Expositions

Photographie : le corps du sujet

« Corps à corps »

« Le corps est, pour le meilleur et pour le pire, l’image du monde ».

Annette Messager « Mes voeux » 1989 (Détail)

Cette citation, dont l’auteur est l’écrivain et photographe Nicolas Bouvier, si elle s’applique à l’art en général, pourrait signer l’exposition « Corps à corps » du Centre Pompidou à Paris. Avec l’objectif de sortir des schémas classiques ( le portrait, l’autoportrait, le nu ou encore la photographie dite « humaniste »), le parcours de l’exposition propose au visiteur d’autres critères pour interroger la photographie contemporaine. Cette approche repose sur deux fonds majeurs : celui du Musée national d’art moderne du Centre Pompidou, et celui, privée, du collectionneur et homme de cinéma Marin Karmitz. On sait comment ce dernier a accompagné Jean-Luc Godard dès les années soixante. Cette connivence a apporté au collectionneur une vision nouvelle sur le cinéma mais également sur la photographie : « Ma rencontre avec Godard a transformé ma vision du cinéma. Après l’IDHEC, à vingt et un ans, en 1962, j’ai été un de ses assistants. Avec lui, j’ai désappris tout ce que j’avais pu apprendre à l’école, il a tout déconstruit. Il ne connaissait rien à la technique. »
Désapprendre pourrait bien être le mot clef à prendre en compte dans ce « Corps à corps » entre la photographie et le spectateur.
Boltanski, Brassaï, Dorothea Lange, Annette Messager, SMITH, Paul Strand, Zanele Muholi sont autant de noms connus qui nous entraînent dans ce voyage dédié à une sélection qui échappe aux catégories classiques évoquées plus haut. Dans le même temps la relation à la photographie de ces noms célèbres s’avère fort différente selon les artistes.
Brassaï veut étonner avec les choses devenues banales et que l’on ne voit plus. Ainsi les chaises du Luxembourg sous la neige ou encore les sacs de sable à la Concorde deviennent des objets de poésie. « J’étais à la recherche de la poésie du brouillard qui transforme les choses, de la poésie de la nuit qui transforme la ville, de la poésie du temps qui transforme les êtres… ». Un autre photographe hongrois, absent de l’exposition, André Kertesz, aurait légitimement pu figurer avec ses oeuvres qui interrogent la photographie dans sa nature, dans sa capacité à sortir du sujet. La ville lui offrait de nouveaux points de vue quand il photographiait les ombres des passants depuis sa fenêtre. De même, son regard personnel sur les célèbres chaises du jardin des Tuileries, révélait les corps par leur absence.

               Chris Marker Série « Passengers » 2008-2010

Un autre cinéaste est sollicité pour ce questionnement sur l’image fixe : Chris Marker. Et c’est avec le cinéma que ce réalisateur, écrivain donne à la photo un statut particulier. Chris Marker reprend le principe de succession de photographies en séquences narratives pour l’adapter au cinéma, une voix off et la composition sur papier par un montage qui utilise les techniques cinématographiques classiques, comme le champ-contrechamp, les plans larges alternant avec les plans serrés, la transition fondue.
Les artistes plasticiens, tels Christian Boltanski et Annette Messager, ont fait de la photographie un matériau déterminant dans leur parcours. Constitué de dizaines d’images de parties du corps, « Mes voeux » d’Annette Messager présente une identité fragmentée qui se compose et se recompose à la manière d’un kaléidoscope. L’accumulation de photographies suspendues à des cordes longues et visibles, sorte d’ex voto contemporain, témoigne de ce corps à corps disséqué.
Existe-t-il une photographie au masculin et une autre au féminin ? Bien qu’absente de cette exposition, mes pensées vont à l’exceptionnelle Sabine Weiss pour son parcours dans la photographie. Son travail n’était pas conçu comme une photographie coup de poing mais avec le souci d’une approche bienveillante. Elle ne se livrait pas à une gesticulation voyante, armée d’une batterie d’appareils encombrants. Comme sa photographie, son geste restait discret, léger, respectueux de la scène observée. Sabine Weiss nous donnait le sentiment de réaliser son œuvre sur la pointe des pieds. Loin d’un corps à corps avec la photographie , Sabine Weiss proposait cette relation prévenante avec le corps des autres.

Corps à corps
6 sept. 2023 – 25 mars 2024
Centre Pompidou Paris

Expositions

L’hyperréalisme et après

« Hyperréalisme, ceci n’est pas un corps »

L’exposition itinérante « Hyperréalisme, ceci n’est pas un corps » après avoir tourné en Europe et fait étape à Lyon, est désormais visible au Musée Maillol à Paris. Dans ce courant artistique né aux États-Unis dans les années soixante, certains noms sont réputés et se retrouvent dans l’exposition parisienne : Duane Hanson, John de Andrea, George Segal notamment.

