Expositions

La mort en ce jardin

« Avant l’orage »

L’exposition « Avant l’orage » présentée actuellement à la collection Pinault de la Bourse de commerce de Paris propose un cheminement articulé sur le bouleversement induit par le dérèglement climatique et l’alerte que crée cette situation sur notre planète.
«  Dans l’urgence du présent comme dans l’œil d’un cyclone, l’obscurité et la lumière, le printemps et l’hiver, la pluie et le soleil, le jour et la nuit, l’humain et le non-humain cohabitent au sein de cet accrochage inédit d’œuvres de la collection. »

Tropeaolum de Danh Vo

Tropeaolum

Dans cet oeil du cyclone, c’est à dire la rotonde de la Bourse du commerce, Tropeaolum de Danh Vo impose sa monumentale installation dans une serre de métal, de béton et de pierre évoquant un territoire mutant. Les troncs et branches d’arbres foudroyés et victimes des intempéries, issues des forêts françaises, sont inclus dans une scénographie où ces vestiges d’un monde vivant sont soutenus par des étais de bois, provenant des forêts durables de l’ homme d’affaires Craig McNamara, créateur de « Sierra Orchards », une ferme biologique située en Californie. Ce nom rappelle un autre cataclysme puisque Craig McNamara n’est autre que le fils de Robert Mc Namara, secrétaire à la Défense de 1961 à 1968 sous les présidences Kennedy et Johnson et pendant la guerre du Viêt Nam. Le rôle de Robert Mc Namara durant cette guerre du Viêt Nam fut controversé, puisque c’est sous son mandat qu’eurent lieu l’emploi de l’agent orange et l’opération Rolling Thunder, campagne de bombardements aériens intensif effectués par l’USAF, l’US Navy et la Force aérienne du Sud-Viêt Nam contre le Nord-Viêt Nam et le Laos, De plus en plus controversé McNamara remit sa démission en 1968.

Dans cet environnement délabré Tropeaolum intègre des vestiges de l’histoire comme autant de souvenirs de la culture. Ces fantômes de l’apocalypse nous obligent à envisager une survivance hypothétique dans laquelle le vivant, en mutation, s’accroche aux branches de l’après cataclysme.

Hichem Berrada « Présage » 2018

« Présages »

En parcourant ces saisons improbables qui jalonnent l’exposition, une autre installation majeure mérite d’être abordée. Hichem Berrada présente « Présages » avec une projection spectaculaire. Ce n’est pas le moindre paradoxe que l’immense écran occupant un mur entier d’une salle soit animé par une source matériellement réduite à un aquarium dans lequel différentes réactions chimiques sont activées et vont mener à la création d’un paysage. « Présages » transforme cette réaction chimique en galaxie inconnue dans laquelle le visiteur ne peut que s’immerger.
«  C’est un peu de la peinture, c’est un peu de la chimie, mais pas vraiment de la peinture et pas vraiment de la chimie. » explique l’artiste. Avec ce jeu de bascule, Hichem Berrada nous fait pénétrer dans un univers dédié à la catastrophe. Dans cet environnement où les éléments sont extrêmement toxiques, la nature est à l’œuvre, en mouvement, mais une nature uniquement composée de minéraux, rien de vivant, rien d’humain. Si bien que la première approche immédiate séduisante d’un aquarium luxuriant nous conduit à appréhender un monde infiniment plus dégradé.
Au plan formel, cette peinture qui n’en est pas une propose pourtant un paysage en image, renvoyant à la grande toile de Frank Bowling (Texas Louise » de 1971) que le visiteur découvre en tout début du parcours; mais le paysage d’Hichem Berrada présente la particularité d’être en prise constante avec le réel, image en mouvement continu, à l’évolution incertaine, semblable à un paysage réel certes mais introduisant une sourde inquiétude sur un monde voué à l’entropie.

