Pour mémoire

Vladimir Veličković : « La course à la mort »

Vladimir Veličković à la galerie Le Garage à Orléans en 2009 (Signature de l’hommage à E.J. Marey)

 » Veličković peint la mort, ou la course à la mort » écrivait le critique d’art Jean-Luc Chalumeau. Aujourd’hui cette course s’achève douloureusement avec la disparition du peintre. Témoin, dans son enfance, des atrocités commises par les nazis en Yougoslavie, Vladimir Veličković a voué sa peinture à la représentation du corps, corps déchiré, mutilé, secoué par d’atroces souffrances, dédiée à d’épuisantes courses sans issue. Cette urgence de témoigner pendant qu’il en est encore temps, de transmettre, de révéler, de dénoncer la dureté du monde, le peintre nous l’a rendue palpable avec des toiles souvent de très grandes dimensions, tressaillant sous les assauts du pinceau, impliquant le corps même du peintre dans ce combat, dans cette rivalité décrite par l’artiste :
« C’est une épreuve de vitesse entre mes toiles et moi-même, dit-il. Je fais la course contre mon tableau et il rivalise avec moi. »
Rencontrant Veličković au début des années soixante dix, j’ai pu mesurer combien cet engagement pour le mouvement tragique s’accompagnait, dans le même temps, de bienveillance et d’humilité. Aucune gesticulation spectaculaire, démesurée, encombrante ne s’exprimait chez cet homme discret.

« La mémoire du geste »

Pour avoir eu le privilège de l’exposer il y a quelques années dans « La mémoire du geste », je garde le souvenir de ces impressionnants triptyques et quadriptyques qui conjuguaient le geste contemporain du peintre et la relation patrimoniale avec les pionniers de l’image animée. D’Eadweard Muybride à Etienne-Jules Marey pour lequel avait accédé à ma demande de rendre hommage dans une création originale, Vélikcovic poursuivait inlassablement cette course sans fin, des chiens aux humains, pour mieux mettre en scène ce qui devait bien nous ramener à la peur de cette « Course à la mort » .

Vladimir Velickovic Exposition « La mémoire du geste » Musée Rétif Vence 2010

Dans les toiles de Veličković , un soleil noir dominait les ciels de cette angoisse ineffaçable. Noirs corbeaux, crucifixions, pitt bulls, blessures, pièges, rapaces, potences, feux, tortures, rats… L’univers du peintre habité par de telles images ne laissait guère de place à l’espoir de jours meilleurs.

Si bien que la reconnaissance honorifique à laquelle il avait eu accès dans les années récentes au sein de l’Académie des Beaux-arts de Paris pouvait apparaître comme une bien doucereuse récompense au regard de l’univers terrifiant dans lequel il évoluait. Lors de sa réception sous la coupole en 2007, Veličković se conforma au rite de l’habit vert. Sitôt son discours prononcé et la séance achevée, avant même d’avoir partagé un verre de champagne dans les salles de l’Institut, l’homme s’était empressé de troquer l’habit vert pour le costume de ville…

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