Ce n’est qu’au début des années soixante dix que la dénomination du mouvement apparaît. En 1973, en effet, le marchand d’art belge Isy Brachot invente le mot français « Hyperréalisme » comme titre d’une exposition et d’un catalogue dans sa galerie de Bruxelles. Ce courant très en vogue à Paris en ce début des années soixante dix a même donné lieu à quelques débordements en taxant abusivement d’hyperréalistes certains artistes français, comme, par exemple, Gérard Schlosser pour qui l’utilisation de la photographie débouchait sur une toute autre narration.

Duane Hanson, « Two Workers », 1993

L’exposition présentée au musée Maillol fait la part belle à la sculpture dans cette approche de l’hyperréalisme. Ces sculptures occupent même la partie essentielle de la scénographie. Car chaque œuvre génère, à elle seule, une séquence d’un quotidien rendu particulièrement crédible par la précision technique des corps représentés et par la mise en scène soit délibérément élaborée par l’artiste soit induite par cette présence des personnages créés.

« Back to Square One » (Détail) , 2015 Peter Land

Ces figures sont le plus souvent celles d’un peuple anonyme (ouvriers au travail, fermiers américains, clochards dormant dans la rue, baigneuses sur la plage…). Quand cette figuration présente un personnage célèbre, comme le portrait d’Andy Wharol réalisé par Kazy Hiro, la précision technique de l’hyperréalisme rend plus troublante encore la ressemblance avec la star choisie. Et c’est là qu’il faut distinguer le mouvement artistique de ce que serait la simple représentation fidèle d’un musée Grévin. Le mouvement hyperréaliste revendique une toute autre ambition. Les diverses vidéo installées dans l’exposition permettent de voir et entendre les artistes s’expliquer sur leur démarche. Au-delà de la qualité technique de cette représentation du réel, c’est bien d’un point de vue sur ce réel qu’il s’agit de mettre en œuvre. Les sculpteurs, notamment, semblent vouloir nous amener à regarder un quotidien auquel nous ne prêtons que rarement attention.

Andy Warhol, 2013 Kazy Hiro
Chichita Banana » 2007 Mel Ramos

Les hyperréalistes historiques s’en tiennent strictement à ce réel. Et c’est là que l’exposition dérive vers d’autres artistes dont l’œuvre s’éloigne de cette rigueur du mouvement américain. La « Chichita Banana » de Mel Ramos a certes à voir avec l’hyperréalisme pour ce qui est de la technique de reproduction du réel mais s’éloigne complètement d’un vécu au quotidien. De la même façon le jeune artiste français Fabien Mérelle, d’une toute autre génération que celle des artistes américains des années soixante, utilise la technique hyperréaliste pour s’envoler vers d’autres univers.

Il reste que l’exposition itinérante « Hyperréalisme, ceci n’est pas un corps » offre une occasion à beaucoup de découvrir ce mouvement historique et la possibilité de s’immerger dans une scénographie dans laquelle la lumière joue son rôle pour rendre plus intense encore cette réalité d’un quotidien rendu encore plus cru par sa présence en milieu muséal. Certaines œuvres sont installées dans les salles de la collection permanente du Musée Maillol comme pour ajouter au trouble généré par ce quotidien déporté.

« Hyperréalisme, Ceci n’est pas un corps« 
Musée Maillol,
59-61 rue de Grenelle, Paris, jusqu’au 5 mars 2023

Expositions

Arte povera : l’image rebelle

« Renverser ses yeux »

Sous le titre « Renverser ses yeux » l’exposition du Jeu de Paume à Paris remonte le temps d’un courant artistique, l’Arte povera, né en Italie, en privilégiant un aspect moins connu de cette pratique : le recours aux images fixes et animées. De 1961 à 1971, l’Arte povera trouve ses racines à Rome et à Turin. Les artistes de ces deux villes proposent une attitude rebelle marquée par un héritage artistique qui leur est propre, un art simple, «une expression libre liée à la contingence, à l’événement, au présent », rapprochant l’art et la vie. L’expression « Arte Povera » est utilisée pour la première fois en 1967 par le critique d’art Germano Celant pour intituler une exposition présentée à Gênes. Elle emprunte l’expression « pauvre » à une pratique théâtrale expérimentale. L’artiste doit idéalement renoncer au besoin d’un équipement lourd qui le rend dépendant de l’économie et des institutions culturelles. La pauvreté de l’art fait appel à une richesse théorique pour avancer dans sa pratique.

« Mappemonde épineuse » 1968-2004 Michelangelo Pistoletto


Une guérilla culturelle

L’exposition de Jeu de Paume repose sur le recours à toutes les formes mécaniques de l’image par les tenants de ce courant artistique. Photographie, film, vidéo constituent les instruments, voire les armes, de cette guérilla culturelle livrée par Germano Celant et ceux qui l’entourent. Le critique en définit ainsi les contours, en 1967 : « Il s’agit d’une nouvelle attitude qui pousse l’artiste à se déplacer, à se dérober sans cesse au rôle conventionnel, aux clichés que la société lui attribue pour reprendre possession d’une “réalité” qui est le véritable royaume de son être. »Les matériaux utilisés habituellement par les artistes de l’Arte Povera, c’est à dire la pierre, les objets végétaux, les fruits et légumes, affirment cette volonté d’un art s’opposant à la production de masse, aux valeurs d’une société marquée par l'(empreinte de l’American way of life. Toute l’originalité de l’exposition de Jeu de Paume est de dessiner ce parcours historique avec le recours aux images média que ces artistes vont retourner contre les valeurs auxquelles ils s’opposent.

