La chaîne vidéo

Gérard Deschamps, peintre sans peinture

« Peinture sans peinture »

Le L.A.A.C. de Dunkerque présente actuellement une exposition consacrée à Gérard Deschamps. Le vidéo-magazine N°21 du blog revient sur l’itinéraire de ce peintre sans peinture, avec le témoignage personnel de l’artiste. L’exposition rétrospective du LAAC  « entend proposer un panorama de la création de l’artiste, depuis la fin des années 1950 jusqu’à aujourd’hui, au travers de près d’une centaine d’œuvres issues de collections privées françaises et d’institutions publiques européennes.« 
Après la signature le 27 Octobre 1960 du premier manifeste des Nouveaux Réalistes signé par Yves Klein, Arman, François Dufrêne, Raymond Hains, Martial Raysse, Pierre Restany, Daniel Spoerri, Jean Tinguely, Jacques de la Villeglé, s’ajoutent en 1961: César, Mimmo Rotella, puis Niki de Saint Phalle et Gérard Deschamps. Christo rejoindra le mouvement en 1963.
Dès lors le nom de Deschamps est durablement associé à ce groupe pour lequel l’artiste a cependant exprimé parfois des critiques sévères notamment à l’adresse de Pierre Restany, critique d’art fédérateur du mouvement. A la différence de la majorité des autres membre des Nouveaux Réalistes, Deschamps revendique un statut de peintre : « Je n’ai pas abandonné la peinture. J’ai constaté qu’elle n’était pas seulement dans les tubes. » explique-t-il.

One Night (1987)
Tissus, cravate et sous-vêtement

La couleur sans les tubes

La couleur reste, en effet, un paramètre déterminant dans sa pratique et, à défaut d’utiliser les tubes de gouaches, ce peintre d’un nouveau genre compose ses tableaux avec des outils de couleur inhabituels : bâches de signalisation, voiles de planches à voile, ballons, skate-boards, dessous féminins, toiles cirées etc…
Et s’il fut l’homme des ruptures dans l’art, il s’éloigne également du milieu de l’art. En 1970, en brouille avec le monde de l’art parisien, Gérard Deschamps s’installe dans le Berry, à La Châtre dans la maison de ses grands-parents.
Pour autant son travail sera a nouveau montrée régulièrement à partir de 1978 dans les expositions et dans les galeries parisiennes et étrangères.
Comme pour la plupart des Nouveaux Réalistes l’objet reste donc au centre de cette œuvre avec pour Deschamps une dimension ludique qui le ramène au monde de l’enfance. Plus récemment il expose ses Pneumostructures, assemblages, ou non, de bouées gonflables, de matelas pneumatiques ou autres liés à l’imaginaire enfantin.


GÉRARD DESCHAMPS. Peinture sans peinture
Du 19 septembre au 7 mars 2021

Actuellement fermée pendant le confinement

Lieu d’Art et Action Contemporaine Jardin de sculptures
302 avenue des Bordées
59140 Dunkerque

Expositions

Niki de Saint Phalle : une femme peut en cacher une autre

Ouverte depuis déjà plus d’un mois au Grand palais à Paris, l’exposition Niki de Saint-Phalle connaît un succès populaire certain. Cet engouement ajoute à l’image d’une artiste dont la notoriété est internationale et dont le parcours est notamment associé à l’histoire du Nouveau Réalisme en Europe.

Bonny and Clyde de l’art

Niki de Saint-Phalle 1961
Niki de Saint-Phalle Rétable 1961

Car l’histoire de cette femme artiste ou de cette artiste femme rejoint celle, mouvementée, du couple qu’elle forme avec un autre artiste célèbre, Jean Tinguely. L’aventure turbulente de ce couple commence lorsqu’ils se rencontrent à Paris en 1955. Ils ont vingt cinq et trente ans, sont tous les deux mariés et deviennent amis. Pendant les quarante années suivantes, les deux artistes ont consacré leur vie à la création, Niki de Saint Phalle choisissant délibérant de ne pas créer d’enfant pour créer des œuvres. Au cours de cette vie nomade qui leur permit de s’investir notamment dans plusieurs très grandes réalisations communes à travers le monde, c’est leur confrontation à la fois personnelle et artistique qui forme la toile de fond de cette œuvre en tandem.

