Coups de chapeau

Agnès Rosse : un aquarium dans la mer

Ce coup de chapeau s’adresse à une oeuvre discrète presque cachée dans le sous-sol de la galerie Métropolis à Paris où Pierre Tilman présente ses « Bonhommes sentiments », avec cette délicatesse poétique d’un artiste qui donne toujours le sentiment de ne vouloir déranger personne tout en poursuivant depuis un demi-siècle le fil d’une œuvre intimiste et  ludique.

« Un aquarium dans la mer Agnès Rosse vidéo 2012

Au sous-sol de la galerie donc, l’artiste Agnès Rosse propose une série de montages vidéo subtilement orchestrés autour d’animaux pris en flagrant délit d’intelligence créative grâce aux subterfuges de la vidéaste utilisant les moyens techniques de son medium pour mieux suggérer cette illusion.
Mais c’est une autre vidéo, réalisée en 2012, qui est à l’origine de ce coup de chapeau :
« Un aquarium dans la mer » (vidéo présentée à la chapelle du quartier haut en Sète en 2012) m’est apparu comme un objet flottant non identifié intriguant et captivant à plus d’un titre.
Le geste est simple : un aquarium est repoussé vers la mer et entreprend un voyage incertain au gré des courants.
Au plan plastique, cette opposition entre l’aléatoire mouvant des vagues et la rigueur géométrique de l’aquarium forme un couple de forces antagonistes séduisant. Cet art cinétique par destination s’exprime ici dans cette confrontation entre le liquide agité au gré des vents et la quiétude transparente de l’objet de verre perçu comme une intrusion dans cet univers marin.
Mais l’intervention de l’artiste ne se limite pas, me semble-t-il, au seul plan plasticien. Cet objet flottant non identifié, quand bien même on pourrait le désigner comme aquarium, devient au gré de sa pérégrination la marque d’un corps étranger produit par une intelligence extérieure à ce monde naturel, sorte de bouteille à la mer envoyée comme un signal.
L’artiste interroge ainsi le monde qui l’entoure : « Mon travail en vidéo me projette dans un processus d’attention particulière à des forces qui m’échappent et ça me rassure. Cela entretient mon sentiment d’être en vie, ne pas être isolée, coupée mais d’être engagée et de faire partie d’un ensemble d’une variété incroyable. J’utilise la réalité qui m’entoure pour coller au présent, adhérer au monde et l’honorer à ma manière. »
Ce cube transparent résistant aux forces de la nature prend des allures d’objet tombé d’un autre univers, venu nous dire qu’un autre monde existe quelque par ailleurs que dans cet océan. Le spectateur peut librement projeter sur cet évènement le regard qui lui convient, peut décider d’une lecture personnelle de ce geste artistique. Corps étranger venu d’ailleurs ? Bouteille à la mer sans message ?  L’Aquarium d’ Agnès Rosse poursuivra son voyage sur cette mer inconnue en laissant planer le mystère sur sa destination et sa raison d’être.
Pierre Tilman, compagnon d’Agnès Rosse, nous délivre de toute obligation d’explication rationnelle à ce sujet: « C’est une profonde adéquation, une clarté et une justesse qui dépasse les explications ».

 

Agnès Rosse et Pierre Tilman
Du 7 septembre au 14 Octobre 2017
Galerie Métropoplis
16 rue de Montmorency
75003 Paris

 

 

 

Expositions

Pierre Tilman : La parole est d’Art

Oeuvre originale créée pour l’exposition « Pierre Tilman , la parole est d’Art » à la galerie le Garage à Orléans 2015

L’exposition « Pierre Tilman, la parole est d’Art » qui s’ouvre vendredi prochain à la galerie le Garage à Orléans constitue la première Ouverture Nomade du projet de festival « La parole est d’Art » dont j’ai proposé la création. Pour ce programme conçu il y a plus d’un an, le vernissage de vendredi prend une résonance particulière.
A l’origine, l’intention a été de présenter dans une même manifestation toutes les paroles sur l’art : du critique d’art au commissaire d’exposition, du visiteur de musée à l’artiste, du bloggeur au médiateur, du journaliste au responsable de galerie, toutes ces paroles contribuent à tenter de cerner ce phénomène insaisissable : la création.

