
Naître Guggenheim n’est pas anodin, naître au sein d’une famille de banquiers new-yorkais ne l’est pas non plus. C’est la vie et pour tout dire le destin de Peggy Guggenheim que retrace le remarquable documentaire présenté sur Arte. Marguerite Guggenheim est la fille de Benjamin Guggenheim et de Floretta Seligman, fille d’un riche banquier new-yorkais. Son oncle, Solomon R. Guggenheim, est le créateur de la Fondation Solomon R. Guggenheim. Pourtant Peggy n’est pas une riche héritière contrairement à ce que pourrait laisser croire cette histoire familiale. Il lui faudra attendre ses vingt et un ans pour entrer en possession de sa fortune à l’été 1919 après que ses oncles aient redressé les comptes et que le grand-père lui laisse un héritage.
La jeune femme ne semble pas, pour autant, véritablement bien dans sa peau. En 1920 elle décide de subir une intervention de chirurgie esthétique pour modifier son nez. L’opération est un échec et elle se retrouve avec un profil bien pire que le précédent. Dès 1920 elle achète un appartement à Paris et une villa près du Lavandou.
À Paris, elle se lie d’amitié avec Constantin Brâncuşi et surtout avec Marcel Duchamp qui lui apportera de précieux conseils pour la constitution de sa collection et pour ses futures expositions de sa galerie Guggenheim Jeune qu’elle ouvrira à Londres en 1938. Et si Peggy Guggenheim devient alors une collectionneuse éclairée en art moderne, elle collectionnera également les aventures amoureuses.
La collectionneuse
En 1928, à Saint-Tropez, elle rencontre John Holms écrivain alcoolique avec lequel elle part vivre à Londres. Deux ans plus tard, en 1936, elle rencontre un autre écrivain, Douglas Garman, qu’elle encourage à abandonner son activité de journaliste pour se consacrer à son œuvre. Elle se sépare rapidement de lui et fonde sa galerie d’art Guggenheim Jeune avec, pour conseillers principaux, Marcel Duchamp et Jean Cocteau. Grâce à eux, elle rencontre Jean Arp à qui elle achète une œuvre qui sera la première de sa collection. Elle exposera ensuite Jean Cocteau, Vassily Kandinsky.
Guggenheim Jeune devient une galerie reconnue pour laquelle Peggy doit d’ailleurs se battre. Notamment avec les douanes pour importer des sculptures de Jean Arp, Henry Moore, Alexander Calder, Brâncuşi, Antoine Pevsner. Elle expose ensuite Yves Tanguy, qui sera son amant, après une courte aventure avec Roland Penrose.

Pendant la « drôle de guerre » (1939-1940) , Peggy court d’atelier en atelier et cherche à acheter des oeuvres sur la base d’une liste préétablie d’artistes. Ainsi commence une des plus grandes collections d’œuvres d’art du XXe siècle, constituée par une jeune femme qui ignorait tout quelques années auparavant et qui est devenue une véritable experte. Lorsque la guerre éclate, le Louvre refuse d’accueillir les œuvres jugées trop modernes. C’est finalement dans un château près de Vichy que la collection sera entreposée dans une grange, sous des bottes de foin. Ensuite, et jusqu’à son retour aux États-Unis, c’est le musée de Grenoble qui va conserver et sauver sa collection jusqu’au printemps 1941. Finalement sous couvert d’« articles mobiliers », la collection partira aux Etats-Unis.
Ces quelques lignes qui retracent une vingtaine d’années de la vie de Peggy Guggenheim révèlent déjà la densité d’un parcours qui se poursuivra notamment avec la rencontre des artistes les plus importants, parmi lesquels Jackson Pollock jusqu’à son installation au palais Venier dei Leoni à Venise.
Le film décrit comment la jeune femme a acquis sa liberté parfois contre certains membres de sa famille et contre d’autres représentants d’institutions. Sa défense des femmes, également, s’est exprimée avec une exposition entièrement composée d’artistes femmes. Elles étaient trente et une. Son mari Marx Ernst la trompe avec l’une d’entre elles : Dorothéa Tanning . « J’aurais dû n’en exposer que 30. Ce fut mon erreur. » regrette -t-elle.
Du palais vénitien où elle se retire en 1947, elle continuera ses activités de mécène jusqu’à sa mort. Sa collection, qu’elle a rassemblée tout au long du XXe siècle pour quelque 40 000 dollars, vaut aujourd’hui des milliards.
Peggy Guggenheim, la collectionneuse
Documentaire de Lisa Immordino Vreeland (États-Unis, 2015, 1h32mn)
Diffusé le dimanche 24 Novembre 2019 et en replay pendant sept jours