La chaîne vidéo·Pour mémoire

Guy de Rougemont : itinéraire d’un dandy rigoureux

C’est un parcours dense et contrasté qui s’est achevé avec la mort de Guy de Rougemont (1935-2021) en août dernier. Le futur artiste compte parmi ses aïeuls le général baron Lejeune, le seul peintre de batailles sous Napoléon Ier. À seize ans, il passe avec sa famille une année à Washington D.C. où son père, officier, est nommé au Pentagone dans le cadre du Pacte Atlantique.
En 1965, Rougemont participe à la Biennale de Paris. Il retourne aux États-Unis et passe un an à New-York, entre 1965 et 1966 où fait connaissance avec Andy Warhol , Robert Indiana et Frank Stella. Ces rencontres avec les artistes américains et la découverte du Minimalisme vont le conduire à la peinture acrylique grand format.

De l’atelier populaire des Beaux-arts à l’Institut

En 1967, Rougemont participe au Salon de Mai à La Havane. Lorsque survient la turbulente année 1968 en France, le peintre importe la pratique de la sérigraphie à l’Atelier Populaire de l’École des Beaux-arts à Paris qui imprime un million d’affiches. Il rencontre cette même année les peintres Eduardo Arroyo, Gilles Aillaud, Francis Biras, Gérard Fromanger notamment. C’est le même artiste, impliqué dans le mouvement contestataire de mai 68 qui, trente plus tard, sera élu à l’Académie des Beaux-arts de Paris. C’est dire le contraste qui marque cet itinéraire d’un artiste qui n’a cessé d’explorer à la fois la peinture et sa confrontation avec l’art public.

Pour l’avoir rencontré dès le début des années soixante dix dans son atelier de la rue de quatre-fils à Paris, je garde le souvenir d’un homme affable, disponible, curieux, gardant toujours, à travers son discours, une distance salutaire et souriante avec le monde. Entre la rigueur structurée de sa peinture et son allure de dandy, Rougemont donnait à voir cette image d’homme libre sans véhémence.
S’il a beaucoup impliqué son travail dans le domaine des arts décoratifs, c’est dans la voie de l’art public que sa présence s’est affirmée avec force tout au long de son parcours. Et cet investissement concerne aussi bien les ensembles HLM comme à Vitry sur Seine en 1973 que le traitement du sol du Parvis Bellechasse devant le Musée d’Orsay.

« Environnement pour une autoroute  Autoioute de l’Est

Une modernité pour l’espace public

Dans la liste impressionnante de toutes les œuvres réalisées au sein de l’espace public, je garde personnellement un souvenir privilégié pour son « Environnement pour une autoroute » qui s’étend sur les bas-côtés d’une portion de trente km de l’Autoroute de l’Est en France. Sur ce segment d’autoroute, toute une séquence de sculptures polychromes de Guy de Rougemont rythme le paysage routier : des cylindres, des sphères, des cubes, des dalles géométriques qui entraînent les automobilistes dans une forme d’art cinétique, celle que produit le spectateur par son propre déplacement.
Les Villes Nouvelles sont devenues également un espace privilégié pour mettre en œuvre cet art contemporain public : Cergy-Pontoise (sculpture monumentale au Groupe Scolaire de Croix-Petit, créée en 1974), Marne-la-Vallée (tracé au sol de la gare du RER de Noisy-le-Grand-Mont d’Est, réalisé en 1976). En 1995 il réalise l’environnement du Foyer de la Grande Arche à La Défense à Paris. Il serait impossible d’évoquer en quelques lignes la foisonnante production de l’artiste dans cet espace public qui témoigne de la richesse de sa création.

Au-delà de la trace que laisse Guy de Rougemont dans la mémoire des amateurs d’art, c’est vraisemblablement cette présence au quotidien qui restera essentielle dans cette relation au monde.

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Benard Venet, du minimal au maximal

Article publié le 8 juin 2012

Dès le début de son activité, Bernar Venet se démarque des pratiques du moment. Les tas de charbons, les dessins de tubes industriels, les diagrammes mathématiques témoignent déjà de cette vivacité de chercheur. Art conceptuel, arrêt de la production, enseignement, écrits sur l’art, reprise de la production, angles et arcs, lignes indéterminées. On s’essouffle à vouloir suivre l’énergie créatrice de celui qui est devenu sculpteur.

