Expositions

Georg Bazelitz , au risque de se perdre

Au moment où Georg Bazelitz est admis à l’École d’art et des arts appliqués de Weissensee à Berlin-Est en 1956, le jeune homme souffre comme beaucoup d’autres de la situation désastreuse dans laquelle se trouve la société allemande. « Je suis né dans un ordre détruit, un paysage détruit, un peuple détruit, une société détruite. J’ai été contraint de toute remettre en question, d’ère « naïf » , de repartir de zéro »  explique-t-il. Baselitz s’est inspiré de son lieu de naissance, Deutschbaselitz pour adopter son nom d’emprunt.

Et le choix de la peinture pourrait ne pas aller de soi. Cette réflexion a conduit d’autres artistes allemands à une toute autre démarche. A Düsseldorf, deux amis, voisins d’ateliers, Otto Piene et Heinz Mack décident d’ouvrir leurs locaux au public en 1957 lors d’une première manifestation nocturne, nommée «Expositions d’un soir». A l’origine il ne s’agit pas de constituer un groupe mais de partager l’approche d’un fait artistique : l’idée que la reconstruction pouvait naître de manière artistique si elle partait de l’esprit. Cette première présentation est considérée comme l’acte fondateur du groupe ZÉRO. Elle marque le lancement d’une action collective qui, en 1958, donnera le jour à une revue dans laquelle est publiée le « Manifeste Zéro » :

Zéro est silence. Zéro est commencement. Zéro est rond. Zéro tourne. Zéro est la lune. Le soleil est Zéro. Zéro est blanc. Le désert Zéro. Le ciel au-dessus de Zéro. La nuit. Zéro coule. L’oeil Zéro. Nombril. Bouche.(….)»
Non sans rappeler les conceptions du Bauhaus, le groupe Zéro souhaite se démarquer de la génération artistique traumatisée par la guerre. Zéro suppose un nouveau départ pour un monde nouveau et un art nouveau. Après les ratés de l’ancien monde, après les barbaries destructrices de la guerre, il fallait maintenant balayer les restes et repartir de zéro.

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Georg Bazelitz , pour sa part, fait le choix de la peinture avec même pour ambition de créer à Berlin une nouvelle peinture allemande. Repartir de zéro aura pour champ de bataille la toile du peintre. En 1969 , il réalise une série de tableaux aux motifs entièrement renversés. Bousculer, mettre à mal la figuration participent à cette remise en question de la peinture.
La grande rétrospective du Centre Pompidou à Paris nous fait traverser les différentes époque de cette peinture coup de poing,

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Quand le mur de Berlin tombe en novembre 1989, remontent à la surface les souvenirs douloureux des bombardements de Dresde quand Georg, enfant de sept ans, subit cette histoire éprouvante.
A la différence du groupe Zéro qui fait table rase du passé, Bazelitz ne peut pas évacuer cette mémoire autrement qu’en transformant la peinture en un champ de bataille où figuration en abstraction s’entrechoquent sur la toile. La sculpture n’échappe pas à cette confrontation  : en 1980, le peintre provoque un scandale à la Biennale de Venise avec sa première sculpture, qui figure un homme au bras levé. Le geste, terrible méprise, est interprété comme un salut nazi.
L’exposition du Centre Pompidou ne peut laisser indifférent le visiteur qui reçoit en pleine face cette charge émotionnelle d’un artiste dont les ombres de l’histoire personnelle mêlées à celles de l’Histoire nationale hantent une peinture sans concession, sans choix définitif entre figuration et abstraction, au risque de se perdre.

Bazelitz
La rétrospective
20 Octobre 2021- 7 mars 2022
Centre Pompidou Paris

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