Expositions

Damien Odoul ou la vie sauvage

« Les Visions »

Cinéaste remarqué, récemment distingué par le prix Jean Vigo 2015 pour son film La peur, Damien Odoul s’est vu remettre cette récompense par Agnès Varda. Découvrant « Les Visions », l’exposition de cet artiste à la galerie Laure Roynette à Paris, un tel parrainage ne me semble pas anodin.  Photographe, réalisatrice, plasticienne, Agnès Varda, de la Nouvelle vague à la Biennale d’art contemporain de Lyon, a tracé un parcours rare dans la création contemporaine. Aujourd’hui, Damien Odoul montre à son tour un intérêt marqué pour cette approche multiforme de l’art. L’exposition « Les Visions » se compose d’un ensemble comprenant dix photographies, un dispositif sonore qui diffuse le poème du milieu 88 et une vidéo inédite réalisée par le cinéaste.

Vision Damien Odoul
Vision Damien Odoul

On apprend que Damien Odoul, qui vit la plupart du temps en Lozère dans un massif forestier au cœur du Parc National des Cévennes, partage depuis son enfance une relation privilégiée avec la nature et plus particulièrement la forêt :  » Dès son adolescence, son oncle lui a appris le maniement de la tronçonneuse et des outils de la forêt. »
Cette relation au monde s’opère avec la volonté de dépasser une réalité contraignante : la nature est devenue lieu d’exploitation, asservi aux exigences techniques, industrielles. Comment alors « habiter poétiquement la forêt tout en sachant qu’elle est devenue lieu d’exploitation et de production de masse ? »

Vidéo originale de Damien Odoul pur l'exposition "Visions"
Vidéo originale de Damien Odoul pour l’exposition « Les Visions »

Une autre composante  apparaît dans l’œuvre cinématographique de Damien Odoul. « La peur » (que je n’ai pas eu l’occasion de voir), primé par le prix Jean Vigo  «pour sa façon de filmer la folie de la guerre comme un théâtre de la cruauté », est décrit comme ne laissant aucun espoir à ses personnages, scène où la peur parait éternelle. Dans son court-métrage La maison des morts, filmé en Suisse dans le canton des Grisons, les villageois se recueillent sur les tombes de leurs ancêtres, tout près de “la maison des morts« . Dans ce dernier film, l’approche cinématographique n’est pas sans rappeler celle des grands documentaristes qui, de Mario Ruspoli à Jean Rouch, ont signé le meilleur du « cinéma-vérité« . La caméra de Damien Odoul semble aimantée par ce vertige de la mort et c’est peut-être là une grille de lecture possible pour son expérience de photographe. Car la vision de la forêt dans laquelle il s’est immergé pour réaliser ses clichés passe par l’émotion d’un regard qui semble désemparé.

« Sylvart »

Si la forêt réelle ne ressemble plus à celle de notre enfance, si la nature dénaturée se plie à l’asservissement dicté par le système marchand, comment dépasser ce constat accablant ? Le photographe met en œuvre le projet « Sylvart » : à l’aune de la nature, l’objectif est de produire un travail instinctif et archaïque où la codification sociale perd son pouvoir pour laisser place à l’énergie créatrice. » Il s’agit en cela, explique-t-il, d’une expérience de vie en totale autarcie, référence directe à « Walden ou la vie dans les bois » de Henry David Thoreau. »

Vision Damien Odoul
Vision Damien Odoul

Cet objectif naturaliste ne peut donc se satisfaire d’une captation réaliste. Il lui faut dépasser ce réel pour atteindre, avec des moyens inédits, cette « vision » qu’il montre aujourd’hui : « Au moment d’appuyer sur le déclencheur, il fait jaillir la force interne (fa-li) issue de la pratique des arts martiaux qui apporte ce mouvement flou et fluide à chacune des images« . Je m’en remets aux connaisseurs des arts martiaux pour évaluer cette pratique énigmatique pour les béotiens.
Habiter poétiquement la forêt ne se restreindrait donc pas à une approche littéraire et artistique mais, dans la démarche de Damien Odoul, impliquerait une prise de position philosophique où le recours à ce travail instinctif et archaïque renvoie presque au mythe du bon sauvage avec l’idéalisation de l’homme à l’état de nature. Il faudra suivre Damien Odoul  dans ses projets pour mieux cerner les contours de cet impérieux besoin : établir une nouvelle relation de l’homme au monde.

Photos Damien Odoul et Galerie Laure Roynette

« Les Visions »  Damien Odoul

Du 17 mars au 23 avril 2016
Galerie Laure Roynette
20 rue de Thorigny
75003 Paris

Expositions

Wela : les racines du ciel

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« Pensée hybrides » Wela 2015

« Pensées hybrides« 

S’il s’agit de peinture aujourd’hui dans l’exposition de l’artiste franco-polonaise Wela présentée par la jeune galerie Jola Sidi à Paris, il faut associer ses toiles récentes à la démarche globale d’une artiste qui ne cesse de relier, d’une pratique à l’autre, ses interrogations sur le monde dans lequel elle est impliquée :  » Ma recherche artistique s’intéresse aux différentes sphères et aux relations qu’entretiennent entre eux sur le plan philosophique la frontière entre l’objet et le non objet, l’intérieur et l’extérieur, et sur le plan visuel, les relations entre l’espace bi- et tridimensionnel. »
Déjà dans l’expérimentation des anamorphoses, pratique héritée du seizième siècle et quelque peu délaissée de nos jours, elle nous donnait à voir, presque à toucher, cette qualité pourtant impalpable de sa création : le passage du dessin à son reflet dans un cylindre métallique. De ces anamorphoses il reste dans les tableaux de cette nouvelle série « Pensées hybrides » le recours fréquent aux toiles circulaires qui, me semble-t-il, n’a rien d’anecdotique. Car la préoccupation de Wela n’est pas étrangère aux questions fondamentales de la condition de l’homme dans cet espace vital fragile qui se circonscrit à la planète. Entre terre et ciel, Wela poursuit une quête dans laquelle peinture, sculpture  mettent en scène les éléments naturels dans leur relation à la pensée. Cette année encore, dans le cadre en plein-air du Haras de Bouffemont, « Piège satellite« , une installation en forme de toile arachnéenne tissée entre des arbres, jouait de cette connexion avec la nature comme l’exprimait également la « Couronne d’Epines » présentée notamment dans « Jardins en métamorphose » à Thiais en 2012, sculpture végétale dont le rouge écarlate balançait entre la référence au christianisme et l’évocation d’une nature en souffrance. Volontairement ou non, Wela recourt souvent à cette forme giratoire : anamorphoses, toile d’araignée, couronne d’épines, toiles circulaires témoignent de cette fascination pour un espace concentrique à l’image des univers galactiques et de leur inaccessible mystère.

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« Pensée hybrides » Wela 2015

Cette attraction récurrente pour les formes circulaires apparaît encore une fois dans ce qui s’apparente à la coupe sanguinolente d’un arbre victime d’une sanglante décapitation. L’arbre, reliant  le ciel et la terre de ses racines à ses ramures, reste une préoccupation constante de l’œuvre de Wela. De cette nature souvent martyrisée elle a dressé, dans la série des « Trophées« , un funeste tableau de chasse dans lequel les souches suppliciées sont exposées comme autant de sinistres victoires sur la nature. L’arbre, encore lui, dans ‘ »Piédestal pour un arbre » installé au musée de sculpture contemporaine de Vilnius en Lituanie, reçoit un hommage d’ordre philosophique. L’arbre, toujours lui, supportait les installations lumineuses de Wela  pour le festival « Viva cité » à Sotteville les Rouen.
Dans ses dessins  Wela s’est employée, pour « sortir le tableau de lui-même« , à intégrer sur le plan de la toile cette troisième dimension végétale pour mieux associer dans une pratique artistique globale les éléments natifs de ses sujets. La dépendance réciproque des composantes naturelles et humaines interfère sur la sphère de la pensée, implication que l’artiste ne manque pas de suggérer dans ses réalisations.

« Les racines du ciel »

En 1956, Romain Gary écrivait dans « Les racines du ciel » qui lui valut le prix Goncourt cette même année : « Les racines étaient innombrables et infinies dans leur variété et leur beauté et quelques-unes étaient profondément enfoncées dans l’âme humaine – une aspiration incessante et tourmentée orientée en haut et en avant – un besoin d’infini, une soif, un pressentiment d’ailleurs, une attente illimitée. »
Cette ode à la nature, teintée de spiritualité, préfigurait les préoccupations à venir sur les dangers auxquels allait être confronté le monde du vivant. La série  des « Pensées hybrides » de Wela participe à cette démarche d’une artiste animée par l’ aspiration vers une approche responsable d’un monde nous permettant à la fois de vivre et de penser cette vie.