« Faire saigner la peinture »

Artiste femme, Niki de Saint Phalle révèle assez vite dans son œuvre les racines d’une violence dont on ne connait pas encore l’origine. Cette violence, l’artiste la canalise en décidant de « faire saigner la peinture« . La scène de crime remonte à 1961. Invitée au salon Comparaisons, Niki de Saint Phalle découvre une œuvre voisine de la sienne, une grande œuvre blanche de Bram Bogart. C’est en voyant cette toile que l’artiste aura l’idée de «faire saigner la peinture». Elle se met aussitôt au travail et convie quelques jours plus tard Pierre Restany à assister à une séance de tir à la carabine sur tableaux : fixés sur une planche, des tubes remplis de couleurs sont recouverts de plâtre puis sont percés à l’aide de tirs à la carabine. Son compagnon Jean Tinguely n’est pas en reste pour utiliser la violence dans son art. Il produit des machines autodestructrices dans le bruit et les explosions.

« Mon secret »

Skull Meditation Room, 1990 Niki de Saint-Phalle
Skull Meditation Room, 1990 Niki de Saint-Phalle

Femme artiste Niki de Saint Phalle gardera le silence pendant de nombreuses années sur les origines de cette violence traduite dans ses peintures et ses sculptures. Ce n’est qu’en 1994 qu’elle  révèle dans son livre « Mon Secret »  le viol commis par son père lorsqu’elle a onze ans. On découvre alors que la vie de cette femme est marquée par de nombreuses autres  douleurs : « électrochocs à vingt trois ans pour «schizophrénie» ou «dépression nerveuse» selon les sources, problèmes pulmonaires récurrents, crises occasionnelles d’arthrite rhumatoïde… »
Si bien que jouxtent dans cette œuvre prolifique les « Nanas » colorées, exubérantes, les tirs à la carabine pour faire saigner la peinture, les positions radicales envers les institutions (notamment contre le mariage), un féminisme à l’image de son désarroi personnel. L’exposition dense du Grand Palais retrace les différentes périodes de cette vie mouvementée, douloureuse souvent, totalement consacrée à son œuvre. Attention en traversant l’exposition Niki de Saint Phalle, une femme peut en cacher une autre.

Photos: de l’ auteur

Niki de Saint Phalle
17 septembre 2014- 2 février 2015
Grand Palais
75008 Paris

Coups de chapeau

Le retour du Cyclop

Ce n’est pas un vieux film hollywoodien mais un rêve un peu fou qui retrouve aujourd’hui une actualité. Il y a plus de quarante ans l’artiste Jean Tinguely  dont l’œuvre est déjà célèbre, rêve d’un projet quelque peu utopique : réunir autour de lui un certain nombre d’artistes prêts à le suivre pour créer, en pleine forêt, un projet démesuré, libre,  entre sculpture et architecture, un  lieu ludique dans lequel le visiteur pourra pénétrer. cyclop2« Le Monstre dans la forêt »

Ce projet ne ressemble à aucun autre et Tinguely s’aventure dans une entreprise à l’avenir incertain : « En travaillant dans la forêt, nous rêvons à une utopie et à une action sans limite (c’est illusoire je le sais) et notre attitude est celle de la Recherche de l’Acte Gratuit et Inutile. Et nous sommes très heureux comme ça, pourvu que personne ne nous empêche de travailler (comme des fous – ça va de soi). »
Le couple Tinguely/ Niki de Saint-Phalle  entraîne alors dans cette folie leurs amis artistes: César, Arman, Eva Aeppli, Philippe Bouveret, Bernhard Luginbühl, Seppi Imhof, Pierre Marie Lejeune, Giovanni Podestà, Jean-Pierre Raynaud, Larry Rivers, Jesus Rafael Soto, Daniel Spoerri, Rico Weber.  On le voit, ce sont des tendances diverses de l’art qui se retrouvent sur ce dessein : Dada, Nouveau Réalisme, Art cinétique, Art brut. La forêt de Milly, en région parisienne, cache alors cette entreprise gardée quelque peu secrète. J’avais eu l’occasion, à l’époque, d’interroger Niki de Saint-Phalle qui se montrait réticente à toute visite jugée prématurée. Mais au début des années 1980, le site est découvert et suscite curiosité et malveillance. Ne pouvant pas lutter contre le vandalisme, Jean Tinguely, décide en 1987 de faire don du Cyclop à l’État qui s’engage à en assurer la protection et la conservation. C’est à cette époque que Niki de Saint Phalle décide de recouvrir le visage du Cyclop d’une mosaïque de miroirs qui permet d’intégrer dans le paysage la masse de métal brute, recyclée et peinte en noir par Jean Tinguely.cyclop Car l’œuvre se développera pendant vingt cinq ans.
Au bout du chemin, ce que l’on appellera « La Tête » ou « Le Monstre dans la forêt » puis finalement le Cyclop désigne  un monument unique dans l’histoire de l’art contemporain, réalisé à partir de matériaux de récupération : 22,50 mètres de haut, 350 tonnes d’acier. L’immense tête sans corps, avec un œil unique, une bouche d’où ruisselle de l’eau sur une langue toboggan, une oreille qui pèse une tonne  » abrite en son centre un univers surprenant où le spectateur est invité à suivre un parcours labyrinthique pour découvrir des œuvres variées et complémentaires, des sculptures sonores, un petit théâtre automatique et à l’emplacement du cerveau, une machinerie formidable aux engrenages de ferraille aussi fascinants qu’hétéroclites. »

