« Fred Forest, l’homme média N°1 »
Après avoir été peintre et dessinateur de presse aux journaux » Combat » et » Les Echos « , l’ancien contrôleur des postes et des télécommunications se consacre à des recherches relevant des nouveaux médias technologiques. Pionnier de l’art vidéo autour de 1968, il est le premier artiste à créer en France, à cette époque, des » environnement interactifs « . Fred Forest innove encore en pionnier en concevant différentes formes » d’expériences de presse » de portée symbolique et critique. On se souvient de son » espace blanc » dans le journal » Le Monde » en 1972 et de sa mémorable opération médiatique du mètre carré artistique…En 1973 il réalise plusieurs actions spectaculaires dans le cadre de la Biennale de Sao-Paulo qui lui valent le Prix de la communication et…son arrestation par le régime militaire. Dans sa pratique artistique, toujours en pionnier, il utilise: le téléphone, la vidéo, la radio, la télé, le câble, l’ordinateur, les journaux lumineux à diodes électroniques, la robotique, les réseaux télématiques…En ce qui concerne les réseaux il sera encore là, le tout premier, avec le réseau expérimental de Vélizy.
Pierre Restany écrivait à son sujet :
« Fred Forest pose un problème et il est exemplaire. Il est certainement l’artiste qui a su pressentir (…) l’importance de la communication, non pas comme une série de systèmes destinés à appréhender le réel, mais comme un volume, un territoire autonome où l’auto-expressivité se normalise au contact d’autres intervenants dans une même situation sociale »
Fred Forest au Centre Pompidou en 2017
Sous le titre « Les Territoires », l’exposition de Fred Forest au Centre Pompidou de Paris en 2017 cache une épopée, celle du combat d’un artiste acharné à défendre ses positions dans une lutte sans merci de David contre Goliath.
Pour le visiteur la surprise vient déjà du lieu de l’exposition : celle- ci ne trouve pas sa place dans les espaces habituels du musée mais en sous-sol, au niveau -1 du Forum, premier indice d’une discrimination si l’on veut bien considérer que, dans le même temps, est exposé dans les salles principales Hervé Fischer, un autre membre du Collectif d’art sociologique cofondé avec Fred Forest.
Autre indice : cette exposition, sans catalogue, ne dure qu’un mois et demi.
Il faut dire que la présence néanmoins visible de Fred Forest au Centre Pompidou relève du miracle si l’on se replace dans la longue bataille qui a opposé l’artiste à l’institution. Il y a plus de vingt ans, Fred Forest croise le fer avec le Centre pour revendiquer la transparence dans l’achat des œuvres et leur prix. C’est le début d’un contentieux sans fin dans lequel l’artiste gagne ou perd au gré des décisions de justice.
Au plan artistique, Fred Foret paie cher sa combativité. Dans l’exposition «Video Vintage 1963-1983» au Centre Pompidou en 2012…. Fred Forest est absent. Cet oubli singulier provoque alors la réaction de personnalités de l’art. A l’initiative d’Alain Dominique Perrin, président de la fondation Cartier et du Musée du Jeu de Paume, une cinquantaine de signataires s’interrogent sur « les raisons pour lesquelles ce pionnier français de l’art vidéo s’en trouve écarté. » Ces signataires interrogent également Alain Seban, directeur à l’époque du Centre Pompidou, sur l’absence d’œuvres de Fred Forest dans les collections du centre Pompidou.
Pugnace l’artiste n’en reste pas là et réclame une exposition. Finalement le miracle se produit aujourd’hui mais avec des contraintes très particulières. Le quotidien « Le Monde » révèle le témoignage de l’artiste : « Ils m’ont fait signer une décharge car je dois prendre en charge l’assurance de l’exposition, payer les gardiens. Et ils ne font pas le catalogue. J’ai investi mes économies, 25 000 euros, dans l’exposition. »
C’est dire si la conquête de ce territoire au Centre Pompidou relève de l’exploit.