 

Wela
Pensées hybrides
Exposition du 15 octobre au 15 décembre 2015

Galerie Jola Sidi
80 rue des Gravilliers
75003 Paris

Expositions

Chamarande: Vivre(s) pour vivre

Depuis plusieurs années, le domaine de Chamarande dans l’Essonne donne à ses expositions d’art contemporain la couleur de l’écologie. Pour cette approche du vivant, la saison d’été 2014  consacre ses espaces et ses animations au thème de l’alimentaire. En cela, le lieu renoue avec son histoire: « Le Domaine de Chamarande fut un véritable village dans le village, une communauté autarcique qui se caractérisait par son autosuffisance alimentaire, même relative. Lieu de villégiature de la noblesse tout comme cité ouvrière d’Auguste Mione, le Domaine était tout à la fois réserve de chasse, volière et lieu de pêche. »

Culture(s)

BARTHÉLÉMY TOGUO
Barthélémy Toguo

Des artistes internationaux se retrouvent ici pour présenter leurs travaux à la jonction, de la démarche artistique et de la recherche scientifique ou technologique. Cette prospective ne fait pas table rase du passé. Suzanne Husky présente la vidéo : ‘ »Dernières bouchées sauvages » donne la parole aux anciens bergers et cultivateurs du Couserans dans les Pyrénées ariégeoises. Ils racontent les nichées, les «peyroulades» faites de crin de cheval, la chasse aux corneilles dans une grotte de montagne. Puis détaillent la préparation du milan et du hibou farcis, l’écureuil au lard et à la poêle, « la rôtie » de corneilles, les petits oiseaux frits, le blaireau en civet, les grenouilles en potage.

DAMIEN CHIVIALLE
Damien Chivialle « U-Coop »

Damien Chivialle  propose « U-Coop« , habitacle adapté au milieu urbain contenant un poulailler clos, aménagé dans un container.
D’une exposition à l’autre à Chamarande le positionnement des artistes  balance entre un regard critique parfois accablé sur le désastre écologique et les perspectives prometteuses de certains innovations. Lorsque  l’artiste mexicaine Minerva Cuevas détourne le personnage de  Ronald Mc Donald mordant sauvagement dans un hamburger, tout en récitant les droits des travailleurs de l’enseigne la vocation critique de l’artiste n’a pas disparu.
En 2012, à Chamarande, Lucie Chaumont nous donnait une  idée de « L’Empreinte écologique » , cette mesure de la pression qu’exerce l’homme sur la nature.  Pendant plus d’un an, l’artiste a quotidiennement mis de côté les emballages en plastique après en avoir consommé le contenu. Puis, avec du plâtre, elle a pris l’empreinte de chacun de ces contenants avant de les disposer sur le sol du lieu d’exposition.

ANDREA CARETTO & RAFFAELLA SPAGNA
Andrea Caretto et Raffaella Spagna.

Vivre(s)

Aujourd’hui l’espoir semble dominer, les propositions alternatives se multiplient dans l’exposition Vivre(s) pour réconcilier l’alimentaire avec son rapport à la nature. Dans le salon blanc du château de Chamarande, des choux repoussent à partir des cœurs remis en eau grâce aux artistes
Andrea Caretto et Raffaella Spagna. Et s’il n’est pas plus étrange de manger des insectes que des escargots, il nous faut faire l’effort de reconsidérer les acquis alimentaires, les habitudes sociales ancrées  pour accepter, avec ces artistes, de remettre en question notre culture de l’alimentaire pour favoriser l’avènement d’une autre agriculture.

Photos: de l’auteur

Vivre(s)

Artistes : Maria Thereza Alves, Paul Ardenne, Michel Blazy, Thierry Boutonnier, Andrea Caretto et Raffaella Spagna, Cédric Carles et Marie Boussard, Damien Chivialle, Minerva Cuevas, Élodie Doukhan et Nicolas Mussche, Isabelle Daëron, Olivier Darné + Parti poétique, FutureFarmers, Fernando Garçía-Dory, Newton et Helen Mayer Harrison, Pauline Horovitz, Suzanne Husky, Matthew Moore, Mika Rottenberg, SAFI, Les Saprophytes, Erik Sjödin, Åsa Sonjasdotter, Tchif, Rirkrit Tiravanija, Barthélémy Toguo, Katharina Unger et Astrid Verspieren

Domaine départemental de Chamarande
38 rue du commandant Arnoux
91730 Chamarande
Du 24/05/2014 au 26/10/2014


Expositions

Chaumont/Chamarande : De Natura Rerum

L’art consacré à la nature et à l’écologie occupe de nos jours une place prédominante comme le fut, en d’autres temps, l’art cinétique par exemple.  Cet art avec et dans la nature attire à ce point les artistes que ceux –ci prennent  le risque de se retrouver entraînés dans ce qui pourrait devenir un académisme.  Encore peut-on discerner deux tendances dans ce mouvement porté par les préoccupations environnementales actuelles.


