Expositions

Thierry Cauwet : trompe-l’image

Peut-être faudrait-il, pour décrire le travail de Thierry Cauwet, procéder avec les mots comme l’artiste procède avec les images ? Car les tableaux qui sont présentés actuellement à l’Espace Icare à Issy les Moulineaux témoignent de cette incessante remise en cause de la figuration, de cette volonté opiniâtre d’interroger le sens d’une représentation qui a traversé l’histoire de l’art. Entre geste peint et collage, le statut de cette œuvre semble ne pas vouloir se laisser enfermer dans une désignation unique. L’artiste explique d’ailleurs que l’unique n’est pas sa référence et que le double offre davantage de liberté à sa création. Les mots risquent donc de se télescoper, de s’entremêler, de se chevaucher pour tenter de décrire la démarche de Thierry Cauwet. Patchwork, puzzle, kaléidoscope sont des appellations que l’on est tenté de suggérer pour approcher cette opération de fragmentation, recomposition, assemblage. Mais elles ne cernent pas pour autant cette stratégie.

Beaucoup d’autres artistes ont, depuis longtemps, renoncé à une figuration voire même à la peinture. On observe que Thierry Cauwet ne se soustrait pas à cette confrontation et qu’il prend à bras le corps une question toujours vivante : comment travailler aujourd’hui sur cette convention : l’image ? A bras le corps semble d’ailleurs l’expression la mieux adaptée pour éclairer ce questionnement.
L’artiste, sur chaque toile, joue sur deux tableaux. Entre le corps et le geste d’une part, la déconstruction et recomposition matérielle d’autre part, la série de 2017 présentée à l’espace Icare par le peintre revisite la mythologie grecque.
Cette préoccupation s’inscrit dans le contemporain : « Devant le retour du religieux sous toutes ses formes, il m’a semblé qu’il était urgent de lui opposer cette autre source de la culture occidentale d’où naquit Chaos » explique l’artiste.

Espace Icare Issy les Moulineaux 2022

L’univers dans lequel nous entraîne Thierry Cauwet, au-delà de la mythologie Grecque, est celui de ce chaos des images, de cette explosion picturale qui lui sert à remettre en question la figuration et dans le même temps à interroger la nature même de la peinture.
Entre les peintres qui s’étaient interrogés sur la matérialité de la peinture, au temps de Supports/Surfaces et ceux qui s’étaient rebellés pour proposer une nouvelle figuration critique de son époque, Thierry Cauwet me semble adopter une autre voie : faire exploser cette représentation pour revenir à ce chaos originel. Geste, effacement, découpe, recomposition, collage. … Voilà que les mots s’éparpillent eux aussi, s’échappent d’une description construite pour tenter de restituer le processus mis en mouvement par le peintre. Dans un même tableau figuration et matérialité sont soumises à ce « Crash test » pour mieux nous laisser entrevoir l’origine de la peinture.

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(Détail)


Certes la mythologie Grecque reste le thème de cette série : Actéon et Artémis, Ariane et le Minotaure, Osiris, Zeus habitent ces représentations. Mais cet ancrage historique et culturel ne fait pas perde de vue qu’il est au service d’une préoccupation contemporaine : qu’est-ce que la peinture ? Qu’est-ce qu’une image ? Et entre sacré et religieux, la légitimité des images reste une question sensible. Et loin d’être simplement iconoclaste, Thierry Cauwet entraine la figuration dans un jeu de trompe-l’image qui nous oblige à le suivre sur ce terrain qui reste à défricher.

Thierry Cauwet

4 au 29 janvier 2022

Espace Icare
31 Bd Gambetta
92130 Issy les Moulineaux