Portraits

Peter Klasen, sous haute tension

De New York à Tokyo, en passant par Barcelone, Berlin, Peter Klasen a choisi de vivre à Paris depuis quarante-cinq ans. Mais son regard se porte sur un quotidien qui n’a pas de patrie, réalité mondialisée par la technique. Industrie, organisation sociale, publicité, médias : cette “Technique, ou enjeu du siècle” pour reprendre la formule de Jacques Ellul, détermine le monde dans lequel nous vivons. Peter Klasen, en 1978, indiquait : “Je tiens à ce que la perception de la réalité soit ‘’filtrée’’ par l’appareil photographique puisque, dans une société dominée par les médias, l’image s’est substituée, sous toutes ses formes, à l’expérience vécue, au réel”. L’appropriation de la photographie sous toutes ses formes et ses déclinaisons (affiches, photos de presse, magazines) participe à la constitution de ce vocabulaire plastique personnel du peintre.

Peter Klasen à l’aérographe années 70 Photo P. Poucet

À l’aide de l’aérographe, du collage ou du report peint de la photographie, Peter Klasen entreprend une analyse des images de notre société, un examen qui ressemble fort à une autopsie.
L’image publicitaire nous est renvoyée par le peintre sous la forme de cette perfection glacée d’où la vie est absente. La technique de l’aérographe contribue à jeter le trouble : entre photographie, peinture, où sommes-nous ? L’ambiguïté, l’équivoque gagnent du terrain sur notre vision chargée des acquis du quotidien. Au-delà de la forme, cet examen s’attache au contenu. Car l’image de notre époque réduit ce monde aux objets : cloisonnement visuel, cloisonnement technique, social, politique, enfermement..
Peter Klasen, là encore, se livre à un inventaire implacable : portes blindées, univers psychiatrique, mur de Berlin, sens interdit, univers carcéral. Alors qu’Erró entraîne les images du monde dans une comédie burlesque, Peter Klasen dispose, avec une distance glaçante, le résultat d’un examen clinique sans indulgence.
Dans cet univers, que reste-t-il de l’homme ? Un corps-objet. Roland Barthes désignait ce processus : “La photographie représente ce moment très subtil où, à vrai dire, je ne suis ni un sujet, ni un objet, mais plutôt un sujet qui se sent devenir objet : je vis alors une micro-expérience de la mort […] Je deviens vraiment spectre” ). Un corps, en permanence en danger de blessure, brûlure, douleur. Danger ! Voilà peut-être le maître mot de cette oeuvre implacable. Danger d’irradiation, danger d’explosion, danger de mort. Peter Klasen a fait de sa peinture une figuration sous haute tension.

Actuellement une rétrospective de l’oeuvre de Peter Klasen est présentée au couvent des Minimes à Perpignan jusqu’au 29 janvier 2012.

Peter Klasen dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Pour mémoire

Frédéric Benrath

En février 2007, le peintre Frédéric Benrath (1930-2007) est renversé dans la rue par un scooter. Après deux mois de coma, il décède le 17 avril. De son vrai nom Philippe Gérard, le jeune artiste, après des études aux Beaux-arts de Toulon puis de Paris, a besoin de trouver sa véritable voie, loin d’une figuration dans laquelle il ne se reconnaît pas. Lors d’un voyage en Allemagne à vingt trois ans, il découvre au sud de Düsseldorf le château de Benrath et décide de se débarrasser de « Gérard Philippe » en prenant le nom de Benrath. Il change par la même occasion de prénom, toujours sous l’infuence de la culture allemande . Deux figures de la culture allemande le touchent particulièrement : le philosophe Friedrich Nietzsche et le peintre Gaspard D. Friedrich. Ce sera donc désormais le peintre Frédéric Benrath.

Frédéric Benrath en 1995

Comme quelques autre peintres de sa génération, la rencontre avec le critique Julien Alvard sera déterminante. Benrah, avec notamment Duvillier, Laubiès et Lerin, bénéficiera de ce regroupement sous le terme de « Nuagisme », expression critique faite pour dénigrer et qui se retournera en qualificatif positif pour ces peintres.
Rencontrer Frédéric Benrath, c’était accepter de découvrir l’univers de cet artiste en prenant le temps de son écoute, comprendre que l’homme ne se livrerait pas immédiatement, toujours sur la réserve, voire sujet à une certaine timidité. L’itinéraire du peintre est jalonné d’amitiés solides comme celle du galeriste Karl Flinker qui l’avait exposé dès les années soixante ou encore celle de Jean-Noël Vuarnet dont la disparition tragique le touche profondément. C’est avec Vuarnet qu’un dialogue échange pour une exposition à la galerie Daniel Gervis s’intitulait « Une sorte d’euphorie qui suspend l’image» , belle définition de l’œuvre de ce peintre discret et fidèle à une recherche exigeante.

Photo Wikipédia

Frédéric Benrath dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain


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