Expositions

Arte povera : l’image rebelle

« Renverser ses yeux »

Sous le titre « Renverser ses yeux » l’exposition du Jeu de Paume à Paris remonte le temps d’un courant artistique, l’Arte povera, né en Italie, en privilégiant un aspect moins connu de cette pratique : le recours aux images fixes et animées. De 1961 à 1971, l’Arte povera trouve ses racines à Rome et à Turin. Les artistes de ces deux villes proposent une attitude rebelle marquée par un héritage artistique qui leur est propre, un art simple, «une expression libre liée à la contingence, à l’événement, au présent », rapprochant l’art et la vie. L’expression « Arte Povera » est utilisée pour la première fois en 1967 par le critique d’art Germano Celant pour intituler une exposition présentée à Gênes. Elle emprunte l’expression « pauvre » à une pratique théâtrale expérimentale. L’artiste doit idéalement renoncer au besoin d’un équipement lourd qui le rend dépendant de l’économie et des institutions culturelles. La pauvreté de l’art fait appel à une richesse théorique pour avancer dans sa pratique.

« Mappemonde épineuse » 1968-2004 Michelangelo Pistoletto


Une guérilla culturelle

L’exposition de Jeu de Paume repose sur le recours à toutes les formes mécaniques de l’image par les tenants de ce courant artistique. Photographie, film, vidéo constituent les instruments, voire les armes, de cette guérilla culturelle livrée par Germano Celant et ceux qui l’entourent. Le critique en définit ainsi les contours, en 1967 : « Il s’agit d’une nouvelle attitude qui pousse l’artiste à se déplacer, à se dérober sans cesse au rôle conventionnel, aux clichés que la société lui attribue pour reprendre possession d’une “réalité” qui est le véritable royaume de son être. »Les matériaux utilisés habituellement par les artistes de l’Arte Povera, c’est à dire la pierre, les objets végétaux, les fruits et légumes, affirment cette volonté d’un art s’opposant à la production de masse, aux valeurs d’une société marquée par l'(empreinte de l’American way of life. Toute l’originalité de l’exposition de Jeu de Paume est de dessiner ce parcours historique avec le recours aux images média que ces artistes vont retourner contre les valeurs auxquelles ils s’opposent.

Claudio Permiggiani « Planches zoo-géographiques » 1968-1971

Dans le contexte politique et social italien extrêmement troublé, marqué, à la fin des années 1960, par des grèves et par le mouvement étudiant, puis, dans les années 1970, par une violence politique, ces artistes adoptent une attitude artistique à l’échelle de la ville. La mappemonde, boule de journaux poussée sous les arcades de Turin par Michelangelo Pistoletto et filmée par Ugo Nespolo, le rouleau photographique déployé par Mario Cresci dans les rues de Rome, l’utilisation par Franco Vaccari du Photomaton pour créer un portrait collectif de l’Italie, les interventions politiques et perturbantes de Michele Zaza ou de Gianni Pettena dans l’espace public déterminent avec force la volonté de donner à l’art une dimension politique avec les moyens de l’image. En France, une démarche de cet ordre se retrouve dans la pratique collective du groupe UNTEL à partir de 1975. Jean-Paul Albinet, Philippe Cazal et Alain Snyers s’approprient les signes et messages du monde urbain pour les détourner de façon critique. Images et performances se confortent dans cette confrontation aux valeurs imposées par le système que l’Arte Povera désavoue. Les richesses de l’Arte Povera s’inscrivent désormais dans l’Histoire.

Renverser ses yeux
Autour de l’arte povera 1960 – 1975 : photographie, film, vidéo

Du 11 octobre 2022 au 29 janvier 2023

Claudio ABATE – Carlo ALFANO – Giovanni ANSELMO – Alighiero BOETTI – Pier Paolo CALZOLARI – Elisabetta CATALANO – Mario CRESCI – Gino DE DOMINICIS – Plinio DE MARTIIS – Luciano FABRO – Giosetta FIORONI – Luigi GHIRRI – Luciano GIACCARI – Paolo GIOLI – Laura GRISI – Marcello GROTTESI – Franco GUERZONI – Paolo ICARO – Mimmo JODICE – Jannis KOUNELLIS – Ketty LA ROCCA – Piero MANZONI – Plinio MARTELLI – Antonio MASOTTI – Paolo MATTEUCCI – Eliseo MATTIACCI – Fabio MAURI – Mario MERZ – Marisa MERZ – Ugo MULAS – Paolo MUSSAT SARTOR – Hidetoshi NAGASAWA – Ugo NESPOLO – Luigi ONTANI – Giulio PAOLINI – Claudio PARMIGGIANI – Pino PASCALI – Luca PATELLA – Giuseppe PENONE – Gianni PETTENA – Vettor PISANI – Michelangelo PISTOLETTO – Emilio PRINI – SALVO (Salvatore Mangione) – Gerry SCHUM – Cesare TACCHI – Franco VACCARI – Michele ZAZA – Gilberto ZORIO.
Expositions