« Avant l’orage »

LUCAS ARRUDA, HICHAM BERRADA, DINEO SESHEE BOPAPE, FRANK BOWLING, JUDY CHICAGO, TACITA DEAN, JONATHAS DE ANDRADE, ROBERT GOBER, DOMINIQUE GONZALEZ-FOERSTER, FELIX GONZALEZ-TORRES, PIERRE HUYGHE, BENOIT PIÉRON, DANIEL STEEGMANN MANGRANÉ, ALINA SZAPOCZNIKOW, DIANA THATER THU VAN TRAN, CY TWOMBLY, DANH VO, ANICKA YI

Jusqu’au 11 septembre 2023
Bourse de commerce Pinault collection
2 rue de Viarmes, 75001 Paris

Expositions·Non classé

Benoît Dutour : je t’offrirai des perles de pluie…

Larmes de joie

Il est encore possible pour quelques jours de découvrir dans l’église de la Madeleine à Paris une installation artistique de Benoit Dutour. Se décrivant comme multidisciplinaire, l’artiste aborde des domaines variés comme la peinture, la sculpture, la photographie, la vidéo, le néon ou l’installation.

Dans une église aussi prestigieuse que celle de la Madeleine, il fallait s’appuyer sur un argument en phase avec le lieu pour donner son sens à l’installation. Depuis quelques années déjà l’artiste présentait ces larmes de joie, notamment dans les Nuits blanches à Paris.
Cette année cent trois bulles de verre ruissèlent d’une ouverture de lumière située trente cinq mètres plus haut dans l’édifice religieux. En référence aux présents apportés par les Rois mages qui furent à l’époque de l’or, de la myrrhe et de l’encens, Benoît Dutour a conçu cette scénographie composée de ces « Larmes de Joie » tels des présents, plus actuels, qui tournent autour de la richesse, de la beauté et de la fragilité. Chaque larme de l’œuvre est singulière et donne à voir soit la beauté de la nature, tel les graines de pissenlits qui s’envolent, les trèfles à quatre feuilles, les papillons ou encore une Mante religieuse, soit la richesse avec les pièces, les bitcoins, l’or et même un vrai billet de cinq cents euros emprisonné dans une larme qui côtoie la fragilité tels les cendres de la Cathédrale Notre Dame. 

Dans l’atmosphère feutrée de l’église de la Madeleine où la lumière tombée du ciel participe au recueillement des fidèles, les larmes de verre installées par Benoît Dutour s’en trouvent magnifiées. Cet effet valorisant n’est pas sans rappeler l’installation de Jean-Michel Othoniel au Carré Sainte-Anne de Montpellier en 2017. « La Mandorle d’or », « Les Amants suspendus », « Le collier Alessandrita », « La vierge du jardinier », indiquaient dans l’ambiance de cette église néogothique un moment sur ce chemin de civilisation, souvenirs de voyages, de rencontres faites par l’artiste à travers le monde. Othoniel entendait faire écho aux dimensions de sacré, de spiritualité que le Carré Sainte-Anne de Montpellier offrait à ses perles de culture.
L’œuvre de Benoît Dutour présente une spécificité : l’ensemble de ces larmes de verre est animé par des changements d’intensité lumineuse, passant de cinq à dix watts et ces larmes s’éteignent par intermittence en référence au Big Bang et à l’explosion, la disparition et la création et l’origine du monde.

Au-delà de cette fusion lumineuse de l’ensemble avec la spiritualité du lieu, le visiteur attentif peut être séduit par une autre dimension de cette proposition en partant à la découverte du contenu emprisonné dans chaque bulle de verre. Car les offrandes des Rois mages évoquées plus haut, prennent des aspects contemporains inattendus. A proximité des larmes contenant les papillons ou les Monnaie du Pape, pissenlits et feuilles d’or, il est plus surprenant de découvrir la boite de Cambell’s du Pop-art, une carte du jeu de Monopoly, les dés rouge et bleu du casino, des Carambars, un Iphone…. Cette intrusion du contemporain le plus séculier présente un décalage quelque peu iconoclaste comparé à la première lecture de l’ensemble.
Par ailleurs chacune de ces larmes est en vente et sera transmise au décrochage avec un certificat d’authenticité. L’artiste ne conserve aucun bénéfice de ces ventes. L’argent sera reversé à la production, la communication, la curation et à la Madeleine.