Le rêve à l’état solide

Avec le temps, les intempéries ont  altéré les quatre cent mètres carrés de miroirs et une restauration s’avérait nécessaire. Avec l’aide du CNAP et d’une mobilisation des internautes sur le site de My major company, le projet de restauration aboutit. Jean Tinguely et Niki de Saint-Phalle, les « Bonnie and Clyde »  de l’art, ne verront pas renaître le Cyclop mais certains artistes accompagnent toujours cette aventure. Jacques Villeglé, notamment, expose actuellement dans le Cyclop et perpétue ainsi l’esprit des Nouveaux réalistes initiateurs de ce rêve à l’état solide.

 Arman dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Le Cyclop
Ouvert du 2 avril au 16 novembre 2014.
Le bois des pauvres, 91490 Milly-la-Forêt

Expositions

Les petits meurtres de Niki de Saint-Phalle

« Faire saigner la peinture »

La scène de crime remonte à 1961. Invitée au salon Comparaisons, Niki de Saint-Phalle découvre une oeuvre voisine de la sienne, une grande oeuvre blanche de Bram Bogart. C’est en voyant cette toile que l’artiste aura l’idée de « faire saigner la peinture ». Elle se met aussitôt au travail et convie quelques jours plus tard Pierre Restany à assister à une séance de tir à la carabine sur tableaux : fixés sur une planche, des tubes remplis de couleurs sont recouverts de plâtre puis sont percés à l’aide de tirs à la carabine.

La Vénus de Milo Niki de Saint-Phalle 1961

 » C’est ainsi que Niki présente pour la première fois ses « Tirs » en public lors de l’exposition « Feu à Volonté » à la galerie J, en présence de Leo Castelli, Jasper Johns, Bob Rauschenberg et de nombreux autres acteurs majeurs de la scène artistique de l’époque.  »
Plus de cinquante après ce premier forfait, serons-nous en mesure  d’enquêter sur ce crime de lèse-peinture ?
A la galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois à Paris sont présentées ces oeuvres de 1958 à 1964, sous le titre « En joue ! Assemblage et Tirs« .

« Un assassinat sans victime »

«Un assassinat sans victime. J’ai tiré parce que j’aimais voir le tableau saigner » déclarait Niki de Saint-Phalle. Un assassinat sans victime ?  Dans ce cas précis on peut se demander si la victime n’est pas l’assassin lui-même.
Dans son livre « Mon secret« , l’artiste libère sa parole et révèle les viols qu’elle a subi de son père à l’âge de onze ans. Elle explique comment cette vie meurtrie  s’est exprimée  dans son art. Cette perte de confiance dans l’être humain portait assurément les germes d’une violence prête à  se manifester à la fois contre les autres et contre elle même.
Cette nouvelle approche radicale, à l’époque, définissait une position de l’artiste entre peinture et performance. Elle introduisait également le hasard dans la réalisation. Elle faisait enfin voler en éclats, au sens propre du terme, nos références culturelles. Parmi les victimes, l’enquête à la galerie Vallois présente la Vénus de Milo dont les blessures béantes témoignent de la violence de cet attentat.