Une liberté publique

J’évoquais, dans un article de septembre dernier, les oppositions auxquelles se trouvent confrontées ces différentes paroles : « Il ne faut pas chercher longtemps dans l’actualité pour trouver les symptômes des oppositions radicales à cette parole. Ces oppositions sont  parfois curieusement le fait de certains qui s’expriment au nom de l’art. Les tentatives se multiplient, notamment dans le domaine de l’art contemporain, pour remettre en question ce qui fait la nature même de cette parole : l’ouverture d’esprit, la remise en cause des tabous, des interdits, bref la liberté de concevoir une pensée déformattée. »
Aujourd’hui l’éclairage cru de l’actualité donne un relief particulier à ce projet. Au-delà même des agressions souvent dénoncées ici envers les artistes contemporains et leurs œuvres, la liberté d’expression vient de traverser des moments tragiques avec le massacre de Charlie Hebdo. Plus que jamais la parole des artistes, à l’image de celle des journalistes, des écrivains en général, doit être prise en considération comme un moment privilégié de la liberté d’expression et donc de la liberté en général. Le festival La parole est d’ Art mettant en avant la parole de la création sous toutes ses formes se doit d’intégrer ces valeurs de liberté si chèrement payées par les journalistes caricaturistes.

Pierre Tilman : les mots en liberté

Pierre Tilman a été évoqué à plusieurs reprises dans ce blog a propos des multiples aspects de son travail : écrivain, poète, artiste plasticien, performeur, il sait bien de quoi sont faits ces mots dont il joue si aisément. Pour l’artiste plasticien, le plaisir continue. Avec quelques objets de bricolage, quelques petits soldats en plastique, l’art se prolonge comme un jeu d’enfant. Cette parole multiforme qui s’exprime par les écrits, les objets, les lectures-performances  fait de cette œuvre un exemple significatif du contenu ambitionné par le festival La parole est d’Art.

Pierre Tilman "La parole est d'Art"
Pierre Tilman « La parole est d’Art »

Aujourd’hui, en ce mois de janvier 2015, une grille de lecture nouvelle est venue ajouter une ardente obligation à notre propos : montrer combien cette parole sur l’art s’exprime comme une composante de la liberté. La défense des artistes contre  toutes les agressions est aussi une parole à porter plus haut et plus fort pour que leur création s’exprime sans restriction. La liberté ne s’use que si l’on ne s’en sert pas.

 

Pierre Tilman dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Exposition « Pierre Tilman, la parole est d’Art »

Logo festival 3 copie Festival La parole est d’Art
Du 16 janvier au 2 février 2015
Vernissage le 16 janvier à 18 h
avec une lecture-performance de l’artiste
Galerie le Garage
9 rue de Bourgogne
45000 Orléans

Coups de chapeau·Expositions

Robert Filliou : sortir l’art d’un chapeau

Couvre Chef-d’Œuvre

Il aurait été inconcevable que ce blog passe sous silence l’exposition « Chapeaux ! Hommage à Robert Filliou » visible actuellement  à La Vitrine a-m à Paris. En 1962, Robert Filliou installe sa galerie dans son chapeau : « La Galerie Légitime« , faisant de son couvre-chef son propre lieu d’exposition mobile. Les œuvres, rassemblées et accompagnées du tampon « Galerie Légitime Couvre Chef-d’Œuvre« , occupent cette galerie capitale hors de tout système, transformant Robert Filliou en une sorte de vendeur d’art à la sauvette.

