« Hyperréalisme, ceci n’est pas un corps »
L’exposition itinérante « Hyperréalisme, ceci n’est pas un corps » après avoir tourné en Europe et fait étape à Lyon, est désormais visible au Musée Maillol à Paris. Dans ce courant artistique né aux États-Unis dans les années soixante, certains noms sont réputés et se retrouvent dans l’exposition parisienne : Duane Hanson, John de Andrea, George Segal notamment.
Ce n’est qu’au début des années soixante dix que la dénomination du mouvement apparaît. En 1973, en effet, le marchand d’art belge Isy Brachot invente le mot français « Hyperréalisme » comme titre d’une exposition et d’un catalogue dans sa galerie de Bruxelles. Ce courant très en vogue à Paris en ce début des années soixante dix a même donné lieu à quelques débordements en taxant abusivement d’hyperréalistes certains artistes français, comme, par exemple, Gérard Schlosser pour qui l’utilisation de la photographie débouchait sur une toute autre narration.

L’exposition présentée au musée Maillol fait la part belle à la sculpture dans cette approche de l’hyperréalisme. Ces sculptures occupent même la partie essentielle de la scénographie. Car chaque œuvre génère, à elle seule, une séquence d’un quotidien rendu particulièrement crédible par la précision technique des corps représentés et par la mise en scène soit délibérément élaborée par l’artiste soit induite par cette présence des personnages créés.

Ces figures sont le plus souvent celles d’un peuple anonyme (ouvriers au travail, fermiers américains, clochards dormant dans la rue, baigneuses sur la plage…). Quand cette figuration présente un personnage célèbre, comme le portrait d’Andy Wharol réalisé par Kazy Hiro, la précision technique de l’hyperréalisme rend plus troublante encore la ressemblance avec la star choisie. Et c’est là qu’il faut distinguer le mouvement artistique de ce que serait la simple représentation fidèle d’un musée Grévin. Le mouvement hyperréaliste revendique une toute autre ambition. Les diverses vidéo installées dans l’exposition permettent de voir et entendre les artistes s’expliquer sur leur démarche. Au-delà de la qualité technique de cette représentation du réel, c’est bien d’un point de vue sur ce réel qu’il s’agit de mettre en œuvre. Les sculpteurs, notamment, semblent vouloir nous amener à regarder un quotidien auquel nous ne prêtons que rarement attention.


Les hyperréalistes historiques s’en tiennent strictement à ce réel. Et c’est là que l’exposition dérive vers d’autres artistes dont l’œuvre s’éloigne de cette rigueur du mouvement américain. La « Chichita Banana » de Mel Ramos a certes à voir avec l’hyperréalisme pour ce qui est de la technique de reproduction du réel mais s’éloigne complètement d’un vécu au quotidien. De la même façon le jeune artiste français Fabien Mérelle, d’une toute autre génération que celle des artistes américains des années soixante, utilise la technique hyperréaliste pour s’envoler vers d’autres univers.

Il reste que l’exposition itinérante « Hyperréalisme, ceci n’est pas un corps » offre une occasion à beaucoup de découvrir ce mouvement historique et la possibilité de s’immerger dans une scénographie dans laquelle la lumière joue son rôle pour rendre plus intense encore cette réalité d’un quotidien rendu encore plus cru par sa présence en milieu muséal. Certaines œuvres sont installées dans les salles de la collection permanente du Musée Maillol comme pour ajouter au trouble généré par ce quotidien déporté.
« Hyperréalisme, Ceci n’est pas un corps«
Musée Maillol,
59-61 rue de Grenelle, Paris, jusqu’au 5 mars 2023