Grand Tir – Séance de la Galerie J Niki de Saint-Phalle
30 juin – 12 juillet 1961
Plâtre, peinture, grillage, ficelle, plastique sur panneau d’aggloméré

Cette souffrance de femme blessée poursuivra son oeuvre. Mais pour s’en tenir à cette période du début des années soixante, on sait que Niki de Saint-Phalle sera intégrée au groupe des Nouveaux Réalistes. Seule femme de ce groupe d’hommes, comment a-t-elle vécu cette situation ?  Certes le Nouveau réalisme aura contribué à dynamiser sa carrière d’artiste et conforté son association avec son futur mari Jean Tinguely. Mais là encore, c’est une confrontation avec un homme qui se met en place. Dans ce couple qu’un documentaire récent présentait comme les « Les Bonnie and Clyde de l’art », la création artistique devient le lien majeur, Niki de Saint-Phalle choisissant délibérant de ne pas créer d’enfant pour créer des œuvres. Au cour de cette vie nomade qui leur permit de s’investir notamment dans plusieurs très grandes réalisations communes à travers le monde, leur confrontation à la fois personnelle et artistique n’est pas exempte de tensions. Jean Tinguely ne se priva pas de produire des machines autodestructrices dans le bruit et les explosions.
Les petits meurtres des années soixante ont laissé des traces qui sont autant de preuves irréfutables d’un autre conflit : celui qui a bouleversé, tout au long de sa vie, Niki de Saint-Phalle dans sa relation à l’autre.

Photos: Galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois

Niki de Saint Phalle
«En joue ! Assemblages & Tirs (1958-1964)»

Galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois
Du 8 Novembre au 21 Décembre 2013
36, rue de Seine
75006 Paris

Portraits

Daniel Spoerri, Ultima Cena

Pour  sacrifier à la période des fêtes, l’artiste Jérôme Mesanger vient de créer une bûche de Noël avec le personnage blanc qu’il a promené sur la terre entière, des rues de New-York à la muraille de Chine. Le Street art, depuis quelques temps,  a abandonné  sa liberté contestataire pour regagner sagement les cimaises des centres d’art et se conformer aux codes de la société de consommation. Dans un précédent article, j’évoquais l’exposition « Mmmm… ! » au Centre d’art contemporain de Pontmain sur le thème de la gourmandise dans l’art.

« Les oeufs sont faits » Daniel Spoerri, 2002

Eat art

Ce rapport de l’art à la nourriture n’est pas  nouveau. Depuis Le Manifeste de la cuisine futuriste publié en 1930 par Filippo Tommaso Marinetti, depuis l’Eat Art de Daniel Spoerri, les références sont nombreuses.Le 27 Octobre 70 à l’occasion du dixième anniversaire du Nouveau Réalisme célébré à Milan, Daniel Spoerri organise «  L’ultima Céna » le banquet funèbre du nouveau réalisme. Pour chaque artiste, il imagine un menu correspondant à sa spécialité artistique : pour Arman  une accumulation d’anguilles et de poissons, pour César  une compression de bonbons à la liqueur, pour Christo : un menu empaqueté. Daniel Spoerri  multipliait déjà les banquets depuis plusieurs années. Le premier d’entre-eux a eu lieu le 10 mars 1963 à l’occasion de l’exposition « 723 ustensiles de cuisine » à la galerie J à Paris. Il fut suivi d’événements à Bâle, Zurich, Berlin, Cologne, Milan. En 1970, lorsque Claude et François-Xavier Lalanne proposent au Restaurant Spoerri : Le Dîner Cannibale., le repas proposait de manger, non pas de la vraie chair humaine, mais son simulacre.Claude Lalanne avait créé une technique pour fabriquer des moules en cuivre de la totalité d’un corps. L’artiste sera ainsi moulé de la tête aux pieds et les formes de cuivre seront dorées pour ne pas être nocives.
Autre dîner, selon le principe du palindrome qui se lit indifféremment de gauche à droite ou de droite à gauche, il s’agit d’un dîner « renversé ». Si, visuellement celui-ci commence par son terme avec le café et les gâteaux pour remonter jusqu’aux hors d’oeuvres, il se déroule sur le plan du goût selon l’ordre classique des plats. Le repas débute ainsi par un cigare, imité par une sorte de petit pain allongé, très cuit, le café est un bouillon de champignons concentré et noir.
« Pour clore, on apporte une grande table recouverte d’un carrelage en chocolat noir et blanc, jonché du contenu d’une poubelle renversée, également en chocolat »,
explique l’artisteC’est en 2002 au Jeu de Paume à Paris que sont repris un certain nombre de ces dîners:

Menu de présentation des dix dîners à thèmes différents conçus par Daniel Spoerri au Jeu de Paume, du 19 avril au 29 avril 2002.