New-York

C’est son ami Arman qui l’entraîne à New-York, convaincu qu’une carrière internationale passait par cette ouverture. Par solidarité avec son ami sculpteur qui avait abandonné le « d » d’Armand,  Venet lui aussi abandonne le  « d » de Bernard .
Les œuvres installées en milieu urbain se multiplient. Mais déjà, alors que cet aspect de son œuvre assure sa notoriété, Bernar Venet est reparti vers d’autres recherches.
Lors d’une rencontre, l’artiste m’exprimait la déception de s’être vu refuser un projet pour l’exposition des Champs de la Sculpture: il avait posé une ligne droite gigantesque, adossée à l’arc de Triomphe, ramenant avec humour le monument à une autre échelle.  Les champs de la sculpture l’accueillirent néanmoins avec d’autres œuvres du sculpteur, plus sagement installées dans un parc, comme si Bernar Venet pouvait rentrer dans le rang.

Le monumental

« Monument du 150e » Nice Benard Venet

Bernar Venet a besoin de porter des projets de plus en plus monumentaux.
A l’occasion du 150e anniversaire du rattachement à la France du comté de Nice qui appartenait jusqu’en 1860 au Piémont , il se voit confier la réalisation d’un monument. Baptisée « Monument du 150e », l’immense sculpture en acier de trente mètres de haut et qui pèse plus de 100 tonnes est alors érigée sur la promenade des Anglais. Les neufs arches obliques fixées sur un socle en acier et béton qui la composent et qui se rejoignent vers le ciel symbolisent l’union des neuf vallées du comté de Nice.
La course au monumental semble ne pas devoir s’arrêter. Bernar Venet reprend un projet déjà ancien : Baptisée Arc Majeur de 185,4°, cette oeuvre viendrait   envelopper l’A31. A priori à hauteur de l’aire de Thionville-Porte de France: « Il s’agit en réalité de deux arcs mais qui, virtuellement, n’en feraient qu’un, donnant ainsi l’illusion de passer sous l’autoroute. Le côté le plus haut culminerait à environ soixante mètres de haut, l’autre à environ vingt  mètres.» explique-t-il, le tout en acier Corten. »

Projet » Arc Majeur de 185,4° » image virtuelle B ernar Venet

Cette course à la monumentalité s’accompagne d’une course aux budgets, aux moyens techniques. Avec ses formes minimalistes, Bernar Venet  n’en a pas fini de  poursuivre cette quête du  monumental, pour rejoindre peut-être la lignée des bâtisseurs de pyramides, à la recherche d’une possible éternité.

Bernar Venet
L’Hypothèse de la gravité
1 juillet 2021 – 10 janvier 2022
Louvre-Lens
99 rue Paul Bert – 62300 Lens

Bernar Venet dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photo Nice source : http://www.20minutes.fr/nice/726655-si-statue-venet-demenageait

Photo Arc majeur  source :http://www.republicain-lorrain.fr/actualite/2012/06/06/a31-le-projet-fou-de-bernar-venet#jimage=DB971FC6-D13D-4325-B3D5-B3F6FD63BDC4

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Lydie Arickx : arborescences

Au château de Chambord s’ouvre une exposition consacrée à Lydie Arickx. Sous le titre « Arborescence » l’univers de Lydie Arickx se déploie à travers ses pratiques multiples qu’elle exerce depuis des années avec une facilité qui pourrait rendre envieux nombre d’autres artistes. « La fréquence des arborescences dans les oeuvres de Lydie Arickx dépasse le motif et ses associations symboliques : elle est la forme même de son travail, son dessin originel, sa matrice dont toutes les figures procèdent. La triade définitoire du mot, immédiatement, l’affirme : dessin / objet / organe. Elle dit cette oeuvre en perpétuelle transposition, en
sauts et saccades, qui épouse le flux vital, court après ses manifestations, embrasse toutes les branches en propulsant
les floraisons, engendrant les surgeons, explorant les diversions qu’elle produit, les partitions qui surgissent. »

Un article de 2012 dans ce blog évoquait l’itinéraire de l’artiste :

L’insoutenable légèreté de Lydie Arickx

Il est fréquent de décrire la longue marche des artistes pour tracer leur sillon après une recherche longue, hésitante, douloureuse parfois. Chez Lydie Arickx tout semble facile, aller de soi. Lydie Arickx peint comme elle respire, sans donner le sentiment de faire un effort sur elle même pour obtenir le résultat souhaite. Cette qualité innée pourrait agacer plus d’un peintre quand on sait ce que peut représenter comme difficulté, chez beaucoup d’entre eux, l’avancée sur le chemin de la création.