L’art portugais, à tire-d’elles

« Tout ce que je veux »

Avant même de découvrir l’exposition que présente actuellement le CCCOD de Tours, l’apostrophe est lancée : « Tout ce que je veux » . Et si l’initiatrice de cette interpellation (Lou Andreas-Salomé, une femme de lettres germano-russe) n’est pas d’origine portugaise, les bases de l’exposition sont fixées : il s’agit d’artistes femmes, toutes venues du Portugal. Réunissant des peintures, sculptures, dessins, objets, livres, céramiques, installations, films et vidéos, du début du XXème siècle à nos jours, l’exposition fusionne ce regroupement de quarante productions avec cet argument militant : « Comment, dans un univers majoritairement masculin, les femmes sont passées du statut de muse à celui de créatrice. »
C’est donc à la fois un point de vue et un parti-pris qui animent la scénographie ambitieuse occupant la totalité des espaces du Centre de Création Contemporaine Olivier Debré à Tours.
Au-delà des frontières du Portugal certains noms de générations différentes sont bien connus comme Maria Helena Vieira da Silva (première femme à avoir reçu le Grand Prix National des Arts créé par le gouvernement français), Lourdes Castro, Ana Vieira ou Joana Vasconcelos, première artiste-femme invitée à exposer au Château de Versailles en 2012, représentant le Portugal à la Biennale de Venise en 2013 et ayant fait l’objet en 2018 d’une vaste exposition au musée Guggenheim de Bilbao. Sa récente installation dans le cadre inattendu du Bon marché à Paris (2019) illustre le positionnement militant de cette artiste intervenant dans l’impressionnant volume du magasin avec la monstrueuse Simone se livrant dans ce temple du luxe à une guerre en dentelles. Le nom de Simone ne doit rien au hasard : il établit un rapport avec le côté engagé de la femme incarné par deux personnalités françaises qui ont marqué l’histoire par leurs militantismes respectifs : Simone de Beauvoir et Simone Weil.
De nombreux autres peintres sont à découvrir tout au long du parcours. L’exposition, de la peinture à la vidéo, ambitionne de nous donner à percevoir les liens souterrains entre ces créations faisant appel à des pratiques si éloignées et qui cependant peuvent éclairer sur cette appropriation par les artistes femmes d’une liberté qui n’allait pas de soi dans la société portugaise.

Tout ce que je veux Femmes artistes 1900 à 2020

A défaut de pouvoir évoquer la grande diversité des œuvres présentées, on peut notamment porter un éclairage sur les ombres de Lourdes Castro. Après les premières Ombres peintes sur toile, elle trouve en 1964 dans le plexiglas transparent un matériau qui lui permet de transformer l’obscur en clarté. « Les Ombres s’autonomisent et flottent dans l’espace. Ce matériau alchimique du xxe siècle opère une transmutation, qui modernise l’ombre en la dotant de ce qui lui manque : transparence, lumière, couleur, volume. L’artifice des coloris pop et fluo accentue la présence fantasmatique de ces doubles.».
D’autres formes d’ombres également sont celles induites par les oeuvres d’Ana Vieira nous donnant « à voir et à sentir avec tout le corps des lieux vidés de quelque chose qui s’est retiré en laissant son empreinte dans sa fuite. » Sa façon de « Montrer ce qui ne se voit pas » interpelle. Sortir de l’ombre pourrait bien être un cri de ralliement pour toutes ces femmes qui, pour la plupart, ont connu et subi dans la société portugaise une relégation au second rang.

