Il ne fait pas bon être un artiste inclassable. Alfred Courmes l’a vérifié tout au long de son itinéraire de peintre. Et c’est dans un circuit parallèle que sa rétrospective est présentée actuellement à l’Espace Niemeyer à Paris.
Désigné comme « peintre d’exception(S) » Courmes semble avoir déjoué toutes les tentatives d’association à des mouvements identifiés de l’art du vingtième siècle.

« Panique »
Avec sa figuration d’un réalisme irréaliste, son classicisme déjoué par le surréalisme, on voit bien que les « ismes » échouent les uns après les autres sur la grève de sa peinture. Courmes est reconnu comme précurseur d’une génération de jeunes peintres qui exposent avec lui à la Galerie Nationale du Grand Palais en 1972, dans l’exposition « 12 ans d’art contemporain » où il reçoit le prix « Panique » dans cette manifestation controversée par nombre d’artistes.
Une tentative de plus reste en mémoire, celle des « Mythologies quotidiennes » au musée d’art moderne de la ville de Paris en 1976 semble le rapprocher d’un mouvement qui se reconnaîtra dans cette exposition collective : la Figuration narrative. Peine perdue ! Courmes ne s’embarqua pas sur ce navire. Il faut donc rendre les armes et accepter l’idée de cette exception rebelle aux classifications.
« L’Ange du mauvais goût »
C’est pourtant à une étrange narration que se livrait le peintre d’un tableau à l’autre. Les titres déjà nous donnent une indication sur ses sources d’inspiration : « Saint-Sébastien à l’écluse Saint-Martin «, « Persée lui joue un air de flûte avant de la délivrer, Andromède « , « Le Cyclope n’avait qu’un œil mais c’était le bon ». Ce détournement des thèmes mythologiques lui valut parfois une volée de bois vert de la part de ceux qui le taxèrent de « L’Ange du mauvais goût ».
C’est à l’étranger, quand bien même il s’agit d’une commande l’état Français, que lui est offerte l’occasion de développer à grande échelle une œuvre majeure : la décoration murale de la salle à manger de l’ambassade de France à Ottawa au Canada en compagnie d’autres artistes : cent vingt mètres carrés peints à la cire dont le thème sera la France heureuse qui lui demandera deux ans de travail et se terminera la veille de la Seconde Guerre mondiale.


Après cette œuvre spectaculaire, le peintre retrouve à l’atelier le chemin de cette figuration en solitaire, à l’image de cet esquif traversant l’océan : «Le radeau de la Méduse», 1963 , thème repris plus tard avec «Le radeau de la petite Méduse aztèque», 1963/1987 . Une fois encore le peintre s’en prend aux classiques avec ce détournement du tableau de Théodore Géricault .
Ce radeau en perdition serait-elle la métaphore de cette figuration à la dérive qui caractérise l’œuvre du peintre ?
Décalé, insoumis, Alfred Courmes n’eut vraisemblablement cure de ses détracteurs et poursuivit son chemin sans se soucier des chiens qui aboient sur le bord de la route.
Les balles continueront à siffler à ses oreilles : «excentrique, bizarre, grinçant»…
Cette figure provocatrice n’était peut-être pas pour lui déplaire.
Alfred Courmes
La rétrospective
29 mars – 4 juin 2023
Espace Niemeyer
2 place du Colonel Fabien
75019 Paris