Larmes de joie
Benoît Dutour

Du 3 février 2023 au 20 février 2023
Église de la Madeleine
Place de la Madeleine, 75008 Paris

Expositions

Les quatre-vingtièmes effervescents

Mises en lumière au Musée des arts décoratifs de Paris avec la mode, le design, le graphisme, les années 80 parlent à ceux qui ont traversé cette époque pétillante et étonnera ceux qui les découvriront dans cette nébuleuse où brillent des étoiles aux noms scintillants : Philippe Stark, Jean-Paul Gaultier Thierry Mugler, Jean-Paul Goude notamment. Ces années effervescentes connaissent également à travers les arts graphiques les mutations politiques et culturelles qui nous ont laissé des repères placés dans l’exposition.

« La force tranquille »

La notion d’identité visuelle ne se limite pas au monde de la publicité commerciale, de la mode, elle s’élargit à la sphère du politique et du culturel. Comment ne pas rappeler « La force tranquille » de la campagne présidentielle de François Mitterrand attribuée à Jacques Séguéla quand bien même ce slogan fut le résultat d’un travail collectif mené par Jacques Séguéla, certes, mais aussi Jacques Pilhan, responsable marketing de la campagne, Richard Raynal, également publicitaire, et Anne Storch, la rédactrice de l’équipe. C’est elle qui proposera la formule finale.

La presse de ces années 80 sera marquée par «Libération ». Si le quotidien ( dont le nom est hérité d’un quotidien issu de la Résistance) a connu une première existence dans les années 70 autour de Jean-Paul Sartre, les années 80 seront celles d’un renouveau notamment avec l’identité graphique du journal. Autour de Serge July en 1982 les premières pages de publicité apparaissent dans le journal. Serge July explique« Non, Libération ne change pas ; c’est la publicité qui a changé. Elle est un art. On ne sait plus très bien où commence la culture et où finit la publicité. Sans elle Libération eût été incomplet ». Dans les années 1980-1990, le tirage du quotidien ne cesse d’augmenter. Au-delà même de cette identité visuelle, les titres des Unes claquent comme des slogans : « Peine de mort pour la guillotine », « C’est un mec, y meurt », lors de la mort de Coluche.

Le temps des fêtes

Affiche Valério Adami 1988

Ces années en couleur seront également le temps des fêtes nouvelles.
La fête de la musique est créée en 1982 autour de Jack Lang. Son succès est assuré jusqu’à aujourd’hui. La Fête du cinéma est née le 14 juin 1985 à l’initiative de la Fédération nationale des cinémas français (FNCF), conjointement avec le ministère de la Culture et l’ensemble des professions du cinéma. Le peintre Valério Adami sera l’auteur de l’affiche pour l’année 1988. Cette fête perdurera jusqu’à aujourd’hui.
Cette effervescence sera celle aussi des bulles de champagne qui inondent les shows délirants des présentations de mode, l’excentricité est de mise dans les boites du Palace ou les Bains douches.
Disco et rock alternatif scandent ces soirée du Tout-Paris. La créativité se doit de sacrifier à ces audaces qui touchent tous les domaines de l’art sous toutes ses formes.




Danser sur un volcan
Cette frénésie donnerait-elle le sentiment de danser sur un volcan ? Le SIDA,(dont le premier signalement qui ne dit pas encore son nom arrive en France en 1981), la catastrophe nucléaire de Tchernobyl en 1986 puis le krach de 1987 avec son Black Monday vont altérer durablement cette euphorie des années 80.
Pour l’heure, comme la scénographie du musée des Arts décoratifs le met en scène, mode, graphisme, design, publicité rivalisent d’imagination pour donner son souffle à ces quatre-vingtièmes effervescents.

Années 80. Mode, design et graphisme en France
du 13 octobre 2022 au 16 avril 2023
Musée des Arts Décoratifs
107, rue de Rivoli
75001 Paris