Chapeau de Pierre Tilman
Chapeau de Pierre Tilman

En collaboration avec la Time Art Gallery GF, née d’une réflexion sur les points de convergence entre l’art horloger et l’art contemporain, le commissaire de l’exposition Raphaël Cuir a invité dans le cadre de La Vitrine a-m quatorze artistes en leur donnant comme figure imposée : s’approprier un chapeau pour en faire une œuvre d’art hommage à Robert Filliou. Treize des quatorze artistes ont joué le jeu, seul Thomas Hirschhorn n’ayant pas consenti à la figure imposée et sorti de son chapeau un tableau labyrinthe sur l’importance de Robert Filliou dans l’art de son temps.

L’esprit Fluxus

L’ombre de Fluxus se penche donc sur ce lieu  et insuffle son esprit dans ce projet ouvert à l’imaginaire d’artistes de générations différentes. Pour Ben la légitimité semble aller de soi, nous ramène aux années soixante et aux origines du mouvement.

Chapeau de Ben Vautier
Chapeau de Ben Vautier

En 1962, Ben fait connaissance avec George Maciunas à Londres et découvre le groupe Fluxus qu’il décide de rejoindre. En 1964 il rencontre George Brecht à New York. Ben diffuse alors les idées et l’esprit Fluxus en France et devient le promoteur d’un art d’attitude. Autre historique, Pierre Tilman est l’auteur de plusieurs livres sur Robert Filliou et sa proximité avec Fluxus se vérifie dans l’attitude artistique qui fait passer le comportement avant la production. Dans un de ses écrits sur Filliou, il saisit l’occasion pour prendre une position manifeste : « Quels sont les artistes qui veulent vraiment changer le monde et est-ce que l’art peut y parvenir ? Comment rompre le cercle fatal qui veut que quand un artiste, qui est tenu en dehors de l’establishment culturel, commence à faire surface et à être reconnue, son plus cher souci semble être de faire partie de ce système qui le rejetait auparavant ?  » (Pierre Tilman, « Robert Filliou nationalité poète » 2006)

«La Vie intérieure», chapeau de Pierre Ardouvin.
«La Vie intérieure», chapeau de Pierre Ardouvin.

Dans la génération plus récente, il n’est pas surprenant de retrouver Pierre Ardouvin qui offre à son chapeau un morceau de sa voie lactée. Tracey Snelling, pour sa part, installe un univers cinématographique qui déborde quelque peu du couvre-chef.
La  scénographie de Jacob et MacFarlane est inventive, trop peut-être car elle prend le pas sur l’intimité de la création des artistes.

Objets objecteurs

Retenons avant tout que l’exposition donne un coup de chapeau à Robert Filliou et que dans sa démarche d’artiste l’attitude prime sur la forme et la production d’ objets. Dans un des chapeaux exposés à la Vitrine a-m nous sommes invités à jeter un papier sur lequel nous avons écrit un vœu. Peut-être pourrions nous formuler le vœu que l’esprit Fluxus arrive un jour à regagner du terrain sur la frénésie marchande qui met en coupe réglée l’art de notre temps, moment où l’objecteur prendra le dessus sur l’objet. Mais ce vœu sortira-t-il un jour du chapeau ?

Photos : la Vitrine a-m et Gallery Praz Delavallade (Ardouvin)

“Chapeaux ! hommage à Robert Filliou”
Artistes invités : Pierre Ardouvin, Ben, Thomas Hirschhorn, Guy Limone, Yasmin Jahan Nupur, Yoko Ono, ORLAN, Mary Reid Kelley, Franck Scurti, Tracey Snelling, Jeanne Susplugas, Stéphane Thidet, Pierre Tilman, Joana Vasconcelos   Scénographie : JAKOB + MACFARLANE
Commissaire de l’exposition : Raphaël Cuir
Du 3 octobre au 21 novembre 2014
La vitrine AM
24 rue de Richelieu
75001, Paris

Expositions

Pierre Tilman : les mots buissonniers

Déjà évoqué dans ces chroniques, l’artiste, écrivain et poète Pierre Tilman n’en finit pas de multiplier les tentatives d’évasion pour s’échapper des grilles dans lesquelles  nous enferment les formes actuelles du langage. Comme il n’en est pas à son premier essai, chaque nouvelle contrainte lui offre un motif nouveau pour s’en affranchir.

"Sélectionner tout" Pierre Tilman 2013
« Sélectionner tout » Pierre Tilman 2013

 » Sélectionner tout« 

Aujourd’hui, dans l’ exposition  » Sélectionner tout » à la galerie Métropolis à Paris, Pierre Tilman s’ en prend aux injonctions des ordinateurs :  » Remplacer, afficher, annuler, rechercher, ouvrir, masquer, éteindre, quitter.… » Nous connaissons tous, devant nos écrans, ce dialogue de sourd, cette conversation à sens unique à laquelle nous devons  nous plier pour passer sous les fourches Caudines de l’informatique. Mais dans son exposition parisienne, vous n’apercevrez pas l’ombre d’un ordinateur, si ce n’est dans le bureau de la galerie.
Pierre Tilman a décidé de s’emparer de ces mots coercitifs pour les épingler sur un tableau, tels les coléoptères dans la  collection d’un entomologiste. Et comme toujours chez lui,  les mots sont devenus des choses, ici sous forme de lettres volées peut-être à un jeu de Scrabble. L’artiste a pris le dessus sur l’implacable rigueur informatique pour faire de ces mots l’objet d’un jeu permanent. Ces mots-objets, alignés dans une phrase impossible, se retrouvent, grâce au poète artiste, désormais soumis à notre investigation. Ils ont perdu de leur superbe, de leur pouvoir contraignant. Ils ne peuvent plus, désormais, nous soumettre à leur ultimatum.

"C'est l'histoire d'un type" Pierre Tilman 2013
« C’est l’histoire d’un type » Pierre Tilman 2013

Chemins de traverses

Voilà comment Pierre Tilman nous entraîne sur ses chemins de traverses. Au gré de ses pas, il y repère quelques brindilles qui seront autant de supports nouveaux pour y piéger les mots et nous faire entendre une petite musique, discrète, bien dans le ton de cet homme un peu secret. Pour fixer ces mots qui deviendront des sentences au gré de leur organisation, l’artiste confectionne, à l’aide de ces brindilles, un écrin qui ressemble à l’ébauche d’un nid destiné à y abriter ces poèmes buissonniers.

Petit soldat

L’écolier désobéissant qui habite toujours Pierre Tilman  n’a pas fini, non plus, de jouer aux petits soldats. Une fois encore, cette armée colorée brandit ses armes pacifiques : des lettres qui forment des mots qui forment une phrase. A la tête de ces bataillons, l’artiste engage son armée au service de la poésie. Un comble !  Nous savons bien, depuis longtemps, que Pierre Tilman prend les mots au pied de la lettre pour nous astreindre à les lire  pour ce qu’ils sont, avec leurs contradictions parfois.  » Sélectionner tout » ! Cette antinomie, nous l’avons sous les yeux chaque jour sur l’écran de notre ordinateur sans y avoir vraiment prêté attention. Avant de recopier ce texte sur ma chronique, j’hésite maintenant à « Sélectionner tout« .
« Rendez vous
vous avez les yeux cernés »
nous lance le poète. Il nous faut rendre les armes, lâcher le clavier et retrouver, sur les sentiers secrets, la trace de cet artiste buissonnier.

Pierre Tilman dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photos: Pierre Tilman, galerie Métropoplis

Pierre Tilman« Sélectionner Tout »

Du 23 janvier au 8 mars 2014
Galerie Métropolis
16 rue de Montmorency
75003 Paris

Livres

« L’enquête à Sète » de Pierre Tilman

Artiste plasticien, écrivain, poète, Pierre Tilman, après une longue vie parisienne, s’est installé depuis dix ans à Sète. Du temps de la revue Chorus, Tilman vivait au centre de l’actualité artistique à une époque où les Monony, Raynaud, Ben, Fromanger, Klasen, Boltanski et tant d’autres étaient encore des artistes en devenir. Fort de cette aura, on le sollicite à Sète pour organiser une grande exposition collective avec les artistes sétois. La grande diversité des pratiques artistiques rend le projet assez peu séduisant. On lui propose alors de créer un catalogue sur ces mêmes artistes. Pierre Tilman n’est pas davantage convaincu par l’idée du catalogue. Mais il suggère d’écrire plutôt sur ce terrain artistique … un roman.

Sète

On prétend qu’à Sète il y a davantage d’artistes que de pêcheurs ou de jouteurs. L’écrivain artiste est séduit par l’idée : « Si on m’avait proposé de faire un livre ailleurs j’aurais refusé. Cette ville, c’est un personnage à part entière. Avec ses ponts qui se lèvent ou pas, ses canaux, ses artistes, les mouettes et leurs cacas, c’est déjà un poème. À Toulon, que je connais bien, j’aurais pas pu, y a rien. »

Le livre, avec son allure de série noire, aura donc pour cadre ce milieu artistique sétois, où un journaliste parisien, Tilman lui-même, est envoyé par son rédacteur en chef enquêter sur une sombre histoire de « flotte Soulages ». On a bien compris que ce roman est une fiction, qu’il est habité par des personnes de fiction mais qui existent vraiment. Tilman, d’entrée de jeu, a la grande élégance de remercier ses personnages « Au cinéma, les réalisateurs indiquent la liste interminable des noms, des cascadeurs, des coiffeurs, des maquilleuses, des éclairagistes, des techniciens, des assistants… Mais les êtres de papier ne sont pas syndiqués. Pour eux, il n’y a pas de générique. ».

Toute ressemblance…

Il faut donc se faire une raison. Toute ressemblance entre des êtres existants ou ayant existé dans la vie réelle et les personnages de ce livre  » ne serait que le résultat d’un vif désir de coïncidence « .
Je laisse au lecteur le plaisir de découvrir le cheminement de cette enquête où, à l’évidence, c’est bien la ville de Sète elle-même qui s’invite comme  personnage central, mais une ville vue à travers le prisme du milieu artistique dans lequel artistes, acteurs institutionnels se retrouvent , comme dans le vie, comme dans le ville, toujours étroitement mêlés à l’aventure de l’art. Des peintres nationalement réputés comme Hervé Di Rosa ou Robert Combas aux artistes moins connus, le journaliste-écrivain développe le fil de son enquête.
Outre l’écriture légère comme une plume, à l’image de son auteur, ce qui m’a le plus séduit dans ce livre, c’est l’idée même de sa conception : détourner le projet d’un catalogue qui aurait pu se transformer en exercice fastidieux, peut-être même indigeste, pour ouvrir une espace de liberté à un roman enraciné dans ce réel d’une ville étonnante où le port s’invite au coeur même de la ville.
Il y a quelques semaines, à une table de ce quai encombré, Pierre Tilman m’expliquait que les thoniers, si nombreux et envahissants  rentraient d’une saison éclair, ayant atteint en quelques jours leur quota de pêche. Au repos, ces bateaux énormes semblaient toiser le Centre Régional d’Art contemporain montant la garde le long du quai, dans le vacarme jacassant des mouettes.
 » L’enquête à Sète  » décrit ce curieux mélange entre patrimoine et modernité, entre traditions et audaces artistiques. Qu’une telle idée puisse en suggérer d’autres et inciter les producteurs de catalogues d’exposition à inventer de nouvelle façons de présenter les expositions et les artistes.

Pierre Tilman dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

 » L’enquête à Sète « 

Pierre Tilman
Editions « Au fil du temps » 2013

 

Expositions

Pierre Tilman : « Tu vois ce que je veux dire »

Depuis quelques années déjà, l’artiste Pierre Tilman, à la recherche du soleil et du calme, a quitté la vie parisienne qu’il connaît bien, s’est éloigné des turbulences de l’art en capitale et trouvé vraisemblablement, dans les rues du Midi, une certaine nonchalance que son œuvre requiert. Car Pierre Tilman n’est pas un artiste forgé pour une compétition féroce, un challenge permanent.