« Jardins des sensations »

La plus évidente de ces deux tendances est celle qui adopte le théâtre de la nature pour y proposer une approche poétique, ludique, s’intégrant avec harmonie dans l’espace naturel. A l’origine de ce mouvement, un Nils-Udo représente l’exemple majeur depuis ses « nids » des années soixante dix.

Le jardin de Yu Kongjian 2013

Au château de Chaumont sur Loire, le Festival international des jardins propose chaque année une brillante vitrine de ce courant artistique. Cette année encore  « Jardins des sensations » témoigne de cette volonté d’harmonie entre l’homme et la nature :
« Jardiner le corps et l’esprit, c’est aller vers soi, en tous sens. Tressant un réseau de sensations, les jardins mêleront l’illusion et le trouble à l’expérience multiple du corps en éveil. (…) Saveurs, flaveurs, fragrances mêlées … et voilà vos sens perdus, subjugués, envoûtés en un jardin, dont les matières, les textures et les végétaux se caressent de l’œil et de la main, où les sons, les murmures et les musiques ensorcèlent les âmes. »
Aussi bien avec les installations permanentes du château que dans le festival temporaire de jardins, l’artiste s’emploie a créer cette adéquation entre l’oeuvre et la nature en servant des matériaux que lui offre le milieu naturel.

« Milieux »

Au Domaine de Chamarande dans l’Essonne, le second courant de cet engouement pour la nature se manifeste à travers des expositions dans lesquelles les auteurs s’affirment à la fois artistes et scientifiques. Actuellement l’exposition « Milieux » présente notamment la première exposition personnelle de Brandon Balllengée. A la fois artiste et biologiste, Brandon Bellangée « entend combler le fossé entre l’art et la science en combinant sa fascination pour le vivant aux techniques de représentation des beaux-arts. »  Une série de pièces met l’accent sur la disparition des oiseaux, une autre témoigne sur les malformations des amphibiens engendrées par la pollution de leur environnement naturel.
Le visiteur, dans ce centre d’art contemporain, peut avoir le sentiment de visiter les salles du muséum d’histoire naturelle de Paris. L’artiste-scientifique rend, d’ailleurs, hommage aux plus grands naturalistes. Ici, c’est la volonté de dénoncer les atteintes au milieu naturel  qui occupe le devant de la scène.

Brandon Bellangée Domaine de Chamarande 2013

Contre-nature

Mais à côté de ces deux tendances mettant l’homme au centre des préoccupations environnementales, certains artistes, jouant les apprentis-sorciers, suggèrent une démarche singulière. Jean-Luc Bichaud fait pousser des plantes jusqu’à la mort dans un colorant qui les transforme ou  fait circuler des poisson rouges dans une installation aquatique complexe. L’artiste nous  offre un singulier rapport à la nature, à la frontière du vivant. « Jean-Luc Bichaud s’est associé avec la nature comme on signe un pacte avec le diable. Il travaille avec le vivant. Ses agissements sont certes répréhensibles. C’est une pratique un peu contre-nature, mais alors tout contre elle. »
Un autre artiste, Antony Duchêne, avec notamment  son  « vélo triporteur Empyreume »(2012) participe à ce courant plus discret qui met la science en trompe-l’oeil et laisse à l’artiste sa véritable vocation : transgresser.

« Jardins des sensations »
24 avril – 20 octobre 2013
Château de Chaumont sur Loire

« Milieux »
26 mai – 30 septembre 2013
Domaine de Chamarande  Essonne

 

Expositions

Science et conscience au Domaine de Chamarande

Cabinets savants

Dé-domestiquer le ver à soie, étudier les insectes en vidéo, effectuer une cartographie minérale du monde…Voilà quelques exemples de l’expérience singulière entre art et science, entre rigueur et  délire à laquelle le visiteur de l’exposition « SPÉCIMENS. Collections, croisements, sentinelles » est convié au Domaine de Chamarande.

« Bees studies orchid Bees male » 2004″ Sanna Kannisto

« S’immerger dans la flore merveilleuse d’un hectare de forêt amazonienne, observer les spécimens rares d’espèces disparues, traverser un cimetière d’éléphants – écho à l’extinction orchestrée des grands mammifères, dresser une nouvelle cartographie des sols devant l’accumulation de milliers d’échantillons dont la diversité chromatique est la principale richesse, rendre hommage au fruit d’hybridations incertaines et cruelles, ou encore libérer les espèces du joug de l’homme à l’image de ce ver à soie prisonnier depuis 5.000 ans de la sélection humaine, écouter le récit des hommes qui tiraient dans les nuages pour faire venir la pluie,mettre en question les lois de la perception humaine par le brouillage des sens et le jeu des arômes »…
Jouer avec le vivant était jusqu’ici un art plutôt réservé à quelque savant fou, quelque docteur Frankenstein  où la science sans conscience ouvrait les portes d’un monde  incontrôlable.

