Pour mémoire

Claude Viseux

Avant de terminer sa vie au pays basque, Claude Viseux, dans son atelier d’ Arcueil, me présentait l’étonnant amoncellement d’œuvres, dans un jardin qui peinait à contenir un tel enchevêtrement de pièces. Curieux spectacle que ces germinations métalliques surgissant au détour d’une allée, comme autant de fantômes d’une industrie improbable qu’un savant fou aurait tenté de maîtriser. Car, si ces œuvres en acier inoxydable ont le fini parfait d’une production industrielle, elles manifestent néanmoins leur inutilité technique, leur volonté de tromper le regard, jouant sur un déséquilibre, une croissance inattendue, soumises à une génétique incontrôlée.

Claude Viseux

Peintre et sculpteur après des études d’architecture, Claude Viseux se révèle être un expérimentateur infatigable. « Aussi loin que ma mémoire remonte, expliquait-il, je ne me suis jamais posé le problème de l’oeuvre d’art en termes de peinture ou de sculpture. » En 1953 il se lance dans la peinture instrumentale à partir d’un outillage de hasard : élastiques enduits de couleur, tendus et lâchés sur la toile, dont la trace devient l’acte de peindre. C’est en 1959 qu’il se met à la sculpture avec des «structures actives» en acier inoxydable.
En 1972, il s’intéresse à la notion d’équilibre instable. Il a également participé à la conception et à la réalisation de décors et costumes de ballets. Si ses formes relèvent de l’abstraction, souvent dans ses travaux récents, Claude Viseux joue sur l’ambiguïté de cette forme à la fois abstraite et reconnaissable. Parfois l’œuvre devient sonore au gré de son mouvement.
Peu de temps après son décès fin 2008, un imbécile trouva le besoin de vandaliser une de ses œuvres monumentales à Mont de Marsan « « Les portes de la mer » créée en 1982.
L’oeuvre restaurée a retrouvé sa place pour témoigner de cet itinéraire singulier d’un chercheur infatigable.

Claude Viseux dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photo Wikipedia


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Ateliers

L’atelier de Jean Clerté

Niché sous les toits d’un immeuble de la rue des Beaux-arts à Paris, l’atelier de Jean Clerté rappelle, avec cet espace exigu qui se mérite après avoir grimpé les six étages obligatoires, la condition des artistes du passé. Pour autant, la lumière qui tombe de la verrière est excellente.
Le peintre ne vit pas dans ce lieu même s’il peut y bivouaquer. Mais c’est là, assurément qu’il y trouve la quiétude pour travailler. Sa pratique de l’imprimerie a scellé son amitié avec Pierre Alechinsky qui, en 1984, écrit à son sujet :

« Entre les bidons de vernis et les flacons de verre aux essences et acides bleus, traînaient par là quelques crayons… l’imprimeur a disparu, la fenêtre ne lui suffit plus, qui appelle à la lecture machinale des nuages; il dessine, devine en chaque rectangle obsolète une bribe d’énigme où tracer son opinion linéaire. Survivances, mais aussi trouvailles qui formeront par assemblage un tableau. »

Son amitié avec Pierre Alechinsky a-t-elle joué pour se libérer de la peinture et jouer sans complexe avec le dessin, la couleur ? Jean Clerté est resté ou redevenu enfant pour développer cet espace où le dessin, la peinture, les objets participent de cet environnement ludique. Si l’artiste fabrique des « jouets » étonnants, polychromes, fantasques, le peintre s’adresse également aux grandes personnes et l’humour devient caustique, satirique.

Jean Clerté dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photos de l’auteur tous droits réservés

Jean Clerté expose en ce moment : « Par dessus la tête » à la galerie Pascal Gabert à Paris jusqu’au 22 décembre.


Coups de chapeau

« City » de David Apikian

A la recherche d’un ordre qui transcende la nature et exprime l’harmonie universelle, Mondrian, en 1942, réfugié à New-York, nous offre une de ses dernières toiles  » Broadway Boogie Woogie ». La structure du plan de Manhattan, le rythme du jazz dont il est friand, le mouvement trépidant des rues participent à l’élaboration de son oeuvre. Imprégné des constructivistes et de l’art concret, David Apikian reprend l’oeuvre là où Mondrian l’a hissée pour mieux la dépasser. Avec les outils de son époque, l’artiste intègre cet aboutissement de Mondrian et pour sublimer sa peinture « chauffée à blanc » , explore les voies du mouvement et de la troisième dimension. Avec la série des « City », passée de la toile à la création numérique David Apikian porte le regard sur la ville à un point ultime où couleur, volume, mouvement et son révèlent  » métamorphose urbaine de l’ère post-industrielle ».

Photo David Apikian