Art digestible, Le dîner des homonymes, Le dîner des nouveaux réalistes – l’ultima cena, « Oh cet écho ! » le dîner palindrome hommage à André Thomkins, Le dîner cannibale de Claude et François-Xavier Lalanne, Le dîner surprise, Menu hommage à Raymond Hains, « Les oeufs sont faits », Le dîner du haut-goût.

 

Le déjeuner sous l’herbe

Le 23 avril 1983, dans le parc du château du Montcel à Jouy en Josas,entretenu par le mécène Jean Hamon et qui allait peu après devenir pour un temps celui de la Fondation Cartier, Spoerri organise  un banquet réunissant une centaine de personnes du milieu de  l’art contemporain d’alors.  Au cours du repas, les plateaux des tables sont emmenés et déposés au fond d’une tranchée  d’une quarantaine de mètres de long  que vient de creuser une pelleteuse. Tout est laissé en place : nappes, assiettes, couverts, verres, bouteilles, plats, vases de fleurs et même objets personnels intentionnellement déposés. Puis on recouvre de terre, d’abord à la pelle, puis à la pelleteuse, l’ensemble du repas, baptisé Déjeuner sous l’Herbe en référence à celui de Manet. Depuis cette année 1983, le banquet de Daniel Spoerri s’est décomposé. Pour en étudier les vestiges, vingt-sept ans plus tard, les premières fouilles archéologiques de l’histoire de l’art contemporain ont été organisées, sous l’égide de l’artiste…

Daniel Spoerri dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photo les Oeufs sonts faits : Site Daniel Spoerri

 

Ateliers

Mark Brusse, le Feu follet

Bien caché dans une arrière cours du onzième arrondissement à Paris, l’atelier de Mark Brusse pourrait donner le sentiment que là seulement, dans ce creuset secret, l’artiste, au centre de tout,  fait germer tous les signes créateurs de son œuvre. En dépit de cette apparente certitude, Mark Brusse a donné corps à son parcours artistique tout au long d’un itinéraire géographique, d’un périple presque sans fin.

L’atelier du dehors

Alors que pour d’autres artistes, on pourrait déterminer des périodes selon des thèmes abordés, des matériaux utilisés, des concepts définis, chez Mark Brusse ce sont les lieux à travers le monde qui organisent les périodes de son travail.
Ce Hollandais voyageur, à partir des années soixante, va pendant dix ans, de Paris à New-York, se consacrer principalement à la lithographie. Puis, au début des années soixante dix,  son séjour à Berlin  marque une thématique forte autour de la chaîne, du verrou, de l’échelle (« Rodden ladder »).
Il faudra attendre ses voyages en Asie, au début des années quatre vingt pour voir son univers changer radicalement, largement imprégné par les mythologies du Japon et de la Corée.Devant un tel besoin de confrontation au monde, quel est donc cet atelier dans lequel fait étape l’artiste ?  Au gré des années, cet atelier change, cédant parfois au besoin de rangement, alors qu’à d’autres, un désordre vraisemblablement organisé règne.

« J’ai toujours été séduit par l’idée d’être un étranger » convient Mark Brusse.

Qualifier l’artiste de nomade n’est peut-être pas suffisant pour cerner son attitude. Il me semble que Mark Brusse a toujours trouvé un malin plaisir à être étranger dans son art : étranger, dans les années soixante dix, aux courants dominants. Proche des nouveaux réalistes qu’il fréquentait, son expression en était cependant éloignée.  Etranger à Paris, il redécouvre, dans un marché au Puces parisien…. un sabot hollandais qu’il intègre alors dans ses sculptures, tout étonné par cet étrange objet de bois « un objet sensuel dans ses formes organiques, plastiquement affirmé comme un Brancusi ».

