Expositions

Robert Ryman : le blanc est une couleur ?

« Robert Ryman. Le regard en acte »

Au musée de l’Orangerie à Paris, l’exposition « Robert Ryman. Le regard en acte » consacrée au peintre américain propose, avec sa démarche essentielle, un questionnement radical sur la couleur en consacrant son parcours au blanc. Le blanc est-il une couleur ?
La réponse des scientifiques passe par la longue histoire de tous ceux qui n’ont eu de cesse d’analyser et reproduire les couleurs. En 1666 le physicien Newton fait passer de la lumière solaire blanche à travers un prisme de façon à la décomposer en rayons lumineux de différentes couleurs. Newton est le premier à révéler que la lumière blanche est constituée d’un mélange de rayons de lumière de couleurs différentes. En utilisant des toupies colorées le physicien Maxwell montre que la lumière blanche résulte d’un mélange de lumières rouge, verte et bleue. Son article Experiments on Colour, qui pose les principes des combinaisons de couleurs, est lu à la Royal Society d’Édimbourg en mars 1855. Dans le diagramme de Maxwell les trois couleurs primaires (rouge, vert et bleu) sont situées dans les angles du triangle équilatéral ; leur mélange en quantités égales donne au centre une lumière blanche. Les scientifiques diront aujourd’hui que le blanc représente la somme de toutes les longueurs d’onde de la lumière.

« Annoncez la couleur ! »

Pour avoir pendant plusieurs années présenté l’exposition « Annoncez la couleur ! » consacrée au peintre Gérard Fromanger, je peux témoigner que son œuvre, reposant sur la trichromie, devenue quadrichromie avec le noir de l’imprimeur, a interrogé cette question de la couleur avec une difficulté supplémentaire. La trichromie du peintre n’est pas celle du physicien. Au rouge, vert, bleu du physicien, le peintre substitue le rouge, le jaune et le bleu. Des longueurs d’onde de la lumière pour le physicien aux pigments colorés du peintre, le terme de trichromie n’en finit pas d’entretenir la confusion. Robert Ryman se trouve ainsi à la croisée des chemins entre la perception visuelle du blanc par l’œil et la pratique matérielle de ce monochrome par la peinture.
L’exposition de l’Orangerie met l’accent sur le fait que Ryman a été « Trop souvent assimilée au courant minimaliste américain ». Donald Judd, sculpteur et peintre américain, même s’il n’aimait pas l’expression Minimalisme pour définir son art, a néanmoins été un contributeur de ce mouvement artistique avec son déploiement de dessins simplistes et de formes géométriques. Donald Judd voulait supprimer toute trace d’artistes dans son travail, tentant ainsi de supprimer l’émotion. Pour y parvenir, il s’est appuyé sur des matériaux fabriqués à la machine qui remettaient en question la nature de l’art. Ellwortyh Kelly, avant d’accepter le minimalisme comme son expression artistique, a peint des plantes avec des lignes géométriques simples. Plus tard, il utilise des formes géométriques et des répétitions de lignes de la même manière que l’artiste minimaliste.
A l’évidence, Robert Ryman a gardé ses distances avec ces artistes minimalistes en s’attachant à la matérialité de la peinture.

« ll concentre ses recherches, de façon presque obsessionnelle, sur les spécificités propres à son medium, interrogeant les notions de surface, de limite de l’oeuvre, d’espace dans lequel elle s’intègre, de lumière avec laquelle elle joue, et de durée dans laquelle elle se déploie. »
Si bien que pour répondre à la question que nous pose l’oeuvre de Ryman, nous devrons accepter que si le blanc est une « nuance » en peinture, composée par les primaires du peintre, ce blanc est bien pour notre œil, « la somme de toutes les couleurs » décrite par les physiciens.

Robert Ryman. Le regard en acte

Du 06 mars au 01 juillet 2024
Musée de l’Orangerie Paris

Expositions

Barbara Navi : « Sous tant de paupières »

Revivre, 2023, huile sur toile, 150 x 150 cm

Écrire que Barbara Navi nous a habitués, depuis ses années de peinture, à nous perdre dans sa narration ne serait pas exact. Sa démarche est le contraire d’une habitude, à l’opposé d’une méthode appliquée. Nous égarer dans sa peinture apparaît alors comme la seule attitude possible pour tenter d’appréhender ce qui fait la nature même de son œuvre.
Dans l’exposition « Sous tant de paupières » à la galerie Valérie Delaunay à Paris, cette approche se vérifie une fois encore. Nous savions déjà que la lecture d’une toile de Barbara Navi ne peut faire l’économie d’une analyse s’étendant à un ensemble de tableaux, un examen qui tente de révéler ces liens souterrains dessinant la trajectoire mentale d’une œuvre en mouvement.
La liberté que nous accorde la peintre en laissant ouvertes les fenêtres de ses tableaux sur un monde quelque peu énigmatique, chacun en disposera comme il l’entend pour entreprendre ce voyage, non seulement dans la peinture, mais aussi dans une relation au monde peut-être différente d’un individu à l’autre.
Pour avoir suivi Barbara Navi dans ces cheminements passés, ces rapports à la figuration, au réel, au mouvement, au temps m’apparaissent comme autant de questionnements sur la vision, terme ô combien double puisqu’il désigne à la fois une capacité physiologique et une aptitude conceptuelle. « Sous tant de paupières », formule empruntée à Rainer Maria Rilke, met en jeu, me semble-t-il, ce moment fragile entre vue et pensée, entre rêve et réalité. Réflexion et reflection se présentent comme les deux faces d’un sens à double sens : la vue et la conscience. Que se passe-t-il sous tant de paupières ? À nouveau Barbara Navi nous entraîne dans cette pérégrination qui vient de loin, qui se nourrit de tout ce qu’elle a vécu, lu, entendu, éprouvé. Au-delà de cette perception du monde, l’artiste se livre dans le même temps à une captation personnelle qui passe par les choix auxquels elle procède dans la quête des documents, des textes, des images, des musiques, des histoires, de tout ce qui cultive sa démarche.

Les témoins, 2024, huile sur toile, 146 x 114 cm

Au fil des toiles, l’errance dans laquelle elle nous engage ne peut être ressentie comme un égarement. Au contraire, au-delà d’un réel immédiat trop flagrant, l’artiste nous dévoile un univers où sa peinture fait voler en éclats une figuration dans laquelle elle refuse de se laisser enfermer par un réalisme illusoire. D’une toile achevée à une toile en cours de travail, cette même interrogation subsiste. Quel est donc ce moment où la vision mentale donne naissance à une image ? Comment ne pas rappeler une fois encore cette lumineuse analyse de Michel Foucault sur les peintres de la figuration narrative ?
« Une image saisie dans la trajectoire qui la mène de la photographie au tableau».

Pour l’artiste, cette image devient le lieu de passage vers un autre espace physique et mental. C’est dans cette trajectoire, décrite par Foucault, que se joue ce que le terme réducteur d’ « inspiration » clôturerait un peu trop vite. Pour la peinture, comme peut-être pour la philosophie, la question apparaît plus importante que la réponse. C’est ainsi que Barbara Navi nous invite à accepter ce voyage dans l’inconnu.
Et quand les paupières s’ouvrent sur ce réel revisité par la peinture, l’horizon est sans limite le champ de la vision et le champ de réflexion se confondent dans cette déambulation à perte de vue.

SOUS TANT DE PAUPIERES
Barbara Navi
Exposition du  14 mars au 20 avril 2024
Vernissage le jeudi 14 mars 2024
20 rue chapon, 75003 PARIS
Galerie Valerie Delaunay


Expositions

Gilles Aillaud : la philosophie par la peinture

« Animal politique »

Lorsque l’on déambule dans l’exposition Gilles Aillaud du Centre Pompidou à Paris, l’approche politique n’est pas la première réflexion qui pourrait venir à l’esprit.
Pourtant un tableau tranche sur l’ensemble consacré au règne animal : « Vietnam. La Bataille du riz » (1968), s’inspire d’une photographie de presse datée de 1965. Un soldat US escorté par une combattante vietnamienne. Il s’agit d’un sous-officier, mécanicien navigant à bord d’un hélicoptère de recherche et de secours : l’appareil s’écrase en territoire nord-vietnamien et tout l’équipage est fait prisonnier (20 septembre 1965). La rizière est un ajout de l’artiste et contribue à contextualiser le tableau.
Lorsqu’il entre au comité du salon de la Jeune peinture en 1964 puis quand il devient son président un an plus tard, le peintre Gilles Aillaud  est à la tête  d’une bande de « putschistes » car ces jeunes artistes trublions ont poussé dehors une vieille garde d’artistes figuratifs, et tous marqués par une orientation d’extrême gauche, ils effectuent alors leurs choix artistiques en fonction de critères politiques. Eduardo Arroyo, son ami, explique que sous l’influence de Gilles Aillaud, théoricien du groupe, l’important était de « soumettre l’art à des préoccupations idéologiques plutôt qu’esthétiques« . Le bulletin de la Jeune peinture devient désormais un instrument de lutte politique. C’est le temps de la « Salle rouge pour le Vietnam » .

« Vietnam. La Bataille du riz » (1968)

« Peindre philosophiquement »

Pourtant la presque totalité des tableaux présentés au Centre Pompidou nous renvoie au thème majeur que n’a cessé de développer Gilles Aillaud : notre relation au règne animal. Le peintre représente des animaux seuls dans des zoos, enfermés dans des cages, derrière des grilles, des enclos, des verrières. Et si l’exposition porte pour titre « Gilles Aillaud, animal politique », c’est bien parce que l’artiste nous interpelle globalement sur cette relation douloureuse avec le monde animal. Aillaud, apprend-t-on, voulait être philosophe. A défaut d’avoir poursuivi dans cette voie, c’est avec l’art qu’il s’est employé à « peindre philosophiquement ».

L’apparente objectivité qui relie toutes ces toiles consacrées le plus souvent à l’enfermement des animaux n’a rien d’une neutralité au regard de l’insupportable acceptation de cette relation entre l’humanité et le règne animal. Mais Aillaud ne se lance pas dans une croisade militante. C’est peut-être cette objectivité photographique qui peut générer le malaise chez l’observateur. Le peintre nous laisse seul face à une réalité dont nous devons assumer  la responsabilité de juger. Avons nous si longtemps accepté l’idée du zoo comme lieu de plaisir pour les enfants, de découverte des espèces sauvages sans douter un instant sur les conditions de vie des animaux sauvages ? Faut-il admettre sous les vocables divers de parc zoologique, parc animalier, jardin zoologique, la réalité coercitive dans laquelle des êtres vivants sont parqués pour le plaisir des spectateurs ?
Le peintre ne se livre pas à un plaidoyer pour la liberté animale. Il ne nous dit rien. Serait-ce encore un enfermement contre lequel il se bat ? Sa vigilance intellectuelle totalement en éveil, le peintre ne se départit  pas d’un léger sourire pour me dire « Débrouillez-vous !  » lorsque je l’interroge lors d’un entretien vidéo en 1995 sur cet engagement dans la peinture au premier abord si éloigné de la posture militante revendiquée avec ses amis de la Jeune Peinture.

Pour son tableau, « Vietnam. La Bataille du riz » (1968), Aillaud jouait quelque peu avec la réalité objective de la photo de presse en y intégrant une rizière. Avec les animaux enfermés, nul besoin d’en rajouter. La réalité s’impose brutalement devant nos yeux avec le sentiment coupable que nous avons passé tant d’années à la regarder sans la voir. « Animal politique » certes mais alors cette approche de la politique pourrait bien nous renvoyer à cette terribler accusation de Frantz Fanon :
« Il n’y a pas d’innocents, pas de spectateurs. Nous sommes tous en train de nous salir les mains dans les marais de notre sol et le vide effroyable de nos cerveaux. Tout spectateur est un lâche ou un traître.”

Gilles Aillaud
« Animal politique »
4 oct. 2023 – 26 févr. 2024

Centre Pompidou Paris

Coups de chapeau

Jean-Marie Barre : le nouveau Fauve

« Suddenly, a blue bouquet » 2023

Attention en traversant le parcours du peintre Jean-Marie Barre : une vie peut en cacher une autre. Nous savions déjà que l’artiste, venu d’une figuration fine, précise, qu’il qualifie lui-même de transfiguration narrative, offrait à la toile des atmosphères colorées par les souvenirs. Les tableaux se trouvaient enrichis par un texte, confortant cette vocation mémorielle de la peinture.
Pourtant, malgré la légitimité de cet engagement, Jean-Marie Barre a éprouvé l’impérieuse nécessité de rompre avec cet univers, sans savoir, pour autant, quelle serait la voie nouvelle.
Et ce saut dans l’inconnu il le manifeste avec un voyage au centre de la peinture qu’il entreprend en abandonnant pour un temps les pinceaux. Cette introspection s’opère à travers les lectures, les voyages, les rencontres. C’est à Berlin, tout d’abord, qu’il installe son atelier pour s’y livrer à une « Entrée en matière », cherchant sous la surface du tableau, à remonter les strates géologiques de l’histoire de la peinture, puisant à la fois dans son geste et dans sa réflexion, les éléments fondamentaux de cette pratique, comme dans une sorte d’archéologie mentale indispensable. Il faut en passer par le noir et blanc comme une remise a zéro indispensable. Bientôt le rouge réapparaît au service d’une abstraction gestuelle sans repentir avec la série « Triad of colors, Black, red, white » de 2014 .
Le besoin de changement se confirme avec les voyages. A Los Angeles, en 2017, la série Open eyes / structures et cercles confronte gestuel et structure. Avec cette deuxième vie, Jean-Marie Barre accède à une pratique qui, sans qu’on le décèle encore totalement, porte les prémisses de son travail actuel. La superbe série « Botanic » de 2018, conserve les attributs d’une peinture abstraite et gestuelle tout en nous faisant envisager avec son titre qu’il pourrait bien s’agir d’une figuration en devenir. L’autre indication sous-jacente de cette série tient à l’emploi d’une couleur fluorescente avec usage de la bombe.

« The Former station in Trets » 2023


Et c’est aujourd’hui qu’une troisième voie, une troisième vie, s’ouvrent. Après ces mouvements telluriques qui ont bousculé sa peinture, le peintre atteint un point d’équilibre particulièrement remarquable dans la série «Vie personnelle » de cet été 2023. Avec cette conjonction d’une figuration renouvelée et d’une abstraction gestuelle, Jean- Marie Barre, recourant à une couleur fluorescente transgressive, se pose en « nouveau fauve », héritier de ces peintres du début du vingtième siècle magnifiant avec audace la Provence méditerranéenne. Du « Chemin de Beaumes » à « Behind Gigondas » un sillon est tracé, portant en lui les acquis de ses vies antérieures pour déboucher sur cette somptueuse voie lactée.

Cette fois nous y sommes ! serait-on tenté de lancer à l’intention d’un artiste qui a fait du doute un mode opératoire. Formons le voeux de voir Jean-Marie Barre s’épanouir dans cette création aboutie.

« Double Je »
Jean-Marie Barre
Centre culturel Sainte-Anne / Boulbon

Septembre 2023

Expositions

Ivan Messac : la peinture après Duchamp

Ivan Messac, Pop Drawings and More

Depuis plus d’un demi-siècle, Ivan Messac, qui n’a cessé d’être le benjamin de la Figuration narrative, a toujours voulu rester un artiste libre, refusant d’être enfermé dans un mouvement, une discipline, une pratique, au risque de désorienter ceux qui ont vu dans sa peinture dès les années soixante dix une réflexion décisive. Au fil des années, le peintre est devenu sculpteur, revenu à la peinture, s’éloignant de son rapport si déterminant à la photographie pour retrouver, j’imagine, le plaisir de peindre autrement.
L’exposition Ivan Messac, Pop Drawings and More en cours à la galerie T&L à Paris permet de cerner ces différents aspects dans la relation du peintre à la peinture sans privilégier l’un d’entre eux.

Les Chieurs, 1972

Pourtant ce qui s’est passé pour lui comme pour certains autres artistes de ce mouvement de la Figuration narrative n’est pas seulement une séquence de plus dans l’aventure de la peinture, mais révèle un nouveau rapport historique à celle-ci.

L’objectivation de la peinture

Depuis le vingtième siècle l’ombre de Marcel Duchamp plane sur l’art en général et les peintres, consciemment ou non, n’ont pu ignorer ce bouleversement radical. L’objet devenu en soi œuvre d’art chez Duchamp a interrogé les peintres dans leur relation à la toile, à la nature du geste de création. La photographie, telle qu’elle est mise alors à contribution par ceux qui refusèrent d’abandonner la peinture, devient un instrument de transformation du réel appliqué à la figuration. Ivan Messac a très vite saisi cette objectivation de la représentation et, délibérément ou non, promu une peinture post-Duchamp. La réduction de la couleur à un aplat ajoute à cette objectivation, telle qu’on la retrouve chez Gérard Fromanger.
Dans ce mouvement de la Figuration narrative, qui n’a pas connu la même astreinte collective que d’autres (Comme Supports/Surfaces par exemple), ce rapport à la photographie n’est pas rigoureusement identique d’un peintre à l’autre. Chez certains d’entre eux, le geste de peindre a conservé sa nature habituelle, le recours à la photographie étant utilisé comme une technique facilitant la reproduction du réel. On sait bien que l’objectif de l’appareil photo n’est pas «objectif». Pourtant l’objectivation de l’acte de peindre avec ce recours à la photographie constitue un changement radical, voire irréversible. Mais Ivan Messac, avec ce farouche désir de liberté, n’a pas accepté cette irréversibilité.

Minorité absolue, 1972, gouache

Il ne m’en voudra pas (j’espère) de privilégier ce qui fait, à mon sens, la valeur primordiale de son travail avec ce moment de bascule de la peinture.  Et dans ce mouvement de la Figuration narrative, dont le nom n’est pas évoqué dans l’exposition actuelle au profit d’une peinture Pop, se révèle et se cache à la fois un changement d’état historique qui n’est peut-être pas encore valorisé comme il devrait l’être.

« Une vie en images »

Dans quelques jours Ivan Messac dédicace à la librairie Les Cahiers de Colette à Paris l’album « Une vie en images », composé de 170 pages dessinées. Nous sommes toujours dans ce questionnement sans fin sur l’image. Entre le réel, la peinture, et la photographie, quelque chose s’est passé il y a plus de cinquante années et le regard sur la peinture est désormais celui de Duchamp et après.

Ivan Messac, Pop Drawings and More
31 mai – 18 juin 2023
Galerie T&L
61 rue de la Verrerie
75004 Paris

Ivan Messac, une vie en images
Librairie Les Cahiers de Colette
Le vendredi 16 juin à partir de 18 heures
23/25 rue Rambuteau 75004 Paris

Expositions

Alfred Courmes, les dérives de la figuration

Il ne fait pas bon être un artiste inclassable. Alfred Courmes l’a vérifié tout au long de son itinéraire de peintre. Et c’est dans un circuit parallèle que sa rétrospective est présentée actuellement à l’Espace Niemeyer à Paris.
Désigné comme « peintre d’exception(S) » Courmes semble avoir déjoué toutes les tentatives d’association à des mouvements identifiés de l’art du vingtième siècle.

« 45% de B.A » 1961

« Panique »

Avec sa figuration d’un réalisme irréaliste, son classicisme déjoué par le surréalisme, on voit bien que les « ismes » échouent les uns après les autres sur la grève de sa peinture. Courmes est reconnu comme précurseur d’une génération de jeunes peintres qui exposent avec lui à la Galerie Nationale du Grand Palais en 1972, dans l’exposition « 12 ans d’art contemporain » où il reçoit le prix « Panique » dans cette manifestation controversée par nombre d’artistes.
Une tentative de plus reste en mémoire, celle des « Mythologies quotidiennes » au musée d’art moderne de la ville de Paris en 1976 semble le rapprocher d’un mouvement qui se reconnaîtra dans cette exposition collective : la Figuration narrative. Peine perdue ! Courmes ne s’embarqua pas sur ce navire. Il faut donc rendre les armes et accepter l’idée de cette exception rebelle aux classifications.

« L’Ange du mauvais goût »

C’est pourtant à une étrange narration que se livrait le peintre d’un tableau à l’autre. Les titres déjà nous donnent une indication sur ses sources d’inspiration : « Saint-Sébastien à l’écluse Saint-Martin «, « Persée lui joue un air de flûte avant de la délivrer, Andromède « , « Le Cyclope n’avait qu’un œil mais c’était le bon ». Ce détournement des thèmes mythologiques lui valut parfois une volée de bois vert de la part de ceux qui le taxèrent de « L’Ange du mauvais goût ».

C’est à l’étranger, quand bien même il s’agit d’une commande l’état Français, que lui est offerte l’occasion de développer à grande échelle une œuvre majeure : la décoration murale de la salle à manger de l’ambassade de France à Ottawa au Canada en compagnie d’autres artistes : cent vingt mètres carrés peints à la cire dont le thème sera la France heureuse qui lui demandera deux ans de travail et se terminera la veille de la Seconde Guerre mondiale.

Reproduction de la décoration murale de la salle à manger de l’ambassade de France à Ottawa au Canada (Espace Niemeyer Paris 2023)

« Non, non Persée ne délivrera pas Andromède » 1965

Après cette œuvre spectaculaire, le peintre retrouve à l’atelier le chemin de cette figuration en solitaire, à l’image de cet esquif traversant l’océan :  «Le radeau de la Méduse», 1963 , thème repris plus tard avec «Le radeau de la petite Méduse aztèque», 1963/1987 . Une fois encore le peintre s’en prend aux classiques avec ce détournement du tableau de Théodore Géricault .
Ce radeau en perdition serait-elle la métaphore de cette figuration à la dérive qui caractérise l’œuvre du peintre ?

Décalé, insoumis, Alfred Courmes n’eut vraisemblablement cure de ses détracteurs et poursuivit son chemin sans se soucier des chiens qui aboient sur le bord de la route.
Les balles continueront à siffler à ses oreilles : «excentrique, bizarre, grinçant»…
Cette figure provocatrice n’était peut-être pas pour lui déplaire.

Alfred Courmes
La rétrospective

29 mars – 4 juin 2023
Espace Niemeyer
2 place du Colonel Fabien
75019 Paris

Expositions

La mort en ce jardin

« Avant l’orage »

L’exposition « Avant l’orage » présentée actuellement à la collection Pinault de la Bourse de commerce de Paris propose un cheminement articulé sur le bouleversement induit par le dérèglement climatique et l’alerte que crée cette situation sur notre planète.
«  Dans l’urgence du présent comme dans l’œil d’un cyclone, l’obscurité et la lumière, le printemps et l’hiver, la pluie et le soleil, le jour et la nuit, l’humain et le non-humain cohabitent au sein de cet accrochage inédit d’œuvres de la collection. »

Tropeaolum de Danh Vo

Tropeaolum

Dans cet oeil du cyclone, c’est à dire la rotonde de la Bourse du commerce, Tropeaolum de Danh Vo impose sa monumentale installation dans une serre de métal, de béton et de pierre évoquant un territoire mutant. Les troncs et branches d’arbres foudroyés et victimes des intempéries, issues des forêts françaises, sont inclus dans une scénographie où ces vestiges d’un monde vivant sont soutenus par des étais de bois, provenant des forêts durables de l’ homme d’affaires Craig McNamara, créateur de « Sierra Orchards », une ferme biologique située en Californie. Ce nom rappelle un autre cataclysme puisque Craig McNamara n’est autre que le fils de Robert Mc Namara, secrétaire à la Défense de 1961 à 1968 sous les présidences Kennedy et Johnson et pendant la guerre du Viêt Nam. Le rôle de Robert Mc Namara durant cette guerre du Viêt Nam fut controversé, puisque c’est sous son mandat qu’eurent lieu l’emploi de l’agent orange et l’opération Rolling Thunder, campagne de bombardements aériens intensif effectués par l’USAF, l’US Navy et la Force aérienne du Sud-Viêt Nam contre le Nord-Viêt Nam et le Laos, De plus en plus controversé McNamara remit sa démission en 1968.

Dans cet environnement délabré Tropeaolum intègre des vestiges de l’histoire comme autant de souvenirs de la culture. Ces fantômes de l’apocalypse nous obligent à envisager une survivance hypothétique dans laquelle le vivant, en mutation, s’accroche aux branches de l’après cataclysme.

Hichem Berrada « Présage » 2018

« Présages »

En parcourant ces saisons improbables qui jalonnent l’exposition, une autre installation majeure mérite d’être abordée. Hichem Berrada présente « Présages » avec une projection spectaculaire. Ce n’est pas le moindre paradoxe que l’immense écran occupant un mur entier d’une salle soit animé par une source matériellement réduite à un aquarium dans lequel différentes réactions chimiques sont activées et vont mener à la création d’un paysage. « Présages » transforme cette réaction chimique en galaxie inconnue dans laquelle le visiteur ne peut que s’immerger.
«  C’est un peu de la peinture, c’est un peu de la chimie, mais pas vraiment de la peinture et pas vraiment de la chimie. » explique l’artiste. Avec ce jeu de bascule, Hichem Berrada nous fait pénétrer dans un univers dédié à la catastrophe. Dans cet environnement où les éléments sont extrêmement toxiques, la nature est à l’œuvre, en mouvement, mais une nature uniquement composée de minéraux, rien de vivant, rien d’humain. Si bien que la première approche immédiate séduisante d’un aquarium luxuriant nous conduit à appréhender un monde infiniment plus dégradé.
Au plan formel, cette peinture qui n’en est pas une propose pourtant un paysage en image, renvoyant à la grande toile de Frank Bowling (Texas Louise » de 1971) que le visiteur découvre en tout début du parcours; mais le paysage d’Hichem Berrada présente la particularité d’être en prise constante avec le réel, image en mouvement continu, à l’évolution incertaine, semblable à un paysage réel certes mais introduisant une sourde inquiétude sur un monde voué à l’entropie.

« Avant l’orage »

LUCAS ARRUDA, HICHAM BERRADA, DINEO SESHEE BOPAPE, FRANK BOWLING, JUDY CHICAGO, TACITA DEAN, JONATHAS DE ANDRADE, ROBERT GOBER, DOMINIQUE GONZALEZ-FOERSTER, FELIX GONZALEZ-TORRES, PIERRE HUYGHE, BENOIT PIÉRON, DANIEL STEEGMANN MANGRANÉ, ALINA SZAPOCZNIKOW, DIANA THATER THU VAN TRAN, CY TWOMBLY, DANH VO, ANICKA YI

Jusqu’au 11 septembre 2023
Bourse de commerce Pinault collection
2 rue de Viarmes, 75001 Paris

Expositions

Fabrice Hyber : d’un tableau, l’autre

Attention en traversant l’exposition de Fabrice Hyber « La Vallée » à la Fondation Cartier à Paris, un tableau peut en cacher un autre. Car les toiles exposées à la Fondation accèdent au statut de tableau d’école. Pour preuve ces espaces transformés en salles de classe avec les pupitres d’écoliers auxquels nous sommes conviés à prendre place.
En effet la démarche de l’artiste est assumée avec cette approche éducative « J’ai toujours considéré, explique-t-il,que mes peintures étaient comme des tableaux de classe, ceux où nous avons appris à décortiquer nos savoirs par l’intermédiaire d’enseignants ou de chercheurs. On y propose d’autres mondes, des projets possibles ou impossibles ».

Pour Fabrice Hyber le champ de l’art embrasse au-delà de la pratique du peintre tous les domaines de la pensée, de la connaissance. Biologie, neurosciences, astrophysique, histoire… Entre langage et images, les connexions s’établissent au gré des réflexions développées sur ce tableau dont on ne sait plus distinguer la toile blanche du tableau noir de l’école.

« La Vallée »

Un autre champ, physique celui-là, est à prendre en compte dans ce rapport au réel. « La Vallée », titre de l’exposition désigne une forêt que l’artiste fait pousser depuis les années 1990 au cœur du bocage vendéen dont il est originaire. Dans l’ancienne ferme de ses parents, éleveurs de moutons, il a semé trois cent mille graines d’arbres issues de centaines d’essences différentes. Cette forêt de plusieurs dizaines d’hectares est devenue une œuvre. Le parallèle avec l’œuvre s’ opère lors de cette croissance organique du vivant.

Ce fil rouge dans l’œuvre de Fabrice Hyber commence en 1981 par : « Un mètre carré de rouge à lèvres« , un tableau  entièrement recouvert de rouge à lèvres, entouré d’un cadre doré. C’est le point de départ de ce jeu sans fin dans lequel la pensée se développe sans hiérarchie, en rhizome qui renvoie à la théorie philosophique de Gilles Deleuze et Félix Guattari.

Rhizomes de la réflexion et rhizomes de « La forêt » participent à cette stratégie de la pensée d’un artiste qui déclare ne pas produire des peintures mais des tableaux. Nous voilà revenus à ce tableau de la classe validé par la scénographie de l’exposition. Le visiteur se prête à cette mise en scène voulue par le peintre et la position d’écolier conforte sa disposition à appréhender ce déroulement de la pensée sur la tableau. Les grandes toiles sont autant de supports sur lesquels s’associent les idées, les hypothèses, les mots, les formes, les couleurs, cheminement  dans lequel «  les mots sont des déclencheurs d’images, et les images des déclencheurs de mots, sans aucune hiérarchie ni préséance des unes sur les autres« .

Lors de son exposition 2716,43795 m2 au Centre Régional d’Art Contemporain de Sète en 2015, Fabrice Hyber mettait en œuvre ce protocole à grande échelle. « Je fais toujours de la peinture, mais ce qui me porte dans la peinture, ce n’est pas le fait de faire de la peinture. C’est le comportement qui m’amène à en faire. Les glissements, les erreurs, les constructions.. »
Acceptez de retrouver le chemin de l’école en découvrant l’exposition de la Fondation Cartier. Le tableau de la classe n’est plus noir. Il n’est pas blanc non plus. Il est riche de tout ce qui relie la pensée au monde. Dans l’exposition du C.R.A.C de Sète une œuvre de 1998 portait comme titre « De fil en aiguille ». A vous de remonter le fil de cette histoire sans fin.

Fabrice Hyber La Vallée
Du 8 décembre 2022 au 30 avril 2023
Fondation Cartier pour l’art contemporain
261 boulevard Raspail
75014 Paris

Expositions

Monet – Mitchell : duo sur canopée

Étant depuis longtemps un inconditionnel de l’œuvre de Joan Mitchell, il est probable que le regard critique en soit quelque peu altéré. Cette précision étant donnée par honnêteté, la double exposition de la Fondation Louis Vuitton à Paris s’offre comme une exceptionnelle fulgurance dans ce parcours fait de passions artistiques comme de tourments personnels.

« Joan Mitchell rétrospective
 »

Première exposition , « Joan Mitchell rétrospective » retrace ce cheminement sur quarante années d’interrogation sur la peinture, se confrontant dès le début des années Cinquante aux militants de l’expressionnisme abstrait parmi lesquels figurent les noms de Franz Kline et Willem de Kooning. Assez rapidement Joan Mitchell affirme sa place de femme peintre comme en témoigne sa participation à la « Ninth street art exhibition » de 1951 à New York marquant les débuts formels de l’expressionnisme abstrait et le premier mouvement artistique américain d’influence internationale. Ce séisme provoquera un tsunami en Europe, au détriment de l’École de Paris déstabilisée dans sa domination du monde de l’art.

« Monet Mitchell »

Seconde exposition « Monet Mitchell » propose une juxtaposition des deux parcours à travers le temps qui confronte ces deux œuvres. Joan Mitchell a l’âge de un an quand décède Claude Monet. L’artiste américaine se rapproche de l’univers de Monet quand elle s’installe à Vétheuil dans le Val d’Oise en 1968 , occupant une demeure surplombant la maison où vécut Monet de 1878 à 1881. Monet avait trouvé à Vétheuil ce havre pour une paix de courte durée. Un an après leur arrivée à Vétheuil, sa femme meurt. Son bâteau-atelier devient alors son studio à plein temps.
Bien avant de s’installer à Vétheuil, Joan Mitchell déclarait au critique d’art américain Irving Sandeler dès 1957 « J’aime le Monet de la fin, mais pas celui des débuts ». La vie de Joan Mitchell, on le sait, connaîtra des turbulences dans sa relation avec le peintre Jean-Paul Riopelle. A Vétheuil ils vivent dans des locaux séparés.

A la Fondation Vuitton, la scénographie met en perspective les deux peintres. Au-delà l’impression visuelle chère à Monet, la notions de sensation bascule chez Joan Mitchell dans ce qui nous est décrit comme « un jeu de mémoires croisées ».

Fondation Vuitton : au premier plan Claude Monet,; au second plan Joan Mitchell

Mais s’il est bien question de paysage, de nature, de végétation, c’est un dépassement de cette nature par la peinture elle même, me semble-t-il, qui s’élève au-dessus de cette nature pour ne plus retenir que cette interrogation au-delà d’une représentation et accéder à cette sorte de Canopée abstraite
L’œuvre « Sans titre » de 1992 présenté chez Vuitton est très comparable à une autre toile « Sans titre » de 1992 pour laquelle lors de la vente chez Christie’s on pouvait lire :
« Peint en 1992 Sans titre est une explosion monumentale de couleurs qui compte parmi les dernières créations de Joan Mitchell. (…)Elle représente la fin éblouissante de sa vie et de son œuvre, sa surface étant animée par les joies viscérales du pigment. Sur un fond pâle, des rubans rouges, verts, bleus et jaunes se tordent et s’enchevêtrent en couches calligraphiques, évoquant la canopée d’un arbre. ».

Sans titre 1992 Joan Mitchell

Nous y sommes. A l’Orangerie plus encore que celles montrées chez Vuitton, les toiles de la fin de vie de Monet s »élèvent presque avec rage dans ce qui dépasse tout ce qui a été fait auparavant, recouvrant comme une Canopée abstraite l’ensemble de son œuvre. Assurément pour Joan Mitchell, en traversant la peinture, un Monet pouvait en cacher un autre.

Joan MITCHELL Rétrospective
MONET / MITCHELL
Du 5 Octobre 2022 au 27 Février 2023
Fondation Vuitton Paris

Expositions

Paris, l’art sans frontières

Quitter sont pays d’origine n’est pas un acte anodin. Les enjeux de la migration à Paris pour les artistes étrangers montrent combien les motivations peuvent à la fois trouver des origines diverses dans la décision du voyage et comparables pour les valeurs qui les attirent.

Paris et nulle part ailleurs

L’exposition Paris et nulle part ailleurs que présente le musée de l’histoire de l’immigration à Paris met en lumière cette diversité. Peut-on comparer l’arrivée en France de l’américaine Joan Mitchell rejoignant en France celui qui devient son compagnon , Jean Paul Riopelle et celle, chaotique, de la hongroise d’origine Judith Reigl ?
Cette dernière, après huit tentatives, réussit à quitter la Hongrie en mars 1950. Arrêtée en Autriche, dans la zone occupée par les Britanniques, elle est emprisonnée deux semaines dans un camp d’où elle s’enfuit. Après un voyage le plus souvent effectué à pied, en passant par Munich, Bruxelles et Lille, elle arrive à Paris le 25 juin 1950.
Au cours de l’été 1955 Joan Mitchell , pour sa part, se rend à Paris et se joint à une communauté d’artistes américains qui y vivent et y travaillent. C’est là qu’elle rencontre le canadien Jean-Paul Riopelle. Ils auront d’abord une relation à distance, elle continuant de vivre à New York, lui à Paris. Rapidement, ils emménagent ensemble dans la capitale Française.
On voit combien le mot d’émigration recouvre des histoires personnelles fort différentes, face à des réalités très contrastées. Organisé en quatre sections – l’exil, les échanges avec le pays d’accueil, la reconstitution de repères, un monde commun – le parcours de Paris et nulle part ailleurs propose un regard croisé entre art, histoire et sociologie de l’immigration.
Dès lors, la somme des œuvres présentées dans l’exposition pourrait sembler secondaire au regard de ce vécu migratoire. Pourtant, à l’évidence, c’est Paris qui détient la clef de ces mouvements. « De 1945 à 1970, aux côtés des Européens, des communau­tés de jeunes nord-américains, latino-américains, maghrébins, africains, moyen-orientaux, ex­trême-orientaux se créent, se renouvellent et facilitent la venue de nouveaux compatriotes. » Les salons et galeries d’avant-garde parisiens qui associent artistes français et non-français deviendront durablement cosmopolites grâce à ces mouvements en direction de Paris.

Joan Mitchell, A small garden, 1980. Paris, Centre Pompidou – Musée national d’art moderne – Centre de création industrielle.

Au regard de ce phénomène historique, la diversité artistique présentée dans l’exposition passe presque au second plan. De Soto à Cadéré, de Erro à Zao wouki, il faut chercher ce qui relie ces parcours si divers.
Très opportunément les documents photographiques présentés dans l’exposition témoignent de l’importance revêtue par les rencontres entre les artistes dans ces années cinquante puis soixante. Artistes de toutes origines et autochtones se réunissent régulièrement dans les ateliers, se retrouvent aussi vraisemblablement dans les cafés parisiens comme à l’époque effervescente des années 20 où Le Dôme puis la Coupole servent de point de ralliement pour Mondrian, Man Ray, Joséphine Baker et tant d’autres.
Plus tard, les artistes de l’exposition Mythologies quotidiennes réunis en juillet 1964 au restaurant Le Train bleu à Paris à l’occasion du vernissage, rassemblent dans une photo de groupe désormais historique l’espagnol Arroyo, l’allemand Klasen, l’américain Peter Saul, l’haïtien Télémaque, l’italien Récalcati, le suédois Fahlström, le suisse Tinguely, le portugais Bertholo, l’islandais Erro pour ne citer que quelques noms, autour de Rancillac, Monory notamment.
Si bien que choisir vint quatre noms parmi les centaines voire milliers d’artistes venus s’installer en France et plus particulièrement à Paris s’avère délicat. Il est vrai que Shirley Jaffe ou Sheila Hicks auraient mérité leur place dans l’exposition. Certains découvriront le peintre Sénégalais Iba N’Diaye trop peu présenté en France.
Paris et nulle part ailleurs nous parle d’une émigration source d’hybridation, de métissage, de dialogue, d’influences réciproques. Paris est devenu le centre de cette ébullition, animant les confrontations artistiques, parfois même les conflits. Comment la vie sur une frontière serait-elle autrement qu’agitée ? Paris sans frontières a symbolisé pendant plusieurs décennies cette idée de la liberté.

Photo de l’auteur

PARIS ET NULLE PART AILLEURS
MUSÉE NATIONAL DE L’HISTOIRE DE L’IMMIGRATION
Du 27 septembre 2022 au 22 janvier 2023
293, avenue Daumesnil – 75012 Paris

Commissaire de l’exposition : Jean Paul Ameline

Artistes présentés :

Shafic Abboud (Liban), Eduardo Arroyo (Espagne), André Cadere (Roumanie), Ahmed Cherkaoui (Maroc), Carlos Cruz-Diez (Vénézuela), Dado (Monténégro), Erró (Islande), Tetsumi Kudo (Japon), Wifredo Lam (Cuba), Julio Le Parc (Argentine), Milvia Maglione (Italie), Roberto Matta (Chili), Joan Mitchell (États-Unis), Véra Molnar (Hongrie), Iba N’Diaye (Sénégal), Alicia Penalba (Argentine), Judit Reigl (Hongrie), Antonio Seguí (Argentine), Jesús Rafael Soto (Vénézuela), Daniel Spoerri (Roumanie), Hervé Télémaque (Haïti), Victor Vasarely (Hongrie), Maria Helena Vieira da Silva (Portugal), Zao Wou-Ki (Chine).