faire son portrait avec l’idée de trichromie.
Cela peut être quoi la constante d’un peintre ? Pour certains ce sera la matière, pour d’autres la forme, pour d’autres encore l’environnement. Pour ma part, l’idée c’était d’expérimenter la couleur et la couleur est devenue ma constante. Je suis davantage un homme de la lumière que de la nuit et sans lumière, il n’y a pas de couleur. La couleur est devenue ma constante dans la lumière.
Alors l’idée de Ducos du Hauron, avec sa méthode d’extraction et de reproduction de la couleur, va me servir pour inventer une nouvelle vision de la quadrichromie. Par exemple, dans la série des Quadrichromies, si je bouge un peu la reproduction techniquement parfaite, impeccable, des trois couleurs primaires et du noir, ah ! il se passe quelque chose, je donne une autre image du réel.
Plus tard, j’apprends, je ne sais pas par quel hasard, que l’arc-en-ciel s’appelle également « l’écharpe d’Iris ». J’apprends, en effet, que Zeus avait, entre autres amoureuses, une certaine Iris.
Tout d’un coup : Iris, l’irisation, l’oeil, cela m’intéresse beaucoup. Je vais un peu plus loin et j’apprends qu’Iris après avoir passé une nuit d’amour avec Zeus, celui-ci l’envoie sur la terre avec une écharpe pour déposer les rayons de couleur sur la terre pour faire se lever la lumière.
Dans tous les tableaux de la Série noire , il y a l’arc-en-ciel 3 avec des morceaux de couleur déposés par Iris sur un petit bout d’arrêt d’autobus, un petit bout de trottoir, un petit morceau de kiosque à journaux, une roue de bagnole, sur n’importe quoi qui fait mon univers quand je marche dans le monde. Donc dans la « Série noire », ce n’est pas seulement le bicolore d’un monde mafieux, ce sont
toutes les couleurs pour rendre possible la vie dans le polar.
 » Gérard Fromanger


La chaîne vidéo

Mémoires d’expositions : « Annoncez la couleur ! » aux Jacobins à Agen 2016

Quand l’exposition « Annoncez la couleur ! » avec Gérard Fromanger est présentée dans la Collégiale des Jacobins à Agen en 2016, elle se trouve particulièrement légitime pour se situer dans la ville où naquit et mourut Louis Ducos du hauron , inventeur de la photographie couleur en trichromie.
En 1868, après dix années de recherches, Ducos du Hauron met au point le procédé de trichromie et invente ainsi la photographie couleur.
Originaire de la région d’Agen, il s’était tourné vers l’étude des couleurs et de la lumière par passion pour la peinture. Son exposition de photos à l’exposition universelle de Paris en 1878 lui valu un grand succès. La première photographie couleur, prise à Agen, reposait sur le principe de Maxwell de décomposition de la lumière par les trois couleurs fondamentales que sont le rouge, le vert et le bleu.

Sa jeunesse dans le Sud-Ouest
Photo d’Agen par Louis Ducos du Hauron 1877

Les travaux de Louis Ducos du Hauron ne s’arrêtent pas à cette invention. Après l’héliochromie, il s’attèle à des recherches optiques en particulier sur l’anamorphose. Le procédé qu’il met au point est toujours appliqué dans les observatoires astronomiques. Il se lance dans des recherches qui aboutiront également à l’invention du cinéma.En 1874, il dépose le brevet du mélanochromoscope, appareil photographique à objectif unique permettent, via deux miroirs semi-transparents, un miroir normal et trois filtres colorés, d’impressionner sur une seule plaque trois vues de 35 x35 mm, correspondant à chaque couleur primaire. Le même appareil permet de visualiser une image en couleurs à partir de plaques positives.
L’exposition de l’oeuvre de Fromanger, mise en perspective avec l’invention patrimoniale de Ducos du Hauron, décrit la stratégie de la couleur du peintre sur un demi-siècle.

