Pour mémoire

James Pichette

Découvrir la création

Frère de Henri Pichette, poète et dramaturge, James Pichette (1920-1996) s’installe à Paris dans l’immédiat après-guerre. Sa vocation ne s’affirme pas immédiatement. Ce grand amateur de jazz hésite entre le cinéma et la peinture. A la fin des années quarante, il se partage entre peinture, théâtre,cinéma et se retrouve même acteur aux côtés de Fernandel en 1947. Bien qu’ayant déjà à cette date montré sa peinture dans de nombreux salons et autres expositions collectives, la première exposition qui lui est entièrement consacrée se déroule en 1949, à Paris. A ce moment la peinture de Pichette n’a pas encore trouvé sa véritable identité entre rigueur et gestuelle.
Comme il est également grand voyageur, il s’enrichit, au cours de ses voyages, notamment en Italie. Il obtient en 1952, une bourse d’étude et étudie à Amsterdam, s’attache à l’oeuvre de Mondrian. Pichette découvre l’Espagne, la Tunisie, l’Allemagne notamment. En 1960, il rencontre Sam Francis et Calder à New York.

James Pichette en 1996

Toujours en relation avec le spectacle, James Pichette réalise des décors scéniques et crée des costumes pour un montage poétique de son frère Henri Pichette puis, en 1961, pour le Bal des voleurs de J. Anouilh, et, en 1964, pour Marius de Pagnol.

Jazz et peinture

L’amateur de jazz qu’il était et l’homme de spectacle qu’il aurait pu devenir s’étaient retrouvés chez le peintre. Grâce à son ami peintre Jean Berthier, il décide de participer à une série de happenings et collabore alors à différentes expériences de jazz-peinture dont le premier festival de Free jazz qui se tient à Bobino en janvier 1967. Connaissant James Pichette depuis le début des années soixante dix, j’avais eu le privilège de le rencontrer tout au long de ces années dans son atelier de la place de la République à Paris. Cet homme affable savait garder distance et légèreté sur son travail de peintre tout en montrant sa capacité à s’engager pour les causes qui lui paraissaient justes.

Peinture murale de James Pichette à Vitry sur Seine en 1973

Sa peinture , à la recherche d’un équilibre entre gestuelle et rigueur géométrique, trouva dans le cercle un moyen de jouer et confronter les couleurs vives, franches qu’il affectionnait.
Au bout du compte, dans les trente dernières années de sa vie, James Pichette développa une peinture alliant la virtuosité de la peinture gestuelle à la rigueur du tracé hérité de l’abstraction géométrique. Avec, en permanence, un entrain joyeux et rieur, James Pichette se jouait des catégories et trouvait un malin à plaisir à ne pas se laisser enfermer dans l’une ou l’autre.

James Pichette dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photos Wikipédia et de l’auteur (Vitry) Tous droits réservés.


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Ateliers

L’atelier d’ Yvon Taillandier

Une vie peut en cacher une autre

Yvon Taillandier a occupé, chose assez rare, deux postes d’observation dans l’art : écrivain sur l’art et artiste. Après ses premières expériences de peintre dans les années 1950, Taillandier abandonne la peinture au profit de la littérature (critique d’art, histoire de l’art) et collabore pendant quatorze ans à la revue Connaissance des Arts et à la revue XXe siècle. Il occupe également la fonction de secrétaire du comité du Salon de Mai pendant quarante quatre ans. C’est dire la validité et la richesse de son regard sur l’art de son époque. Il voyage beaucoup (Japon, Hong Kong, Bangkok, Yougoslavie, Mexique, Népal). A Calcutta et à Cuba, Taillandier donne des conférences et des cours au titre de consultant de l’Unesco. Puis, dans les années soixante dix, le désir de peindre reprend le dessus.

« Le Taillandier-Land »

On sait bien que chaque artiste construit son propre monde. Chez Yvon Taillandier, il faut prendre cette qualité au premier degré. « Le Taillandier – Land » existe, je l’ai rencontré. Ses habitants n’ont pas vraiment le même nombre de bras, de jambes ou de têtes que les humains ; leur comportement, leur langage réservent des surprises. Heureusement le peintre a rédigé le dictionnaire du Taillandier-Land pour que l’on s’y retrouve.

Atelier parisien d’Yvon Taillandier de 1970 à 2010

Yvon Taillandier occupa, de 1970 à 2010, un atelier au numéro 8 de la rue de l’Agent Bailly. à Paris. Les volets de son atelier offraient des fresques entières dédiées au monde dont il a été le créateur sans que, pendant trente ans, selon les témoignages des habitants du quartier, aucun tag ne vienne brouiller ces images d’auteur.
Celui qui fut présenté, malgré la différence de génération, comme un des précurseurs de la Figuration libre, préfère donner à son travail l’appellation de « Figuration libératrice ».
Et si Yvon Taillandier s’efforce de se situer dans l’art de notre temps, il sait bien, par ailleurs, que dans l’univers du Taillandier-land, le peuple entier de ce monde là, depuis longtemps, l’a pris pour roi.

Yvon Taillandier dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Source photo : galerie de l’APACC


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Pour mémoire

Pol Bury, éloge de la lenteur

Du surréalisme à Cobra

Dans sa jeunesse, Pol Bury (1922-2005) fut un artiste engagé, turbulent. Membre du groupe surréaliste « Rupture » fondé par le poète wallon Achille Chavée en 1934, il adhère, comme de nombreux membres du groupe, à l’idéologie communiste et peint ses premiers tableaux surréalistes. Il rencontre ensuite Magritte et participe à l’exposition internationale du surréalisme en 1945. En 1947 il fait connaissance avec Christian Dotremont et Pierre Alechinsky, les fondateurs du groupe COBRA. Il prend part à ce mouvement de 1948 à 1951, d’une part en contribuant à la rédaction et l’illustration de la revue Cobra et d’autre part, en participant aux expositions du groupe. Les années passant, l’artiste n’avait rien perdu de sa turbulence, se livrant à quelques écrits polémistes tels que l’Art à bicyclette et la révolution à cheval (1972). C’est pourquoi, le rencontrant dans les années quatre vingt dix, je m’attendais à affronter un personnage corrosif, avec lequel il faudrait garder la distance pour éviter quelque coup de griffe. Au contraire, c’est un homme tranquille à la voix lente et au comportement apaisé que je découvre.

Pol Bury

L’art de la lenteur

Si Pol Bury est un artiste du mouvement, il est d’abord celui de la lenteur. L’art cinétique nous avait appris la vitesse, le rythme, le mouvement accéléré. Chez cet autre artiste du mouvement, c’est la lenteur et l’aléatoire qui prédominent.
Près de Mantes la jolie, dans sa grande propriété, Pol Bury présentait ses œuvres dans un espace imposant. Dans le parc, de nombreuses fontaines révélaient cet aspect plus récent de son travail. A côté des « Deux plateaux » de Daniel Buren au Palais Royal de Paris, les fontaines de Pol Bury témoignent de cette époque de l’art cinétique.
Toutes les oeuvres de Pol Bury vivent donc dans la lenteur, aussi bien pour les oeuvres en bois et en métal que pour les fontaines, finit par envelopper le spectateur et le plonge dans cette ambiance si particulière d’un « Jour de lenteur« .

Photo Wikipedia

Pol Bury dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain


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Alertes

« Vivre libre »

Un message récent sur le site de l’AICA (Association international des critiques d’art) m’amène à créer pour le billet de ce jour une catégorie absente sur ce blog : Alertes.

Projet de l'architecte Nicolas Michelin pour le ministère de la Défense à Paris

Le «Pentagone à la Française», futur siège du ministère de la Défense doit ouvrir ses portes en 2014 à Paris, dans le quartier Balard (XVe). Il s’étendra sur deux parcelles reliées par une passerelle , le tout sur une superficie totale de 16,5 hectares. On sait maintenant que ce Pentagone sera un hexagone créé par l’architecte Nicolas Michelin.
L’alerte de l’AICA vient de la commande passée à l’artiste Emmanuel Saulnier. A l’inverse des commandes artistiques venant après coup se greffer artificiellement sur un bâtiment, l’architecte et l’artiste se sont adonnés ensemble à un travail « renaissant » dans lequel l’œuvre de l’artiste est indissociable de la mise en œuvre de l’architecte. Ainsi Emmanuel Saulnier a-t-il imaginé pour ce hall une œuvre s’alliant tant avec l’espace architectural qu’avec l’esprit et le sens profond de la mission de Défense. D’une dimension de huit mètres sur quatre, l’oeuvre propose sur une paroi d’acier gris clair cent quatre-vingts tubes de verre. En dessous de ce voile transparent, les deux mots VIVRE LIBRE se découpent lumineusement, l’un au-dessus de l’autre.
Maquette du projet d'Emmanuel Saulnier pour le ministère de la défense à Paris

L’artiste s’explique :« Je retrouvais là, dans la forme du projet architectural, d’une façon puissante par sa perception,le souvenir des découpes montagneuses de la “forteresse naturelle des Glières”, là où, en 1994 j’avais conçu le Mémorial aux victimes civiles du nazisme de 1944 à Vassieux-en-Vercors. Sans doute est-ce pour cela que me revint alors la devise si inspirée des réseaux du massif des Glières ‘‘Vivre libre ou mourir’’ »
Selon un article du journaliste Bernard Genies (sur le site du Nouvel Observateur du 3 novembre dernier), le nouveau ministre de la défense aurait refusé ce slogan jugé « trop soixante-huitard ».
N’étant pas en mesure de recouper cette information, je la livre sous réserve de sa vérification. Ce coup d’arrêt au projet a donné lieu à une lettre ouverte au président de la République par une dizaine de personnalités (architectes, artistes, professeurs) au mois de juillet dernier( Marc Barani, Daniel Buren, Georges Didi Hubermann, François Morellet, Maurice Olendner, Roman Opalka, Rudy Ricciotti, Lionel Richard, Didier Sicard, Pierre Soulages. Un de ces artistes Roman Opalka est décédé depuis) pour défendre l’artiste censuré, indiquant notamment :
« Cette devise traverse notre histoire. Lancée de bouche en bouche sur le champ de bataille de Valmy en 1792 par les soldats de la Révolution, on la retrouve gravée sur le socle d’un monument élevé à la mémoire des morts de la guerre 1870-1871 à Annecy (la Savoie n’était alors française que depuis dix ans) puis reprise par les combattants savoyards du Plateau des Glières. Cette parole proclamée et ces combats menés, symbolisent une valeur fondamentale de la République, la LIBERTE. »
Le 1er mars 2011, deux jours après la nomination du nouveau ministre de la Défense, Gérard Longuet, Bruno Vieillefosse, délégué pour le regroupement des états-majors et services de la Défense, organise une réunion de présentation du projet VIVRE LIBRE aux différents généraux en charge du suivi de l’opération. A l’issue de la réunion et après la présentation d’Emmanuel Saulnier, en présence de Nicolas Michelin et du représentant de l’entreprise Bouygues, Bruno Vieillefosse conclut par ces mots : « Emmanuel Saulnier, vous nous avez tous convaincus. Il me reste à transmettre le dossier au Premier ministre et au Président de la République à qui revient le choix définitif ».
Pour autant, le projet apparaît toujours bloqué à ce jour.

Pour mémoire

Charles Semser

En 1949, avec une bourse d’études de peintre, Charles Semser arrive à Paris et s’y installe. Assez vite, après avoir exposé ses peintures à travers l’Europe avec le groupe COBRA, le peintre laisse la place au sculpteur. Semser se sépare peu à peu du tableau pour des travaux réalisés en ciment, puis expérimentant diverses techniques, il met au point un ciment coloré dans la masse qui lui servira à exécuter de nombreuses pièces monumentales en couleurs.
Sculptures en montagne
En 1973, le poète Jean- Pierre Lemesle l’invite au plateau d’Assy dans les Alpes pour participer avec de nombreux autres artistes à « Sculptures en montagne», itinéraires poétiques conçus par Lemesle jalonnés d’œuvres d’art.

La grande échelle Charles Semser Plateau d’Assy 1973

Je revois, sur la place centrale de Passy le corps du délit : de nombreuses caisses ouvertes puis vidées de leur contenu. Des corps démembrés, qu’il va falloir assembler pour monter cette « Grande échelle » qui fera quelque peu scandale dans le village.Charles Semser a conçu là encore une œuvre corrosive :

 » Une allégorie des Humains qui s’agressent et se poussent pour parvenir au sommet de la puissance,
Les deux branches de l’échelle sont formées par le couple noir qui supporte à bout de bras l’argent, acharné à défendre son sac d’or.
A gauche, le Sportif soutient la séductrice, Plus haut,
le Penseur au verbiage inutile sourit au spectacle alentour, malgré l’appel de la Mort penchée sur lui.
A droite, la petite fille s’accroche à sa mère.
La mère est tiraillée entre sa famille, son père et son couple, son homme image de la force et de la Foi; lié lui-même à l’Eglise, qui ne sait prêche que pour le Corbeau.
Au centre, le rêveur aux pieds en fleurs est dans l’incapacité de grimper : sa famille est repliée sur elle-même,
La mère accouche de son enfant et le père les rejoint en chutant de l’échelle
. »
Charles Semser

Le peintre Yvon Taillandier, alors critique d’art, le considérait comme étant le « Daumier actuel« , principalement à cause de son humour acide, son rire jaune et la lucidité face à la comédie humaine« ..

Charles Semser Salon de la jeune sculpture 1972

Avec un caractère affirmé, peu enclin à la mansuétude, Charles Semser se riait de tout, à charge pour nous d’en éviter les éclats.

Photo La grandé échelle Semser Site Passy
Photos 2 et 3 de l’auteur. Tous droits réservés

 

Charles Semser dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Pour mémoire

Marcel Van Thienen

Lors de la mort du sculpteur Alexandre Calder en 1976 une chaine de télévision française avait illustré la disparition de l’artiste avec des mobiles de … Marcel Van Thienen (1922-1998). C’est avec le sourire que Van Thienen, dans son atelier des Lilas, me racontait cette anecdote.
Avant de devenir l’artiste que l’on sait, Van Thienen connut un parcours singulier. A l’âge de sept ans, il apprend le violon à l’école normale de musique et au conservatoire russe à Paris. De 1945 à 1952, il exerce divers métiers (dépanneur radio, marchand forain, réalisateur d’émissions à la R.T.F. et c…) En 1954, il est nommé directeur du premier conservatoire national de musique haïtien. Revenu à Paris en 1957, il monte un studio de musique électronique et crée, en 1958, son premier mobile « Adagio ». Son œuvre de plasticien se développe alors dans cet univers des mobiles.

Cette oeuvre unique, très différente des mobiles de Calder, est présente dans de nombreux espaces publics. Je garde le souvenir, dans les années 1970, d’une sculpture en cours de montage à Reims. Dans un froid sibérien, en haut de sa nacelle pour surveiller la mise en place de son grand mobile, Van Thienen, dirigeait la manœuvre, stoïque malgré le froid coupant. Les mobiles de Van Thienen étaient parfois mis en mouvement par la seule force du vent mais bien souvent il s’agissait de mouvement complexes commandés ou aléatoires animés par la force de moteurs électriques.
A l’évidence l’œuvre de Van Thienen relève de l’art cinétique. Pour autant cet artiste n’est pas assimilé à l’histoire de ce mouvement en France où la domination d’un art lumino-cinétique a réuni des artistes relevant de cette préoccupation. Marcel Van Thienen est reste ainsi un artiste à la marge de ce mouvement, poursuivant en solitaire son œuvre, avec toujours en tête une recherche musicale parfois associée à l’œuvre plasticienne.

Lorsque plus tard en 1997, je retrouvai dans son atelier, Marcel Van Thienen, accablé par la disparition accidentelle de son épouse Lalan (première épouse de Zao wou ki ) sur une route de Bormes-les-Mimosas, l’artiste m’apparut cassé par le chagrin. Alors que son atelier regorgeait de mobiles animés, toujours vecteurs d’humour, l’artiste n’avait plus d’énergie au cœur de cet univers ludique. Il décéda en 1998.

Marcel Van Thienen dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photo de l’auteur. Tous droits réservés


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Médias

Agnès de ci de là Varda

« Vieille cinéaste, jeune plasticienne »

Se définissant comme une « vieille cinéaste, jeune plasticienne » Agnès Varda vient de présenter sur Arte une série de films « Agnès de ci de là Varda » tournés à travers le monde, sorte de déambulation à travers la création. Cette bouffée d’air que nous offre la cinéaste-plasticienne donne à ces documentaires impressionnistes une qualité remarquable : la capacité à aborder l’art du temps avec simplicité, fraicheur, envie de partager. Entre fiction et documentaires, Agnès Varda avait déjà, dans le passé, manifesté son intérêt pour la peinture, notamment avec «Murs, murs» sur les peintures murales d’ouvriers d’origine mexicaine à Los Angeles. C’est donc après soixante quinze ans que la cinéaste affirme sa vocation de plasticienne et présente ses installations dans différents centres d’art.

Les cabanes d’Agnès

Lors de la biennale de Lyon de 2009, elle proposait trois cabanes : La cabane aux portraits présente des habitants de Noirmoutier, 30 hommes sur un mur, 30 femmes qui leur font face, avec des paysages de l’île en fond. La cabane de cinéma dont les murs sont constitués de pellicules de films qui filtrent la lumière. La Cabane de plage comprend un assemblage photo-film-sable pour composer ce singulier regard sur la plage.

"La cabane de cinéma" Agnès Varda 2009 Biannale de Lyon

La cabane de cinéma est une nouvelle version de « La cabane de l’échec » présentée en 2006, en abandonnant la table de montage qui passait le film à l’envers, en transformant le négatif de l’échec en positif du cinéma.
Pourquoi « cabane de l’échec » ? Agnès Varda a utilisé la copie standard d’un film « Les créatures » interprêté par Michel Piccoli et Catherine Deneuve, échec commercial au moment où son compagnon Jacques Demy tourne « Les demoiselles de Rochefort ».
Cette cabane du cinéma a fait l’objet de réflexions poussées, de textes pointus. Je m’en tiendrai au regard de la cinéaste qui, très humblement, se dit que le film ne sera pas perdu pour tout le monde en l’érigeant en œuvre d’art et le faisant renaître de l’oubli par cette pirouette artistique.
A travers la série de films présentés ces derniers jours sur Arte, Varda revient sur la création de quelques artistes réputés, de Soulages à Boltanski notamment. Sans prétention ni déférence excessive, la cinéaste bavarde avec ces artistes davantage qu’elle ne les interroge et fait passer cette complicité bienveillante qui caractérise son approche des plasticiens.

Source photo: http://www.gqmagazine.fr/je-sors/cette-semaine-je-sors/diaporama/10eme-biennale-de-lyon/36/image/370

Portraits

Geneviève Asse, le secret de la lumière

Le bleu de Geneviève Asse

Parfois l’œuvre d’un peintre est associée définitivement à une couleur et devient la marque personnelle de l’artiste. C’est le cas avec le noir chez Soulages et c’est le cas avec le bleu chez Geneviève Asse. Rien à voir, certes avec le « bleu Klein ». Chez Geneviève Asse, la démarche est celle d’une recherche fondamentale, à l’image de son auteur : empreinte de rigueur, d’exigence voire de secret.
« Cette couleur est venue spontanément à moi, convient Geneviève Asse. Il y a toujours eu du bleu dans ma peinture, mais il a grandi à partir des années 1970. Il est venu me chercher, puis s’est graduellement répandu. D’abord ce fut des bleus de toutes sortes, ensuite un bleu différencié qui m’appartient vraiment, je crois. Petit à petit, j’ai trouvé mon bleu. J’avais utilisé des bleus foncés et des bleus très clairs avant d’arriver à ce bleu personnel, qui mélange des gris et d’autres bleus ».
Chez Geneviève Asse, aucun doute, l’œuvre est le reflet de la personne : rigoureuse, secrète, exigeante.
Ecouter et voir parler Geneviève Asse oblige à beaucoup de discrétion et de retenue face à une personnalité aussi discrète, calme, paisible. Sa vie personnelle n’a pas connu, pourtant, que le calme et la sérénité. En 1944, engagée dans les FFI, Geneviève Asse participe à la Libération de Paris, puis décide de s’enrôler dans la 1ère division blindée comme conductrice ambulancière.
Alors que jusqu’en 1952 son travail s’intéresse aux natures mortes où s’empilent bouteilles et boîtes, on observe peu à peu les formes se fondre dans la surface de la toile, tendant de plus en plus vers l’abstraction

Genevieve Asse

Les fenêtres

J’ai commencé par les murs. Après, j’ai été vers les fenêtres, j’ai regardé la transparence de ces fenêtres, j’ai ressenti le besoin d’aventure et de lumière“ dit-elle. C’est pourquoi dès 1960, les recherches de Geneviève Asse s’orientent vers l’espace et la lumière, libérant la toile de toute figure, pour privilégier la lumière et ses effets de transparences. La peinture se fond alors dans le vertige de la lumière notamment dans ses grandes toiles blanches comme le Triptyque Lumière (1970-71) .
Lorsqu’il est question de transparence, de couleur insaisissable, de spirituel mais pas de religion, de nuances, Geneviève Asse mesure son propos avec délicatesse, soupesant chaque expression. Vraisemblablement sans le savoir, Geneviève Asse me fit exactement la même réflexion qu’Aurélie Nemours, lorsque l’on est impliqué dans une œuvre aussi exigeante, voire intransigeante :
« Il faudrait peut-être deux ou trois vies … »

Photo: Wikipédia

Geneviève Asse dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain


Pour mémoire

Gilles Aillaud

Fils de l’architecte Émile Aillaud, le peintre Gilles Aillaud (1928 – 2005 ) est d’abord connu pour ses tableaux d’animaux en cages. Cette œuvre, assimilée à la Figuration narrative, résonne singulièrement au regard d’autres œuvres engagées frontalement dans les actions et les réflexions des années soixante.
S’en tenir à cette image du peintre d’animaux en cages, ce serait oublier un peu vite son implication dans le salon de la Jeune Peinture dont il fut le président, à une époque où l’effervescence de l’actualité dirigeait ce salon vers l’engagement politique après la guerre d’Algérie et pendant la guerre du Vietnam.
Ce serait également perdre de vue « Vivre et laisser mourir ou la fin tragique de Marcel Duchamps« , suite de peintures qui s’en prend à Marcel Duchamp et à la liberté illusoire qu’il représenterait selon eux. Cette œuvre collective en collaboration avec Eduardo Arroyo et Antonio Recalcati avait, en son temps, provoqué quelques remous.

Gilles Aillaud en 1995

Mais ses images sur les animaux en cages demeurent peut-être les plus obsédantes et nous interpellent encore. Assurément, le peintre a voulu nous sensibiliser autant à la scène d’enfermement qu’aux animaux eux-mêmes. Les scènes de zoo concernent des cages, mais aussi des piscines, grilles, verrières… Gilles Aillaud, lorsque je l’interrogeais sur ce travail, répondait avec un sourire que cela constituait un fait en soi qu’il n’ avait nul besoin de commenter. Son refus de s’expliquer à ce sujet laissait le questionneur sur sa faim, mais semblait l’amuser, comme s’il me disait « Débrouillez-vous! « .
Gilles Aillaud nous a quittés, mais, trente ans après, ces peintures d’animaux en captivité conservent une présence forte, presque gênante. Il semblait regretter que l’on identifie toujours son travail à cette thématique. La cage se serait-elle refermée par mégarde sur lui ?
Photo Wikipédi

Gilles Aillaud dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain


Expositions

Keith Haring, l’art en herbe

Le musée en Herbe, à Paris, s’adresse aux enfants. Tout y fait pour être à leur échelle, mettre à leur disposition les outils indispensables : craies, peinture… Entre messages codés et jeu de piste, le musée devient espace de jeux. Actuellement Keith Harting est à l’affiche du musée pour ses « Hiéroglyphes ».
Malgré toutes ces dispositions à l’attention des enfants, les adultes ne sont pas interdits de séjour dans ce lieu ludique, une façon d’aborder Keith Haring sous l’éclairage de cet «art en herbe» qui a surtout connu le macadam des rues de New-York, les murs de la ville, les couloirs du métro.
Tel Keith Haring, les visiteurs se promènent dans les rues de New-York des années 80, pour y découvrir les différentes facettes de l’œuvre de l’artiste : le mur peint de Houston Street, un des fameux dessins du métro, une exposition dans une galerie imaginaire, le Pop Shop, son alphabet secret, une voiture décorée durant les 24 heures du Mans. La visite s’achève par un voyage en remontant le temps pour retrouver l’Egypte ancienne et découvrir une véritable stèle et une statuette égyptienne placées en vis-à-vis d’un totem de Keith Haring.

Exposition Keiht Haring au musée en herbe à Paris

Haring utilise la craie blanche sur les panneaux publicitaire. Il repère un espace vide, le recouvre de papier kraft et dessine dessus rapidement, travaille de jour comme de nuit, fréquente Jean- Michel Basquiat, prend du LSD, participe à des expositions et des performances. Il fait du collage et du détournement d’affiches ou grave des dalles de trottoirs dans l’East Village.
Gageons que l’on n’attendra pas des enfants qu’ils copient in extenso la vie de Haring mais qu’ils puissent retrouver la liberté d’esprit d’un artiste qui n’a pas eu le temps de vieillir, vaincu par le sida à trente et un ans.
Depuis ces années créatives, le trait de Keith Haring est devenu célèbre, repérable parmi beaucoup d’autres et la créativité de l’artiste a donné naissance à une imagerie foisonnante sur tous les supports, appropriée à un merchandising florissant.

Exposition Keith Haring « Hiéroglyphes » au musée en herbe à Paris jusqu’au 01 mars 2012

Source photo : http://lookcoco.fr/a-laffiche/keith-haring-au-musee-en-herbe/