Ana Vieira sans titre 1968

Car une autre ombre enfin plane sur l’exposition même sans être explicitement évoquée : la révolution des Œillets, nom donné aux événements d’avril 1974 qui ont entraîné la chute de la dictature salazariste qui dominait le Portugal depuis 1933. La femme était reléguée jusqu’alors à la sphère du domestique. La loi Portugaise désignait le mari littéralement comme «chef de la Famille». La femme ne disposait pas de la même citoyenneté que l’homme. La révolution des œillets a brisé ce statu quo patriarcal du régime dictatorial. C’est à partir de 1975 que des organisations féministes sont crées et se manifestent publiquement notamment contre la législation sur l’avortement. Il faudra attendre 1976 pour que toutes les femmes portugaises accèdent au droit de vote.
Si le fil rouge de l’exposition se développe sur l’identité et la valeur des femmes artistes, ce positionnement ne relève pas systématiquement d’un féminisme militant. D’autres considérations interviennent dans les préoccupations abordées au travers de cette multiplicité des œuvres présentées : droits civiques, écologie, post-colonialisme, d’autres encore participent à la relation au monde engagée par ces artistes.
En 2007 la militante du M.L.F. Françoise Flamant, dans son ouvrage « À tire d’elles. Itinéraires de féministes radicales des années 1970« , évoquait la trajectoire de femmes ayant parcouru certains pays d’Europe (notamment la France, l’Italie, le Danemark et l’Angleterre) et plusieurs régions des États-Unis. Ces femmes décrivaient leurs entrées dans le mouvement féministe comme un essor, un envol sur elles-mêmes qui se manifeste par des ruptures diverses. Les œuvres des artistes portugaises pourrait bien signifier comment leur investissement dans l’art a contribué à cet envol libérateur. L’exposition « Tout ce que je veux » pose conjointement la question d’un art comme moyen d’émancipation pour les femmes et celle d’un art au féminin. On observera qu’à la différence d’autres appellations (écrivain, auteur, créateur) le mot d’artiste conserve la même identité au féminin comme au masculin. Serait-ce le signe que l’art dépasse les genres pour unir dans une préoccupation commune la création et la relation au monde ?

tout ce que je veux
artistes portugaises de 1900 à 2020
25 mars – 4 septembre 2022
Centre de Création Contemporaine Olivier Debré Tours
Exposition organisée par le Ministère de la Culture portugais et la Fondation Calouste Gulbenkian, en coproduction avec le Centre de Création Contemporaine Olivier Debré et avec la collaboration du Plan National des Arts portugais.

AURÉLIA DE SOUSA MILY POSSOZ ROSA RAMALHO MARIA LAMAS SARAH AFFONSO OFÉLIA MARQUES MARIA HELENA VIEIRA DA SILVA MARIA KEIL SALETTE TAVARES MENEZ ANA HATHERLY LOURDES CASTRO HELENA ALMEIDA PAULA REGO MARIA ANTÓNIA SIZA ANA VIEIRA MARIA JOSÉ OLIVEIRA CLARA MENÉRES GRAÇA MORAIS MARIA JOSÉ AGUIAR LUISA CUNHA ROSA CARVALHO ANA LÉON ÂNGELA FERREIRA JOANA ROSA ANA VIDIGAL ARMANDA DUARTE FERNANDA FRAGATEIRO PATRÍCIA GARRIDO GABRIELA ALBERGARIA SUSANNE THEMLITZ GRADA KILOMBA MARIA CAPELO PATRÍCIA ALMEIDA JOANA VASCONCELOS CARLA FILIPE FILIPA CÉSAR INÊS BOTELHO ISABEL CARVALHO SÓNIA ALMEIDA

Crédit photographique :
« Tout ce que je veux. Artistes portugaises de 1900 à 2020 » vue d’exposition au CCC OD, Tours, France, mars 2022 © Photo(s) : F. Fernandez, CCCOD – Tours

Pour mémoire

11/11/2011

Le blog des Chroniques du chapeau noir a été créé le 11 Novembre 2011

860 articles ont été publiés depuis ce jour.

Depuis le 4 mai 2020 le blog s’est enrichi d’un vidéo-magazine né pendant le confinement alors que les visites de musées, galeries, expositions étaient devenues impossibles. A ce jour 22 numéros du vidéo-magazine ont été publiés.