Claudio Permiggiani « Planches zoo-géographiques » 1968-1971

Dans le contexte politique et social italien extrêmement troublé, marqué, à la fin des années 1960, par des grèves et par le mouvement étudiant, puis, dans les années 1970, par une violence politique, ces artistes adoptent une attitude artistique à l’échelle de la ville. La mappemonde, boule de journaux poussée sous les arcades de Turin par Michelangelo Pistoletto et filmée par Ugo Nespolo, le rouleau photographique déployé par Mario Cresci dans les rues de Rome, l’utilisation par Franco Vaccari du Photomaton pour créer un portrait collectif de l’Italie, les interventions politiques et perturbantes de Michele Zaza ou de Gianni Pettena dans l’espace public déterminent avec force la volonté de donner à l’art une dimension politique avec les moyens de l’image. En France, une démarche de cet ordre se retrouve dans la pratique collective du groupe UNTEL à partir de 1975. Jean-Paul Albinet, Philippe Cazal et Alain Snyers s’approprient les signes et messages du monde urbain pour les détourner de façon critique. Images et performances se confortent dans cette confrontation aux valeurs imposées par le système que l’Arte Povera désavoue. Les richesses de l’Arte Povera s’inscrivent désormais dans l’Histoire.

Renverser ses yeux
Autour de l’arte povera 1960 – 1975 : photographie, film, vidéo

Du 11 octobre 2022 au 29 janvier 2023

Claudio ABATE – Carlo ALFANO – Giovanni ANSELMO – Alighiero BOETTI – Pier Paolo CALZOLARI – Elisabetta CATALANO – Mario CRESCI – Gino DE DOMINICIS – Plinio DE MARTIIS – Luciano FABRO – Giosetta FIORONI – Luigi GHIRRI – Luciano GIACCARI – Paolo GIOLI – Laura GRISI – Marcello GROTTESI – Franco GUERZONI – Paolo ICARO – Mimmo JODICE – Jannis KOUNELLIS – Ketty LA ROCCA – Piero MANZONI – Plinio MARTELLI – Antonio MASOTTI – Paolo MATTEUCCI – Eliseo MATTIACCI – Fabio MAURI – Mario MERZ – Marisa MERZ – Ugo MULAS – Paolo MUSSAT SARTOR – Hidetoshi NAGASAWA – Ugo NESPOLO – Luigi ONTANI – Giulio PAOLINI – Claudio PARMIGGIANI – Pino PASCALI – Luca PATELLA – Giuseppe PENONE – Gianni PETTENA – Vettor PISANI – Michelangelo PISTOLETTO – Emilio PRINI – SALVO (Salvatore Mangione) – Gerry SCHUM – Cesare TACCHI – Franco VACCARI – Michele ZAZA – Gilberto ZORIO.
Pour mémoire

Bernard Rancillac : la peinture au poing

Disparu le 29 Novembre, le peintre Bernard Rancillac laisse une œuvre forte, marquée par des choix affirmés tout au long de son parcours. Au salon de Mai de 1957,  « Que d’abstrait ! que d’abstrait ! » clame le jeune instituteur installé à Bourg la Reine qui veut devenir peintre. Face à ce qu’il n’hésitait pas à me décrire comme « La dictature de l’abstrait » lors que j’obtenais son témoignage pour une interview vidéo, Rancillac prend une position claire et définitive, assumant avec quelques autres de sa génération, le choix d’une figuration renouvelée. Cette voie pour une nouvelle figuration qui ne porte pas encore son nom voit le jour. Le recours à la bande dessinée offrira de nouvelles pistes pour quelque chose qui ne se soucie pas véritablement de figurer mais d’introduire dans la figuration une dimension critique. La photographie, avec le recours à l’épiscope, donne à cette peinture un potentiel tout à fait novateur. Cette avancée se renforce avec l’apparition d’une envie collective d’agir. L’exposition « Mythologies quotidiennes » de 1964  concrétise cette volonté : « L’exposition « Mythologies quotidiennes » aura servi à cela : à rapprocher un certain nombre d’entre nous en  nous éclairant les uns sur les autres. » écrit -il dans « Devenir peintre ».