Jaune,paysage Paris-Bastille 1993 1994

La chaîne vidéo

Mémoires d’expositions : Annoncez la couleur ! à ACMCM Perpignan 2014

« A cent mètres du centre du monde »

La rubrique « Mémoires d’expositions » du vidéo-magazine des Chroniques du chapeau noir propose de revenir sur celle consacrée à Gérard Fromanger : « Annoncez la couleur ! » à Perpignan en 2014 à « A cent mètres du centre du monde », premier grand déploiement de cette exposition sur 1400 M2.
Après la première exposition à la galerie Le Garage à Orléans en 2009, cette exposition va pouvoir bénéficier à Perpignan d’un espace exceptionnel à « A cent mètres du centre du monde. »
L’exposition « Annoncez la couleur !  » met l’œuvre de Fromanger en perspective avec Louis Ducos du Hauron, inventeur de la photographie couleur en trichromie, si méconnu et si déterminant dans l’aventure de notre image contemporaine. La première photographie couleur, prise à Agen en 1877, reposait sur le principe de Maxwell de décomposition de la lumière par les trois couleurs/lumières primaires : rouge, vert,  bleu.  Il réalisa trois photographies d’un même sujet au travers de filtres de verre colorés successivement en rouge, bleu et vert qui laissaient passer seulement les radiations de sa couleur, interceptant toutes les autres. En superposant enfin les trois épreuves, il obtint la restitution des couleurs. Le procédé de trichromie était né. Ce procédé résumé ici en quelques mots était le fruit de longues recherches et d’essais aux résultats souvent infructueux.
Gérard Fromanger parcourt en sens inverse le chemin de Louis Ducos du Hauron,  en décomposant cette trichromie photographique pour mettre en scène les couleurs.

Annoncez la couleur ! à  » A cent mètres du centre du monde  » à Perpignan

 » La trajectoire qui mène de la photographie au tableau« 

Dans « La peinture photogénique« , Michel Foucault écrit au sujet des peintres de la Figuration narrative: « Ce qu’ils ont produit au terme de leur travail, ce n’est pas un tableau construit à partir d’une photographie, ni une photographie maquillée en tableau, mais une image saisie dans la trajectoire qui la mène de la photographie au tableau ».

C’est cette trajectoire que l’exposition ambitionne de révéler dans cette relation  à la couleur, avec cette mise en perspective Fromanger/Ducos du Hauron.
Le cheminement de Gérard Fromanger se poursuit ainsi dans cette quête, associée à un mouvement artistique qui a connu bien des turbulences. La Figuration narrative n’est pas un long fleuve tranquille. Elle a été agitée souvent par les susceptibilités, les oppositions internes. Le critique d’art Jean-Luc Chalumeau écrivait : « Nous assistons à un phénomène comparable à celui qui fit d’Andy Warhol, arrivé sur la scène artistique après Lichtenstein et quelques autres, l’incarnation même du Pop art.  Voilà que l’Histoire est en train de désigner Gérard Fromanger comme le représentant emblématique de la Figuration narrative(…) ».

La chaîne vidéo

Vidéo-magazine N°14 : Gérard Fromanger « Annoncez la couleur ! »

Au musée des Beaux-arts de Caen vient de s’ouvrir l’exposition « Annoncez la couleur ! » avec Gérard Fromanger dans le cadre de « Normandie impressionniste ».

« Quand le photographe Nadar présente dans son atelier en 1874 les peintres encore mal aimés qui deviendront les « Impressionnistes » après la visite du critique Louis Leroy dans cette exposition, le captivant jeu d’aller retour entre peinture et photographie ouvre une page nouvelle après toutes celles écrites depuis que la caméra obscura du peintre a offert au photographe l’outil majeur de son existence. Un siècle plus tard, l’œuvre de Gérard Fromanger trouve, avec l’inventeur de la photographie couleur en trichromie Louis Ducos du Hauron, une complicité objective à travers le temps. L’exposition « Annoncez la couleur ! » , présentée au musée des Beaux-arts de Caen, retrace le parcours d’un peintre qui a, sur soixante années de création, opéré cette réflexion sur la couleur avec la décomposition chromatique de la lumière ainsi que pour la déconstruction trichrome de l’image couleur. Louis Ducos du Hauron exprimait l’objectif de « Forcer le soleil à peindre avec des couleurs toutes faites qu’on lui présente ». Pour Gérard Fromanger, de l’œuvre « Le soleil inonde ma toile » (1966) à « Impression soleil levant 2019 « , ce parcours, sur plus d’un demi-siècle de peinture, interroge la lumière, la décomposition du spectre puis engage une stratégie de la couleur fondée sur cette trichromie revue en quadrichromie.
Cette exploration ne se limite pas au phénomène physique de la lumière. L’implication du peintre dans son époque anime son œuvre depuis sa participation active à l’atelier des Beaux-arts de Paris en mai 1968. « Le monde n’est pas un spectacle, ni une représentation. Je suis dans le monde, pas devant le monde. ». Assumer cet engagement personnel passe par la réflexion sur ce que doit être la peinture. « Faut-il peindre la révolution ou révolutionner la peinture ? » « Selon moi, concluait Gérard Fromanger, pour peindre la révolution, il fallait déjà révolutionner la peinture

