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Vidéo-magazine N°11 : Ben, Être libre

« Être libre »

Au Domaine de Chamarande dans l’Essonne s’ouvre la rétrospective BEN sous le titre « Être libre » . Mais la toute première liberté que s’octroie Ben est de remettre en cause ce titre proposé par sa fille Eva, directrice de galerie et organisatrice de l’exposition à Chamarande.
Présent au vernissage, l’artiste nous explique pourquoi cette liberté n’existe pas. Car, à quatre vingt cinq ans, Ben reste plus que jamais un gamin octogénaire insupportable et cependant incontournable. Il aime dire la vérité et a fait de ce fil conducteur une proclamation révélée dès 1961. Déjà, pour ses quatre vingts ans, le musée Maillol à Paris lui offrait une rétrospective donnant l’occasion de rappeler l’itinéraire de ce jeune homme indocile qui, après avoir découvert Fluxus aux Etats-Unis, est rentré à Nice dans les années soixante en militant de ce mouvement inconnu en France. Avant de consacrer aux mots tout l’espace de ses œuvres, Ben, dans les années cinquante, peignait… des bananes. Puis très tôt, l’écriture est devenue le vecteur principal d’un artiste qui a su si malicieusement faire de «l’Ego» un champ d’analyse… et de promotion. Ses premiers tableaux de 1958 l’engagent dans une voie qu’il ne quittera plus.

Palais idéal des ego

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Pour avoir rencontré Ben pour la première fois en 1975 dans sa nouvelle demeure sur les hauteurs de Nice, c ‘est peu de dire combien le positionnement radical de l’artiste a marqué de son empreinte le regard portée sur l’art en général. Dans ses archives filmées, « rangées » en vrac dans une valise, Ben conservait, si l’on peut dire, les traces filmées des actions réalisées dans ces années soixante.
La maison elle-même prenait l’aspect d’un futur «Palais idéal des ego » à la manière du facteur Cheval, jusqu’à devenir aujourd’hui ce « Ben Land » riche de tout son parcours.
A l’orangerie de Chamarande, la scénographie rappelle les débuts de l’artiste dans cette boutique à Nice où il vendait des disques. Puisque « Tout est art », il devenait possible de décliner à l’infini, de tout s’accaparer et notamment de tout signer : les trous, dieu, le temps, les vitres, la lumière, la vérité, rien, les oeufs de poule, le pape, l’univers, les boites mystères …….

Domaine de Chamarande juillet 2020

Au Domaine départemental de Chamarande, Ben rassemble plus de quatre cents œuvres. L’exposition «Être libre » révèle ainsi les multiples facettes de cet artiste iconoclaste et provocateur qui récuse la pensée unique depuis plus de cinquante ans.

Photos de l’auteur

« Être libre « 
Ben
Du 11 juillet au 11 octobre 2020

Domaine départemental de Chamarande
91730 Chamarande

Expositions

Musée Maillol : Tout est Ben

Si Ben Vautier donne le sentiment d’avoir été présent toujours et partout depuis cinquante ans, avec de grandes rétrospectives ( A cent mètres du centre du monde à Perpignan en 2005, Musée d’art contemporain de Lyon en 2010, Musée Tinguely, à Bâle en 2015 notamment), l’ouverture de la Fondation du Doute à Blois en 2012, il faut cependant convenir que son exposition dans le musée Maillol rénové offre à l’artiste sa première vraie grande exposition à Paris.

"Beau" Ben 1958
« Beau » Ben 1958

Pour ses quatre-vingts un ans, cette rétrospective donne l’occasion de rappeler l’itinéraire de ce jeune homme indocile qui, après avoir découvert  Fluxus aux Etats-Unis, est rentré à Nice dans les années soixante en militant de ce mouvement inconnu en France. Avant de consacrer aux mots tout l’espace de ses œuvres, Ben, dans les années cinquante, peignait… des bananes. Puis très tôt, l’écriture est devenue le vecteur principal d’un artiste qui a su si malicieusement faire de « l’Ego » un champ d’analyse… et de promotion. Ces premiers tableaux de 1958 l’engagent dans une voie qu’il ne quittera plus.
Lorsque je rencontrai Ben pour la première fois en 1975 dans sa nouvelle demeure sur les hauteurs de Nice, la maison elle-même prenait l’aspect d’un futur « Palais idéal des ego » à la manière du facteur Cheval, jusqu’à devenir aujourd’hui ce « Ben Land » riche de tout son parcours. Déjà, dans ces années soixante dix,  la stratégie globale de Ben était en place. Puisque « Tout est art », il devenait possible de décliner à l’infini, de tout s’accaparer et notamment de tout signer : les trous, dieu, le temps, les vitres, la lumière, la vérité, rien, les oeufs de poule, le pape, l’univers, les boites mystères …….
L’attitude la plus anodine est art, l’ action la plus insolite est performance. On n’épuisera pas ici l’ensemble des propositions que Ben aura mis en situation pour affirmer sa présence au monde et faire de cet Ego le seul centre d’intérêt qui vaille. Plus de deux cents œuvres rassemblées au musée Maillol témoignent de ce cheminement obsessionnel qui a fait de Ben ce qu’il est : un gamin octogénaire insupportable et cependant incontournable. Ben aime dire la vérité et a fait de ce fil conducteur une proclamation révélée dès 1961. Mais la même année la série des Mensonges nous renvoyait à notre perplexité.

Exposition Ben au musée Maillol 2016
Exposition Ben au musée Maillol Paris 2016

Dans sa propriété sur la route de Saint-Pancrace en 1975, Ben remontait dans son jardin la célèbre boutique que le Centre Pompidou venait de lui acheter. Cette boutique où il vendait jadis, à Nice, des disques d’occasion servit pendant les années soixante de principal point de rencontre de la scène artistique et dans le même temps de lieu pour maintes actions et expositions. L’espace du musée Maillol ne permettait pas la présentation de cette pièce monumentale (installée l’année passée au musée Tinguely de Bâle). L’ensemble de l’exposition à Paris n’en est pas moins révélateur du positionnement opiniâtre de celui qui a fait de « tout » le matériau définitif de son art.BEN CARTE
Le public, lui-même, peut accompagner la démarche en remplissant d’une proposition  personnelle une carte postale « Si tout est Art ? l’art c’est aussi… » avant de la poster dans l’exposition même au destinataire de son choix.
Si l’Ego de Ben est surdimensionné, il faut lui rendre justice d’avoir aidé, pendant toutes ces années, nombre de jeunes artistes peu connus dans sa région, d’avoir contribué à mettre en lumière des propositions artistiques nouvelles au fil des décennies et si son sens du merchandising l’a fait connaître d’un public plus vaste, cette qualité de regard sur les autres, plus discrète, fait partie de son histoire. Et Maillol ? Une vitrine dans l’exposition relie quelques sculptures de Maillol avec certaines écritures de Ben dans sa relation au corps, à la femme. Mais la rencontre s’arrête là et laisse la part belle à celui pour qui tout est art, Maillol compris.

Ben Vautier dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photos Musée Maillol

Ben
Du 14 septembre 2016
au 15 janvier 2017
Musée Maillol
61, rue de Grenelle
75007Paris

Coups de chapeau

Serge Oldenbourg : au risque de se perdre

Dans trois semaines à Paris 3eme arrondissement, le festival Nomade se déroulera sous le signe de la performance.

lIVRE OPLDENBOURGC’est l’occasion de mettre en perspective l’expérience ultime d’un artiste du happening décédé il y a une quinzaine d’années et dont le parcours, mal reconnu de son vivant, a laissé une trace unique concernant l’engagement personnel et la prise de risque. Serge Oldenbourg (1927-2000), sous le nom d’artiste de Serge III, était le frère de l’écrivain Zoé Oldenbourg. En février 1962, sans avoir encore entendu parler de happening, il propose, pour 1 Franc, son âme à Ben Vautier. Il est précisé dans le contrat d’achat que Ben est libre d’en disposer de la manière qui lui convient en tant qu’œuvre d’art. Puis Oldenbourg détruit  toutes les peintures, paysages et natures mortes réalisés auparavant. En juiIlet 1963, George Maciunas passe à Nice et avec Ben, organise des pièces Fluxus de rue et un concert à l’Hôtel Scribe. Entre autres pièces, Ben réalise le « Violon Solo de Nam June Palk » et brise le violon sur une table. C’est le coup de foudre et une révélation. Serge III fait dédicacer un morceau de violon par Ben. Au début 1964, avec Ben et d’autres artistes, il réalise deux concerts Fluxus à Nice puis avec Ben monte à Paris pour le Festival de la Libre Expression organisé par Jean-Jacques Lebel.