Cette image a un attribut alt vide ; le nom du fichier est vive-la-revolution-populaire.jpg
« Vive la révolution populaire de Chine » 1966

Ce qui est devenu la Figuration Narrative après l’exposition des Mythologies quotidiennes (brocardée par Pierre Restany  qui y voit « De l’américanisme hâtif, mal digéré par de faux blousons noirs » ) se confronte aux tensions de son époque. Chez Bernard Rancillac, le recours à l’épiscope, assurant la complicité entre photographie et peinture, participe à cette implication des images de son temps dans une réflexion  politique : « C’est la photographie qui m’a amené a peindre la politique » dit-il. Du Front Polisario au Sahara occidental contre l’occupation espagnole au coup d’État de Pinochet au Chili, du conflit Cambodgien à la guerre civile algérienne ou encore des guerres de Tchétchénie, il délivre une chronique des tensions du monde. Cette peinture coup de poing dans laquelle les couleurs franches, primaires, claquent dans chaque tableau signent le positionnement d’un peintre au poing levé.
Le « Vive la révolution populaire de Chine » de 1966 de Rancillac doit être évalué, me semble-t-il, à l’aune d’une époque où l’idéologie révolutionnaire maoïste, hors des frontières de la Chine, enflammait les esprits d’artistes et d’intellectuels à la recherche de leur propre révolution culturelle. En 1965 Claude Otzenberger a déjà tourné « Demain la Chine« . 1967 voit arriver « La Chinoise » de Jean-Luc Godard qui veut « créer deux ou trois Vietnam au sein de l’empire Hollywood-Cinecittà-Mosfilms-Pinewood ». Mai 68 approche. Un peu plus tard Chris Marker filmera « Le fond de l’air est rouge ».
Cette peinture au poing identifie un artiste au caractère exigeant, parfois intransigeant sur l’historique de la Figuration narrative dont on sait pourtant que l’exposition des « Mythologies quotidiennes » montre combien de nombreux artistes n’eurent ensuite rien à voir avec ce mouvement. Comment la vie sur une frontière serait-elle autrement qu’agitée ?

La chaîne vidéo

Mémoires d’expositions : « Annoncez la couleur ! » aux Jacobins à Agen 2016

Quand l’exposition « Annoncez la couleur ! » avec Gérard Fromanger est présentée dans la Collégiale des Jacobins à Agen en 2016, elle se trouve particulièrement légitime pour se situer dans la ville où naquit et mourut Louis Ducos du hauron , inventeur de la photographie couleur en trichromie.
En 1868, après dix années de recherches, Ducos du Hauron met au point le procédé de trichromie et invente ainsi la photographie couleur.
Originaire de la région d’Agen, il s’était tourné vers l’étude des couleurs et de la lumière par passion pour la peinture. Son exposition de photos à l’exposition universelle de Paris en 1878 lui valu un grand succès. La première photographie couleur, prise à Agen, reposait sur le principe de Maxwell de décomposition de la lumière par les trois couleurs fondamentales que sont le rouge, le vert et le bleu.

Sa jeunesse dans le Sud-Ouest
Photo d’Agen par Louis Ducos du Hauron 1877

Les travaux de Louis Ducos du Hauron ne s’arrêtent pas à cette invention. Après l’héliochromie, il s’attèle à des recherches optiques en particulier sur l’anamorphose. Le procédé qu’il met au point est toujours appliqué dans les observatoires astronomiques. Il se lance dans des recherches qui aboutiront également à l’invention du cinéma.En 1874, il dépose le brevet du mélanochromoscope, appareil photographique à objectif unique permettent, via deux miroirs semi-transparents, un miroir normal et trois filtres colorés, d’impressionner sur une seule plaque trois vues de 35 x35 mm, correspondant à chaque couleur primaire. Le même appareil permet de visualiser une image en couleurs à partir de plaques positives.
L’exposition de l’oeuvre de Fromanger, mise en perspective avec l’invention patrimoniale de Ducos du Hauron, décrit la stratégie de la couleur du peintre sur un demi-siècle.

Jaune,paysage Paris-Bastille 1993 1994

Expositions

Frédéric Atlan : la stratégie de l’abstraction

Et si la figuration n’était qu’une abstraction comme les autres  ? C’est la question que pose, me semble-t-il, Frédéric Atlan, avec les œuvres présentées il y a quelques jours encore à la galerie Beaurepaire à Paris.
Ce n’est pas la seule préoccupation que soulève cette démarche à la fois exigeante, rigoureuse et dans le même temps ouverte sur la poésie. Car l’artiste avec ce jeu d’aller retour entre peinture et photographie n’en finit pas de s’interroger sur la représentation du réel.
Dans ce blog a déjà été évoqué le protocole mis en place par l’artiste : entre pigment et pixel les Tétragrammes ( « Des monochromes rectangulaires agencés en formation carrée autour d’un œilleton vide. ») n’en finissent pas de mettre en équilibre instable le statut du créateur dans son rapport à la peinture.
Ces Tétragrammes fournissent les élément constitutifs d’une nouvelle alchimie succédant peut-être au point trichrome (rouge, vert, bleu) classique de l’écran de télévision et, pour tout dire, héritée de cette longue histoire de la photographie couleur, qui après toutes les tentatives infructueuses a vu le succès de la trichromie théorisée par le physicien Maxwell et mise en pratique par le trop mal connu Louis Ducos du Hauron.
Pendant deux ans Frédéric Atlan a créé près de mille cinq cents Tétragrammes à partir des combinaisons de quatre tableaux peints à l’acrylique qui furent ensuite photographiés. Et l’idée de remplacer les pixels des photographies par ces Tétragrammes a engendré cette nouvelle stratégie. Sur son ordinateur par des opérations algorithmiques, il échange les pixels du sujet photographié et en recompose l’image à partir des clichés HD de ses Tétragrammes.
Au-delà de ce qui aurait pu nous rappeler un pointillisme déjà découvert par les peintres impressionnistes, le peintre/photographe ou le photographe/peintre se dote d’un véritable alphabet plastique abstrait. A la différence du rendu de la photographie numérique, dont l’objectivité technique s’impose froidement sans discussion, l’artiste garde sa liberté d’intervention, de création.