Claude Guibert
Commissaire de l’exposition

« Annoncez la couleur ! »
Gérard FROMANGER

du 12 septembre 2020 au 3 Janvier 2021
Musée des Beaux-arts der Caen
Le château
14000 Caen

                                                                         
Médias

Gérard Fromanger : le temps Presse

« Comment dites-vous ? » série « Annoncez la couleur ! » 1974

Dans l’oeuvre du peintre Gérard Fromanger (que j’ai le plaisir de présenter prochainement à Avallon dans la double exposition « Annoncez la couleur ! ») un mobilier urbain familier a toujours occupé une place privilégiée : le kiosque à journaux. Ce qui pourrait paraître comme un aspect accessoire dans son œuvre révèle pourtant, me semble-t-il, un symbole majeur de sa relation au monde. Pour cet artiste qui a toujours clamé « Je suis dans le monde, pas devant le monde », le kiosque n’est pas seulement la modeste bâtisse qui protège le vendeur de journaux, silhouette depuis si longtemps intégrée au paysage de la ville. Il s’inscrit dans une histoire contemporaine.
Dans la capitale, cette petite histoire des kiosques est liée à celle, plus imposante, de l’urbanisme due au baron Haussmann. L’architecte Gabriel Davioud, également à l’origine du théâtre du Châtelet et de la fontaine Saint-Michel, s’est vu chargé d’imaginer des petits pavillons destinés à cette diffusion de presse. Les premiers kiosques à journaux voient le jour le 15 août 1857. À l’époque, ils sont réservés aux‭ ‬veuves‭ ‬de‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬ militaires‭ ‬‬et ‭‬de ‬fonctionnaires‭ ‬‬pour ‬qu’elles ‭‬puissent ‭‬toucher‭ ‬un‭ petit ‬revenu. Et si leur modèle a évolué au fil des années , leur présence conserve la même symbolique. Le kiosque est le lieu toujours vivant d’une expression de la liberté de la presse, d’une image de la pluralité quand bien même cette pluralité doit être tempérée par la réalité contraignante des concentrations de presse, des liens souterrains entre publications apparemment indépendantes. Au coin de la rue, accessible à tous, il propose encore aujourd’hui son propre théâtre de l’information dans une époque dominée par l’envahissante information audiovisuelle.
Lorsque le peintre, au début des années soixante dix, privilégie ce sujet dans ses toiles, l’information numérique n’existe pas. La télévision ne propose pas encore un flot ininterrompu d’informations. Et si la radio est familière, les images immédiatement soumises au passant sont celles du kiosque ouvert tôt le matin. Là s’offrent à la vue de tous les titres accrocheurs, les photos choc. Chacun peut discrètement feuilleter un quotidien, un hebdomadaire avant de faire son choix.

« Quel est le fond de votre pensée ? » série « Annoncez la couleur ! » 1973


Et s’il a pu paraître désuet aujourd’hui, noyé dans ce tourbillon infernal propulsé de la galaxie Gutenberg vers la galaxie Mac Luhan, le kiosque reste un point de repère incontournable. L’incendie de l’un d’eux sur les Champs Elysées à Paris lors des récentes émeutes urbaines a brutalement rappelé combien sa présence était précieuse.
La distribution de masse pour la presse papier n’ a pas fait disparaître cette image quotidienne associée à la ville, à l’humain, à l’odeur du café matinal, au bruits de la rue. Le kiosque à journaux prend sa place dans un tissu citadin où les rencontres sont encore possibles, où l’échange verbal fait partie d’une communication de proximité, sans intermédiaire technique, sujette aux humeurs, aux hasards des rencontres.