« Empyreume » 2012 Antony Duchêne

L’artiste en sentinelle

Ce que l’exposition de Chamarande induit est que les artistes, loin d’agir en savants fous, peuvent jouer  le rôle de « marqueurs d’une remise en question de la notion de progrès, de développement scientifique et humain, à l’échelle de la Terre« . Ces sentinelles ultra sensibles à l’état du monde auraient donc pouvoir ou mission d’alerter leurs contemporains sur les détériorations du vivant, de proposer d’autres regards sur l’environnement des humains, de suggérer d’autres lectures de l’approche scientifique. Antony Duchêne participe à cette leçon de choses singulière avec son  vélo triporteur Empyreume (2012) qui propose une « dégustation olfactive fictive basée sur la famille des goûts empyreumatiques (arômes brûlés, fumés et grillés) , faisant référence aux premières représentations des bonimenteurs.  »

« 2301 X » Herman de Vries Crottes de lapins

Etat des lieux

Faisant office de sage avec sa longue barbe blanche, Herman de Vries , né en 1931, après avoir exercé le métier de naturaliste pendant plusieurs années, développe une oeuvre. par le biais de collages, dessins, photographies et ouvrages, laissant une place primordiale au hasard et associant sans distinction des éléments naturels, des plus précieux aux plus communs.  Son « journal d’une visite à l’île saint-marguerite, 1997 » révèle ses collectes photographiques de végétaux, terres au gré de la topographie.  2301X montre 2301 excréments de lapins ramassés et alignés avec soin dans un tableau présenté à Chamarande.
Ces quelques exemples dessinent les contours des préoccupations affichées dans ces étranges cabinets savants . Ils illustrent également les nouvelles frontières auxquelles les artistes se confrontent aujourd’hui. Déjà, à travers l’histoire de l’art,  les artistes interrogeaient le corps et l’espace. Ils s’inquiètent aujourd’hui de la condition des humains sur la terre, de leur devenir. Cette exposition participe à cet état des lieux préoccupant.

Photos

Sanna Kannisto : site de l’artiste
Antony Duchêne : de l’auteur
Herman De Vries source: http://www.lemouv.fr/sites/default/files/2013/01/15/52630/crottes%20de%20lapin%20herman%20de%20vries.jpg

Collections, croisements, sentinelles
Du 25 novembre 2012 au 31 mars 2013

 Artistes : Ivana Adaime Makac, Mark Dion, Anthony Duchêne, Carsten Höller, Hanna Husberg, Sanna Kannisto, Kôichi Kurita, Lucy + Jorge Orta, herman de vries et Douglas White

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Expositions

Auprès de mon arbre

L’arbre de vie

S’il est bien un symbole millénaire que se sont appropriés les hommes au gré de leurs croyances et de leurs passions, l’arbre a servi à toutes les causes, à toutes les idéologies, des plus anciennes aux plus récentes. « Présent dès la Genèse, le motif de « l’arbre de vie » apparaît à de nombreuses scènes dans la Bible. » C’est ce que rappellent les commissaires Alain Berland et Gaël Charbau dans l’exposition « L’arbre de vie »  au Collège des Bernardins à Paris.

« Pommes aux feuilles » 1928-1930 Séraphine de Senlis

Associé à la tradition, l’arbre est celui de la famille et de la patrie, de la royauté, des racines, de la généalogie.

L’arbre de la liberté

Associé à la  révolution, l’arbre de la liberté est un symbole , depuis la période de la Révolution française de cette liberté à conquérir. Il symbolise aussi en tant qu’arbre la croissance, la force et la puissance. Il est devenu au cours du XIXe siècle un des symboles de la République française avec la Marianne ou la semeuse. Aujourd’hui le mouvement écologique fait de l’arbre le symbole de ses espoirs.

L’exposition du collège des Bernardins propose une première série d’ œuvres d’une quinzaine d’artistes. Le grand écart de cette sélection s’opère de Séraphine de Senlis à Michel Blazy.

De Séraphine de Senlis à Michel Blazy

« Cataclysmes intérieurs ou catastrophes naturelles, l’arbre garde aussi les trace des fêlures de l’histoire. »  Mais chez Séraphine de Senlis, l’expression formelle nous ramène à une approche primitive à la manière d’un ex-voto. Près d’un siècle après ce regard naïf, Michel Blazy  soumet le thème abordé à une mutation non dénuée d’humour.

« Le jardin de sorgho » 2013 Michel Blazy installation produite poour le collège des Bernardins.