Performance à haut risque

pistolLe happening prend alors chez Oldenbourg une tournure extrême lors de ce festival.. L’artiste ne mesure plus seulement son rapport à l’art, il joue avec sa vie : « Concert Fluxus dans lequel je joue à la roulette russe avec un vrai revolver et une vraie balle. Deux amis voulaient m’empêcher de le faire et j’ai été obligé de leur dire que le revolver ne serait pas chargé. D’où le bruit qui courut comme quoi le revolver n’était pas chargé. Il l’était, et Robert Filliou, qui devint un de mes amis les plus chers en a toujours témoigné, parce qu’il m’avait vu tout de suite après ma performance. »
L’implication de sa vie personnelle restera une composante déterminante de sa démarche artistique. En octobre 1966, toujours avec l’inséparable Ben, il se rend à à Prague pour présenter des happenings et concerts Fluxus. L’ambiance est pesante et les conditions de séjour difficiles. Ben décide brusquement de partir. Oldenbourg donne son passeport et un costume à un soldat qui s’enfuit en Autriche. Dénoncé à la police l’artiste est arrêté, condamné à trois ans de privation de liberté. Après quatorze mois de prison il est échangé contre un espion tchèque.

Serge  piano2
Auto-stop avec un piano – 13 juin 1969, Cros de Cagnes

Lorsque je rencontre personnellement Serge Oldenbourg à Nice dans le courant des années soixante dix, c’est l’occasion de rappeler avec lui une action mémorable et cette fois moins risquée :
« En juin 1969 Ben et Merino organisent le Festival Non-Art. Ben m’avait dit que je-ne-sais-quel-type de Fluxus avait écrit un livre avec toutes les pièces possibles et imaginables pour piano. Je lui ai répondu qu’il pouvait en ajouter deux, auto-stop et navigation en piano. » Serge III loue un piano et s’installe au bord de la nationale 7 en direction de Paris. Personne ne prendra en charge cet encombrant auto-stoppeur.

Contestation et subversion

Selon cet artiste incontrôlable la distinction doit être faite entre contestation et subversion. La contestation, selon lui, est une protestation directe et partisane contre un état de choses, la subversion suggère un processus de pensée qui pourrait aboutir à la protestation. Autrement dit, la contestation est l’aboutissement d’un processus, alors que la subversion en est le point de départ. En 1970 invité à l’exposition « Environs Il » à Tours, Serge III achète un pistolet à amorces. Il prévient les organisateurs et la presse, monte dans un bus, braque le chauffeur et lui ordonne de rejoindre la bibliothèque où se déroulait l’événement. Mais la police l’intercepte. En 1973 il lave et repasse le drapeau français en public. La suite de son parcours sera à l’image de cette vie qui fut, a-t-on déjà écrit, un happening qui dura soixante treize ans.

Source photos : http://alainamiel.com/S%20III/performances.html

Coups de chapeau·Expositions

Robert Filliou : sortir l’art d’un chapeau

Couvre Chef-d’Œuvre

Il aurait été inconcevable que ce blog passe sous silence l’exposition « Chapeaux ! Hommage à Robert Filliou » visible actuellement  à La Vitrine a-m à Paris. En 1962, Robert Filliou installe sa galerie dans son chapeau : « La Galerie Légitime« , faisant de son couvre-chef son propre lieu d’exposition mobile. Les œuvres, rassemblées et accompagnées du tampon « Galerie Légitime Couvre Chef-d’Œuvre« , occupent cette galerie capitale hors de tout système, transformant Robert Filliou en une sorte de vendeur d’art à la sauvette.