La chaîne vidéo

Fred Forest : Duchamp et après

« Fred Forest, l’homme média N°1 »

Après avoir été peintre et dessinateur de presse aux journaux  » Combat  » et  » Les Echos « , l’ancien contrôleur des postes et des télécommunications se consacre à des recherches relevant des nouveaux médias technologiques. Pionnier de l’art vidéo autour de 1968, il est le premier artiste à créer en France, à cette époque, des  » environnement interactifs « .  Fred Forest innove encore en pionnier en concevant différentes formes  » d’expériences de presse  » de portée symbolique et critique. On se souvient de son  » espace blanc  » dans le journal  » Le Monde  » en 1972 et de sa mémorable opération médiatique du mètre carré artistique…En 1973 il réalise plusieurs actions spectaculaires dans le cadre de la Biennale de Sao-Paulo qui lui valent le Prix de la communication et…son arrestation par le régime militaire. Dans sa pratique artistique, toujours en pionnier, il utilise: le téléphone, la vidéo, la radio, la télé, le câble, l’ordinateur, les journaux lumineux à diodes électroniques, la robotique, les réseaux télématiques…En ce qui concerne les réseaux il sera encore là, le tout premier, avec le réseau expérimental de Vélizy.
Pierre Restany écrivait à son sujet :

« Fred Forest pose un problème et il est exemplaire. Il est certainement l’artiste qui a su pressentir (…) l’importance de la communication, non pas comme une série de systèmes destinés à appréhender le réel, mais comme un volume, un territoire autonome où l’auto-expressivité se normalise au contact d’autres intervenants dans une même situation sociale »

Fred Forest au Centre Pompidou en 2017

Sous le titre « Les Territoires », l’exposition de Fred Forest au Centre Pompidou de Paris en 2017 cache une épopée, celle du combat d’un artiste acharné à défendre ses positions dans une lutte sans merci de David contre Goliath.
Pour le visiteur la surprise vient déjà du lieu de l’exposition : celle- ci ne trouve pas sa place dans les espaces habituels du musée mais en sous-sol, au niveau -1 du Forum, premier indice d’une discrimination si l’on veut bien considérer que, dans le même temps, est exposé dans les salles principales Hervé Fischer, un autre membre du Collectif d’art sociologique cofondé avec Fred Forest.
Autre indice : cette exposition, sans catalogue, ne dure qu’un mois et demi.
Il faut dire que la présence néanmoins visible de Fred Forest au Centre Pompidou relève du miracle si l’on se replace dans la longue bataille qui a opposé l’artiste à l’institution. Il y a plus de vingt ans, Fred Forest croise le fer avec le Centre pour revendiquer la transparence dans l’achat des œuvres et leur prix. C’est le début d’un contentieux sans fin dans lequel l’artiste gagne ou perd au gré des décisions de justice.

Au plan artistique, Fred Foret paie cher sa combativité. Dans l’exposition «Video Vintage 1963-1983» au Centre Pompidou en 2012…. Fred Forest est absent.  Cet oubli singulier provoque alors la réaction de personnalités de l’art. A l’initiative d’Alain Dominique Perrin, président de la fondation Cartier et du Musée du Jeu de Paume, une cinquantaine de signataires s’interrogent sur « les raisons pour lesquelles ce pionnier français de l’art vidéo s’en trouve écarté. » Ces signataires interrogent également Alain Seban, directeur à l’époque du Centre Pompidou, sur l’absence d’œuvres de Fred Forest dans les collections du centre Pompidou.

Pugnace l’artiste n’en reste pas là et réclame une exposition. Finalement le miracle se produit aujourd’hui mais avec des contraintes très particulières. Le quotidien « Le Monde » révèle le témoignage de l’artiste : « Ils m’ont fait signer une décharge car je dois prendre en charge l’assurance de l’exposition, payer les gardiens. Et ils ne font pas le catalogue. J’ai investi mes économies, 25 000 euros, dans l’exposition. »
C’est dire si la conquête de ce territoire au Centre Pompidou relève de l’exploit.

La chaîne vidéo

Vidéo-magazine N°15 : Guillaume Corneille : COBRA et après

C’est au musée de Pont-Aven que se termine l’exposition consacrée à Guillaume Corneille.

Le vidéo-magazine N°15 ouvre une page d’histoire en évoquant le peintre Corneille.