« S’il est l’apanage de la sorcière, le balai n’est généralement pas associé à la poésie du vivant. Dans les mains de Michel Blazy, ces balais reprennent vie et deviennent, durant toute la durée de l’exposition, le support d’une prolifération végétale »
Le regard de Michel Blazy sur cet univers végétal n’est pas sans rappeler celui d’un Jean-Luc Bichaud et son « Apporter de l’eau au moulin » où les éponges industrielles caricaturent le monde du vivant.
Parmi les autres artistes présents dans cette thématique, c’est un français de New-York, Roland Flexner, que l’on a plaisir à retrouver ici. Quarante ans ont passé depuis l’époque où l’artiste s’emparait des paquets de cigarettes Camel pour un jeu de déconstruction qui identifiait son travail lors des présentations à l’ARC.

« Bulles » Roland Flexner 2000

Depuis Flexner à quitté à la France en 1982 pour New-York. Les « bulles » présentées au collège des Bernardins datent d’une dizaine d’années. Utilisant un mélange d’encre et de savon, l’oeuvre prend vie grâce au souffle et aux vocalises de l’artiste: en faisant vibrer l’encre à la surface de la bulle, un paysage se construit.

L’exposition fait  ainsi davantage appel à des oeuvres choisies par les commissaires pour argumenter leur proposition qu’à d’autres conçues spécialement pour la circonstance comme une figure imposée.
La comparaison entre les artistes reste donc injustifiée dans cette confrontation inégale. Il aurait fallu, pour cela, solliciter uniquement des artistes vivants et leur poser la même interrogation. Pour autant, l’exposition des Bernardins a le mérite d’ouvrir très largement le regard sur cette thématique de l’arbre, sans a priori réducteur et avec une liberté rafraichissante.

 

Photos collège des Bernardins et de l’auteur pour Michel Blazy.

« L’arbre de vie »
Artistes présentés du 15 février au 18 avril 2013 :
Ismaïl Bahri, Emilie Benoist, Michel Blazy, Jenny Bourassin , Mark Dion, Roland Flexner, Thomas Fougeirol, Didier Mencoboni, Henrique Oliveira, Jean-Claude Ruggirello, Jean-Michel Sanejouand, Clémence Seilles, Séraphine de Senlis, Bruno Serralongue, Donelle Woolford et le  Commissariat pour un arbre #3, une proposition de Mathieu Mercier.

Collège des Bernardins Paris
20 rue de Poissy
75005 Paris

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Coups de chapeau

Idée « in situ »

Un coup de chapeau cette semaine qui, remontant quelque peu le temps, s’adresse à l’œuvre d’un couple d’artistes : Sylvaine et Arnaud de la Sablière, œuvre réalisée en 2006 sur l’étang de Muel en Bretagne.

« Etangs d’art »

Depuis 2004, des membres du Collectif d’artistes du Pays de Brocéliande invitent au mois de juin des artistes de toutes nationalités en résidence pendant huit jours. Plusieurs œuvres sont crées puis installées in situ spécialement sur des plans d’eau pendant trois mois et demi. Dans cette biennale  Etangs d’art, le collectif d’artistes du Pays de Brocéliande retient un thème qui doit orienter les artistes dans le travail du projet : en 2006 « Réflexions ».

"Idée" Sylvaine et Arnaud de la Sablière Etang de Muel 2006

C’est dans ce cadre que les artistes Sylvaine et Arnaud de la Sablière ont mis en scène cette « Idée » lumineuse et colorée. Le jeu de reflets des objets introduits dans l’eau de l’étang offre cette reconstitution entière du mot se prêtant à cette symétrie exceptionnelle. Cette idée à fleur d’eau à la fois réelle et virtuelle, solide et liquide, fixe et animée, habite le lieu non pas en se fondant dans la nature  mais, au contraire, comme  un geste fort jouant par contraste dans ce cadre champêtre.

Sylvaine et Arnaud de la Sablière

Nature de l’ « In situ »

Chez les artistes du Land art, s’opposent parfois des options contradictoires, notamment entre ceux qui défendent une intervention radicale et tranchante dans le cadre naturel et ceux qui souhaitent voir leur travail épouser les éléments naturels.
De la monumentale « Spiral Jetty » de Robert Smithson  aux Etats-Unis à la petite musique discrète d’un Nils-Udo en Europe, la palette des actions dans le paysage est riche et variée.
L’action tranchante de Sylvaine et Arnaud de la Sablière sur cet étang ne résume pas pour autant leur démarche. Parfois, la préoccupation écologique prédomine. Ainsi ont-ils présenté en 2010 à Queyras dans le Val Varaita  un rayon de ruche géant, à demi-calciné, évoquant l’effondrement apparemment inexorable des colonies d’abeilles depuis ces dernières années. Cet art se révèle ainsi conçu en fonction d’un in situ  lieu physique mais également  de cet in situ naturel plus complexe qu’est la relation entre homme et nature.