Chapeau de Pierre Tilman
Chapeau de Pierre Tilman

En collaboration avec la Time Art Gallery GF, née d’une réflexion sur les points de convergence entre l’art horloger et l’art contemporain, le commissaire de l’exposition Raphaël Cuir a invité dans le cadre de La Vitrine a-m quatorze artistes en leur donnant comme figure imposée : s’approprier un chapeau pour en faire une œuvre d’art hommage à Robert Filliou. Treize des quatorze artistes ont joué le jeu, seul Thomas Hirschhorn n’ayant pas consenti à la figure imposée et sorti de son chapeau un tableau labyrinthe sur l’importance de Robert Filliou dans l’art de son temps.

L’esprit Fluxus

L’ombre de Fluxus se penche donc sur ce lieu  et insuffle son esprit dans ce projet ouvert à l’imaginaire d’artistes de générations différentes. Pour Ben la légitimité semble aller de soi, nous ramène aux années soixante et aux origines du mouvement.

Chapeau de Ben Vautier
Chapeau de Ben Vautier

En 1962, Ben fait connaissance avec George Maciunas à Londres et découvre le groupe Fluxus qu’il décide de rejoindre. En 1964 il rencontre George Brecht à New York. Ben diffuse alors les idées et l’esprit Fluxus en France et devient le promoteur d’un art d’attitude. Autre historique, Pierre Tilman est l’auteur de plusieurs livres sur Robert Filliou et sa proximité avec Fluxus se vérifie dans l’attitude artistique qui fait passer le comportement avant la production. Dans un de ses écrits sur Filliou, il saisit l’occasion pour prendre une position manifeste : « Quels sont les artistes qui veulent vraiment changer le monde et est-ce que l’art peut y parvenir ? Comment rompre le cercle fatal qui veut que quand un artiste, qui est tenu en dehors de l’establishment culturel, commence à faire surface et à être reconnue, son plus cher souci semble être de faire partie de ce système qui le rejetait auparavant ?  » (Pierre Tilman, « Robert Filliou nationalité poète » 2006)

«La Vie intérieure», chapeau de Pierre Ardouvin.
«La Vie intérieure», chapeau de Pierre Ardouvin.

Dans la génération plus récente, il n’est pas surprenant de retrouver Pierre Ardouvin qui offre à son chapeau un morceau de sa voie lactée. Tracey Snelling, pour sa part, installe un univers cinématographique qui déborde quelque peu du couvre-chef.
La  scénographie de Jacob et MacFarlane est inventive, trop peut-être car elle prend le pas sur l’intimité de la création des artistes.

Objets objecteurs

Retenons avant tout que l’exposition donne un coup de chapeau à Robert Filliou et que dans sa démarche d’artiste l’attitude prime sur la forme et la production d’ objets. Dans un des chapeaux exposés à la Vitrine a-m nous sommes invités à jeter un papier sur lequel nous avons écrit un vœu. Peut-être pourrions nous formuler le vœu que l’esprit Fluxus arrive un jour à regagner du terrain sur la frénésie marchande qui met en coupe réglée l’art de notre temps, moment où l’objecteur prendra le dessus sur l’objet. Mais ce vœu sortira-t-il un jour du chapeau ?

Photos : la Vitrine a-m et Gallery Praz Delavallade (Ardouvin)

“Chapeaux ! hommage à Robert Filliou”
Artistes invités : Pierre Ardouvin, Ben, Thomas Hirschhorn, Guy Limone, Yasmin Jahan Nupur, Yoko Ono, ORLAN, Mary Reid Kelley, Franck Scurti, Tracey Snelling, Jeanne Susplugas, Stéphane Thidet, Pierre Tilman, Joana Vasconcelos   Scénographie : JAKOB + MACFARLANE
Commissaire de l’exposition : Raphaël Cuir
Du 3 octobre au 21 novembre 2014
La vitrine AM
24 rue de Richelieu
75001, Paris

