Larmes de joie
Il est encore possible pour quelques jours de découvrir dans l’église de la Madeleine à Paris une installation artistique de Benoit Dutour. Se décrivant comme multidisciplinaire, l’artiste aborde des domaines variés comme la peinture, la sculpture, la photographie, la vidéo, le néon ou l’installation.

Dans une église aussi prestigieuse que celle de la Madeleine, il fallait s’appuyer sur un argument en phase avec le lieu pour donner son sens à l’installation. Depuis quelques années déjà l’artiste présentait ces larmes de joie, notamment dans les Nuits blanches à Paris.
Cette année cent trois bulles de verre ruissèlent d’une ouverture de lumière située trente cinq mètres plus haut dans l’édifice religieux. En référence aux présents apportés par les Rois mages qui furent à l’époque de l’or, de la myrrhe et de l’encens, Benoît Dutour a conçu cette scénographie composée de ces « Larmes de Joie » tels des présents, plus actuels, qui tournent autour de la richesse, de la beauté et de la fragilité. Chaque larme de l’œuvre est singulière et donne à voir soit la beauté de la nature, tel les graines de pissenlits qui s’envolent, les trèfles à quatre feuilles, les papillons ou encore une Mante religieuse, soit la richesse avec les pièces, les bitcoins, l’or et même un vrai billet de cinq cents euros emprisonné dans une larme qui côtoie la fragilité tels les cendres de la Cathédrale Notre Dame.
Dans l’atmosphère feutrée de l’église de la Madeleine où la lumière tombée du ciel participe au recueillement des fidèles, les larmes de verre installées par Benoît Dutour s’en trouvent magnifiées. Cet effet valorisant n’est pas sans rappeler l’installation de Jean-Michel Othoniel au Carré Sainte-Anne de Montpellier en 2017. « La Mandorle d’or », « Les Amants suspendus », « Le collier Alessandrita », « La vierge du jardinier », indiquaient dans l’ambiance de cette église néogothique un moment sur ce chemin de civilisation, souvenirs de voyages, de rencontres faites par l’artiste à travers le monde. Othoniel entendait faire écho aux dimensions de sacré, de spiritualité que le Carré Sainte-Anne de Montpellier offrait à ses perles de culture.
L’œuvre de Benoît Dutour présente une spécificité : l’ensemble de ces larmes de verre est animé par des changements d’intensité lumineuse, passant de cinq à dix watts et ces larmes s’éteignent par intermittence en référence au Big Bang et à l’explosion, la disparition et la création et l’origine du monde.

Au-delà de cette fusion lumineuse de l’ensemble avec la spiritualité du lieu, le visiteur attentif peut être séduit par une autre dimension de cette proposition en partant à la découverte du contenu emprisonné dans chaque bulle de verre. Car les offrandes des Rois mages évoquées plus haut, prennent des aspects contemporains inattendus. A proximité des larmes contenant les papillons ou les Monnaie du Pape, pissenlits et feuilles d’or, il est plus surprenant de découvrir la boite de Cambell’s du Pop-art, une carte du jeu de Monopoly, les dés rouge et bleu du casino, des Carambars, un Iphone…. Cette intrusion du contemporain le plus séculier présente un décalage quelque peu iconoclaste comparé à la première lecture de l’ensemble.
Par ailleurs chacune de ces larmes est en vente et sera transmise au décrochage avec un certificat d’authenticité. L’artiste ne conserve aucun bénéfice de ces ventes. L’argent sera reversé à la production, la communication, la curation et à la Madeleine.
Larmes de joie
Benoît Dutour
Du 3 février 2023 au 20 février 2023
Église de la Madeleine
Place de la Madeleine, 75008 Paris