 

Photos source : http://etangsdart2006.pagesperso-orange.fr/photos.htm ( photos prises par Ph. Lerest).

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Expositions

Multiversités créatives

Qu’est-ce que créer ?

Ceci n’est pas un sujet soumis aux étudiants en philosophie pour la récente épreuve du baccalauréat, mais une question que peuvent se poser les visiteurs de l’exposition
« Multiversités créatives » actuellement visible au Centre Pompidou à Paris. Cette exposition veut entraîner ses visiteurs sur la piste de l’expérimentation, de la recherche et des travaux prospectifs dans les domaines de l’architecture, du design, des nouvelles technologies et de l’innovation sociale.
« Donner des images justes et fortes d’un univers d’objets dont l’unité et la cohérence sont problématiques. Et non seulement de s’en porter témoin, mais aussi d’y agir, comme un pôle créant son champ d’attraction, d’interaction, y engendrant la novation ». Ce manifeste, énoncé en 1986 par le philosophe Jean-François Lyotard, résume à lui seul l’esprit de la manifestation qui rassemble quinze dispositifs spécialement conçus et réalisés pour l’occasion. Tous illustrent la révolution contemporaine des processus créatifs, leurs avancées, leurs ruptures ainsi que les conditions de leur mise en œuvre. »
Pour développer ce sujet philosophique, les commissaires de l’exposition ont proposé trois chapitres : générer, fabriquer, représenter.

Générer, fabriquer, représenter

La démarche des intervenants, à la frontière de l’art, de la science et de la technologie de pointe, ne consiste pas à imiter la nature ni à la transformer, mais à mettre en œuvre une réplique calculée de ses modes opératoires dont le design est celui de circuits biologiques et métaboliques.
De nombreux projets architecturaux contemporains se nourrissent de la recherche en biologie. L’observation des mécanismes de la nature est un territoire d’inspiration.

Andrew Kudless Matsys, Chrysalis III, 2012

J’évoquerai ici un seul exemple, celui d’Andrew Kudless / Matsys dont le travail s’inspire des milieux naturels : écailles, alvéoles à miel, spirales de coquillages, mues de serpent, balanes… Le déploiement et l’enroulement en hélice de Chrysalis (III), sa surface parsemée d’excroissances, d’arêtes, de creux et de replis divers, façonnent une nouvelle ingénierie architecturale.
Souvent, chez les jeunes artistes, l’utilisation du vivant est une préoccupation récurrente qui génère des œuvres étranges, fantastiques dans lesquelles ce regard sur le vivant propose un monde inquiétant ou suspect. J’ai évoqué dans ces notes des artistes tels que Arnaud Cohen, Anthony Duchêne ou Nicolas Darrot par exemple.
Dans « Multiversités créatives », ce rapport au vivant se manifeste dans une démarche revendiquant la rigueur scientifique, recourant à des technologies de pointe. Au terme de cette approche si rigoureuse, ces artistes-scientifiques ne sont pas loin d’aboutir à la création d’un état nouveau de la matière, à l’ image du vivant, générant un « entre-deux » singulier. Comme ces formes marines dont on ne sait plus très bien si elles relèvent du végétal ou de l’animal, le visiteur peut véritablement s’interroger sur la nature des créations proposées dans cette exposition

Photo Centre Pompidou

Multiversités créatives

3 mai- 6 aout 2012
Centre Pompidou Paris

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Expositions

Jean-Luc Bichaud « Contre Nature »

A partir du 9 juin, le Musée départemental de l’Oise, pour le tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau, propose une exposition collective «  Contre nature, les fictions d’un promeneur d’aujourd’hui » :

« Particulièrement développé dans les essais du philosophe (et notamment dans Les Rêveries du promeneur solitaire), le thème de la nature est le prélude des oeuvres exposées dans la salle sous charpente du Palais Renaissance et dans le jardin.15 artistes parmi lesquels se trouvent des noms majeurs de la scène nationale et internationale comme Claude Lévêque, Jean Le Gac, Christian Jaccard, Mona Hatoum ou encore Hamish Fulton témoignent des liens entretenus avec la nature par les hommes modernes et urbanisés que nous sommes devenus. La photographie, la vidéo interactive, l’installation, la performance… la nature a en effet plus que jamais une place essentielle dans notre rapport au monde, place qu’accordait déjà il y a 300 ans Rousseau dans ses réflexions avec une troublante modernité pour l’époque. . Parmi les artistes présents dans cette exposition, Jean-Luc Bichaud propose sa relation singulière à la nature.

