Pour mémoire

Julije Knifer

Cet homme dont l’apparence physique apparaissait fragile, s’exprimait lentement avec beaucoup d’hésitations en français. Le contraste est donc saisissant entre cette fragilité physique et la démarche implacable de l’artiste. Julije Knifer (1924-2004) avait défini, depuis un demi-siècle, un travail d’une rigueur et d’un ascétisme rares. On pense au cheminement aussi inflexible d’Aurélie Nemours.
Déjà, dans son pays natal, l’artiste exprime un choix radical : il est actif au sein de Gorgona, un groupe d’artistes et de critiques de Zagreb qui ne s’étaient pas fixé d’autre programme que celui de revendiquer une absolue liberté de création dans un esprit explicitement dadaïste.
C’est surtout dans le mouvement de l’abstraction constructive du début des années soixante que le travail de J.Knifer prend tout son sens. En regard des réalisations de François Morellet, dont il découvre les oeuvres lors d’un premier voyage à Paris en 1957 ou de celles des membres du Groupe Zéro en Allemagne, la démarche de Knifer prend toute sa signification.
Ce que l’on a appelé les « méandres» de Knifer constituent la marque continue de son œuvre. Ce terme de méandre, abondamment utilisé, m’étonne encore. Julije Knifer m’expliquait qu’il n’aimait pas beaucoup cette expression. En effet, la définition objective de ce terme fait référence à la nature dans une forme toujours courbe. Les figures dessinées ou peintes par Julije Knifer ont, au contraire, une vocation rigoureusement géométrique… D’où un terme utilisé abusivement me semble-t-il.

Station Jean Jaurès du métro de Toulouse : oeuvre de Julije Knifer

Même si elle ne présente pas un caractère systématique, cette « forme Knifer» se révèle par la suite susceptible de multiples déclinaisons. Installé définitivement en France à la fin des années 1980, d’abord à Sète, en 1991, puis à Paris, en 1994, Knifer poursuit implacablement ce travail qui, vu de l’extérieur, peut paraître austère, ériger même la forme comme une prsion pour l’artiste. Dans son atelier parisien où je l’avais rencontré, Julije Knifer, travaillait chaque jour avec discipline, application, entouré de ses outils rangés impeccablement ( crayons, règles et c…). Dans un sourire, il confirmait que, loin d’être une prison, cette contrainte définissait sa liberté.

Julije Knifer dans son atelier parisien en 2001

Même ceux qui ont traversé l’Atlantique à la rame savaient qu’il y avait une rive à atteindre. Julije Knifer n’attendait pas un port d’arrivée. Il s’est lui-même condamné (ou libéré ?) a poursuivre sans fin un voyage dans la peinture. On ne peut pas ne pas penser à Roman Opalka pour situer un tel projet.
L’observant ainsi dans cet atelier aux hauts murs, superbement éclairé par une immense baie vitrée, je me suis demandé si son choix de vie n’était pas en soi une œuvre aussi essentielle que sa production graphique.

 

Julije Knifer dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photo: Wikipédia
métro Toulouse : http://www.lemonde.fr/culture/portfolio/2007/06/26/a-toulouse-les-nouvelles-stations-de-metro-sont-aussi-des-oeuvres-d-art_927928_3246.html


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