Pierre Tilman

L’homme de Chorus

Celui qui fut dans l’œil du cyclone lorsque, avec la revue Chorus,  et son ami Jean-Pierre Leboul’ch, il contribua à promouvoir l’œuvre de Ben, Daniel Biga, Marcel Alocco, Serge Oldenburg, Roland Flexner, Jacques Monory, Gérard Fromanger ou Jean-Pierre Raynaud, a pris du recul et, pour cultiver sa véritable identité d’artiste, a pris le temps et le rythme qui lui convenaient le mieux.

J’ai déjà évoqué Pierre Tilman dans un article précédent. La discrétion, la réserve de l’homme cachent pourtant la vitalité d’un artiste qui aime les mots et les choses. D’ailleurs ses mots sont des choses et ses choses forment des mots.

Pierre Tilman

Les chemins buissonniers

Ecrivain et poète, il sait bien de quoi sont faits ces mots dont il joue si aisément. Pour l’artiste plasticien, le plaisir continue. Avec quelques objets de bricolage, quelques petits soldats en plastique, l’art se prolonge comme un jeu d’enfant. Pierre Tilman prend son temps ou plutôt perd son temps : c’est le moyen qu’il a trouvé sur ses amis artistes pour trouver la distance, prendre le recul et, toujours à la merci d’un chemin de traverses, échapper au rythme effréné de la compétition artistique. Comme quelques autres artistes rares (je pense notamment à Jean-Loup Cornilleau), Tilman s’engage dans les chemins buissonniers  à la recherche d’une raison valable pour arriver en retard dans cette course à la gloire. L’artiste met un malin plaisir à déjouer les tentatives de normalisation, à éviter l’enfermement dans un style:

« De style, je n’en ai pas, dit-il . Je n’en veux pas. Le style, c’est une infirmité. Des béquilles de luxe ! Je ne veux pas que l’on me reconnaisse. Les mots n’appartiennent à personne. Je fais comme tout le monde, j’écris le roman anonyme de la fin du XXe siècle. »

N’allons pas jusqu’à croire que Pierre Tilman  offrira sa dépouille au monument à l’artiste inconnu. Son monument à lui ne ressemblera pas à une architecture pompeuse. Son oeuvre se  dispersera, légère comme une plume, d’une mémoire à l’autre, d’une lecture à la suivante, mais avec une résistance au temps que lui envieront les cénotaphes vaniteux. Vous voyez ce que je veux dire…

Pierre Tilman dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photos: Pierre Tilman

 

Pierre Tilman  « Tu vois ce que je veux dire »

Du 15-12-2012 au 17-03-2013

Villa Tamaris Centre d’Art
Avenue de la Grande Maison
Tamaris
83500 La Seyne

 

Expositions

« Entre les mots »

C’est dans un lieu historique de l’architecture que l’on peut visiter actuellement l’exposition « Entre les mots». La Fondation Hyppocrène loge, en effet, dans l’atelier de Mallet-Stenvens (1886-1945), rue Mallet-Stevens à Paris. Le motif serait déjà suffisant pour justifier une visite. L’ancien atelier de l’architecte n’est peut-être pas conçu idéalement pour présenter des expositions, mais il offre un cadre pour le moins personnalisé à toute manifestation culturelle et artistique. Le nom de la Fondation a été choisi en référence à cette source légendaire qui jaillit d’un rocher que le cheval ailé Pégase avait frappé de son sabot. La source Hippocrène devint par la suite un lieu d’élection pour les poètes et pour les muses.

Exposition "Entre les mots" Fondation Hyppocrène Paris 2012

Depuis 2001, c’est donc cette ancienne agence de l’architecte Mallet-Stevens fondateur de l’Union des Artistes Modernes (1929), qui constitue le siège de la Fondation.
Sur le thème « La plasticité du langage » se succèderont deux expositions dont la premiere « Entre les mots » est ouverte. Les artiste qui se sont servis des mots à des fins plastiques se retrouvent dans ce cadre : Ben, Julien Blaine, Alighiero Boetti, Philippe Cazal, Henri Chopin, Claude Closky, Johan Creten, Jean Daviot, Peter Downsbrough, François Dufrêne, Jean Dupuy, Mounir Fatmi, Raymond Hains, Isidore Isou, Maurice Lemaître, Laurent Mareschal, Henri Michaux, Georges Noël, Jaume Plensa, Ernest T, Agnès Thurnauer, Pierre Tilman et Agnès Rosse, Jacques Villeglé, Gil Joseph Wolman.
Cette rencontre entre les oeuvres d’artistes de génération différentes, d’Isidore Isou à Philippe Cazal ou Claude Closky donne un ensemble ludique.

La plasticité du langage

Décomposition 1979 Gil J Wolman

Si ce jeu avec les mots est porté avec notoriété par des artistes tels que Jaume Plensa, Ben ou Jacques Villeglé, l’exposition présente avec bonheur les artistes lettristes, avec, pour ma part, un intérêt particulier pour les œuvres de Gil Joseph Wolman présentées ici.
Pour ce créateur de  l’Internationale lettriste avec Guy Debord, Serge Berna et Jean-Louis Brau, « L’art scotch» apparaît en 1964, technique d’arrachage et de prélèvement avec du ruban adhésif. Les fragments d’images et de textes de journaux, tracts, affiches, repositionnés en lignes, forment des tableaux d’où émane une forte critique sociale et politique.

L’ombre d’un doute

Peint, collé, sculpté, animé, sonore, le mot « unité de sens » se prête docilement à toutes les manipulations, à tous les jeux. Pour Pierre Tilman le mot « vert » est vert et le mot « rouge » est rouge. Et quand le mot «Doute» éclairé porte son ombre au sol, il y a bien l’ombre d’un doute. (Oeuvre non présentée dans l’exposition).

Photos de l’auteur


La plasticité du langage
Entre les mots

du 6 septembre au 6 octobre 2012
Entre les langues
du 16 octobre au 16 décembre 2012
Fondation Hippocrène
12 rue Mallet-Stevens
75016 Paris

Portraits

Pierre Tilman, au pied de la lettre

Fondateur en 1968 de la revue Chorus , avec Franck Venaille, Daniel Biga et Jean-Pierre Leboulch, Pierre Tilman  a participé à l’avènement d’une nouvelle génération d’artistes désormais réputés. Avant d’aborder Paris, Pierre Tilman vit à Toulon où il  fait connaissance de Jean-Pierre Le Boul’ch.  À Nice, il voit Ben, Daniel Biga, Marcel Alocco, Serge Oldenburg, Roland Flexner, Jacques Lepage. À Sillans-la Cascade, il rencontre Louis Pons qui lui fait lire La Gana  de Jean Douassot qui deviendra Fred Deux.
A l’image de son oeuvre, Pierre Tilman est un artiste discret. Quand d’autres traversent l’espace en soulevant la tempête, lui chemine discrètement le long du sentier de la création. Loin de la grande route d’une carrière à construire, Pierre Tilman emprunte un chemin buissonnier sur lequel il va trouver la matière de son œuvre. De l’enfance il a conservé le goût du jeu, des petits soldats de plomb, des lettres de couleur.

Pierre Tilman « L’ombre d’un doute »

Je l’avais croisé une première fois au tout début des années soixante dix et remarqué à l’époque sa timidité.  Vingt cinq ans plus tard, je l’ai retrouvé toujours sur la réserve et la retenue, mais l’œil vif et l’esprit en alerte permanente.
Ecrivain, poète, il est amoureux des mots. Plasticien, il a pris les mots au pied de la lettre et créé un univers où ces mots sont devenus des choses dont il est le grand ordonnateur.
Chez Pierre Tilman, le mot vert est vert et le mot rouge est rouge. Et quand le mot «Doute» éclairé porte son ombre au sol, il y a bien l’ombre d’un doute.

Pierre Tilman dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photo : Imago autorisation de l’artiste