Expositions

Mark Brusse : Parfois je me demande…

Parfois je me demande qui est vraiment Mark Brusse. Ce n’est pourtant pas la surprise de découvrir son travail, cette approche remontant à près de quarante ans lorsque dans la galerie Germain à Paris il proposait des objets en bois aux couleurs franches, objets indéfinissables, ne correspondant à aucune représentation réaliste et dans même temps aussi éloignés que possible de ceux de ses amis du Nouveau réalisme par exemple.
Je n’ ignore pas non plus le parcours viscéralement libre de cet homme qui d’Amsterdam à New-York puis à Paris s’enrichit à l’expérience des autres artistes dont le groupe Fluxus. Cette rencontre avec ce mouvement connu pour son attachement au caractère événementiel et éphémère de l’œuvre, conduit Brusse à participer à plusieurs happenings et surtout à collaborer avec John Cage. C’est  après un séjour à Berlin au début des années 1970  que  Mark Brusse rentre à Paris et s’installe à La Ruche. Il crée ces assemblages, petits ou grands, certains sur socle, d’autres suspendus, constitués de matériaux les plus divers : filament, nœud, corde qui servent de fil conducteur  autant d’objets indéfinissables dont j’évoquais la découverte à la galerie Germain.

« Sometimes I wonder »

« Dégats et petits rats de l’opéra » Mark Brusse

« Sometimes I wonder » que présente Mark Brusse à la galerie Louis Carré à Paris, montre trois expressions différentes( la peinture sur papier hanji, l’assemblage et le collage) de cette quête poursuivie maintenant depuis un demi-siècle. Pour Mark Brusse, chaque discipline témoigne de son attachement fort aux différents matériaux qu’il emploie.
« Pour ses peintures il utilise le papier hanji qui, une fois mouillé, absorbe la peinture comme une fresque. La fluidité des pigments, obtenue après dilution dans l’eau, lui permet d’exprimer le presque insaisissable, des choses à peine entrevues, presque irréelles, mais toutefois présentes. Les collages sont composés de divers papiers, souvent trouvés dans les rues des pays où il séjourne : papiers d’emballage, photos de journaux, notes manuscrites, dessins d’enfants. »

« J’ai trouvé ce qui au fond existait déjà en moi. » explique Mark Brusse. Si bien que si son oeuvre s’exprime au travers de collages, peintures, objets, la quête de l’artiste s’apparente à un voyage intérieur. Il lui a fallu parcourir le monde pour enquêter sur cette question toujours présente devant ses pas, pour tenter d’évaluer cette présence au monde.

« Open eyes » Mark Brusse

Parfois Mark Brusse se demande ce qu’il fait sur terre, parfois  il se demande, en citoyen du monde, comment  accéder à l’essentiel au travers de la si grande diversité des humains sur la planète, parfois  il se demande comment transmettre ses angoisses et ses émerveillements.

« Feu follet« 

Une des récentes expositions de Mark Brusse au Domaine de Lescombes, centre d’art contemporain d’Eysines, portait comme titre : « Feu follet« .
Défini comme « la Lumière apparaissant lors de la combustion spontanée de gaz qui se dégage des matières organiques en décomposition« ,  ce feu follet est bien à l’image de cet artiste insaisissable, virevoltant d’une proposition à l’autre, d’un pays au suivant, dans une itinérance sans limite, avec pour seul réponse : quelle est la question ?

Photos: galerie Louis Carré

Mark Brusse dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Mark Brusse
« Sometimes I wonder »

Du 29 mars au 27 avril 2013
10 avenue de Messine
75008 Paris

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Coups de chapeau

« 123 gouttes de Cage plus une cuillère de Duchamp… »

La Fondation du Doute

Déjà évoqué dans ce blog, le musée de l’Objet à Blois a fermé ses portes en 2011 et le lieu renaît aujourd’hui dans le projet de la Fondation du Doute. « Créer c’est douter et douter c’est créer » écrit Ben Vautier en frontispice de ce nouveau lieu de questionnement et de création qu’il installe à Blois. L’artiste annonce ainsi le projet :

Ben Vautier « Fluxus, c’est la vie »

« La Fondation du doute n’est pas que Fluxus, mais du Fluxus, du non-Fluxus, de l’Anti-Fluxus, de là Bas Fluxus et du Post-Fluxus. La Fondation du Doute, c’est du désordre qui change le monde. Il y aura un étage consacré à Fluxus et un étage consacré à tout ce qui est art vivant, doute, création, tout ce qui est dérangeant, vivant dont les racines contiennent du Duchamp et du John Cage. »
En 1962, Ben rencontre George Maciunas à Londres et découvre le groupe Fluxus qu’il décide de rejoindre. En 1963, a lieu un concert Fluxus à Nice créé par George Maciunas, en 1964 Ben rencontre George Brecht à New York. Ben diffuse alors les idées et l’esprit Fluxus en France et devient le défenseur d’un art d’attitude.