Puisque tout est facile, l’artiste s’exprime par tous moyens plastiques avec légèreté, exécutant une danse permanente entre peinture et sculpture . Cette grâce, cette progression dans l’art sur un chemin aussi limpide me semble contraster violemment avec l’expression de son art. Car l’œuvre de Lydie Arickx est faite de tensions, de luttes ; les corps expriment la douleur ; crucifixion, tauromachie, la torture et la mort sont présentes de manière lancinante dans ses tableaux. Les mots qui reviennent à son sujet dans les textes d’observateurs témoignent : « volcan, forces telluriques, corps de séisme, pléthore de vie, de mort, outrance». On pourrait multiplier les exemples qui renforcent l’impression de violence permanente exprimée par sa peinture.

Difficile aussi de ne pas s’étonner du contraste saisissant entre la vision de cette jeune femme souriante et le miroir tragique de son œuvre. À l’opposé d’un peintre tel que Christoforou dont l’allure et la voix sont à l’image d’une œuvre sombre et tragique, Lydie Arickx prendrait-elle un malin plaisir à opposer sa propre image à celle de sa peinture ?
 » Moi, j’ai un travail très primitif,dit-elle, presque rupestre, ce sont des messages et des significations qui ont trait à la vie quotidienne et à la douleur de l’homme. Ce qui m’intéresse c’est le psychisme de l’homme, c’est ce qu’il n’ arrive pas à assumer dans sa quotidienneté. Ma démarche est extrêmement simple, presque aussi simple qu’un dessin d’enfant« .
Voilà. Les autres artistes devront se faire une raison. Cette insolente facilité de Lydie Arickx continuera de s’affirmer jour après jour. Pour l’anecdote, elle déclarait en 2010 au quotidien « Sud-Ouest » :
« Ce matin, juste avant de partir, j’ai fait une sculpture en trois minutes, alors que le moteur de la voiture tournait. J’aimerais garder cette fraîcheur. »

LYDIE ARICKX, « ARBORESCENCES »

CHÂTEAU DE CHAMBORD
30 MAI – 17 OCTOBRE 2021

Lydie Arickx dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

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Gérard Garouste : peindre Kafka

Lorsque Gérard Garouste arrive à l’école des Beaux-arts, Buren et le groupe BMPT constituent le fer de lance de la recherche plastique. Garouste va découvrir Marcel Duchamp. Dans ce contexte, s’attacher à une « peinture d’Histoire », tant par ses thèmes que par sa forme, suppose une conviction forte et peut même passer pour une provocation. Loin de la table rase de Supports/surfaces, du point Zéro de BMPT. Garouste ouvre à nouveau les livres d’art, les livres d’histoire, redécouvre Goya. Cette position dans le champ artistique, le peintre l’assume.

Actuellement à la galerie Daniel Templon à Paris, sous le titre « Correspondances », Gérard Garouste part à la rencontre de Kafka en compagnie du philosophe Marc-Alain Ouaknin.

«Correspondances» est l’histoire de cette rencontre: celle de Gérard Garouste et de la littérature de Franz Kafka, mais aussi entre le peintre et un philosophe, Marc-Alain Ouaknin. « A travers une vingtaine de tableaux, Garouste propose une plongée jubilatoire et toute personnelle dans l’univers de Kafka. Certaines créatures semblent sorties de ses nouvelles,comme le «chat-agneau»et toute une collection d’écureuils et de martres. Mais l’esprit de Kafka est ailleurs. Il affleure dans la déformation des silhouettes et les paysages ambigus où réalisme et fantastique se côtoient avec naturel. Il transparaît dans la juxtaposition d’époques et de symboles dont la profusion laisse présager mille histoires et filiations secrètes ».