L’état des « choses »

L’atelier de Mark Brusse pourrait être alors une sorte de cache plus ou moins clandestine dans laquelle ses récoltes de « choses », comme il aime à le dire, provenant du monde entier, l’aident à construire des œuvres comparables à aucune autre, à poser des questions inédites. Ce décalage permanent a fait de Mark Brusse, me semble-t-il, un artiste toujours rebelle aux formatages, aux catégories, mais aussi aux familles et aux patries. Etranger peut-être mais « Un ciel ne change pas où les drapeaux changèrent » écrivait Aragon. Mark Brusse habite une patrie sans frontière, un pays sans état, un territoire sans contrainte, celui d’une recherche artistique libre, libératrice, nous obligeant à secouer nos habitudes, nos repères.

« Feu follet« 

Actuellement, au centre d’art contemporain d’Eysines, Mark Brusse présente l’exposition « Feu follet« . Défini comme « la Lumière apparaissant lors de la combustion spontanée de gaz qui se dégage des matières organiques en décomposition« , ce feu follet jaillirait-il dans cet atelier où se sont entassées  tant de récoltes hétéroclites provenant de ces pérégrinations d’un homme libre de toutes attaches ?

Photos de l’auteur.

Mark Brusse dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

 

Mark Brusse
Le Feu Follet

Du 25 septembre au 16 Décembre 2012
Domaine de Lescombes
198 avenue du Taillan
33320 Eysines

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Pour mémoire

Yves Klein : le bleu de la mémoire

Le 6 juin est une mauvaise date pour mourir. La date anniversaire est déjà occupée notoirement par le débarquement des alliés en 1944. Pourtant, lorsqu’il s’agit d’un cinquantenaire, le défunt pourrait revendiquer une petite place dans la mémoire collective. S’agissant de l’artiste Yves Klein, le Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de Nice organise certes une exposition intitulée « Klein – Byars – Kapoor »,. Avec cette exposition « Klein – Byars – Kapoor », « le MAMAC va tenter de mettre en évidence par le biais d’installations ou d’expériences, la monochromie qui relient ces trois monstres de l’art : l’IKB (bleu) pour Yves Klein, le blanc pour James Lee Byars et le rouge pour Anish Kapoor. »
Pour l’anniversaire du décès de Klein, ce sont seulement quelques amis qui se sont retrouvés à Cagnes sur mer.

Nouveau réalisme et Ecole de Nice

Yves Klein a appartenu au groupe des Nouveaux Réalistes. Mais les absents sont nombreux aujourd’hui pour que cet hommage soit fait au nom de ce groupe. Mort très jeune à trente quatre ans d’une crise cardiaque, Yves Klein a été rejoint par Arman,César, Dufrêne,Niki de Saint-Phalle, Tinguely, Hains. C’est donc l’école Nice, aux contours plus flous, qui grâce à l’initiative de quelques uns, rend hommage à Yves Klein.

Le 9 juin dernier, à Cagnes sur Mer où Yves Klein avait vécu, une plaque commémorative sur la maison de la Goulette a été dévoilée.  Etaient présent deux artistes de l’école de Nice Jean Mas et Nivèse, la dernière femme du mouvement et assistante artistique de César et puis Frédéric Altmann, archiviste, éditorialiste et photographe dont Ben disait de lui « Pour comprendre la chronologie de l’école de Nice il va falloir passer par l’oeil d’Altmann … »

La fête en bleu

Hommage à Yves Klein Cagnes sur Mer 8 juin 2012

Cette journée fut donc la fête du bleu Klein, ce fameux IKB (International Klein Blue).  Ce bleu est-il protégé à l’Institut de la propriété industrielle ? Il semblerait qu’un certain procédé technique puisse être déposé  mais pas la couleur bleue elle-même. A Cagnes donc, les participants, habillés tout de bleu, s’attachèrent à utiliser par tous moyens ce bleu historique du peintre. Ceci n’est pas sans rappeler la « fête en blanc » au Centre artistique de Verderonne le 13 juin 1970 par les artistes Antoni Miralda, Joan Rabascall, Dorothée Selz, Jaume Xifra, «  hommage à la renaissance, un repas blanc offert à une centaine d’invités, un rituel pour partager un moment heureux. »

Fête en, blanc Antoni Miralda, Joan Rabascall, Dorothée Selz, Jaume Xifra 13 juin 1970

Enfin, la manifestation s’acheva par un lâcher de ballons bleus, en rappel du célèbre lâcher de 1001 ballons que Klein avait réalisé en 1957 pour l’avènement de l’ Epoque Bleue. Déjà en 2007, le  Centre Pompidou à Paris clôturait une rétrospective Klein par un lâcher de ballons bleu, événement appelé. « sculpture aérostatique « .
On se souvient qu’Yves klein avait pour projet en 1958 d’éclairer l’obélisque de la Concorde en rose, projet  qui sera finalement réalisé en 1983…. en bleu.