 

Jean-Luc Bichaud , « le pacte avec le diable »

Dans la génération des jeunes artistes, le travail sur la nature, sur une nature peu naturelle, sur un vivant pas toujours vivant, figure Jean-Luc Bichaud. Pour cet artiste  qui fait pousser des plantes jusqu’à la mort dans un colorant qui la transforme ou  fait circuler des poisson rouges dans une installation aquatique complexe, l’homme nous donne un singulier rapport à la nature, à la frontière du vivant. « Jean-Luc Bichaud s’est associé avec la nature comme on signe un pacte avec le diable. Il travaille avec le vivant. Ses agissements sont certes répréhensibles. C’est une pratique un peu contre-nature, mais alors tout contre elle. »

J’évoquerai le souvenir de son installation au Domaine de Chamarande en 2002 :

Domaine de Chamarande 2002 Jean-Luc Bichaud

Des éponges sont suspendues à l’intérieur d’une ancienne verrière présente dans le domaine.Ces éponges sont « irriguées » à la cime grâce à un circuit d’arrosage au goutte-à-goutte. L’excédent coule sur l’éponge inférieure et ainsi de suite, créant un petit mouvement accompagné d’un léger bruit d’eau lorsque la goutte surnuméraire retombe dans l’eau.
Seulement les éponges utilisées par l’artiste n’ont rien à voir avec l’éponge animale qui peuple les mers. Celles utilisées dans son œuvre n’ont pas été extraites de la mer mais d’un supermarché où il pouvait en trouver de toutes formes, de toutes couleurs…

Avant de visiter l’exposition collective du musée départemental de l’Oise, ce travail de Jean-Luc Bichaud donne un avant-goût de ce rapport à un monde « Contre nature »

Photo de l’auteur

 

Jean-Luc Bichaud dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

 

Expositions

A Chamarande : Nature zéro pour cent

La nouvelle saison printemps-été du Domaine de Chamarande s ‘est ouverte hier avec une exposition  intitulée « Convivialité,écologie et vie pratique ». Sous ce titre consensuel apparaissent pourtant des travaux d’artistes qui dressent un état des lieux accablant sur notre relation au monde.Pour illustrer cette impression, deux exemples à remarquer dans cette présentation :

 Lucie Chaumont « Empreinte écologique »

"Empreinte écologie" Lucie Chaumont Domaine de Chamarande 2012

L’Empreinte écologique est une mesure de la pression qu’exerce l’homme sur la nature. C’est un outil qui évalue la surface productive nécessaire à une population pour répondre à sa consommation de ressources et à ses besoins d’absorption de déchets. Elle se mesure généralement en surface »: hectares par individu, ou hectares consommés par une ville ou un pays par exemple. Pendant plus d’un an, Lucie Chaumont a quotidiennement mis de côté les emballages en plastique après en avoir consommé le contenu. Puis, avec du plâtre, elle a pris l’empreinte de chacun de ces contenants avant de les disposer sur le sol du lieu d’exposition.

 Hehe « Fleur de Lys »

"Fleur de lys" Groupe Hehe Domaine de Chamarande 2012

 

Ce duo composé de l’Anglaise Helen Evans et de l’Allemand Heiko Hansen, créé en 1999 et établi à Paris, se  définit comme une plateforme pour l’art, le design et la recherche, explorant les questions de la lumière publique, la perception de la pollution et l’expérience des transports. Comme une grande part des travaux de Hehe, Fleur de Lys se concentre sur les implications et les impacts culturels des nuages produits par l’homme. Ici, le nuage du champignon atomique apparaît comme un aboutissement technique effrayant et hautement symbolique. Immergée dans un aquarium, une maquette simule la fusion d’un réacteur nucléaire. À intervalle régulier, un nuage créé par une manipulation contrôlée des liquides, se répand lentement hors de la tour. Un programme de sons et lumières accompagne cette catastrophe miniature et rend palpable la réalité de l’explosion par association avec les représentations du cinéma hollywoodien tel que Docteur Folamour ou Le jour d’après.

Le collectif de programmation « création contemporaine » »:COAL »-« coalition pour l’art et le développement durable » qui est à l’origine de cette exposition entend promouvoir « l’émergence d’une culture de l’écologie dans un esprit pluridisciplinaire mobilisant les artistes et les acteurs culturels sur les enjeux sociétaux. ».

Photos de l’auteur. Tous droits réservés.

« Convivialité, écologie et vie pratique »
Du 13 mai au 30 Septembre 2012
Domaine de Chamarande
38 rue du commandant Arnoux
91730 Chamarande

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