Il a fallu en 2010 une exposition importante à la Villa Tamaris « Lettrisme, vue d’ensemble sur quelques dépassements précis » pour infirmer le constat fait depuis de nombreuses années sur l’indifférence, l’oubli dans lesquels les artistes de ce mouvement important depuis la fin de la seconde guerre mondiale étaient confinés. C’est donc avec grand intérêt que l’on pouvait prendre connaissance récemment de l’annonce suivante :
« Le Passage de Retz organise du 10 mai au 17 juin 2012 une exposition intitulée Pensiez-vous (vraiment) voir une exposition ? Bientôt les Lettristes (1946-1977). Riche d’œuvres de toute nature, d’archives et de documents essentiels, mêlant peintures, dessins et objets, films et enregistrements, livres, revues et manuscrits parmi d’autres modes d’expression, cette exposition est la première étape d’une suite de projets, ambitionnant de dresser un état des lieux de l’action de ses différents membres fondateurs. Le choix s’est porté sur différentes périodes du mouvement, afin d’en montrer la vitalité créatrice qui ne s’est pas démentie, tant celle-ci apparait riche d’idées, d’œuvres fécondes et même, très vite, de nombreuses dissidences et ruptures – à commencer par celle de l’Internationale Lettriste »

Une grande exposition Lettriste à Paris ? Voilà bien de quoi attirer l’attention et l’intérêt. De plus, l’exposition est installée dans le cadre superbe d’un hôtel du dix septième siècle dans le Marais.
L’équipe des commissaires d’expositions Bernard Blistène et Frédéric Acquaviva assistés de Nicolas Liucci-Goutnikov a composé un accrochage véritablement muséal dont la richesse documentaire suppose de disposer d’un temps suffisant pour mettre à profit cette visite.
Il s’agit donc d’un cadrage historique (1946-1977) qui, des tous premiers écrits d’Isidore à Isou à l’apparition de la seconde génération des Lettristes autour de Roland Sabatier, Broutin, Caron, Poyet, Satié notamment, dresse un bilan de l’ambition Lettriste.
Car ambition il y a avec cette volonté de toucher à tous les domaines de la pensée : des arts plastiques à l’économie, de la politique à la littérature etc…Un objectif aussi total constitua un terrain non seulement de discussions mais aussi d’oppositions, de luttes, d’autant plus sévères que les protagonistes étaient plus proches.
C’est dire si le papier sous toutes ses formes occupe une place essentielle dans une exposition lettristes : livres, catalogues, revues, presse, tracts … La profusion d’écrits est la marque même de ce mouvement et l’exposition apporte un soin particulier dans la présentation de tous ces supports idéologiques.

L’ exposition n’ignore pas l’existence de l’Internationale situationniste au regard de l’International Lettriste. Entre Isou Guy Debord et les autres, rien ne fut simple.
Il faut donc bien noter la date de fin de cette exposition (17 juin 2012) et se rendre impérativement au passage de Retz pour profiter de cette possibilité si rare : le regroupement à la fois des œuvres (peintures, sculptures, films …) et des si nombreux textes dont les Lettristes raffolaient.