Portraits

Marcel Alocco, le manteau d’Arlequin

C’est à l’écrivain Michel Butor que j’emprunte cette expression citée dans ce texte dédié à son ami Marcel Alocco :
 » Chacune de tes oeuvres est un habit et même un manteau d’Arlequin.»
De quoi s’agit-il ?
Evoquer la personne de Marcel Alocco c’est prendre en compte une perspective de près de quarante ans. En effet, c’est en 1975 qu’un premier travail nous avait réunis à Nice. Pour des raisons matérielles, la rencontre avec le peintre avait eu lieu chez Ben Vautier, sur les hauteurs de Nice. Pour ces deux artistes liés par une géographie et une mémoire commune sur l’art de leur époque, la différence des personnalités était saisissante. Ben est exubérant, polémiste, Marcel Alocco est réservé, mesuré.
Il faudrait pourtant moduler ce jugement. En effet, malgré son apparente timidité, le peintre affirme sa personnalité. Avec l’ écrit il est exigeant, précis, rigoureux. Je viens d’écrire « le peintre » ; encore faut-il préciser ce que cela signifie dans son cas.
Au début de son parcours, Marcel Alocco dans les années soixante assume sa proximité avec Fluxus :
« .J’ai eu envie , dit-il, de trouver un moyen de travailler à la fois sur la forme et sur la langue.

Marcel Alocco en 1975

Montrer comment la forme pouvait prendre sens du seul fait de se matérialiser. D’abord travail commenté sur les objets, le « Tiroir aux vieilleries », puis des associations libres de formes et de mots, « l’Idéogrammaire ». M’étant passionné auparavant pour Dada et le Surréalisme, mais dans une approche théorique, universitaire, j’avais l’idée d’une démarche artistique plus large que la « discipline picturale ». J’étais prêt pour Fluxus, en somme…. »

Puis la mise en question de la peinture par ses matériaux, alors que le groupe Supports-surfaces n’a pas encore occupé le devant de la scène artistique, intéresse Alocco qui va trouver là sa voie.
Lorsqu’en 1969 il expose à l’école spéciale d’architecture dans l’exposition « La peinture en question » en compagnie de Dolla, Pagès, Viallat…, le groupe Supports-Surfaces, qui se manifestera en septembre 1970, prend forme.. Marcel Alocco n’en fera pas partie.

La-peinture-en-patchwork-fragment-no-7-1974 Marcel Alocco

Comme ces techniciens qui soumettent les objets de l’industrie à toutes les tortures, les accidents pour mieux tester leurs caractéristiques, Marcel Alocco a peint,déchiré, recomposé, cousu la toile, et pendant de nombreuses années, identifié son œuvre au patchwork. Tout cela pour mieux interroger la peinture. Le questionnement croisé de la peinture et du langage reste toujours présent dans les travaux qui se succèdent. Pourtant, en décembre 1999, Alocco décide arbitrairement d’arrêter son travail de plasticien et se consacre à l’écriture et l’illustration. Chassez le naturel, il revient au galop. En décembre 2003, Marcel Alocco retourne à l’atelier pour diverses études de tissage sur l’image en ikat (procédé de teinture et de tissage dans lequel le dessin est créé en teignant d’abord le fil de trame, ou le fil de chaîne, de toutes les couleurs qui vont y figurer ) puis avec « Mes Enfances » où il simule sur papier l’apprentissage du dessin et de la peinture en étudiant la naissance de la figure chez les enfants de deux à cinq ans. Par le questionnement sur la nature de la peinture ou par celui des origines de l’acte de peindre, Alocco n’en finit pas de s’interroger et de nous interpeller sur ce phénomène inusable.

Photo Wikipédia

Marcel Alocco dans l’Encyclopédie, audiovisuelle de l’art contemporain


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