C’est une exposition bien protégée dans un forteresse imprenable qui sera évoquée ici. Dans le nouvel immeuble du journal « Le Monde » à Paris, les privilégiés qui ont accès à cette citadelle peuvent découvrir les travaux de l’artiste Jean-Paul Albinet, ancien membre du groupe UNTEL, collectif d’artistes, créé en 1975.
Jean-Paul Albinet, Philippe Cazal et Alain Snyers ont développé, dans le courant de ces années soixante dix, une œuvre centrée sur «La vie quotidienne en milieu urbain».

« Le Monde et Moi »
Aujourd’hui, dans ce lieu mythique de la presse où l’esprit d’Hubert Beuve-Mery flotte au-dessus de son bureau conservé comme une relique, Jean-Paul Albinet a gardé, lui, l’esprit UNTEL. Son exposition « Le Monde et Moi », se présente comme une collection de quarante tableaux en diptyques. Elle repose sur un principe simple : conserver chaque année un exemplaire du Monde du 13 décembre, date de l’anniversaire de l’artiste, et l’associer à son actualité personnelle. Vingt et un de ces tableaux sont exposés au Café de la presse du « Monde ».
Les numéros du « Monde » précieusement collectionnés par l’artiste, fixent ces séquences de l’actualité qui nous renvoient à notre propre mémoire. Sans s’attarder sur la symbolique du 13, bénéfique ou maléfique, cette répétition à date fixe des numéros du « Monde » témoigne à la fois de la vocation poursuivie par un quotidien référence depuis 1944, celle de porter sur le monde une réflexion ouverte, non sectaire et de fixer des repères pour notre propre existence personnelle. C’est ce à quoi se livre Jean-Paul Albinet en posant en regard des exemplaires du « Monde » ce « et Moi », page blanche qui maintient une énigme sur la vie de l’artiste. Il nous reste alors à partir à la recherche de ce que l’artiste produisait à chaque période de ce 13 décembre. Curieusement cette page blanche mise en relation avec « Le Monde » m’a renvoyé personnellement à un autre blanc dans le quotidien, celui que Fred Forest avait réussi à faire accepter par le directeur de l’époque Jacques Fauvet. Cette singulière intervention dans « Le Monde » a commencé le 27 septembre 1970 pour s’achever le 12 janvier 1972. Durant plus de trois mois, Fred Forest a pu obtenir du journal un encart blanc de 14,5 cm x 10,2 cm, soit 150 cm2, offert à ses lecteurs comme surface de libre expression. Dans les jours qui suivirent, plus de neuf cents participations de lecteurs arrivèrent dans sa boîte à lettres. Là s’arrête la comparaison avec le travail de Jean-Paul Albinet mais la juxtaposition de l’écrit et du silence blanc de la page relie peut-être ces deux démarches à cinquante ans de distance.

337731
Cette page blanche du « et Moi » n’est pas vide pour autant. En bas de page figure un code barre qu’il faut décrire. Il signe le nom de l’artiste. En 1990, Jean-Paul Albinet a été un des premiers artistes à se faire réellement attribuer par Gencod son nom sous forme d’un code-barres à lecture optique et une identification numérique le 337731 pour signer ses œuvres.
« Le Monde » selon Albinet est aussi celui de tous ceux qui ont tourné, pendant de nombreuses années, les pages de ce quotidien toujours empreint de discrétion dans sa typographie et qui a longtemps attendu avant d’oser mettre une photographie sur sa première page. Jean-Paul Albinet signe numériquement son travail sur ce journal qui ne lui en tient pas rigueur en poursuivant son édition sur papier, papier sans lequel l’exposition n’existerait pas.
Exposition « Le Monde et Moi »
Jean-Paul Albinet
Jusqu’au 16 octobre 2021
« Le Monde »
67 avenue Pierre Mendès France
75013 Paris