« L’île des amours perdues » Série Boulevard des Italiens 1971

L’intention ici n’est pas de promouvoir dans ces lignes la préservation d’une espèce en voie de disparition ni même la conservation crispée d’une image du passé. Elle souhaite davantage porter, près d’une demi siècle après ces tableaux de Gérard Fromanger, un regard actuel sur notre relation au monde, à la ville, aux autres. Face au tsunami de l’information audiovisuelle, c’est l’échelle humaine qui prévaut dans l’approche de cette presse écrite mise en scène dans le kiosque à journaux. Une information accessible au piéton qui se hâte lentement. Pour cette prise de conscience, le temps presse.

« Annoncez l a couleur ! »
Gérard Fromanger

22 juin- 22 septembre
Les Abattoirs et les salles Saint-Pierre/La Fabrique
89200 Avallon


Moments privilégiés

« Partout »

« Boulevard des Italiens »

Cette fois Gérard Fromanger a franchi le pas dans sa célèbre série « Boulevard des Italiens » (1971) : de la ville toujours présente en toile de fond de sa série il ne reste rien. Seul tableau de cette ensemble de trente toiles « Partout » laisse place nette à ces silhouettes rouges qui ont définitivement marqué le basculement de son œuvre dans ce qui n’est plus une simple figuration pour accéder à ce que le journaliste de « Monde » Harry Bellet désignait comme les prémices d’un art conceptuel.
Pour mémoire l’histoire de cette série commence à Paris entre 12 heures 30 et 13 heures ce vendredi 5 février 1971. De l’Opéra à Richelieu Drouot par le boulevard des Italiens, le peintre et le photographe de presse Elie Kagan réalisent un reportage photographique. Gérard Fromanger, après avoir transféré les clichés noir et blanc d’Elie Kagan en diapositives, projette sur l’écran de la toile blanche cet instantané quelconque, ce moment banal prélevé sur une journée ordinaire où rien ne se passe, où seules les silhouettes des personnages vont changer de statut avec l’aplat de peinture rouge que le peintre décide ce jour-là de fixer sur la toile. Pourtant ce réel existe. La photo d’origine montre ces piétons sur le boulevard des Italiens près de quelques voitures en stationnement avec en arrière plan les immeubles du boulevard.

Mais cette fois, avec le choix de l’artiste, le concept prend le pas sur la figuration, l’idée prime sur la représentation. Désormais, avec cette stratégie des couleurs Gérard Fromanger place sa peinture dans cet espace nouveau (nous sommes en 1971) qui va marquer définitivement son œuvre.
On sait que les trente toiles de la série Boulevard des Italiens constitue un ensemble indissociable, décrivant, d’une toile à la suivante, la totalité du spectre lumineux décomposé naturellement dans l’arc en ciel puis scientifiquement parle physicien Newton. « Partout », irradiant avec le blanc la totalité du spectre, situe cette œuvre comme l’ultime étape de la couleur, celle qui les réunit toutes et entérine l’accession des figures au statut de concept.
Lorsque cette série bénéficie d’un accrochage linéaire (Ici au musée de l’Hospice Saint-Roch à Issoudun),  elle se révèle comme le lieu géométrique d’une œuvre totalement dédiée à cette stratégie de la couleur.

Série « Boulevard des Italiens » Musée de l’Hospice Saint-Roch Issoudun 2019

Désormais la figuration de Gérard Fromanger laisse place à un travail radical sur l’image, « Images prélevées comme une pellicule sur le mouvement anonyme de ce qui se passe» écrit Michel Foucault au sujet des peintres de la Figuration Narrative.

Avec ce point de non retour, Gérard Fromanger offre à l’écrivain Alain Jouffroy l’occasion de proposer sa propre lecture sur chaque tableau de la série. Près de cinquante ans plus tard,les mots d’Alain Jouffroy apparaissent toujours aussi actuels : « Ils sont ouvriers, employés, travailleurs, fainéants, petits-bourgeois, petits commerçants, petits paysans. Petits oui, mais si nombreux qu’ils éclipsent par leur nombre, par leur identique manière d’aller quelque part, ou nulle part, la Ville, le monde où ils vivent provisoirement.(…) Il y a toujours quelqu’un.Il y a toujours des gens, il y a toujours des corps, des sexes, des regards, des voix. Leur dictature sans gouvernement est notre seule liberté. Partout ».