Mur des mots à Blois Ben

Le mur des mots

Déjà le site de Blois constituait un lieu privilégié dans lequel Ben avait installé un nid propre à faire naître ses projets. Sur la façade de l’école des Beaux-arts de Blois a été inauguré en 1995  le « Mur des mots » de Ben   : 300 plaques émaillées fixées au mur de l’école d’art, constituent une rétrospective des célèbres tableaux-écritures de l’artiste, depuis les années 60. Déjà aussi l’ancien musée de l’ Objet présentait des collections lettristes (Isou, Sabatier, Poyet, Wolman), mouvement souvent invisible dans la plupart des musées français. De Ben aux Lettristes, de Jean-Jacques Lebel aux anciens membres du groupe Untel (Albinet, Cazal, Snyers) ou encore Jacques Halbert, la Fondation du Doute devrait permettre de revisiter la mouvance Fluxus.
On sait que le mot « Fluxus » (flux, courant) a été choisi en 1961, par George Maciunas pour désigner ce nouveau courant auquel il donne un manifeste, Manifesto, distribué au festival Fluxus de Dusseldorf en1963. À la fin des années 1950, de jeunes artistes influencés par les enseignements de Marcel Duchamp et de John Cage rejoignent le groupe rassemblé autour de Maciunas et de la galerie qu’il crée à New York en 1961. Expositions, happenings, concerts de John Cage, Dick Higgins ou La Monte Young animent ce lieu.

 » Nouvelle société »  1977 Roland Sabatier

Certes depuis les années soixante marquées par l’esprit Fluxus  Ben a parfois cédé aux sirènes du marchandising. Sur mes cahiers d’écolier, sur mes agendas et mes timbres, sur mes tee-shirts j’écris ton nom, Ben ! Mais l’artiste, bien qu’adoubé par les institutions (notamment en  2010, sa grande rétrospective «Ben, strip-tease intégral» au Musée d’art contemporain de Lyon),  n’a rien perdu de sa capacité parfois épuisante à secouer le joug et à garder un oeil lucide sur l’art de son temps. L’intention affichée de Ben est d’éviter de créer un musée pour au contraire promouvoir un lieu d’agitation. Dans sa dernière lettre Ben écrit :
«  Quand Blois et la Fondation me prennent la tête  et que je me sens découragé  Je me dis : stop Ben  il suffit de voir clair La fondation c’est l’occasion rêvé de semer le doute en art le moment et l’endroit pour produire un autre son de cloche il faut faire de la Fondation et du Centre Mondial du Questionnement quelque chose de totalement différent et nouveau poser d’autres questions douter de tout  Rappelle-toi le Bateau lavoir  Rappelle-toi le Cabaret Voltaire  »

Comme cocktail de la Fondation du doute, l’hôte prévoit : « 123 gouttes de Cage plus une cuillère de Duchamp plus une pincée de Zen, plus un verre de constructivistes polonais et russes, plus un grog, le tout secoué très fort et servi sans glace. » Pour agiter le shaker de la Fondation du Doute, Ben peut compter assurément  sur les artistes invités, notamment les Lettristes. Sur ce point, je n’ai aucun doute.

Photo Fluxus et Sabatier : Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain
Photo Blois: de l’auteur

Inauguration de la Fondation du doute
vendredi 5 avril 2013
Fondation du Doute
rue de la Paix
Administration : 6 rue Franciade
41000 Blois

Ben Vautier dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

 

Expositions

La Fondation du doute

 Après le musée de l’objet

Il y a quelques mois, j’évoquais le sort du musée de l’objet à Blois, actuellement fermé. Le prêt de la collection d’objets contemporains réunis par Eric Fabre au Musée de l’Objet arrivait à son terme et la destination de ce musée remarquable (notamment pour ses collections Lettristes qui faisait de ce lieu un des rares endroits où ce mouvement était honorablement représenté) restait incertaine.

