Expositions

Fabrice Hyber : d’un tableau, l’autre

Attention en traversant l’exposition de Fabrice Hyber « La Vallée » à la Fondation Cartier à Paris, un tableau peut en cacher un autre. Car les toiles exposées à la Fondation accèdent au statut de tableau d’école. Pour preuve ces espaces transformés en salles de classe avec les pupitres d’écoliers auxquels nous sommes conviés à prendre place.
En effet la démarche de l’artiste est assumée avec cette approche éducative « J’ai toujours considéré, explique-t-il,que mes peintures étaient comme des tableaux de classe, ceux où nous avons appris à décortiquer nos savoirs par l’intermédiaire d’enseignants ou de chercheurs. On y propose d’autres mondes, des projets possibles ou impossibles ».

Pour Fabrice Hyber le champ de l’art embrasse au-delà de la pratique du peintre tous les domaines de la pensée, de la connaissance. Biologie, neurosciences, astrophysique, histoire… Entre langage et images, les connexions s’établissent au gré des réflexions développées sur ce tableau dont on ne sait plus distinguer la toile blanche du tableau noir de l’école.

« La Vallée »

Un autre champ, physique celui-là, est à prendre en compte dans ce rapport au réel. « La Vallée », titre de l’exposition désigne une forêt que l’artiste fait pousser depuis les années 1990 au cœur du bocage vendéen dont il est originaire. Dans l’ancienne ferme de ses parents, éleveurs de moutons, il a semé trois cent mille graines d’arbres issues de centaines d’essences différentes. Cette forêt de plusieurs dizaines d’hectares est devenue une œuvre. Le parallèle avec l’œuvre s’ opère lors de cette croissance organique du vivant.

Ce fil rouge dans l’œuvre de Fabrice Hyber commence en 1981 par : « Un mètre carré de rouge à lèvres« , un tableau  entièrement recouvert de rouge à lèvres, entouré d’un cadre doré. C’est le point de départ de ce jeu sans fin dans lequel la pensée se développe sans hiérarchie, en rhizome qui renvoie à la théorie philosophique de Gilles Deleuze et Félix Guattari.

Rhizomes de la réflexion et rhizomes de « La forêt » participent à cette stratégie de la pensée d’un artiste qui déclare ne pas produire des peintures mais des tableaux. Nous voilà revenus à ce tableau de la classe validé par la scénographie de l’exposition. Le visiteur se prête à cette mise en scène voulue par le peintre et la position d’écolier conforte sa disposition à appréhender ce déroulement de la pensée sur la tableau. Les grandes toiles sont autant de supports sur lesquels s’associent les idées, les hypothèses, les mots, les formes, les couleurs, cheminement  dans lequel «  les mots sont des déclencheurs d’images, et les images des déclencheurs de mots, sans aucune hiérarchie ni préséance des unes sur les autres« .

Lors de son exposition 2716,43795 m2 au Centre Régional d’Art Contemporain de Sète en 2015, Fabrice Hyber mettait en œuvre ce protocole à grande échelle. « Je fais toujours de la peinture, mais ce qui me porte dans la peinture, ce n’est pas le fait de faire de la peinture. C’est le comportement qui m’amène à en faire. Les glissements, les erreurs, les constructions.. »
Acceptez de retrouver le chemin de l’école en découvrant l’exposition de la Fondation Cartier. Le tableau de la classe n’est plus noir. Il n’est pas blanc non plus. Il est riche de tout ce qui relie la pensée au monde. Dans l’exposition du C.R.A.C de Sète une œuvre de 1998 portait comme titre « De fil en aiguille ». A vous de remonter le fil de cette histoire sans fin.

Fabrice Hyber La Vallée
Du 8 décembre 2022 au 30 avril 2023
Fondation Cartier pour l’art contemporain
261 boulevard Raspail
75014 Paris

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