« Klein – Byars – Kapoor », du 30 juin au 16 décembre 2012.

Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de Nice

 

Photos Klein source : Jean-Paul Fouques

 

Photo fête en blanc source  :http://www.dorothee-selz.com/fr/sculptures/Performances.php

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le 21 janvier 2007, le Centre Beaubourg, à l’issue d’une rétrospective de cet artiste, provoque le même évènement, aussi appelé « sculpture aérostatique

Expositions

Jacques Villeglé, jeune sculpteur

Il y a seulement quelques années, à quatre-vingts ans passés, Jacques Villeglé, figure du Nouveau Réalisme pour ses affiches lacérées, décide de s’engager dans une nouvelle carrière : devenir sculpteur.
Après avoir inauguré l’Espace d’art contemporain de Saint-Gratien auquel il a donné son nom, l’artiste , pour le cinquième anniversaire de ce centre d’art,  revisite dans les trois dimensions son alphabet socio-politique, créé en 1969 « après avoir vu dans le métro le nom de Nixon écrit avec des sigles de différents partis et mouvements politiques. Cette typographie originale, croisant les symboles monétaires, religieux et politiques, fait aujourd’hui l’objet d!une exploration dans l’espace, au coeur de la matière. »

C’est en 2006 que l’artiste se lance dans le travail en volume avec le mot Y€$, décliné en plusieurs dimensions, en acier Corten et en inox. Depuis, il multiplie les matériaux, les supports et l’échelle de ses écritures dans l’espace, avec un goût constant pour ce qui fait signe.

Sculpture "YES" de Jacques Villeglé

Jacques Villeglé , avec cet exemple remarquable de jeunesse, de créativité, vérifie combien l’artiste ne prend pas de retraite, ne programme pas de fin de carrière et, chaque jour, répond à ce besoin impérieux d’interroger sa relation au monde. Reconnu depuis un demi-siècle dans le monde de l’art, présent dans le musées, les centres d’art, Jacques Villeglé remet en question à quatre-vingt six ans cette reconnaissance et, comme un artiste débutant, propose une approche nouvelle de sa création, accepte de se soumettre à la critique. Il retrouve aujourd’hui  sa curiosité  d’étudiant, lorsque, dès 1947, il récoltait  sur les plages les débris du mur de l’Atlantique pour envisager ses premières sculptures avant de s’engager avec Raymond Hains, sur la voie des affiches lacérées.

Jacques Villeglé – Sculptures
Du 5 avril au 23 juin 2012
Espace d’art contemporain Jacques Villeglé
Place François Truffaut
95210 Saint-Gratien

 

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Médias

« Les Bonnie and Clyde de l’art »

La chaine Arte rediffusait mercredi soir le documentaire  « Les Bonnie and Clyde de l’art » autour du couple d’artistes Niki de Saint-Phalle et Jean Tinguely. Ce film réalisé par Louise Faure et Anne Julien en 2010  reçut le prix du meilleur film pour la télévision au Festival du film international d’art de Montréal en 2011.

L’art de la confrontation

L’histoire turbulente de ce couple commence lorsqu’ils se rencontrent à Paris en 1955. Ils ont vingt cinq  et trente ans, sont tous les deux mariés et deviennent amis. Pendant les quarante années suivantes, les deux artistes ont consacré leur vie à la création, Niki de Saint-Phalle choisissant délibérant de ne pas créer d’enfant pour créer des œuvres. Au cour de cette vie nomade qui leur permit de s’investir notamment dans plusieurs très grandes réalisations communes à travers le monde, c’est leur confrontation à la fois personnelle et artistique que le film révèle. Les documents d’archives sur le travail  des artistes sont denses, riches et précieux et constituent l’essentiel de ce film réalisé après la mort des artistes.