"Fondation du doute" par Ben 2012

Aujourd’hui, le projet de la Fondation du doute fait suite au Musée de l’Objet. Ce nouveau programme, conduit par Benjamin Vautier, autrement dit Ben,  aura pour centre d’intérêt le mouvement Fluxus  et donc également Ben. C’est pourquoi la Fondation du doute ne sera pas un musée Ben mais plutôt un lieu d’échanges et de réflexions. L’artiste a donné son accord pour prêter une collection de plus de quatre cent  pièces constituée au fil du temps auprès de ses amis grâce à ses innombrables relations dans le domaine artistique
Cette approche de Ben ne doit rien au hasard puisque l’artiste a mis en place , pour l’école des Beaux-arts de Blois, attenante à l’ancien musée de l’objet, une de ses réalisations  les plus importantes. Le « mur des mots »  de Ben occupe la grande façade de l’école des Beaux-arts avec  de très nombreux tableaux de ses écritures.

Fluxus

Benjamin Vautier années soixante

Le mouvement Fluxus doit son nom à George Maciunas: c’est lui qui choisit le nom Fluxus en 1961 et qui rédige le Manifeste Fluxus. Il crée une galerie en 1961 et organise des concerts de musique contemporaine, ainsi que des expositions de ses amis (John Cage, Dick Higgins ou La Monte Young) avant de s’installer en Allemagne. En septembre 1962, il organise le premier concert Fluxus, le Fluxus Internationale Festspiele neuester Musik, qui marque les débuts du mouvement. Bientôt des dizaines d’artistes des cinq continents s’y associent et trouvent dans cette pratique  l’espace de liberté qu’ils recherchaient.

« On est tous ego »

En France, Ben, qui est allé découvrir Fluxus aux Etats-Unis, revient à Nice en militant de cette posture vis à vis de l’art. L’artiste, qui a su, si malicieusement faire de « l’Ego » un champ d’analyse… et de promotion, est également resté le militant des années soixante. Récemment encore, en 2006, il fut l’initiateur de la manifestation « Le tas d’esprit » qui, pendant quelques temps, a investi le quartier latin. S’interrogeant sur les limites de l’art, il a offert à de nombreux artistes souvent ignorés des institutions et des galeries, une vitrine joyeuse, remuante, dans l’esprit Fluxus.
La Fondation du doute, dont l’ouverture est prévue pour octobre de cette année, aura, j’imagine, à faire vivre ce mouvement corrosif, iconoclaste, pour faire de ce doute  le ferment de la liberté.

Photo: Benjamin Vautier

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Coups de chapeau

Le « mur des mots » de Ben à Blois

Sur la façade de l’école des Beaux-arts de Blois a été inauguré en 1995  le « Mur des mots » de Ben Vautier : 300 plaques émaillées fixées au mur de l’école d’art, constituent une rétrospective des célèbres tableaux-écritures de l’artiste, depuis les années 60.
L’itinéraire de Ben n’est plus à décrire. Depuis ses années Fluxus jusqu’à aujourd’hui, Ben a traversé un demi siècle d’histoire de l’art. Je l’avais rencontré pour la première fois en 1975 dans sa maison sur les hauteurs de Nice, déjà transformée à l’époque en oeuvre d’art, en partie couverte d’écrits et objets divers. Depuis ces années, la maison n’a fait que s’enrichir de ses nouveautés.

Au sujet de ce mur de l’école des Beaux-arts de Blois, qui n’est pas sans rappeler sa maison de la route de Saint Pancrace, Ben raconte une anecdote :

« Quand il a fallu inaugurer le mur, Pierre Jean Galdin (directeur de l’école) devait donner 3.000 cartons d’invitations à mettre sous enveloppe et tout naturellement il pensa faire faire le travail par les prisonniers de la prison de Blois quand quelqu’un lui fit remarquer : tu ne peux pas leur faire plier : « Venez faire le mur avec Ben » c’est une incitation à la révolte.. »

Jouxtant l’école des Beaux-arts de Blois, le musée de l’Objet mériterait davantage de visiteurs. Ses collections sont riches et, chose rare voire inexistante dans les musées français, on y trouve de nombreuses œuvres du mouvement Lettriste.

Photos : http://www.edab.fr/pages_siteartistique/ben.htm

Ben Vautier dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain