Expositions

Robert Ryman : le blanc est une couleur ?

« Robert Ryman. Le regard en acte »

Au musée de l’Orangerie à Paris, l’exposition « Robert Ryman. Le regard en acte » consacrée au peintre américain propose, avec sa démarche essentielle, un questionnement radical sur la couleur en consacrant son parcours au blanc. Le blanc est-il une couleur ?
La réponse des scientifiques passe par la longue histoire de tous ceux qui n’ont eu de cesse d’analyser et reproduire les couleurs. En 1666 le physicien Newton fait passer de la lumière solaire blanche à travers un prisme de façon à la décomposer en rayons lumineux de différentes couleurs. Newton est le premier à révéler que la lumière blanche est constituée d’un mélange de rayons de lumière de couleurs différentes. En utilisant des toupies colorées le physicien Maxwell montre que la lumière blanche résulte d’un mélange de lumières rouge, verte et bleue. Son article Experiments on Colour, qui pose les principes des combinaisons de couleurs, est lu à la Royal Society d’Édimbourg en mars 1855. Dans le diagramme de Maxwell les trois couleurs primaires (rouge, vert et bleu) sont situées dans les angles du triangle équilatéral ; leur mélange en quantités égales donne au centre une lumière blanche. Les scientifiques diront aujourd’hui que le blanc représente la somme de toutes les longueurs d’onde de la lumière.

« Annoncez la couleur ! »

Pour avoir pendant plusieurs années présenté l’exposition « Annoncez la couleur ! » consacrée au peintre Gérard Fromanger, je peux témoigner que son œuvre, reposant sur la trichromie, devenue quadrichromie avec le noir de l’imprimeur, a interrogé cette question de la couleur avec une difficulté supplémentaire. La trichromie du peintre n’est pas celle du physicien. Au rouge, vert, bleu du physicien, le peintre substitue le rouge, le jaune et le bleu. Des longueurs d’onde de la lumière pour le physicien aux pigments colorés du peintre, le terme de trichromie n’en finit pas d’entretenir la confusion. Robert Ryman se trouve ainsi à la croisée des chemins entre la perception visuelle du blanc par l’œil et la pratique matérielle de ce monochrome par la peinture.
L’exposition de l’Orangerie met l’accent sur le fait que Ryman a été « Trop souvent assimilée au courant minimaliste américain ». Donald Judd, sculpteur et peintre américain, même s’il n’aimait pas l’expression Minimalisme pour définir son art, a néanmoins été un contributeur de ce mouvement artistique avec son déploiement de dessins simplistes et de formes géométriques. Donald Judd voulait supprimer toute trace d’artistes dans son travail, tentant ainsi de supprimer l’émotion. Pour y parvenir, il s’est appuyé sur des matériaux fabriqués à la machine qui remettaient en question la nature de l’art. Ellwortyh Kelly, avant d’accepter le minimalisme comme son expression artistique, a peint des plantes avec des lignes géométriques simples. Plus tard, il utilise des formes géométriques et des répétitions de lignes de la même manière que l’artiste minimaliste.
A l’évidence, Robert Ryman a gardé ses distances avec ces artistes minimalistes en s’attachant à la matérialité de la peinture.

« ll concentre ses recherches, de façon presque obsessionnelle, sur les spécificités propres à son medium, interrogeant les notions de surface, de limite de l’oeuvre, d’espace dans lequel elle s’intègre, de lumière avec laquelle elle joue, et de durée dans laquelle elle se déploie. »
Si bien que pour répondre à la question que nous pose l’oeuvre de Ryman, nous devrons accepter que si le blanc est une « nuance » en peinture, composée par les primaires du peintre, ce blanc est bien pour notre œil, « la somme de toutes les couleurs » décrite par les physiciens.

Robert Ryman. Le regard en acte

Du 06 mars au 01 juillet 2024
Musée de l’Orangerie Paris