« Les Bonnie and Clyde de l’art » film Louise Faure et Anne Julien 2010

Parfois un couple d’artiste peut s’associer  dans une œuvre commune, comme c’est le cas par exemple d’Anne et Patrick Poirier. Pour Niki de Saint-Phalle et Tinguely, c’est de la surenchère permanente entre deux personnalités fortes que naitront la sculpture Hon, signée Saint Phalle, à Stockholm, en 1966 ( 28 mètres de long, 9 mètres de large et 7 mètres de haut), qui se visite en pénétrant par le sexe de cette déesse païenne ou encore  Le Cyclop, de Tinguely, en forêt de Milly, soutenu par l’apport d’une quinzaine d’artistes.
Le film ne fait pas l’ impasse sur le traumatisme personnel vécu par Niki de Saint-Phalle enfant dans les relations avec son père. Il  n’évacue pas les soubresauts du couple qui, au bout du  compte, resta un couple d’artistes indissociables.

« Faire saigner la peinture »

Nikki de Saint-Phalle Tableaux-tirs

Bonny and Clyde de l’art ?  Outre que leur fin ne connut pas la même traque mortelle, la violence ne me semble pas être leur élément privilégié. Saint-Phalle  réalisa, certes, des œuvres à la carabine pour  « faire saigner la peinture » et Tinguly ne se priva pas de produire des machines autodestructrices dans le bruit et les explosions. Là vraisemblablement s’arrête la comparaison.  Les seules véritables armes de ce  couple du « Nouveau réalisme » ont été la dérision et l’humour.

Pour ceux qui souhaiteraient revoir le film, il est possible de le visionner sur internet :
http://videos.arte.tv/fr/videos/niki_de_saint_phalle_et_jean_tinguely-6689366.html

Photo Saint-Phalle source : http://www.laboratoiredugeste.com/spip.php?article32

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Portraits

Philippe Hiquily, permanence de la sculpture

Philippe Hiquily a des allures de baroudeur, arrivé dans l’art contemporain de manière inopinée. Pourtant l’artiste s’est conformé à l’enseignement de l’Ecole des Beaux-Arts pendant cinq ans. Mais avant, à l’âge de dix huit ans, il s’est retrouvé plongé dans la guerre d’Indochine. Voilà un singulier stage préparatoire à l’enseignement de l’art et qui doit expliquer ce sentiment en le rencontrant. Son approche de l’art a dû intégrer une relativité sur l’engagement que représente la pratique d’un art au regard de son expérience de la vie.

Philippe Hiquily

Il reste que la sculpture a finalement constitué l’essentiel de son parcours. On le décrit comme au confluent du surréalisme et du nouveau réalisme. Philippe Hiquily a voulu rester un solitaire, sans se soucier des catégories, des groupes, avançant au plus près de ses désirs et de ses curiosités. Ami du peintre Ladislas Kijno, il a, comme lui, la liberté de ceux qui ont été confrontés à beaucoup de turbulences et qui prennent du recul sur tout ce qu’ils voient autour d’eux.
C’est dire que dans une époque où la notion de sculpture apparaît comme d’un autre temps pour ceux qui se manifestent au travers d’installations, de mises en scènes, d’interventions, le travail de Philippe Hiquily semble surgir d’une civilisation disparue.
Sa sculpture mélange joyeusement érotisme et humour, création et objet de récupération.
Sans préjugé et sans complexe, l’artiste s’en donne à cœur joie dans une œuvre sans limites.

Philippe Hiquily à Shangai, exposition internationale 2010

« Il reste et restera à contre-courant, utilisant le cuivre, le fer, la tôle et le laiton découpés puis patinés pour créer d’étranges figures anthropomorphes, androgynes, dont le corps, à tête d’épingle, est limité à son ossature, hérissée d’antennes graciles, de tentacules ou de greffes menaçantes. Humour, provocation et érotisme marquent les Accouplements de 1973, qui réalisent l’union insolite de l’anatomie réinventée et de l’objet manufacturé ; le ready-made de Duchamp est désormais intégré sans violence au corps humain : La Motocyclette (1964), La Voyeuse (1972), La Comparera (1973), La Banquière (1989-1990)... »
Présentée dans le cadre de l’Exposition Internationale de Sculptures de Jing’an, qui a débuté le en parallèle à l’Exposition Universelle 2010, sur le thème de la « Fantaisie urbaine », les sculptures de Philippe Hiquily tentent de dépeindre le rêve, les souvenirs et la vie d’une cité comme Shanghai. Elles témoignent, sur d’autres continents, de la vitalité sans entrave d’un artiste indomptable.

Philippe Hiquily dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photo Wikipédia
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