Gérard Fromanger dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Gérard Fromanger
« Annoncez la couleur ! »

Du 16 février au 12 mai 2019
Musée de l’Hospice Saint-Roch
Issoudun

Expositions

De toutes les couleurs

Annoncez la couleur !

Alors que l’année 2018 s’est achevée sur une dominante monochrome jaune quelque peu simplificatrice, je profite du titre d’une exposition que j’ai le plaisir de faire circuler en France depuis quelques années (« Annoncez la couleur !  » avec la confiance que m’accorde le peintre Gérard Fromanger ) pour suggérer d’ouvrir une année 2019 de toutes les couleurs. Si le «rouge Fromanger» décrit par Jacques Prévert poursuit le peintre depuis de longues années, il ne s’agit pourtant que d’un moment du processus. «Je ne suis pas, confirme-t-il, dans un registre particulier et obsessionnel, comme on peut dire le « bleu Klein » ou le « bleu Monory» . Dans mon travail, elles ont toutes le droit de cité, le droit à la vie et le droit de sa battre entre elles pour exister. ».
Ce droit à la polychromie pourrait judicieusement servir d’objectif pour cette nouvelle année en valorisant le respect des différences, l’apport bénéfique des nuances, l’enrichissement dû aux particularités.

 Sur les deux tableaux

« Annoncez la couleur ! » ne se réduit pas à cette intention plasticienne. L’expression joue, si l’on peut dire, sur les deux tableaux en revendiquant l’implication dans le monde de son temps, en attendant de chacun son propre engagement.
C’est l’occasion d’évoquer ici une production graphique rarement abordée dans ce blog : l’artiste Michel Granger, a créé pour la Poste Française le dernier timbre de l’année 2018, valable au premier janvier 2019, pour illustrer le soixante-dixième anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme.
Le 10 décembre 1948, les états membres de l’Organisation des Nations Unies réunis en Assemblée générale au Palais de Chaillot, à Paris, adoptent la Déclaration universelle des droits de l’homme. Pour commémorer son adoption, la Journée des droits de l’homme est célébrée chaque année le 10 décembre. « Ce document fondateur – traduit dans plus de cinq cents langues différentes , continue d’être, pour chacun d’entre nous, une source d’inspiration pour promouvoir l’exercice universel des droits de l’homme » commente la Poste.
La création de Michel Granger symbolise cette planète de toutes les couleurs, offrant, en principe, une place équivalente à chacune des couleurs des hommes et des femmes sur cette terre.
Il serait peut-être opportun de souligner que l’intitulé « Déclaration universelle des droits de l’homme » serait tronqué si l’on ne mentionnait pas dans son intégralité ce document, c’est à dire « droits de l’homme et du citoyen » .
L’écrivain Raphaël Glucksmann fait très justement observer dans son livre « Les enfants du vide » (Allary Editions 2018) :
« Dans l’esprit des révolutionnaires de 1789, tout homme est appelé à devenir citoyen. Mais ces deux dimensions ne sauraient être confondues. Et la République exige donc de chacun de nous une forme de schizophrénie : être à la fois homme et citoyen » .
Si bien que, me semble-t-il, l’acceptation de l’autre passe par le respect des couleurs de son prochain, l’adhésion à la différence chromatique significative des valeurs à préserver : liberté, laïcité, démocratie… La déclaration de 1948 n’a pas été, depuis soixante dix ans, exemptée de critiques, de contestations. On ajouterait vraisemblablement aujourd’hui « Droits de l’homme et de la femme » , on y ferait référence aux minorités de toutes natures. Pour autant le principe général de cette proclamation reste un objectif davantage qu’un constat. De toutes les couleurs n’est peut-être pas un slogan politique mais il offre aux artistes, je crois, matière à réflexion.

« Annoncez la couleur »
Gérard Fromanger

Du 15 février au 12 mai 2019
Musée de l’Hospice Saint-Roch
Issoudun

Gérard Fromanger dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Site officiel de l’exposition

Expositions

Fromanger à Soissons : la couleur du temps

Plaidoyer pro domo

On ne m’en voudra pas ( j’espère…) de céder à la tentation du plaidoyer pro domo. Car l’exposition dont il sera question ici est celle dont je suis le concepteur et commissaire d’exposition. « Annoncez la couleur ! » avec Gérard Fromanger bénéficie, en effet, à l’Arsenal de Soissons d’une visibilité particulièrement remarquable. Si l’architecture du bâtiment militaire, ancienne poudrière, présente extérieurement un aspect plutôt austère, les espaces intérieurs, sur deux niveaux, ont permis de développer une présentation de l’œuvre de Fromanger dans des espaces rarement disponibles. Lorsque de telles conditions d’accrochage sont offertes, il devient possible de développer l’argument de l’exposition en l’étayant avec un demi-siècle d’œuvres du peintre.

Salle des italiens3

De quoi s’agit-il ? Sur cinquante années de travail, Gérard Fromanger a développé une stratégie de la couleur qui lui est propre. Après avoir, dès 1971, consacré une série entière (« Boulevard des Italiens ») à la décomposition entière du spectre lumineux, chaque toile placée sous une couleur dominante à l’intérieur du spectre, Gérard Fromanger s’engage dans un énorme chantier avec la série des «Quadrichromies ». Avec sa réflexion de peintre, il croise la question de la couleur avec celle de ses composantes primaires. En cela, il rejoint les préoccupations de tous ceux qui se sont attachés à la reconstitution de l’ensemble des couleurs. Mais dans ce domaine la confusion règne.

quadrichromies 3

Pour le peintre, les primaires sont le bleu, le jaune et le rouge. Pour le physicien Maxwell, puis pour le photographe, les primaires sont le bleu, le vert et le rouge. Pigments de peintures et longueurs d’onde lumineuses ne répondent pas aux mêmes contraintes. Louis Ducos du Hauron, inventeur de la photographie couleur en trichromie, sera mis en perspective, dans l’exposition, avec cette double approche de la trichromie.
Gérard Fromanger a donc utilisé les trois composantes primaires du peintre pour déconstruire la couleur. Avec la série « Quadrichromies », se référant à l’imprimerie, il y ajoute le noir. Cinq très grandes toiles verront le jour : « Jaune, paysage Paris-Bastille » , « Bleu, paysage toscan » , « Rouge, nus » , « Noir, nature morte » et « De toutes les couleurs, peinture d’Histoire ».
Exceptionnellement quatre de ces toiles ont pu être regroupées dans un grand espace de l’Arsenal de Soissons. La notion même de tableau s’efface devant l’environnement créé par ces fresques, immenses toiles déroulées sur les murs de l’arsenal. C’est tout le mérite de ce lieu d’exposition d’avoir permis cette présentation thématique dans plusieurs salles, chacune réservée à une série particulière : « Boulevard des Italiens » (1971), « Quadrichromies (1991-1992), « Batailles ‘(1994) notamment.

Un argument peut en cacher un autre

Ce fil rouge de la trichromie mise en lumière avec l’inventeur Louis Ducos du Hauron s’est trouvé concurrencé cette année 2018 dans l’exposition avec un autre argument ponctuel : le cinquantenaire de mai 68. Ce paramètre historique devenait incontournable dans l’exposition d’un peintre totalement impliqué dans la création de l’atelier populaire des Beaux-arts de Paris qui, en1968, produisit plus d’un million d’affiches.

Le rouge copie

Avec son titre « Annoncez la couleur ! »  l’exposition s’est trouvée particulièrement en situation pour offrir aux visiteurs un regard rétrospectif sur ce qui a fondé le positionnement du peintre tout au long de ces décennies : être dans le monde, pas devant le monde. Le « rouge Fromanger » décrit par Jacques Prévert est, en cette année de mémoire, la couleur du temps.
Avec les cent dix œuvres accrochées dans ce lieu, l’exposition a bénéficié, après Perpignan en 2014 (A cent mètres du centre du monde), Agen en 2016 (Eglise des Jacobins, musée des beaux-arts), château de Vascoeuil en 2017, d’un déploiement unique en doublant le nombre de toiles présentées.

« Annoncez la couleur ! »
Gérard Fromanger

Du24 mai au 2 septembre 2018
Arsenal Soissons

Gérard Fromanger dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Livres

Quand Fromanger annonce la couleur

C’es l’approche d’un artiste indocile, voire irréductible que le livre de Laurent Greilsamer, qui vient de paraître dans la collection « Témoins de l’art » chez Gallimard, tente de cerner.
L’idée même de voir Gérard Fromanger participer à un livre sur sa personne n’était pas acquise et il a fallu à l’auteur des entretiens faire preuve de conviction pour faire aboutir l’ouvrage.
Ces conversations arrivent à point nommé alors que se multiplient en ce mois de mai 2018 les évocations de la participation des peintres à l’atelier populaire des Beaux-arts de Paris en mai 68. Ce moment fort pour l’ensemble des participants l’a été également pour Gérard Fromanger. Mais c’est d’abord sur le parcours de jeunesse que ces entretiens reviennent. Il y a sept générations de peintres chez les Fromanger. Au point que Gérard se sent obligé par cette histoire. Après l’enfance et les études en Normandie, le parcours de celui qui s’engage dans la peinture commence par une séquence de dix huit jours à l’école nationale des Beaux-arts de Paris. Dans cet univers où dominent Buffet et Brayer; Fromanger attend Pollock, De Koning et Kline : « Yves Brayer, c’était les petits chevaux de Camargue pendant qu’il y avait la grande peinture à New York, influencée par le surréalistes, venu d’Europe. Donc salut ! » Assurément la participation de Fromanger à l’atelier populaire des Beaux-arts en mai 68 restera comme un ancrage dans la relation que l’artiste établit avec le monde pour la suite de son œuvre.
« Mai 1968 et l’Atelier populaire ont permis à la société française de comprendre qu’elle avait des artistes contemporains autres que Buffet et Brayer » explique-t-il. Désormais la façon de repenser la peinture passe, pour lui, par cette stratégie de la couleur qui traversera toute son œuvre jusqu’à aujourd’hui. Cette stratégie s’exprime dans une relation au monde clairement désignée : « Je suis dans le monde, pas devant le monde ».
Ce chemin sera jalonné de rencontres privilégiées : César, Giacommetti, Alain Jouffroy, Gilles Deleuze, Michel Foucault, Felix Gattari, Régis Debray, Michel Onfray notamment. De tels échanges auront leur importance dans ce cheminement que décrit Olivier Zahm : « Gérard Fromanger pense et peint. On pourrait dire qu’il fait les deux ensemble, mais non : il travaille à la conjonction peinture et pensée ».
Si les relations de Fromanger avec les artistes et les intellectuels se sont révélées enrichissantes, avec les institutions il en va tout autrement. Toujours attentif à sa liberté, le peintre entretient avec ces institutions des rapports assez tumultueux comme en témoigne notamment le projet avorté d’un plafond au Louvre pourtant promis par les plus hautes autorités de l’état. Plus récemment un projet de vitraux financé par un mécène pour une église romane avorte, après une rencontre dans son atelier avec l’évêque auquel il ne cède rien.
Depuis le début des années quatre-vingt, Gérard Fromanger partage sa vie entre son atelier de la Bastille à Paris et celui de Toscane dans lequel ont vu le jour les grandes séries qui jalonnent son œuvre. Les entretiens témoignent de cette situation à la fois de présence et d’absence dans le monde de l’art. On ne trouve pas hélas dans l’ouvrage de question sur les relations que l’on sait turbulentes entre les partenaires de la Figuration narrative. Ce point aveugle dans le livre nous laisse un peu sur notre faim.

« Annoncez la couleur ! « 

Dans deux semaines s’ouvre à l’Arsenal de Soissons l’exposition « Annoncez la couleur ! » avec Gérard Fromanger. La photographie occupe une place déterminante dans son processus de création. « Annoncez la couleur ! » met l’œuvre de Fromanger en perspective avec celle du trop peu connu Louis Ducos du Hauron, dont l’invention de la photographie couleur en trichromie en 1869 fut décisive dans l’aventure de notre image contemporaine. Dans le même temps cette expression caractérise le positionnement d’un artiste indocile, attaché à son indépendance et à sa liberté ce qui ne crée pas que des amitiés au gré des circonstances, des polémiques.
Cette propension à annoncer la couleur signe à la fois une personnalité et une œuvre, toutes deux engagées dans cette quête de liberté.