Gérard Garouste

Correspondances (Gérard Garouste – Marc-Alain Ouaknin)
25 mars – 19 juin 2021

Galerie Daniel Templon
Paris – Grenier Saint Lazare

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Christian Sorg : aux racines de l’art rupestre

Le peintre Claude Viallat affirmait : « Toute la peinture contemporaine est dans Lascaux et dans la préhistoire. »
Christian Sorg pourrait vraisemblablement s’approprier cette affirmation. Il appartient à la génération des artistes qui, notamment au sein du groupe Supports-Surfaces, se sont interrogés sur les éléments constitutifs de la peinture. Chez lui cette réflexion se fera de façon personnelle en créant en 1978 la revue « Documents sur » dont le conseiller artistique était l’écrivain Marcellin Pleynet..
« Christian Sorg a été partie prenante d’un moment très particulier de l’histoire de la peinture en France celui de la re-fondation de l’ abstraction par le retour aux constituants essentiels du tableau. Couvrir une surface par la couleur, la diviser pour y travailler l’espace, y inscrire une trace, il s’ y confronte comme les peintres de sa génération (notamment Supports/Surface), mais refuse tout système. »

Arcy, chemin des grottes 2020

Au début des années 90, depuis ses nombreux séjours en Aragon, une calligraphie picturale nouvelle s’impose à lui. En effet, il découvre et arpente l’environnement préservé des sierras, visite les sites préhistoriques du Levant, et ceux très proches de son atelier en Bourgogne à Arcy- sur-Cure. Christian Sorg a vu les grottes de Lascaux et du Pech Merle. En 2014 il présente dans la galerie du théâtre de Privas, lors de l’exposition « Les Artistes de la grotte Chauvet et les artistes contemporains« , à l’occasion de l’ouverture du fac-similé de la grotte Chauvet, « Mains inverses », une peinture proche des mains négatives préhistoriques ou des panneaux d’empreintes de la paume de la main avec de la terre rouge.
 » Je retiens la présence très forte qui vient des parois, car il n’y a pas de démonstration picturale par rapport à un sujet choisi. J’aime cette présence par rapport au temps qui passe, que ce soit cinq ou dix-huit mille ans. »

L’exposition actuelle à la galerie Dutko à Paris met en perspective cette recherche qui nous dit que, à l’échelle du temps terrestre, ce qui sépare le peintre de Lascaux et le peintre contemporain n’est qu’un bref moment.

« Je suis toujours au commencement de quelque chose où rien n’est jamais joué d’avance. » Christian Sorg

CHRISTIAN SORG
SURGISSEMENTS

20 février – 3 Avril 2021
Galerie Dutko – Ile Saint-Louis
4 rue de Bretonvilliers 
Paris 4e

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Vidéo-magazine N°33 : Claude Viallat « Sutures et varia »

L’actualité de Claude Viallat tient à sa participation à l’exposition collective « Supports/Surfaces » au Musée National d’Histoire et d’Art au Luxembourg ainsi qu’à son exposition personnel à la galerie Daniel Templon à Paris sous le titre « Sutures et varia ». C’est l’occasion d’entendre à nouveau le témoignage de l’artiste sur son attachement à une forme simple qui lui permet d’explorer la peinture.

«Toute la peinture contemporaine est dans Lascaux et dans la préhistoire. Je pense qu’on n’a rien inventé. Tout était là. Depuis, on a fait que parfaire des techniques.» Claude Viallat


La forme Viallat

La forme Viallat, résultat d’un «accident technique » en atelier, fruit du hasard selon le témoignage du peintre, ne  résume pas son œuvre. Claude Viallat sait raconter mieux que personne avec une simplicité confondante sa relation  à l’art des origines. Lors de la première utilisation de cette forme venue d’une éponge altérée par la peinture, l’artiste pensait l’utiliser quelques semaines. 

Lorsque le groupe Supports-Surfaces revendiquait comme projet  » L’objet de la peinture, c’est la peinture elle-même.  » cette préoccupation hantait déjà le jeune Viallat. Son oeuvre n’a eu de cesse de soumettre cette question à tous les possibles sans autre  considération iconographique!

