
A propos de Roland Baladi, c’est une sculpture très singulière qui m’avait dans une premier temps alerté : l’artiste a sculpté en 1998 une « Sonorette » en marbre de Carrare, d’après un modèle de récepteur de télévision des années cinquante. Puis je découvre « The marbelous Cadillac 1985-2009″, somptueuse limousine américaine figée elle aussi dans le marbre de Carrare. Cette auto-immobile nous suggère un univers dont on ne sait pas s’il représente le vestige fossilisé d’une civilisation disparue ou l’annonciateur inquiétant d’un futur pétrifié.
Pour cet artiste qui s’est mesuré également à l’art vidéo, ce jeu de bascule entre différentes approches du réel n’en finit pas d’interpeller. L’artiste me donne à lire un écrit intitulé : « Tous les chemins mènent à l’unique objet de mon ressentiment ». Et l’aventure de Michael et Jello, à l’opposé des histoires immobiles que racontent ses sculptures, décrit l’errance de ce couple entre France et Etats-Unis. Pour ces deux étudiants d’art, elle parisienne, lui new-yorkais, ce cheminement entre l’Amérique et la France prend également l’allure d’une quête en direction des lieux de l’art, des galeries, centres d’art, portant témoignage sur la difficile approche pour les artistes de ces lieux convoités. Ce Road-trip, au style alerte, se nourrit des rencontres, des personnages croisés au gré de ce périple dans l’art vivant.

Au terme de cette lecture, c’est ce contraste qui interpelle : entre les sculptures figées dans le marbre de Carrare et la fébrilité permanente des personnages de ce premier roman, où trouver l’identité réelle de l’artiste ? A défaut de mener à Rome, tous les chemins de l’écrivain-artiste, de Carrare à Monterey, parcourent cette interrogation. Roland Baladi a créé le festival vidéo Bandits Mages, a exercé comme professeur à l’Ecole nationale des Beaux-arts de Bourges. Il faut se faire une raison : l’artiste semble avoir trouvé un malin plaisir à jouer sur cette ambiguïté. La sculpture, dans ce qu’elle a d’indestructible et la vidéo dans ce qu’elle montre d’éphémère, restent donc les composantes de son itinéraire. Et le roman témoigne de l’époque où ce chemin se cherche, où règne l’incertitude. Au bout du compte, il semble bien que le parcours est plus important que la destination, que les chemins de Roland Baladi mènent à lui-même.
Photo de l’artiste
« Tous les chemins mènent à l’unique objet de mon ressentiment »
Roland Baladi
Version brochée : 13 € – ISBN 9791069901360
226 pages – disponible en librairie en ligne