Déjà en 2012 dans son exposition « Infra » à l’APACC de Montreuil sous Bois, Frédéric Atlan nous  obligeait à scruter la toile pour nous amener à nous interroger sur ce plan complexe où  support et peinture se marient pour donner un résultat qui échappe aux  codes maitrisés de l’image. Les toiles de l’époque nous invitaient à cet effort : trouver la bonne distance pour examiner et apprécier la toile.
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Frédéric Atlan Galerie Beaurepaire Paris 2020

Cette préoccupation reste totalement d’actualité avec ce qui a été présenté à la galerie Beaurepaire cette année. A quelques mètres de distance, la grande pièce au mur, vraisemblablement la photographie d’une scène réelle, devient, lorsque le visiteur, se rapproche très près du support, une somme d’abstractions. Sauf que cette abstraction n’est pas le simple résultat objectif d’une technique photographique, il est le choix volontaire de l’artiste.
Comme d’autres, dans l’histoire de l’art, se sont attachés au mariage du cercle et du carré, le peintre, ici, s’est attaqué à cette jonction mystérieuse entre figuration et abstraction. Et c’est avec les outils et la réflexion de l’artiste que se trouve posée à nouveau la question de la représentation à laquelle les inventeurs de l’image contemporaine se sont confrontés avec tant d’échecs avant d’aboutir.
Dans la même exposition, le peintre montre qu’il n’a pas fini de régler ses comptes avec la toile. Ses « arrachages » témoignent de ce rapport physique au support, confrontation qui n’est pas sans risque puisqu’elle lui a valu un arrachement des ligaments le tenant à distance de sa pratique pour un long moment. Serait-ce la vengeance sournoise de la peinture, ne tolérant pas cette prééminence insupportable de l’image numérique ?

Seuphor, libre comme l'art

Seuphor, libre comme l'art : le Dôme





Le blog des Chroniques du Chapeau noir poursuit la publication de « Seuphor, libre comme l’art », écrit par Claude Guibert sur la vie de l’écrivain, historien et artiste Michel Seuphor (1901-1999), de son vrai nom Fernand Berckelaers. Ce livre a été écrit en 2008 et sera publié intégralement à raison de quelques pages par publication, une fois par semaine.

Publication N° 31

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Le Dôme

Tout se passe donc à Paris, élue capitale de l’Europe intellectuelle. Montparnasse règne au centre de la capitale et le Dôme au cœur de Montparnasse. De l’hôtel Monaco, rue Champollion, à l’avenue Victor Hugo à Levallois, de l’appartement de Dermée rue des Morillons à l’avenue des Bleuets à Villeneuve le Roi, quel que soit son hébergement momentané, Seuphor établit ses quartiers au Dôme.
Désargenté, il peut y occuper une table toute une soirée pour le prix d’une modeste consommation. Il y retrouve ses amis artistes, y réunit son comité de rédaction, y noue de nouvelles relations. Quand Mondrian vend, rarement, une toile, il envoie une carte postale à Seuphor pour l’inviter à dîner. Autour d’un beefsteak pommes frites et un pichet de vin rouge, ils fêtent ensemble l‘événement et terminent leur soirée au Dôme devant« crème bien noir ». . Parfois, des inconnus invitent Seuphor à dîner. Un soir un couple hongrois se présente à sa table en lui assurant que leur fils, amateur de ses écrits, serait tellement heureux de le rencontrer. C’est toujours au Dôme que le peintre Gyula Zilzer lui parle d’un de ses compatriotes hongrois, mal en point, André Kertész. Malade, désœuvré, il vit isolé dans la minus- cule chambre d’un hôtel du marais. Photographe, il cherche du travail. Ne sachant pas parler le français, il tente d’expliquer à Seuphor, dans un allemand rudimentaire, son envie de tout capter.

Le Dôme à Paris années vingt

Déjà en 1925 Seuphor s’est essayé à la photographie. Le matériel reste rudimentaire : une petite « box » en bois. A Belle-île, déjà, ses clichés témoignent de la volonté de rigueur, de simplicité : une maison blanche  au toit pentu devient un authentique tableau abstrait. Plus tard, des amis lui offrent un appareil photo avec l’espoir de l’aider à travailler pour des revues, des magazines. Il fait le portrait de Mondrian, réalise des photos pour Léger et d’autres peintres et gagne quelque argent avec cet outil de travail inhabituel pour lui. De Montmartre au Luxembourg, de sa chambre d’hôtel aux squares et jardins, tout s’offre au regard. Seuphor s’intéresse aux choses insolites. Le réalisme du lieu disparaît au profit d’une composition quasi-abstraite : l’angle d’une rue à Menton en 1928, la place Kléber à Vanves en 1929, espace d’autant plus vide qu’une frêle silhouette noire s’inscrit sur cette page blanche. Parfois, il s’enhardit à composer des montages, des collages. Les toits de Paris, un carrefour boulevard Saint-Jacques constituent les matériaux de ses cadrages Cette recherche d’un art géométrique capté sur le réel  devient sa contribution à l’art photographique. Acceptant de servir de guide, Seuphor convainc Kertész que photographier tous les lieux parisiens ne présente pas un grand intérêt et lui suggère de rechercher un autre regard. Il demande à Kertész de photographier davantage les objets apparemment insignifiants plutôt que les monuments. Mieux vaut cadrer l’ombre d’une chaise que le Sacré Cœur. Kertész s’exécute et tire des leçons précieuses de cet enseignement sur le terrain. Il va devenir le témoin privilégié de l’avant-garde parisienne. Seuphor l’introduit chez Mondrian, lui offre l’occasion de garder trace de ses amis et collaborateurs. Son regard sur Paris change. Il s’intéresse aux détails, à l’ombre d’un monument, à une fourchette posée sur une assiette, à un escalier désert, à un instant vide et silencieux. Pour le photographe miséreux du Montparnasse des années Vingt , c’est le début d’une carrière à succès.
Il se voit proposer une exposition dans une des soirées du « Sacre du printemps ». A cette occasion, Paul Dermée lui rend hommage :

« Kertész,
Des yeux d’enfant dont chaque regard est le premier :
Qui voient le grand roi nu lorsqu’il est vêtu de mensonges ;
Qui s’effraient des fantômes drapés de bâches hantant les quais de la Seine ;
Qui s’extasient devant les tableaux tout neufs que créent, sans malice, trois
Chaises au soleil du Luxembourg, la porte de Mondrian s’ouvrant sur
L’escalier, des lunettes jetées sur une table à côté d’une pipe.
Pas d’arrangement, de rangement, de trucage, de contreplacage.
Votre technique est aussi loyale, aussi incorruptible que votre vision.
Dans notre hospice des Quinze-Vingts,
Kertész est un frère voyant. »(1)

Copyright Claude Guibert 2008

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1 La Savoie d’André Kertész par Jean Nicolas, Renée Nicolas, Pascal Lemaître

La chaîne vidéo

Vidéo-magazine N°9 : Sabine Weiss

Le Kiosque à Vannes présente la photographe Sabine Weiss. A cette occasion, le vidéo-magazine N°9 des Chroniques du chapeau noir propose un gros plan sur l’itinéraire de l’artiste.
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Article paru en 2015 :

Déclics pour Sabine Weiss

19 janvier 2015

Il ne reste que quelques jours pour découvrir, bien cachée au sous-sol de la Maison européenne de la photographie à Paris,  une petite exposition discrète : « Déclics,  neuf photographes en hommage à Sabine Weiss ».
L’automne dernier, le Salon de la Photo a demandé à neuf photographes professionnels, (Catalina Martin-Chico, Cédric Gerbehaye, Florence Levillain, Jean-Christophe Béchet, Marion Poussier, Mat Jacob, Philippe Guionie, Stéphane Lavoué, Viviane Dalles ) d’environ un demi-siècle ses cadets, de fêter les quatre-vingts dix ans de Sabine Weiss en réalisant chacun une image dont ils auront eu le « déclic» à partir d’une photographie de leur aînée. Leurs neuf photographies sont exposées en regard de celles qui les ont inspirés.

« Courses à Longchamp »

Mon coup de chapeau personnel s’adresse au travail de Florence Levillain pour l’hommage rendu à la photographie de Sabine Weiss « Courses à Longchamp » réalisée en 1952.

