Portraits

Judith Reigl, la matière de l’inconscient

La voix ferme, forte, Judith Reigl ne s’en laisse pas conter. Il n’est point question de lui imposer une volonté .Les choses seront comme elle l’aura décidé.
Il faut dire que l’histoire personnelle de l’artiste témoigne de cette volonté farouche : s’y reprendre à huit fois pour franchir le « rideau de fer » et s’expatrier en France au début des années cinquante suppose un caractère bien trempé.  Au delà de cette histoire personnelle mouvementée, son itinéraire artistique est remarquable. Il est tentant de rapprocher son chemin de celui de son compatriote Simon Hantaï ( qui la présente à André Breton en 1950) et l’influence que leurs recherches ont eu sur certains artistes Français notamment dans les années soixante et soixante dix.

Ils ont soif insatiable de l'infini Reigl 1950
« Ils ont soif insatiable de l’infini », 1950 Judith Reigl

Breton, après avoir vu « Ils ont soif insatiable de l’infini », 1950, lui écrit  notamment :

« Je ne sais, Judith Reigl, comme vous dire le don que vous me faites. C’est encore trop près, voyez-vous. Vous êtes en possession de moyens qui me stupéfient de la part d’une femme et je vous crois en mesure d’accomplir des choses immenses. Laissez-moi vous dire toute mon admiration, toute mon émotion. »

Après l’ influence d’André Breton et des surréalistes, Judit Reigl prolonge à sa manière l’automatisme dans une peinture abstraite où l’inconscient devient matière à peindre, où le tableau en conserve la trace. La série « Eclatement » à la fin des années cinquante donne l’élan à cette oeuvre , avec notamment « Ecriture en masse » puis « Expérience d’apesanteur » dans les années soixante; Puis  ce geste, toujours empreint de l’automatisme de ses débuts, fait apparaître le corps humain,moyen de situer sa recherche sur la frontière incertaine de la figuration et de l’abstraction.

« Homme » 1969 Judith Reigl

« A partir de février 1966, dit-elle, cette même écriture (abstraite) se métamorphosait indépendamment de ma volonté, plutôt contre celle-ci, en forme de plus en plus anthropomorphe, en torse humain. Imperceptiblement d’abord, puis de plus en plus consciemment après 1970, j’ai essayé d’intervenir, de souligner l’aspect émergeant de ces corps dressés. »
Après un retour à l »abstraction dans la si remarquable série  de « L’art de la fugue » en 1980-1982, cette obsession du corps de l’homme ne la quitte plus, jusqu’à s’inclure dans l’histoire tragique du 11 septembre.
Dans son atelier en région parisienne, Judith Reigl me recevait il y a quelques années pour examiner les documents sur son œuvre. Là encore, l’artiste prend la direction des opérations avec autorité . Il faut dire que la mémoire de son parcours est très présente à son esprit, chaque étape expliquant la suivante, renforçant cette impression de détermination ressentie dès le premier contact avec l’artiste.

 Judith Reigl dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photos Judith Reigl

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