Expositions

Contes d’été de la Maison Combas

« Meubles de circonstance, complètement déjantés »

Le domaine de Chamarande dans l’Esssonne aurait pu se prêter, pour Robert Combas, à une exposition de plus, une exposition comme les autres. C’était sans compter avec les conditions très particulières dans lesquelles l’artiste a investi ce vaste espace champêtre organisé autour d’un superbe château du dix-septième siècle et accompagné de bâtiments annexes eux aussi consacrés à l’exposition : l’Auditoire et l’Orangerie.

Combas Chamarande 2017

L’espace intérieur du château ne répond pas aux normes habituelles des espaces d’art contemporain mais Combas, rompu aux exercices les plus variés (notamment avec le Musée international d’Art modeste à Sète), disposait des ressources multiples de son œuvre pour marquer sa présence dans ce lieu.
Intitulée « Meubles de circonstance, complètement déjantés », l’exposition comprend deux cents pièces qui font basculer ce décor du dix-septième siècle dans un univers hors normes, hors du temps même si l’appartenance historique de l’artiste au mouvement de la Figuration libre nous replonge dans ces années quatre-vingt où ces « Sales gosses », ruant dans les brancards d’un enseignement des Beaux-arts art dominé à l’époque par les enseignants de Supports-Surfaces, se sont employés à inventer un art nourri des graffitis, des bandes dessinées, de la musique rock, etc..

Combas Chamarande 2017 in situ

« Maison Combas »

C’est peu de dire que Combas a trouvé son style, marqué son territoire avec un tracé qui n’appartient qu’à lui au risque de se rendre peut-être prisonnier volontaire de cette identité contraignante. Le mobilier créé par l’artiste n’échappe donc pas à cette signature Combas.  Déjà dans les années quatre vingt dix les premières pièces en bois apparaissent. Aujourd’hui, tables, chaises, fauteuils, vase, lampadaires, tapis de sol déclinent cette « Maison Combas ». Dans la grande salle du Salon blanc de Chamarande  les alignements de chaises construisent une singulière perspective,  contraste saisissant avec ce volume architectural habillé par les lambris blancs d’origine.
La bibliothèque du château offre ses vitrines à une collection d’objets qui n’est pas sans rappeler ce que montre le musée international d’art modeste de Sète, cabinet des curiosités où se côtoient souvenirs, témoignages de rencontres…
Il y a quelque chose qui relève de l’obsession boulimique d’un facteur Cheval ou d’autres « Singuliers de l’art » dans cette présentation. In situ, Combas a créé un dessin mural occupant tout un pan de l’aile droite du château. Si on y ajoute la performance des « Sans Pattes », orchestre qu’il cré en 2010, l’été de Chamarande fait le tour des passions d’un peintre, sculpteur, performeur insatiable, avide des sentiers buissonniers.
Pour que cette manifestation ne soit pas une exposition comme les autres Robert Combas y a réalisé une performance tout à fait inattendue : il s’y est marié avec sa compagne après trente années de vie commune. Point d’orgue d’une manifestation dans laquelle l’artiste a mis en place toutes les composantes de son univers plastique et culturel, cet ultime conte de la Maison Combas est à la mesure d’un artiste prêt à toutes les expériences susceptibles de conforter son irréductible besoin de se situer hors champ des règles et des protocoles.

Photos de l’auteur

« Pas droit » Robert Combas »
1 juin – 1 octobre 2017
Domaine de Chamarande

 

Ateliers

Mark Brusse, le Feu follet

Bien caché dans une arrière cours du onzième arrondissement à Paris, l’atelier de Mark Brusse pourrait donner le sentiment que là seulement, dans ce creuset secret, l’artiste, au centre de tout,  fait germer tous les signes créateurs de son œuvre. En dépit de cette apparente certitude, Mark Brusse a donné corps à son parcours artistique tout au long d’un itinéraire géographique, d’un périple presque sans fin.

L’atelier du dehors

Alors que pour d’autres artistes, on pourrait déterminer des périodes selon des thèmes abordés, des matériaux utilisés, des concepts définis, chez Mark Brusse ce sont les lieux à travers le monde qui organisent les périodes de son travail.
Ce Hollandais voyageur, à partir des années soixante, va pendant dix ans, de Paris à New-York, se consacrer principalement à la lithographie. Puis, au début des années soixante dix,  son séjour à Berlin  marque une thématique forte autour de la chaîne, du verrou, de l’échelle (« Rodden ladder »).
Il faudra attendre ses voyages en Asie, au début des années quatre vingt pour voir son univers changer radicalement, largement imprégné par les mythologies du Japon et de la Corée.Devant un tel besoin de confrontation au monde, quel est donc cet atelier dans lequel fait étape l’artiste ?  Au gré des années, cet atelier change, cédant parfois au besoin de rangement, alors qu’à d’autres, un désordre vraisemblablement organisé règne.

« J’ai toujours été séduit par l’idée d’être un étranger » convient Mark Brusse.

Qualifier l’artiste de nomade n’est peut-être pas suffisant pour cerner son attitude. Il me semble que Mark Brusse a toujours trouvé un malin plaisir à être étranger dans son art : étranger, dans les années soixante dix, aux courants dominants. Proche des nouveaux réalistes qu’il fréquentait, son expression en était cependant éloignée.  Etranger à Paris, il redécouvre, dans un marché au Puces parisien…. un sabot hollandais qu’il intègre alors dans ses sculptures, tout étonné par cet étrange objet de bois « un objet sensuel dans ses formes organiques, plastiquement affirmé comme un Brancusi ».

L’état des « choses »

L’atelier de Mark Brusse pourrait être alors une sorte de cache plus ou moins clandestine dans laquelle ses récoltes de « choses », comme il aime à le dire, provenant du monde entier, l’aident à construire des œuvres comparables à aucune autre, à poser des questions inédites. Ce décalage permanent a fait de Mark Brusse, me semble-t-il, un artiste toujours rebelle aux formatages, aux catégories, mais aussi aux familles et aux patries. Etranger peut-être mais « Un ciel ne change pas où les drapeaux changèrent » écrivait Aragon. Mark Brusse habite une patrie sans frontière, un pays sans état, un territoire sans contrainte, celui d’une recherche artistique libre, libératrice, nous obligeant à secouer nos habitudes, nos repères.

« Feu follet« 

Actuellement, au centre d’art contemporain d’Eysines, Mark Brusse présente l’exposition « Feu follet« . Défini comme « la Lumière apparaissant lors de la combustion spontanée de gaz qui se dégage des matières organiques en décomposition« , ce feu follet jaillirait-il dans cet atelier où se sont entassées  tant de récoltes hétéroclites provenant de ces pérégrinations d’un homme libre de toutes attaches ?

Photos de l’auteur.

Mark Brusse dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

 

Mark Brusse
Le Feu Follet

Du 25 septembre au 16 Décembre 2012
Domaine de Lescombes
198 avenue du Taillan
33320 Eysines

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Expositions

André Chabot : la dernière échappée

On sait que le tour de France cycliste est parti cette année de Belgique. A cette occasion un artiste Français a été sollicité pour une exposition d’un genre un peu particulier. André Chabot est connu pour une œuvre contemporaine totalement dédiée à la mort. Depuis quarante ans, cet artiste réalise des installation, objets sur ce thème obsessionnel. J’ai évoqué cette oeuvre dans un article précédent consacré à  André Chabot  dont j’avais découvert  en 1972  l’œuvre dans les jardins près des Champs Elysée à Paris : … un corbillard.

Tombe de cycliste Photo André Chabot

L’artiste est l’auteur de plusieurs ouvrages : « Le Petit Monde d’Outre-Tombe« , « Érotique du cimetière » (Prix de l’humour noir, 1991), « La mort et ses poètes« . Depuis, 2003, La Galerie Koma, à Mons, et la Maison de la Culture de Tournai ont édité dix ouvrages thématiques de photos de tombes prises par André Chabot : « Moustache de pierre« , « 100 anges passent« , « Chagrin de marbre« …

Par ailleurs l’artiste propose une oeuvre parallèle impressionnante : il poursuit à travers le monde une recherche documentaire sur les cimetières, les tombes et se trouve aujourd’hui à la tête de plus de 175.000 clichés de sépultures dans le monde entier.

L’échappée belle

La maison de la culture de Tournai présente ….  à la morgue du cimetière sud de Tournai, actualité oblige, une exposition de Chabot sur les tombes des cyclistes.

L’artiste parisien explique : «Il n’est pas rare de voir des tombes décorées de gravures, de sculptures représentant un métier, une passion. Le défunt est honoré pour ce qu’il fut, et pas uniquement en fonction de ses convictions philosophiques ou religieuses.»

Tombe de cycliste Belgrade Serbie Photo André Chabot

André Chabot propose une sélection d’une quinzaine de clichés. Parfois, il s’agit d’un enfant représenté sur son tricycle, d’un jeune homme à bicyclette. Il arrive qu’un champion bénéficie d’un hommage très ciblé. C’est le cas de Laurent Fignon, décédé peu après sa participation comme consultant à France Télévisions, en 2010.

L’oeuvre ultime

Ecrivain, artiste plasticien, photographe ethnologue, André Chabot prépare une ultime installation : son oeuvre post-mortem  qui lui ouvrira une audience pour l’éternité.

André Chabot dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photos André Chabot

Exposition Tombes de cyclistes  Photographies d’André Chabot
ouverte les 19 et 26 juin, le 3 juillet, les 7 et 21 aout, de 14h à 17h et sur demande 00 32 (0)497 708 565) au cimetière du Sud, chaussée de Willemeau, 125, Tournai. Belgique

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Expositions

Michel François « Pièces à conviction » (1)

Michel François C.R.A.C Sète 2012

La visite de l’exposition conçue par l’artiste Belge Michel François au Centre Régional d’Art Contemporain Languedoc-Roussillon de Sète m’est apparue comme une enquête sur une scène de crime pour laquelle il fallait porter un soin tout particulier afin de  ne négliger aucun élément significatif. Premier indice à notre disposition : le titre de l’exposition :  « Pièces à conviction ».  Soumis aux questions l’artiste s’explique :
« Le titre est ici déterminant, car il précède et inspire tout le développement de l’exposition du CRAC à Sète. Il part d’une série de photos que j’ai prise dans les sous-sols du palais de Justice de Bruxelles, où il y a une somme vertigineuse de pièces à conviction qui sont isolées, suspendues, entassées, numérotées, plus ou moins emballées et identifiées. En l’occurrence, j’ai photographié une suite d’objets contondants : masses, cannes, battes de baseball, etc. A partir de cette image, j’ai cherché à articuler ce qui dans mon corpus de travail pouvait faire écho à cette notion. Il m’intéressait particulièrement de corrompre des choses qui peuvent apparaître très formelles en les déplaçant vers le champ sémantique de la « pièce à conviction« . J’aime ce terme juridique et autoritaire, qui donne un statut extraordinaire à des objets a priori banals et inoffensifs. »

Sans mobile apparent

Pour décrypter ces pièces à convictions, prenons l’artiste au mot : Quel est le crime ? Qui est le suspect ? Le risque pour l’enquêteur pourrait être de se perdre dans le dédale de ces pièces à conviction. Car le suspect, en l’occurrence l’artiste Belge Michel François, a disposé, dans les différentes salles  du C.R.A.C.  de Sète, un certain nombre de pièces disparates sans mobile apparent. Il nous revient donc la tâche délicate de reconstituer les relations entre ces éléments, le déroulement de cette scène énigmatique, retrouver les mobiles de l’auteur de cette scène.

Cet pneu de Carterpillar disposé au centre d’un salle ?  « Au milieu, ce pneu massif, résistant, un peu pénible, est le support d’une tentative inachevée, un peu désespérée et désespérante d’allègement. » convient Michel François.

Michel François C.R.A.C Sète 2012

La  situation devient plus complexe si les pièces à conviction se détériorent au fil de notre enquête. L’artiste fournit un alibi :

Deux temps 2012 marbre noir, eau Michel François C.R.A.C Sète

« J’envisage souvent mes œuvres comme des traces de quelque chose qui a eu lieu, dans l’atelier ou en dehors. Mais cela m’intéresse que l’œuvre soit aussi un témoin immédiat, de ce qui a lieu au présent. Dans l’exposition, par exemple, il y a ce cube de glace, qui est au départ du même format que le cube en marbre noir qui est placé à côté. Mais il va fondre progressivement, jusqu’à n’être plus qu’une trace presque invisible, un indice. Il y a donc une certaine actualité, non pas du crime, mais de phénomènes auxquels on assiste en direct. »

A ce point de l’enquête, il apparaît que chacune de ces pièces à conviction n’a de signification que reliée aux autres, dans une sorte de rébus volontaire placé là pour rendre notre réflexion prisonnière d’un système souterrain. On a parlé, au sujet de Michel François, de système en « rhizomes ». Manifestement, il va nous falloir creuser pour faire apparaître ce réseau enfoui et démêler les fils de ce piège à conviction.
( A suivre)

 

Voyage à l’invitation du C.R.A.C de Sète

Photos courtesy C.R.A.C. Sète

 

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Expositions

Jean Clerté, « La contagion du rêve »

A la Villa Tamaris de La Seyne sur mer, le peintre Jean Clerté présente à partir du 22  juin son exposition « La contagion du rêve ».

Bois découpé 2008 Jean Clerté

A quatre-vingt deux ans, Jean Clerté témoigne du même besoin ludique qui animait ses travaux d’il y a quarante ans. Déjà le peintre aimait créer des objets à la frontière entre le jouet pour enfants et l’oeuvre d’art. Déjà sa peinture se jouait de la figuration réaliste pour aborder les rives d’un univers rêvé, proche de l’enfance. Car pour le peintre « l’image est une énigme et doit le rester, sinon elle devient une illustration .» Jean Clerté veut être dans son monde, qu’il soit petit ou grand mais le sien. Peintre, graveur et sculpteur, il débuta sa carrière artistique aux côtés de Pierre Alechinsky, mettant au point avec lui son travail gravé et le marouflage sur toile.
Dans son atelier exigu sous les toits de Paris, rue des Beaux-arts, l’artiste ne se satisfait pas pour autant d’un rêve enfantin. Pour les « grandes personnes », il peut devenir caustique, satirique.

« Hommage à Emile Reynaud » Jean Clerté 2010

Il y a deux ans, Jean Clerté acceptait, à ma demande, pour le besoin d’une exposition, de réaliser à nouveau un « moulin à dessins »  pour rendre hommage à Emile Reynaud, précurseur du cinématographe et inventeur du théâtre optique. Tendant la main un siècle après son invention à ce « conquérant de l’illusion », Jean Clerté  prolongeait cette quête du mouvement avec la même foi. Du théâtre optique d’ Emile Raynaud aux « moulins à dessins » de Jean Clerté, l’histoire de l’image fixe et animée reste au centre de cette magie. L’artiste, après un parcours de plus de soixante ans, après toutes ces années de peintures, dessins,  gravures, sculptures, n’est toujours pas guéri de cette « contagion du rêve« .

Photo moulin à dessins de l’auteur
Photo Bois découpé : Galerie Pascal Gabert

Jean Clerté dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Jean Clerté « La contagion du rêve »

Du 23-06-2012 au 09-09-2012
Lieu : Rez-de-jardin

Villa Tamaris
avenue Auguste-Plane
83500 La Seyne-sur-mer

 

Pour mémoire

Hommage à Jacques Carelman

L’artiste Jacques Carelman (1929-2012) est décédé le 28 mars dernier. Peintre, sculpteur, il s’était manifesté dans de nombreuses disciplines : décors et costumes de théâtre (Molière, Gogol, etc.), l’illustration de livres (Contes des mille et une nuits, romans et nouvelles de Dostoïevsky, Le Petit Supplément à l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, etc.).

Catalogue d’objets introuvables

"Enclume de voyage" Jacques Carelman

Mais, de façon presque injuste, c’est son Catalogue d’objets introuvables (1969) qui identifie son œuvre pour beaucoup de curieux. L’idée lui était venue en consultant un catalogue de la Manufacture d’Armes et Cycles de Saint-Etienne, qui détaillait des instruments, outils, objets et appareils de toutes sortes. Ce répertoire d’objets absurdes comme une cafetière pour masochistes dont le bec verseur est du côté de l’anse, le jeu d’échecs en mappemonde et c… est resté la plus célèbre de ses œuvres. Pourtant, il y aurait beaucoup d’autres créations à signaler à son sujet
Je garde, notamment le souvenir, lors de visites à son atelier parisien il y a de nombreuses années, de ses «Mécaniques pour Cyrano», ensemble de sculptures-machines inspirées par Les Empires et états de la Lune et du Soleil de Cyrano de Bergerac.
Il reste que ce Catalogue d’objets introuvables témoigne superbement de son goût de l’absurde.

Collège de Pataphysique

Serait-ce parce qu’il était né une semaine avec le krach de Wall Street que son regard sur le monde penchait volontiers vers ce côté absurde ? Devenu régent du Collège de Pataphysique et titulaire de la Chaire d’Hélicologie, Carelman répondait aux critères du fameux collège :
« 1/ Le vrai pataphysicien ne prend rien au sérieux, sauf la Pataphysique … qui consiste à ne rien prendre au sérieux.
2/ La Pataphysique consistant à ne rien prendre au sérieux, le vrai pataphysicien ne peut rien prendre au sérieux, même pas la ’Pataphysique. »

Oupeinpo

Il fut également membre re-fondateur de l’OuPeinPo (Oupeinpo, contraction d’ouvroir de peinture potentielle). S’il n’était pas étonnant de trouver , dans ce groupe Olivier O.Olivier ou Jack Vanarsky, j’ai toujours été intrigué d’y trouver le très sérieux Jean Dewasne.
« L’Oupeinpo diffère d’un laboratoire en ce sens qu’il n’est point un lieu de labeur ; d’une société savante, car l’avancement des sciences n’est pas son propos ; d’une secte, car on n’y suit aucune doctrine ; d’une école, car il ne comporte ni maîtres ni élèves.
Il n’a rien de commun avec une académie, un musée, une loge, un commissariat, un institut ou n’importe quelle sorte d’institution. Si l’on peut lui trouver quelque parenté avec un atelier, c’est dans la mesure où l’on s’y attelle effectivement à de nombreuses tâches. »

Jacques Carelman est resté un artiste toujours à côté de l’art de son temps, toujours en décalage, armé d’un caractère fort et doté d’un humour caustique toujours prêt à déstabiliser l’interlocuteur.

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Photo enclume: http://www.le-carnet-de-jimidi.com/pages/Les_objets_introuvables_de_jacques_Carelman-3491598.html

Portraits

Ib Braase, les moyens du bord

Né au Danemark en  1923, Ib Braase, dans le monde artistique, est classé parmi les sculpteurs. Soit. Il est exact que son œuvre en trois dimensions utilise des matériaux divers, produit des réalisations assimilables à des objets ou des installations.

Ib Braase

Il est vrai également que, jeune homme, il réalise son apprentissage dans la taillerie de pierre de son père. Il étudie aussi à l’Académie des Beaux arts de Copenhague.
Cela suffit-il à cerner la personnalité sous l’appellation de sculpteur ?
En 1949 se déroule la première exposition de l’artiste au Danemark. De 1954 à 1956 Ib Braase est membre du groupe danois « Den polychrome ». Il est ensuite membre du groupe « Gronningen » à Copenhague de 1966 à 1976. Puis, Ib Braase arrive en France où il vit en région parisienne. Depuis  ce temps, l’homme est resté discret, son œuvre également. D’une année sur l’autre, pendant une trentaine d’années, il était possible de découvrir une de ses œuvres dans le cadre du Salon de la Jeune Sculpture. Sculpteur donc ? Rien n’est moins sûr. Sa démarche, il la résume ainsi :

«  Cette recherche inconsciente, peut-être commencée à Copenhague, s’est réalisée ici. Rompre mon habitude de prendre une chose, d’expliquer une chose. Faire sans savoir le faire. Je prends du bois qu’on peut trouver dans n’importe quel magasin. Ce morceau fait une hauteur par rapport à moi. J’ai eu envie de le marier avec d’autres matériaux. Une plaque de tôle qui a été devant la cheminée pendant plusieurs années. Une relation sans le savoir. Un assemblage qui est une nécessité. »

Ib Brasse, avec cette coûteuse liberté qui consiste à n’en faire qu’à sa tête, poursuit, me semble-t-il, un projet mental dont le résultat matériel n’apparaît que comme  la trace déjà dépassée de ce processus. L’œuvre serait-elle alors dans ce seul moment suspendu où, dans sa façon d’appréhender le monde, l’artiste interroge tout ce qui l’entoure, avec les moyens du bord, pour comprendre lui-même le sens de sa réflexion ,  les raisons de sa présence sur terre ?

Exposition Ib Braase Copenhague 2009

Cette œuvre échappant à toute définition, met en scène ce moment singulier de la création, de la réflexion, indocile, inclassable, éphémère.
Ib Brasse serait-il sculpteur de l’éphémère ?

Photo Wikipédia

Ib Braase dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

 

 

 

 

 

 

Portraits

Daniel Nadaud, autopsie d’un monde

Parmi les artistes contemporains, un certain nombre sont des peintres repentis. Arrivés à un certain point de l’histoire de la peinture , ils ne se sont plus vus peindre. En 1982-1983, Daniel Nadaud trouve la peinture, la sienne, suspecte. Il prend la décision d’y échapper, de briser le châssis, de peindre sur d’autres horizons, et puis de ne plus peindre. Daniel Nadaud fait partie de ces artistes qui ont abordé ainsi des rivages inconnus, des territoires nouveaux dans la pratique artistique.

Daniel Nadaud

Malgré l’aspect violent d’une telle mutation, Daniel Nadaud , la voix calme, le ton discret, s’exprime sereinement sur cette rupture. Aucune véhémence dans ses propos ni dans son attitude. Cet homme tranquille, paisible, récolte autour de lui les traces dévaluées d’une activité laborieuse, les regarde à sa façon et nous donne à voir , à revoir ce réel déchu. Le sort des objets devient le centre de sa préoccupation. Plus qu’un détournement de l’objet, il s’agit là d’une seconde vie pour des objets arrachés à l’oubli. L’artiste est allé battre la campagne pour en rapporter quelques fourches inutiles, désoeuvrées. Il en a fait « La Gricole », montage iconoclaste de bois, de cornes, de cordes et de métal. Daniel Nadaud n’est pas un provocateur ; il veut nous donner à voir ce que nous ne regardions plus. Son constat sur la réalité campagnarde qu’il découvre en Mayenne est celui d’un monde en voie de disparition ou il voit des agriculteurs perdre de vue les valeurs de leur nature pour « aller de l’avant ».. D’où son besoin de reconstituer à sa manière ce monde en perdition. « Le débris m’intéresse beaucoup » affirme Daniel Nadaud . L’artiste se livre sous nos yeux à un état des lieux , à l’autopsie d’une vie, celle des objets abandonnés, vestiges d’une époque et d’une société. Daniel Nadaud fait le constat d’un monde en perdition.
Son œuvre, récoltant les restes de ce naufrage, voudrait-elle nous proposer le paradis perdu ?

Daniel Nadaud dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photo Wikipédia


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