"Courses à Longchamp" 1952 Sabine Weis : "Courses à Longchamp" 1952 Sabine Weiss     "Courses à Longchamp" 1952 Sabine Weis : "Courses à Longchamp" 1952 Sabine Weiss
« Courses à Longchamp » 1952 Sabine Weiss

Récemment nonagénaire, Sabine Weiss nous donne un exemple lumineux par son énergie, sa présence toujours active lorsqu’il s’agit d’exposer son travail. Très jeune, l’occasion s’offre pour elle de réaliser les portraits de personnalités célèbres des arts et lettres : Igor Stravinski, Pablo Casals, Stan Getz, Fernand Léger, Francis Scott Fitzgerald, Alberto Giacometti, Jean Dubuffet…parmi tant d’autres.
Son travail  n’est pas conçu comme une photographie coup de poing mais avec le souci d’une approche bienveillante. Sabine Weiss a réussi à nous montrer le monde  en intervenant au minimum sur les scènes observées. Elle  ne se livre pas à une gesticulation voyante, armée d’une batterie d’appareils encombrants. Comme sa photographie, son geste est discret, léger. Elle ne veut pas déranger la scène observée, ni la bousculer le moindre du monde. Sabine Weiss nous donne le sentiment de réaliser son œuvre sur la pointe des pieds. En 1952, elle portait sur cette actualité sportive aux courses de Longchamp un regard décalé, oubliant volontairement l’évènement hippique pour ne capter que cette scène singulière, étrange scénographie de ces spectateurs juchés sur des chaises pour lesquels Sabine Weiss met en valeur la remarquable perspective.

Florence Levillain, photographe de reportage, s’est consacrée à des sujets très variés allant du monde de l’entreprise aux rues des banlieues. Travaillant en indépendante pour la presse (Libération, Le Monde, Psychologies, l’Etudiant…) elle a  effectué de nombreux reportages à l’étranger sur des sujets de société et remporte le prix Kodak en 1999 pour un reportage réalisé sur les femmes travaillant la nuit à Rungis.

Hommage à Sabine Weiss  Florence Levillain 2015
Hommage à Sabine Weiss Florence Levillain 2015

En regard de « Courses à Longchamp« , la photographie réalisée par Florence Levillain  rappelle davantage une œuvre de fiction, une réalisation d’artiste plasticien comme pourrait en proposer un Philippe Ramette par exemple. Dans cette scène que l’on ne peut rattacher à une quelconque actualité, les trois personnages respectant eux aussi la perspective des spectateurs de Sabine Weiss semblent gagner un dérisoire avantage en se juchant sur ces chaises alors qu’il dominent déjà un paysage à leurs pieds. Florence Levillain  prolonge et décale un peu plus le regard de Sabine Weiss en sortant l’étrange scénographie des spectateurs de Longchamp de son contexte pour les placer dans une situation inédite où leur attitude perd son sens initial.
Sur un sujet de reportage Sabine Weiss avait su porter un regard poétique sur le réel, éloigné du simple propos sportif. Florence Levillain transforme à son tour ce regard poétique sur le réel pour créer une fiction. Le statut de la photographie a changé pour passer de la captation à la mise en scène. Entre ces deux femmes photographes s’est joué à distance une complicité  dans le temps d’une photographie libérée de toute urgence informative.

Sabine Weiss dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Expositions

Boltanski, pour mémoire(s)

Passé recomposé

Passant de « L’Album de la famille D » aux « Vitrines de références » , des « Habits de François C » aux « Reliquaires« , des « Théâtres d’ombres » aux « Monuments« , des « Réserves » aux « Tombeaux« , l’exposition consacrée à Christian Boltanski au Centre Pompidou de Paris décline au « passé recomposé« , pour reprendre l’expression du commissaire de l’exposition Bernard Blistène, toutes les variantes possibles de la mémoire, qu’il s’agisse d’une mémoire réelle, fictive ou reconstituée.

« L’Album de photos de la famille D., 1939-1964 » Christian Boltanski 1971

Depuis le début des années soixante dix, où je découvrais dans Chorus, cette revue confidentielle créée par Pierre Tilman, Franck Venaille et Jean-Pierre Le Boul’ch, les premiers articles sur quelques artistes méconnus (parmi lesquels Daniel Buren, Jean-Pierre Raynaud et Christian Boltanski), les années ont passé et la création de Boltanski a certes évolué mais ce lancinant travail sur la mémoire perdure.
Dès 1971 « L’Album de photos de la famille D , 1939-1964 » utilise comme matériau les photographies trouvées, banales, de l’album de famille d’un ami. L’artiste en reconstitue le déroulement chronologique pour arriver à la conclusion que cette série de photographies, bien qu’étant le relevé effectif d’une famille, n’apprend rien de spécifique sur la vie de ses membres et ressemble à n’importe quel autre album de famille. Loin d’être un constat d’échec, cette œuvre marque avec force le parcours de Boltanski. Temps, mémoire, mort, photographie dessinent déjà le quadrilatère à l’intérieur duquel va se développer la recherche à venir de l’artiste.
C’est dire que ce parcours ne s’annonce pas comme une voie parsemée de roses. Près d’un demi-siècle plus tard, l’exposition du Centre Pompidou vérifie, au travers d’espaces sombres, à peine éclairés par une lumière électrique blafarde, ce chemin jalonné de théâtres d’ombres, de miroirs noirs, d’autels, de reliquaires, de photographies de cadavres, de portraits noirs, de morts.
Le temps a passé depuis que Christian Boltanski rassemblait les photos des soixante deux membres du Club Mickey en 1955 pour déjà s’approprier un passé qui n’était pas le sien.