« Fromanger, de toutes les couleurs ».
Laurent Greilsamer
Collection « Témoins de l’art »
Gallimard publication mai 2018

Gérard Fromanger dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Moments privilégiés

Une année particulière

A quoi ressemblera l’année 2018 ? Parmi tous les indices qui peuvent alimenter cette interrogation, nul doute que l’évocation de deux commémorations ne passera pas inaperçue. Le cinquantenaire de mai 68 replace aujourd’hui cette période agitée dans une perspective historique pour beaucoup et une nostalgie persistante pour ceux qui l’ont vécue. Plus discret l’anniversaire de la mort de Marcel Duchamp peut également offrir une réflexion à notre regard sur l’art du temps.
L’intrusion de mai 68 dans le domaine de l’art a bien dépassé le seul cadre de l’espace artistique pour envahir l’imagerie populaire.

Les affiches de mai

Le 8 mai 1968, à l’initiative des élèves architectes, un comité de grève se constitue à l’École des beaux-arts de Paris. Des artistes du Salon de la Jeune Peinture, comme Gilles Aillaud, Eduardo Arroyo, Francis Biras, Pierre Buraglio, Gérard Fromanger, Bernard Rancillac ou Gérard Tisserand et des membres de différentes tendances ou courants de gauche et d’ extrême gauche organisent le mouvement : assemblée générale journalière, discussions, décisions collégiales … Le 14 mai, étudiants et artistes impriment une première affiche en lithographie à trente exemplaires “Usines, Universités, Union”. Le même jour, le peintre Guy de Rougemont et le sérigraphe Éric Seydoux, qui maîtrisent cette technique de la sérigraphie, sont chargés de mettre en place un atelier et initient étudiants et artistes à cette technique nouvelle qui permet d’imprimer plus rapidement que la lithographie. La totalité des affiches imprimées atteindra le million.
Pour les artistes, cette période d’activité intense, aura durablement influencé l’implication de leur peinture dans une prise de responsabilité au regard du monde réel. « Les artistes ne sont même plus dans leurs ateliers, ils ne travaillent plus, ils ne peuvent plus peindre parce que le réel est beaucoup plus puissant que toutes leurs inventions » témoigne Gérard Fromanger.

 « Vivre et laisser mourir ou la fin tragique de Marcel Duchamp ».

En mai 1968 il ne reste plus à Marcel Duchamp que quelques mois à vivre. Déjà certains peintres de la Figuration narrative l’ont tué symboliquement une première fois. En 1965, trois artistes qui ont l’habitude de travailler ensemble à des œuvres collectives, Gilles Aillaud, Eduardo Arroyo et Antonio Recalcati, réalisent une série de huit grandes peintures intitulées « Vivre et laisser mourir ou la fin tragique de Marcel Duchamp ». La série figure une scène d’interrogatoire policier qui tourne mal, interrompue par trois copies des œuvres les plus célèbres de Duchamp, le Nu descendant l’escalier (1912), l’urinoir intitulé Fontaine (1917), et le Grand Verre (1915-1923).

AILLAUD Gilles (1928-2005), ARROYO Eduardo (né en 1937), RECALCATI Antonio (né en 1938), Vivre et laisser mourir ou la Fin tragique de Marcel Duchamp, 1965,  ensemble de huit tableaux signés collectivement.

On voit l’un des trois peintres en train de frapper Duchamp, ce dernier inanimé sur un fauteuil puis jeté nu dans un escalier. La séquence se termine par un enterrement avec drapeau américain sur le cercueil et, pour tenir les cordons du poêle, trois protagonistes du Nouveau réalisme français et trois autres du Pop américain.
Cinquante ans après la mort de Duchamp et  les soubresauts de mai 68, l’art du temps a beaucoup changé. La peinture n’a pas tué Duchamp. Duchamp n’a pas tué la peinture. Pour autant le monde de l’art a connu un bouleversement radical. Ce qui est désigné pudiquement sous le terme de mondialisation a ouvert un champ libre au luxe planétaire  s’octroyant les attributs de la culture et de l’art.
C’est à ce réel là que les artistes se retrouvent confrontés aujourd’hui.