« Guillaume Cornelis van Beverloo, dit Corneille (Liège 1922 –Auvers-sur-Oise 2010) a consacré sa vie à l’art. Déjà, en 1939, il sait qu’il veut devenir peintre:il a 17 ans. Un an plus tard, il s’inscrit à l’école des Beaux-Arts d’Amsterdam. Guidé par son talent en dessin, il se forme d’abord seul à la peinture et expose ses œuvres dès 1946. En 1943, après un court passage à l’Académie des beaux-arts d’Amsterdamoù il juge l’enseignement trop académique, il abandonne le cursus classique pour s’exprimer librement. Cette liberté caractérisesa carrière artistique. Corneille s’éloigne alors des Pays-Bas, cherchant de nouveaux horizons. Il écrit en décembre 1947: «Je travaille nuit et jour. Ce n’est que maintenant que j’ai vraiment commencé à peindre (…) Maintenant je réalise une toile forte, primitive… Aux couleurs violentes. Mon œuvre contient tout…». Dans ce contexte de création intense, il fonde à Paris avec deux compagnonshollandais Constant et K. Appel, les artistes belgesC. DotremontetJ. Noiret, ainsi que l’artiste danoisA. Jorn, le groupeCoBrAen novembre 1948, en réaction contre l’abstraction géométrique et le réalisme socialiste. C’est pour l’artiste une périodetrès imaginative avec des personnages étranges et un bestiaire coloré; suivie par une phase souvent décrite comme sa période «d’Abstraction lyrique» de 1951 à 1955. Après cette courte étape abstraite, Corneille revient à la figuration dès les années 1970, avec l’usage d’un dessin plus cerné, de coloris plus vifs qui rappellent sa participation au groupe CoBrA.Corneillea toujours été un oiseau libre. Grand voyageur, il a fait le tour du monde : Afrique noire, Mexique, Brésil, Indonésie, Bali, Chine, Japon, Israël, Etats-Unis, Italie, Hongrie, Danemark, etc. Chaque voyage est l’occasion de nouvelles rencontres et inspirations. En 1995, il s’installe avec sa famille dans la région duVal d’OiseàVilliers-Adam.Décédé en 2010,il est inhumé auxcôtésde Vincent Van Gogh,à Auvers sur Oise. » (extrait du dossier pédagogique du musée de Pont-Aven).

Livres

Tous les chemins mènent à Roland Baladi

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A propos de Roland Baladi, c’est une sculpture très singulière qui m’avait dans une premier temps alerté : l’artiste a sculpté en 1998 une « Sonorette » en marbre de Carrare, d’après un modèle de récepteur de télévision des années cinquante. Puis je découvre « The marbelous Cadillac 1985-2009″, somptueuse limousine américaine figée elle aussi dans le marbre de Carrare. Cette auto-immobile nous suggère un univers dont on ne sait pas s’il représente le vestige fossilisé d’une civilisation disparue ou l’annonciateur inquiétant d’un futur pétrifié.
Pour cet artiste qui s’est mesuré également à l’art vidéo, ce jeu de bascule entre différentes approches du réel n’en finit pas d’interpeller. L’artiste me donne à lire un écrit intitulé : « Tous les chemins mènent à l’unique objet de mon ressentiment ». Et l’aventure de Michael et Jello, à l’opposé des histoires immobiles que racontent ses sculptures, décrit l’errance de ce couple entre France et Etats-Unis. Pour ces deux étudiants d’art, elle parisienne, lui new-yorkais, ce cheminement entre l’Amérique et la France prend également l’allure d’une quête en direction des lieux de l’art, des galeries, centres d’art, portant témoignage sur la difficile approche pour les artistes de ces lieux convoités. Ce Road-trip, au style alerte, se nourrit des rencontres, des personnages croisés au gré de ce périple dans l’art vivant.

« The marbelous Cadillac 1985-2009 »

Au terme de cette lecture, c’est ce contraste qui interpelle : entre les sculptures figées dans le marbre de Carrare et la fébrilité permanente des personnages de ce premier roman, où trouver l’identité réelle de l’artiste ? A défaut de mener à Rome, tous les chemins de l’écrivain-artiste, de Carrare à Monterey, parcourent cette interrogation. Roland Baladi a créé le festival vidéo Bandits Mages, a exercé comme professeur à l’Ecole nationale des Beaux-arts de Bourges. Il faut se faire une raison : l’artiste semble avoir trouvé un malin plaisir à jouer sur cette ambiguïté. La sculpture, dans ce qu’elle a d’indestructible et la vidéo dans ce qu’elle montre d’éphémère, restent donc les composantes de son itinéraire. Et le roman témoigne de l’époque où ce chemin se cherche, où règne l’incertitude. Au bout du compte, il semble bien que le parcours est plus important que la destination, que les chemins de Roland Baladi mènent à lui-même.

Photo de l’artiste

« Tous les chemins mènent à l’unique objet de mon ressentiment »
Roland Baladi
Version brochée : 13 € – ISBN 9791069901360
226 pages – disponible en librairie en ligne

La chaîne vidéo

Vidéo-magazine N°9 : Sabine Weiss

Le Kiosque à Vannes présente la photographe Sabine Weiss. A cette occasion, le vidéo-magazine N°9 des Chroniques du chapeau noir propose un gros plan sur l’itinéraire de l’artiste.
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Article paru en 2015 :

Déclics pour Sabine Weiss

19 janvier 2015

Il ne reste que quelques jours pour découvrir, bien cachée au sous-sol de la Maison européenne de la photographie à Paris,  une petite exposition discrète : « Déclics,  neuf photographes en hommage à Sabine Weiss ».
L’automne dernier, le Salon de la Photo a demandé à neuf photographes professionnels, (Catalina Martin-Chico, Cédric Gerbehaye, Florence Levillain, Jean-Christophe Béchet, Marion Poussier, Mat Jacob, Philippe Guionie, Stéphane Lavoué, Viviane Dalles ) d’environ un demi-siècle ses cadets, de fêter les quatre-vingts dix ans de Sabine Weiss en réalisant chacun une image dont ils auront eu le « déclic» à partir d’une photographie de leur aînée. Leurs neuf photographies sont exposées en regard de celles qui les ont inspirés.

« Courses à Longchamp »

Mon coup de chapeau personnel s’adresse au travail de Florence Levillain pour l’hommage rendu à la photographie de Sabine Weiss « Courses à Longchamp » réalisée en 1952.

"Courses à Longchamp" 1952 Sabine Weis : "Courses à Longchamp" 1952 Sabine Weiss     "Courses à Longchamp" 1952 Sabine Weis : "Courses à Longchamp" 1952 Sabine Weiss
« Courses à Longchamp » 1952 Sabine Weiss

Récemment nonagénaire, Sabine Weiss nous donne un exemple lumineux par son énergie, sa présence toujours active lorsqu’il s’agit d’exposer son travail. Très jeune, l’occasion s’offre pour elle de réaliser les portraits de personnalités célèbres des arts et lettres : Igor Stravinski, Pablo Casals, Stan Getz, Fernand Léger, Francis Scott Fitzgerald, Alberto Giacometti, Jean Dubuffet…parmi tant d’autres.
Son travail  n’est pas conçu comme une photographie coup de poing mais avec le souci d’une approche bienveillante. Sabine Weiss a réussi à nous montrer le monde  en intervenant au minimum sur les scènes observées. Elle  ne se livre pas à une gesticulation voyante, armée d’une batterie d’appareils encombrants. Comme sa photographie, son geste est discret, léger. Elle ne veut pas déranger la scène observée, ni la bousculer le moindre du monde. Sabine Weiss nous donne le sentiment de réaliser son œuvre sur la pointe des pieds. En 1952, elle portait sur cette actualité sportive aux courses de Longchamp un regard décalé, oubliant volontairement l’évènement hippique pour ne capter que cette scène singulière, étrange scénographie de ces spectateurs juchés sur des chaises pour lesquels Sabine Weiss met en valeur la remarquable perspective.

Florence Levillain, photographe de reportage, s’est consacrée à des sujets très variés allant du monde de l’entreprise aux rues des banlieues. Travaillant en indépendante pour la presse (Libération, Le Monde, Psychologies, l’Etudiant…) elle a  effectué de nombreux reportages à l’étranger sur des sujets de société et remporte le prix Kodak en 1999 pour un reportage réalisé sur les femmes travaillant la nuit à Rungis.

Hommage à Sabine Weiss  Florence Levillain 2015
Hommage à Sabine Weiss Florence Levillain 2015

En regard de « Courses à Longchamp« , la photographie réalisée par Florence Levillain  rappelle davantage une œuvre de fiction, une réalisation d’artiste plasticien comme pourrait en proposer un Philippe Ramette par exemple. Dans cette scène que l’on ne peut rattacher à une quelconque actualité, les trois personnages respectant eux aussi la perspective des spectateurs de Sabine Weiss semblent gagner un dérisoire avantage en se juchant sur ces chaises alors qu’il dominent déjà un paysage à leurs pieds. Florence Levillain  prolonge et décale un peu plus le regard de Sabine Weiss en sortant l’étrange scénographie des spectateurs de Longchamp de son contexte pour les placer dans une situation inédite où leur attitude perd son sens initial.
Sur un sujet de reportage Sabine Weiss avait su porter un regard poétique sur le réel, éloigné du simple propos sportif. Florence Levillain transforme à son tour ce regard poétique sur le réel pour créer une fiction. Le statut de la photographie a changé pour passer de la captation à la mise en scène. Entre ces deux femmes photographes s’est joué à distance une complicité  dans le temps d’une photographie libérée de toute urgence informative.

Sabine Weiss dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

La chaîne vidéo

Vidéo-magazine N°8 Olivier Mosset

A l’occasion de l’exposition que lui consacre le MAMCO de Genève, le blog des Chroniques du chapeau noir dédie son vidéo-magazine à Olivier Mosset.

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Article paru en 2013

Olivier Mosset : la radicalité en peinture (1)

Au Musée Régional d’Art Contemporain Languedoc-Roussillon à Sérignan vient de s’ouvrir l’exposition consacrée exclusivement à Olivier Mosset  sur la totalité de ce lieu imposant.
Pas de demi-mesure possible avec un artiste aux positions radicales et qui attire, selon qu’il est admiré ou détesté, des attitudes tout aussi absolues.

La peinture est un concept

Les artistes du groupe BMPT, soit Buren, Mosset et Tonori, même s’ils émettent aujourd’hui des réserves sur le moment de ce qu’ils préfèrent ne pas appeler un groupe, ont cependant dès 1967 posé les bases d’un positionnement  fondamental.
Refuser que la peinture soit un jeu, qu’elle puisse consister à accorder ou désaccorder des couleur, qu’elle puisse valoriser le geste, représenter l’extérieur ou illustrer l’intériorité, refuser que  « peindre c’est peindre en fonction de l’esthétisme, des fleurs, des femmes, de l’érotisme, de l’environnement quotidien, de l’art, de dada, de la psychanalyse, de la guerre au Vietnam. » bref affirmer haut et fort « Nous ne sommes pas peintres », voilà la base de départ de ces artistes radicaux.
Et pour mieux affirmer ce refus d’être peintre, ils se sont servis …. de toiles, de pinceaux et de couleurs.
C’est donc que, pour se référer à l’incontournable coupure de Duchamp, la peinture après lui ne répondait plus à ces paramètres qui ont accompagné l’histoire de l’art.
Pour en revenir particulièrement à Olivier Mosset, la peinture apparaît comme un concept.
Ce n’est plus l’œuvre d’un artiste avec son aptitude personnelle à réaliser, ce n’est pas davantage l’expression d’un monde intérieur, sanctionné par une signature  que nous devons  prendre en compte.

Loin de l’abstraction géométrique

Pour ces raisons, mettre en relation le travail d’Olivier Mosset avec l’histoire  de l’abstraction géométrique serait,  je crois,  une erreur.  Les peintres de cette abstraction, elle aussi radicale, s’inscrivaient, me semble-t-il, dans l’histoire de la peinture avec cette volonté de la pousser dans ses retranchements, en quête d’un absolu. J’entends encore Aurélie Nemours m’évoquer sa démarche Janséniste et son évolution irrésistible d’une figuration vers son abstraction intransigeante. J’entends encore Luc Peire me décrire comment sa peinture glissait progressivement de la figuration à l’abstraction, s’imposant presque à son corps défendant pour aboutir à ce verticalisme abstrait vertigineux.
L’absolu vers lequel tendaient ces peintres n’était pas le fait d’un position radicale de principe et de départ, mais le glissement irrésistible d’une histoire de la peinture.

Le degré zéro de la peinture

C’est donc de bien autre chose qu’il s’agit lors du Salon de la Jeune peinture de 1967 au musée d’art moderne de la ville de Paris. Buren, Mosset, Parmentier et Toroni déterminent alors  le degré zéro de la peinture.  A l’instar du zéro absolu des températures, ce point est théorique et inaccessible. C’est donc bien sur des positions théoriques, conceptuelles, voire virtuelles que se situe un Olivier Mosset qui nous propose une peinture sans peintre. Il ne fallait pas moins que les 2700 mètres carrés du MRAC de Sérignan pour démontrer cette contradiction.

Olivier Mosset dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

La chaîne vidéo

Vidéo magazine N°3 : Christo


L’exposition Christo et Jeanne-Claude à Paris, prévue à l’origine du 18 mars au 15 juin 2020 au Centre Pompidou de Paris, se trouve retardée avec la fermeture provisoire du Centre.
Cette même année, Christo devait réaliser l’emballage de l’arc de Triomphe place de l’Etoile. Ce projet se trouve également différé et reporté à l’année 2021. Le vidéo magazine revient sur les projets de Christo refusés ou réalisés à Paris. Après le projet non abouti en 1969 d’emballage des 380 arbres de l’avenue des Champs Elysées, il faudra attendre 1985 pour que l’artiste puisse effectivement mettre en œuvre un projet parisien, celui de l’emballage du Pont-Neuf. Un extrait du reportage vidéo tourné au moment de la réalisation de cette installation est présenté dans le vidéo magazine.

Christo et Jeanne-Claude, rassemblés sous le terme générique de Christo, est le nom d’artiste sous lequel est identifiée l’œuvre commune de Christo Vladimiroff Javacheff, né en Bulgarie en 1935 et de Jeanne-Claude Denat de Guillebon, née également en 1935 au Maroc et morte en 2009 à New York.

Coups de chapeau

Hervé Penhoat : « Nos Mondes engloutis »

« La peinture et après… »

Il y a déjà quelques années j’avais eu le plaisir de présenter Hervé Penhoat dans l ‘exposition collective « La peinture et après… ». Avec la remarquable série « Mémoires hors champ », l’artiste proposait des tableaux-vidéo, plans fixes sur une scène réelle, travaillés avec les moyens de cet outil vidéo. Peintre sans pinceaux, l’artiste tendait la main aux peintres Flamands à travers les siècles pour appréhender ce qui le relie à ses ancêtres. Le « tableau » que nous offrait Hervé Penhoat, plan fixe d’un moment suspendu, ne faisait pas seulement appel à la captation d’une scène filmée. L’usage du ralenti, le traitement de l’image, dans sa lumière et son contraste, participaient à ce « Jour de lenteur » à travers lequel il interrogeait, par ce dépassement du tableau, la vocation d’un mode de représentation contemporain

Nos Mondes engloutis. Épisode 1 : Corée du sud, l’Ailleurs.

Avec son impressionnante série des « Instants » Hervé Penhoat rejoignait le Haïku de la culture japonaise. Le Haïku est un petit poème extrêmement bref visant à dire l’évanescence des choses. En 1891 le poète japonais Masaoka Shiki forge le mot Haïku qui est la contraction de Haikai « amusement » et Hokku qui signifie « court ».
Hervé Penhoat, à l’image de ce procédé traditionnel, discret, réservé, loin des comportements exubérants, des gesticulations encombrantes observées parfois dans l’art du temps, avance avec une tranquille opiniâtreté sur cette voie délicate dans laquelle l’outil vidéo appartient à l’intime.
Aujourd’hui une nouvelle aventure commence avec : « Nos Mondes engloutis ».

« Nos Mondes engloutis »

Nos Mondes engloutis. Épisode 2 Le passage

« La série, « Nos Mondes engloutis », fait référence à ces mythes, ces contes et légendes passés que l’on retrouve dans de nombreuses cultures à travers le monde, de la Bretagne à l’Écosse en passant par les pays germaniques, du Nord, du Sud, de l’Asie, qui se croisent, s’entrevoient de temps en temps et sont la trace d’un passé réel, interprété dans une universalité où le temps laisse sa place aux leçons de nos ancêtres ».
Lié pour raisons familiales à l’Asie, il entreprend un voyage qui prend la voie d’un cinéma à son image. Après avoir utilisé avec le plan fixe la grammaire cinématographique à ses débuts, Hervé Penhoat redonne une jeunesse au travelling tel qu’Alain Renais l’avait réinventé. Une narration off accompagne et souligne cette respiration du travelling. Le cinéaste rejoint la famille d’un Chris Marker ou d’un Jean-Daniel Pollet. Certes le « Méditerranée » de Pollet bénéficiait des textes de Philippe Sollers. Il y a peut-être quelque chose à creuser pour magnifier cette narration.
« Nos Mondes engloutis » donne d’entrée un ton personnel à cette création vidéo qui mérite qu’on y porte toute l’attention nécessaire. En période de confinement, quoi de plus simple que de rejoindre sur la toile cet artiste précis qui sait relier dans un même regard rigueur et poésie ?

« Nos Mondes engloutis »
Hervé Penhoat
Série vidéo