Le tragique n’a cessé de s’inviter dans cet univers au fil des années. Pour la première fois en 1988 l’artiste se sert de documents ayant un lien direct avec la Soah. Les « Reliquaires » ont pour origine la photographie de fin d’études d’un lycée juif de Vienne en1937, le gymnasium Chases. Ces gens souriants ont pu mourir au cours des années suivantes.

« Crépuscule »

« Crépuscule » Christian Boltanski 2015

Plus l’œuvre se développe plus cette mémoire semble s’enfoncer dans la nuit. Pour preuve cette pièce de 2015 « Crépuscule » dans laquelle l’installation d’ampoules et de fils électriques noirs disposés au sol évolue le temps d’une exposition : l’œuvre, qui au début est très éclairée, s’assombrit progressivement. Chaque jour une des ampoules composant l’installation s’éteint. Si bien que l’ensemble de l’espace d’exposition nous plonge dans un univers sombre, peuplé de fantômes, visibles notamment sur ces voiles fragiles agités par le déplacement de l’air lors de notre passage. Avec « Entre-temps » (2003) ce sont les photos à différents âges de Boltanski lui-même projetées en boucle sur un rideau de fines cordes qui proposent l’illusion de ce cycle dans lequel on voit l’artiste vieillir puis retourner en enfance. Ce « jeu » sur l’entropie accompagne toute l’exposition et le retour à la lumière vive au sortir du parcours scénographique semble libérateur. Pour autant, c’est, me semble-t-il, le statut de la photographie qui se trouve mise au centre du dispositif le plus souvent et acquiert avec Christian Boltanski sa position privilégiée.

Photos Centre Pompidou

Christian Boltanski : faire son temps
13 Novembre 2019 – 16 mars 2020
Centre Pompidou de Paris

Livres

Alix Delmas : « Là où je ne sais pas encore. »

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« Alix Delmas, captures « 

Comment ne pas souligner le fait que l’atelier d’Alix Delmas se situe rue Marcel-Duchamp à Paris ? Quand bien même cette localisation serait le fruit du hasard, on sait bien que le hasard n’est pas très hasardeux. Et si l’artiste quitte les Beaux-arts de Paris en 1988, diplômée mention très bien, assurément la peinture n’offre pas à son champ d’investigation le médium approprié. Quand la revue Verso consacre sa présence en 2003 dans le dossier « Ils ne se disent pas peintres, ils ne se disent pas photographes » Alix Delmas a déjà emprunté une voie singulière dans laquelle le jeu du corps occupe une place essentielle et pour laquelle la photographie devient un outil décisif. L’ouvrage qui vient de paraître « Alix Delmas, captures » retrace cet itinéraire atypique, dérangeant au regard des références normées mais également fertile pour les yeux et la réflexion.
L’artiste utilise, au gré de ses investigations, le dessin, la sculpture, l’installation, la photo ou la vidéo. et en parcourant vingt années de ce travail, l’ouvrage permet de relier les différents moments de cette production multiforme. L’investissement personnel de l’artiste passe très tôt par la présence de son propre corps engagé dans des performances photographiées et fixées sur de grands formats.
Cette constante de la présence du corps se vérifie régulièrement dans les séries nouvelles. Les corps en général, le sien, ceux de ses modèles et finalement ceux des spectateurs participent à ces mises en situation inattendues, déstabilisantes souvent.

L’utilisation des gélatines colorées, à partir de 2005, apporte, me semble-t-il, une dimension nouvelle à ce travail en créant un espace scénographique séduisant. Pour ces captures d’un nouveau genre, c’est la vision du regardeur qui se trouve captée et envoutée. C’est à travers ce filtrage coloré que les corps transfigurés prolongent le travail déjà entrepris dans les séries précédentes.

D 106 Vidéo 2007

La vidéo participe au développement de cet objectif. Dans « D106 » quatre projecteurs couverts de gélatine rouge, verte, jaune et bleue sont fixés sur le capot d’un 4X4. Le véhicule quitte alors l’atelier pour illuminer avec ces faisceaux colorés la D106, la départementale auvergnate. « Ainsi l’expérience intègre de nouveaux accessoires d’éclairage (phares de voitures, soleil…) et quitte l’espace intérieur pour interroger d’autres territoires extérieurs : paysages nocturnes, piscine, littoral, rivage.. « 
Avec les textes et entretiens d’Anne Bertrand, Paul Ardenne, Barbara Wally et Jean-Jacques Larrochelle l’ouvrage met à disposition du lecteur une large évocation de ce travail qui présente aussi ses difficultés pour l’artiste : »C’est vrai que l’étiquette d’artiste inclassable n’est pas facile à porter. » confie Alix Delmas. Ce qui ne la dissuade nullement de persévérer sur cette voie à risque «  L’important pour moi est d’aller encore plus loin, où je ne suis pas encore, là où je ne sais pas encore« .

Alix Delmas
Captures
Editions LOCO

278 pages
ISBN : 978-2-84314-009-9