Pour mémoire

Daniel Pommereulle, « l’esthétique du tranchant ».

Il me semble que Daniel Pommereulle appartient à cette famille d’artistes dont le besoin de chercher passe avant la satisfaction de trouver. Dès le départ, la peinture ne le satisfait pas. Il lui faut autre chose. A l’initiative d’Alain Jouffroy, il participe en 1965 à l’exposition
« Les Objecteurs ». Pommereulle ne s’installe pas dans une activité unique, devient comédien tout en s’intéressant aux arts plastiques.
Lorsque j’avais vu en 1968 le film d’Eric Rohmer La collectionneuse , je ne connaissais pas cet acteur qui jouait le rôle d’un artiste sculpteur. Cet aspect ne m’avait pas frappé sur le moment. Pourtant, une courte séquence de film aborde d’entrée la recherche de Pommereulle.Cette image a un attribut alt vide ; le nom du fichier est daniel-4.jpg

Apparaît brièvement une de ses « sculptures » : une boite de conserve ronde hérissée de dizaines de lames de rasoir qui interdisent toute préhension de l’objet à mains nues.
Sa trajectoire cinématographique n’est pas banale. Il tourne avec Truffaut, Godard, Garel. Le film participe à sa recherche artistique, toujours hantée par le danger et la mort. Il conçoit dans son film One more Time (1967) une machine à suicide. Toujours en 1967, en 1967, ses Objets de tentation font scandale.
Mais l’attitude de Pommereulle semble toujours décalée par rapport aux engagements de son époque. Il restera un artiste solitaire, peut-être au détriment d’une carrière, expression dont j’imagine qu’elle lui faisait horreur. Plus tard, le recours à des matériaux plus nobles ne lui fait pas oublier le sens de sa recherche.
« L’esthétique du tranchant« , Pommereulle la matérialise aussi dans l’exploitation de matériaux comme le marbre, le grès, l’acier dans les années 1980 et 1990. Avec le travail du verre, cette préoccupation perdure.
Le rencontrant en 1995, je le trouvai quelque peu désabusé, isolé. Pourtant son œuvre annonçait depuis longtemps déjà des notions très actuelles dans l’art. Il le savait et en ressentait peut-être quelque amertume.

Daniel Pommereulle dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photo imago 1995 autorisation de l’artiste

 

Coups de chapeau

Le « mur des mots » de Ben à Blois

Sur la façade de l’école des Beaux-arts de Blois a été inauguré en 1995  le « Mur des mots » de Ben Vautier : 300 plaques émaillées fixées au mur de l’école d’art, constituent une rétrospective des célèbres tableaux-écritures de l’artiste, depuis les années 60.
L’itinéraire de Ben n’est plus à décrire. Depuis ses années Fluxus jusqu’à aujourd’hui, Ben a traversé un demi siècle d’histoire de l’art. Je l’avais rencontré pour la première fois en 1975 dans sa maison sur les hauteurs de Nice, déjà transformée à l’époque en oeuvre d’art, en partie couverte d’écrits et objets divers. Depuis ces années, la maison n’a fait que s’enrichir de ses nouveautés.

Au sujet de ce mur de l’école des Beaux-arts de Blois, qui n’est pas sans rappeler sa maison de la route de Saint Pancrace, Ben raconte une anecdote :

« Quand il a fallu inaugurer le mur, Pierre Jean Galdin (directeur de l’école) devait donner 3.000 cartons d’invitations à mettre sous enveloppe et tout naturellement il pensa faire faire le travail par les prisonniers de la prison de Blois quand quelqu’un lui fit remarquer : tu ne peux pas leur faire plier : « Venez faire le mur avec Ben » c’est une incitation à la révolte.. »

Jouxtant l’école des Beaux-arts de Blois, le musée de l’Objet mériterait davantage de visiteurs. Ses collections sont riches et, chose rare voire inexistante dans les musées français, on y trouve de nombreuses œuvres du mouvement Lettriste.

Photos : http://www.edab.fr/pages_siteartistique/ben.htm

Ben Vautier dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Pour mémoire

Jean Mazeaufroid

C’est à la Rochelle, en 1973, lors des Rencontres internationales d’art contemporain, que j’avais eu l’occasion de découvir les œuvres du groupe « Textruction » que Jean Mazeaufroid avait fondé avec George Badin, Gérard Duchêne, Gervais Jassaud et Michel Vachey.
A l’époque où le groupe « Supports-Surfaces » domine les débats sur la peinture, «Textruction» développe l’originalité de sa démarche :
« L’utilisation simultanée de signes alphabétiques et de signes plastiques (et parmi ces derniers sont compris les supports : toiles, cartonnages, croisillonages) tend à les mettre en relation d’équivalence. Il s’agit de faire en sorte que le signal chromatique, ou plus généralement tout signal perçu, se comporte comme un signifiant, ou encore que s’établissent des rapports inédits entre les sens et les supports. »

Mazeaufroid compose alors sur toile libre et au pochoir des textes fragments ou des textes séquences dont la signification réside davantage dans leur immédiateté visuelle que dans leur discursivité narrative. Ces oeuvres de Jean Mazeaufroid prenaient leur place dans cette occupation pacifique. Cette manifestation avait dérangé, semble-t-il, les habitudes. Dans la nuit, toutes les oeuvres furent détruites, brûlées, saccagées.
L’ayant rencontré personnellement vingt cinq ans plus tard, l’artiste se montra étonné que l’on puisse se souvenir de cette époque et ému lorsque je lui présentai un catalogue de cette période créatrice de « Textruction ».

Jean Mazeaufroid dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photo Wikipédia


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