Galerie Daniel Templon
Claude Viallat

Sutures et Varia
30 Janvier – 20 Mars 2021
Paris – Grenier Saint Lazare

Supports/Surfaces: Viallat & Saytour
Peinture française moderne du MNHA
22 Décembre 2020 – 29 Août 2021
Musée national d’histoire et d’art
Marché-aux-Poissons
L-2345 Luxembourg
Luxembourg


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Mémoires d’expositions : « Annoncez la couleur! » au château de Vascoeuil en 2017

Après Orléans, Perpignan et Agen, l’exposition « Annoncez la couleur ! » est accueillie au château de Vascoeuil en 2017. L’oeuvre de Gérard Fromanger bénéficie à Vascoeuil d’un cadre somptueux pour développer plusieurs grandes séries de son oeuvre. Le Château est aujourd’hui un centre d’art renommé qui présente d’importantes expositions de peintures et de sculpture. Le site, classé et inscrit, comporte un magnifique colombier du XVIIe siècle avec son système d’échelle tournante entouré de jardins et parc de sculptures, avec, en permanence, plus d’une cinquantaine d’oeuvres d’artistes modernes et contemporains. Par ailleurs un musée est consacré dans une dépendance du XVIIIe siècle à l’historien Jules Michelet (1798-1974) qui séjourna à Vascoeuil et y écrivit de longues années.

« Je me suis toujours demandé ce qui était à l’origine de la quadrichromie, technique avec laquelle j’ai fait plusieurs séries de peinture. Avant la quadrichromie, il y a eu la trichromie utilisée par le fameux Ducos du Hauron. Avec un nom pareil, on ne peut pas l’oublier. Avec sa physionomie que l’on découvre dans les photographies noir et blanc de l’époque, ça m’a donné envie de faire son portrait avec l’idée de trichromie.
Cela peut être quoi la constante d’un peintre ? Pour certains ce sera la matière, pour d’autres la forme, pour d’autres encore l’environnement. Pour ma part, l’idée c’était d’expérimenter la couleur et la couleur est devenue ma constante. Je suis davantage un homme de la lumière que de la nuit et sans lumière, il n’y a pas de couleur. La couleur est devenue ma constante dans la lumière.
Alors l’idée de Ducos du Hauron, avec sa méthode d’extraction et de reproduction de la couleur, va me servir pour inventer une nouvelle vision de la quadrichromie. Par exemple, dans la série des Quadrichromies, si je bouge un peu la reproduction techniquement parfaite, impeccable, des trois couleurs primaires et du noir, ah ! il se passe quelque chose, je donne une autre image du réel.
Plus tard, j’apprends, je ne sais pas par quel hasard, que l’arc-en-ciel s’appelle également « l’écharpe d’Iris ». J’apprends, en effet, que Zeus avait, entre autres amoureuses, une certaine Iris.
Tout d’un coup : Iris, l’irisation, l’oeil, cela m’intéresse beaucoup. Je vais un peu plus loin et j’apprends qu’Iris après avoir passé une nuit d’amour avec Zeus, celui-ci l’envoie sur la terre avec une écharpe pour déposer les rayons de couleur sur la terre pour faire se lever la lumière.
Dans tous les tableaux de la Série noire , il y a l’arc-en-ciel 3 avec des morceaux de couleur déposés par Iris sur un petit bout d’arrêt d’autobus, un petit bout de trottoir, un petit morceau de kiosque à journaux, une roue de bagnole, sur n’importe quoi qui fait mon univers quand je marche dans le monde. Donc dans la « Série noire », ce n’est pas seulement le bicolore d’un monde mafieux, ce sont
toutes les couleurs pour rendre possible la vie dans le polar.
 » Gérard Fromanger


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Mémoires d’expositions : « Annoncez la couleur ! » aux Jacobins à Agen 2016

Quand l’exposition « Annoncez la couleur ! » avec Gérard Fromanger est présentée dans la Collégiale des Jacobins à Agen en 2016, elle se trouve particulièrement légitime pour se situer dans la ville où naquit et mourut Louis Ducos du hauron , inventeur de la photographie couleur en trichromie.
En 1868, après dix années de recherches, Ducos du Hauron met au point le procédé de trichromie et invente ainsi la photographie couleur.
Originaire de la région d’Agen, il s’était tourné vers l’étude des couleurs et de la lumière par passion pour la peinture. Son exposition de photos à l’exposition universelle de Paris en 1878 lui valu un grand succès. La première photographie couleur, prise à Agen, reposait sur le principe de Maxwell de décomposition de la lumière par les trois couleurs fondamentales que sont le rouge, le vert et le bleu.

Sa jeunesse dans le Sud-Ouest
Photo d’Agen par Louis Ducos du Hauron 1877

Les travaux de Louis Ducos du Hauron ne s’arrêtent pas à cette invention. Après l’héliochromie, il s’attèle à des recherches optiques en particulier sur l’anamorphose. Le procédé qu’il met au point est toujours appliqué dans les observatoires astronomiques. Il se lance dans des recherches qui aboutiront également à l’invention du cinéma.En 1874, il dépose le brevet du mélanochromoscope, appareil photographique à objectif unique permettent, via deux miroirs semi-transparents, un miroir normal et trois filtres colorés, d’impressionner sur une seule plaque trois vues de 35 x35 mm, correspondant à chaque couleur primaire. Le même appareil permet de visualiser une image en couleurs à partir de plaques positives.
L’exposition de l’oeuvre de Fromanger, mise en perspective avec l’invention patrimoniale de Ducos du Hauron, décrit la stratégie de la couleur du peintre sur un demi-siècle.

Jaune,paysage Paris-Bastille 1993 1994

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Mémoires d’expositions : Annoncez la couleur ! à ACMCM Perpignan 2014

« A cent mètres du centre du monde »

La rubrique « Mémoires d’expositions » du vidéo-magazine des Chroniques du chapeau noir propose de revenir sur celle consacrée à Gérard Fromanger : « Annoncez la couleur ! » à Perpignan en 2014 à « A cent mètres du centre du monde », premier grand déploiement de cette exposition sur 1400 M2.
Après la première exposition à la galerie Le Garage à Orléans en 2009, cette exposition va pouvoir bénéficier à Perpignan d’un espace exceptionnel à « A cent mètres du centre du monde. »
L’exposition « Annoncez la couleur !  » met l’œuvre de Fromanger en perspective avec Louis Ducos du Hauron, inventeur de la photographie couleur en trichromie, si méconnu et si déterminant dans l’aventure de notre image contemporaine. La première photographie couleur, prise à Agen en 1877, reposait sur le principe de Maxwell de décomposition de la lumière par les trois couleurs/lumières primaires : rouge, vert,  bleu.  Il réalisa trois photographies d’un même sujet au travers de filtres de verre colorés successivement en rouge, bleu et vert qui laissaient passer seulement les radiations de sa couleur, interceptant toutes les autres. En superposant enfin les trois épreuves, il obtint la restitution des couleurs. Le procédé de trichromie était né. Ce procédé résumé ici en quelques mots était le fruit de longues recherches et d’essais aux résultats souvent infructueux.
Gérard Fromanger parcourt en sens inverse le chemin de Louis Ducos du Hauron,  en décomposant cette trichromie photographique pour mettre en scène les couleurs.

Annoncez la couleur ! à  » A cent mètres du centre du monde  » à Perpignan

 » La trajectoire qui mène de la photographie au tableau« 

Dans « La peinture photogénique« , Michel Foucault écrit au sujet des peintres de la Figuration narrative: « Ce qu’ils ont produit au terme de leur travail, ce n’est pas un tableau construit à partir d’une photographie, ni une photographie maquillée en tableau, mais une image saisie dans la trajectoire qui la mène de la photographie au tableau ».

C’est cette trajectoire que l’exposition ambitionne de révéler dans cette relation  à la couleur, avec cette mise en perspective Fromanger/Ducos du Hauron.
Le cheminement de Gérard Fromanger se poursuit ainsi dans cette quête, associée à un mouvement artistique qui a connu bien des turbulences. La Figuration narrative n’est pas un long fleuve tranquille. Elle a été agitée souvent par les susceptibilités, les oppositions internes. Le critique d’art Jean-Luc Chalumeau écrivait : « Nous assistons à un phénomène comparable à celui qui fit d’Andy Warhol, arrivé sur la scène artistique après Lichtenstein et quelques autres, l’incarnation même du Pop art.  Voilà que l’Histoire est en train de désigner Gérard Fromanger comme le représentant emblématique de la Figuration narrative(…) ».

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Mémoires d’expositions : la mémoire du geste au musée Rétif à Vence en 2010

En ces temps de diète pour l’actualité artistique réduite au silence, le vidéo-magazine des Chroniques du chapeau noir inaugure une nouvelle rubrique : « Mémoires d’expositions« .
Pour ouvrir cette rubrique, le vidéo-magazine N°24 présente « La mémoire du geste » , exposition présentée au Musée Rétif à Vence en 2010. Les œuvres de Gérard Guyomard, Gérard Le Cloarec et Vladimir Velickovic illustrent, avec en perspective patrimoniale les travaux d’Etienne-Jules Marey sur le mouvement, ce moment impalpable où l’imaqe fixe devient image animée.

Vladimir Velickovic

Pour avoir eu le privilège d’exposer Vladimir Velickovic dans « La mémoire du geste », je garde le souvenir de ces impressionnants triptyques et quadriptyques qui conjuguaient le geste contemporain du peintre et la relation patrimoniale avec les pionniers de l’image animée. D’Eadweard Muybride à Etienne-Jules Marey pour lequel avait accédé à ma demande de rendre hommage dans une création originale, Vélikcovic poursuivait inlassablement cette course sans fin, des chiens aux humains, pour mieux mettre en scène ce qui devait bien nous ramener à la peur de cette « Course à la mort » écrivait Jean-Luc Chalumeau.

Vladimir Velkickovic série de triptyques et quadriptyques au Musée Rétif à Vence en 2010

Gérard Guyomard

Chez Gérard Guyomard, peinture et photographie font, depuis de nombreuses années, cause commune. Dans les années soixante-dix, alors qu’il observe un jour l’entrée du métro Télégraphe à Paris, Guyomard est frappé par l’éphémère passage des vagues d’usagers à l’arrivée de chaque rame. Si l’outil photographique lui sert à capter le flot des voyageurs, c’est bien pour engager le travail du peintre sur une nouvelle voie : les superpositions.

Madonna Gérard Guyomard

Reprenant sur la toile, à partir de ses photos, les silhouettes fugitives de ces passants déjà oubliés, il superpose sur son dessin tous ces fantômes et ne supprime rien. Ce qui, pour des gens d’images photographiques ou cinématographiques, s’appellerait rémanence devient pour le peintre le moyen de donner à sa peinture l’épaisseur de la mémoire et le souvenir du mouvement. Le peintre fixe sur le plan du tableau cette persistance rétinienne, miracle physiologique et mental à l’origine d’une illusion magique : la perception du mouvement.
Curieusement sa figuration devient au gré de la complexité des superpositions de plus en plus…abstraite. « Trodinfotulinfo » titre-t-il malicieusement.
Il est facile d’identifier Gérard Guyomard où qu’il soit par son rire sonore, ponctuation permanante de son discours. Prenant toujours une distance apparente avec le sérieux d’un commentaire, ce tenant de la figuration narrative lance « Je me narre…! ».

Gérard Le Cloarec

Avec les moyens de la peinture, Gérard Le Cloarec participe à l’invention de cet espace contemporain qui intègre les acquis de son époque : la photographie, le cinématographe et la télévision. De l’émulsion du photographe aux pixels de la télévision, le peintre se joue de ces composants pour mieux nous montrer que la peinture reste son médium privilégié. Curieusement, cette modernité s’est trouvée confrontée, après des années de peinture, à ce qui pourrait être considéré comme une grande tradition : le portrait. Bien sûr, cette description serait trop réductrice pour décrire le projet de Gérard Le Cloarec.

Balistique Gérard Le Cloarec

Quand il est question de portrait, il faut entendre, sous cette figuration prétexte, l’investissement du tableau par la mémoire de ce nous évoquions au début : le peintre, habité par l’image photographique, l’image animée, l’image électronique, nous propose un portrait mental de son modèle. Pierre Restany évoquait, au sujet de Gérard Le Cloarec « les pixels en folie » .