La Fondation du Doute
Déjà évoqué dans ce blog, le musée de l’Objet à Blois a fermé ses portes en 2011 et le lieu renaît aujourd’hui dans le projet de la Fondation du Doute. « Créer c’est douter et douter c’est créer » écrit Ben Vautier en frontispice de ce nouveau lieu de questionnement et de création qu’il installe à Blois. L’artiste annonce ainsi le projet :

« La Fondation du doute n’est pas que Fluxus, mais du Fluxus, du non-Fluxus, de l’Anti-Fluxus, de là Bas Fluxus et du Post-Fluxus. La Fondation du Doute, c’est du désordre qui change le monde. Il y aura un étage consacré à Fluxus et un étage consacré à tout ce qui est art vivant, doute, création, tout ce qui est dérangeant, vivant dont les racines contiennent du Duchamp et du John Cage. »
En 1962, Ben rencontre George Maciunas à Londres et découvre le groupe Fluxus qu’il décide de rejoindre. En 1963, a lieu un concert Fluxus à Nice créé par George Maciunas, en 1964 Ben rencontre George Brecht à New York. Ben diffuse alors les idées et l’esprit Fluxus en France et devient le défenseur d’un art d’attitude.

Le mur des mots
Déjà le site de Blois constituait un lieu privilégié dans lequel Ben avait installé un nid propre à faire naître ses projets. Sur la façade de l’école des Beaux-arts de Blois a été inauguré en 1995 le « Mur des mots » de Ben : 300 plaques émaillées fixées au mur de l’école d’art, constituent une rétrospective des célèbres tableaux-écritures de l’artiste, depuis les années 60. Déjà aussi l’ancien musée de l’ Objet présentait des collections lettristes (Isou, Sabatier, Poyet, Wolman), mouvement souvent invisible dans la plupart des musées français. De Ben aux Lettristes, de Jean-Jacques Lebel aux anciens membres du groupe Untel (Albinet, Cazal, Snyers) ou encore Jacques Halbert, la Fondation du Doute devrait permettre de revisiter la mouvance Fluxus.
On sait que le mot « Fluxus » (flux, courant) a été choisi en 1961, par George Maciunas pour désigner ce nouveau courant auquel il donne un manifeste, Manifesto, distribué au festival Fluxus de Dusseldorf en1963. À la fin des années 1950, de jeunes artistes influencés par les enseignements de Marcel Duchamp et de John Cage rejoignent le groupe rassemblé autour de Maciunas et de la galerie qu’il crée à New York en 1961. Expositions, happenings, concerts de John Cage, Dick Higgins ou La Monte Young animent ce lieu.

Certes depuis les années soixante marquées par l’esprit Fluxus Ben a parfois cédé aux sirènes du marchandising. Sur mes cahiers d’écolier, sur mes agendas et mes timbres, sur mes tee-shirts j’écris ton nom, Ben ! Mais l’artiste, bien qu’adoubé par les institutions (notamment en 2010, sa grande rétrospective «Ben, strip-tease intégral» au Musée d’art contemporain de Lyon), n’a rien perdu de sa capacité parfois épuisante à secouer le joug et à garder un oeil lucide sur l’art de son temps. L’intention affichée de Ben est d’éviter de créer un musée pour au contraire promouvoir un lieu d’agitation. Dans sa dernière lettre Ben écrit :
« Quand Blois et la Fondation me prennent la tête et que je me sens découragé Je me dis : stop Ben il suffit de voir clair La fondation c’est l’occasion rêvé de semer le doute en art le moment et l’endroit pour produire un autre son de cloche il faut faire de la Fondation et du Centre Mondial du Questionnement quelque chose de totalement différent et nouveau poser d’autres questions douter de tout Rappelle-toi le Bateau lavoir Rappelle-toi le Cabaret Voltaire »
Comme cocktail de la Fondation du doute, l’hôte prévoit : « 123 gouttes de Cage plus une cuillère de Duchamp plus une pincée de Zen, plus un verre de constructivistes polonais et russes, plus un grog, le tout secoué très fort et servi sans glace. » Pour agiter le shaker de la Fondation du Doute, Ben peut compter assurément sur les artistes invités, notamment les Lettristes. Sur ce point, je n’ai aucun doute.
Photo Fluxus et Sabatier : Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain
Photo Blois: de l’auteur
Inauguration de la Fondation du doute
vendredi 5 avril 2013
Fondation du Doute
rue de la Paix
Administration : 6 rue Franciade
41000 Blois
Ben Vautier dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain