Seuphor, libre comme l'art

Seuphor, libre comme l’art : le G.R.A.V.

Le blog des Chroniques du Chapeau noir poursuit la publication de « Seuphor, libre comme l’art », écrit par Claude Guibert sur la vie de l’écrivain, historien et artiste Michel Seuphor (1901-1999), de son vrai nom Fernand Berckelaers. Ce livre a été écrit en 2008 et sera publié intégralement à raison de quelques pages par publication, une fois par semaine.

Publication N° 73

Le GRAV

Au mois de juillet 1960, apparaît sur la scène artistique une nouvelle formation de l’art cinétique, le Groupement de recherche d’art visuel. L’acte fondateur est signé par Demarco, Garcia Miranda, Garcia Rossi, Le Parc, Vera Molnar, Morellet, Mayano, Servanes, Sobrino, Stein, Yvaral. Leur objectif : considérer le phénomène artistique en tant qu’expérience strictement visuelle située sur le plan d’une perception physiologique et non émotive. Au-delà de la préoccupation plastique, le groupe ambitionne de modifier durablement la relation entre l’art et le spectateur. Le principe fondamental auquel adhèrent ses différents membres, avec plus ou moins d’enthousiasme, est la dévalorisation de « l’artiste » et du « chef-d’œuvre », au profit d’une sollicitation du spectateur. Le collectif va se resserrer autour de Garcia Rossi , Le Parc , Morellet, Sobrino, Stein et Yvaral, ce dernier suivant les traces de son père Victor Vasarely. Ils décident de continuer à signer personnellement leurs œuvres et de poursuivre un travail individuel sur des matériaux de base, tout en élaborant collégialement des problèmes esthétiques tels que l’abandon de la deuxième dimension afin d’éviter toute connivence avec l’esthétique picturale. Ainsi Sobrino opte pour le plexiglas, Yvaral pour les fils de nylon et de vinyle tendu, Le Parc pour la lumière et le plexiglas, Stein pour les trièdres et la polarisation, Garcia-Rossi pour les boîtes à réflexion lumineuse et Morellet pour la programmation des pulsions de tubes de néon.
Le GRAV, bien décidé à secouer les habitudes visuelles ainsi que les pratiques sociales dans la relation art/spectateur, recourt à l’agitation. Dans la Biennale de Paris de 1961, ils produisent un trac distribué dans la manifestation sous le titre de « Assez de mystifications ». Le ton est donné :

Le Parc, Sobrino, Yvaral, Morellet, Stein, Garcia-Rossi en 1963

Le GRAV signale

1/ la platitude et l’uniformité des œuvres exposées,

2/ la lamentable situation de dépendance de la « Jeune génération »,

3/ La soumission absolue de la « Jeune Peinture » aux peintres consacrés (Nous espérons qu’il s’agit là seulement d’une crise de croissance)

4/ L’inconséquence et  l’inconscience chez les exposants et organisateurs des caractères réels de la vie où l’homme de notre temps est plongé ». 1

Suivent de nombreuses affirmations sur les positions du groupe. Deux ans plus tard, le troisième Biennale offre une place majeure au G.R.A.V. A cette occasion, les artistes disposant du grand hall d’entrée du musée d’Art moderne, privilégient la production collective. Pour enfoncer le clou, ils accompagnent leurs propositions plastiques d’un nouveau tract en forme de profession de foi :

–  «  Nous voulons intéresser le spectateur, le sortir des inhibitions, le décontracter. Nous voulons le faire participer. Nous voulons le placer dans une situation qu’il déclenche et transforme. Nous voulons qu’il soit conscient de sa participation. Nous voulons qu’il s’oriente vers une interaction avec d’autres spectateurs. Nous voulons développer chez le spectateur une forte capacité de perception et d’action. Un spectateur conscient de son pouvoir d’action et fatigué de tant d’abus et mystifications, pourra faire lui-même la vraie  « révolution dans l’art ». Il mettra en pratique les consignes :

DÉFENSE DE NE PAS PARTICIPER

DÉFENSE DE NE PAS TOUCHER

DÉFENSE DE NE PAS CASSER » 

                               A Paris, octobre 1963 le G.R.A.V.

Le comportement provocant des jeunes artistes du G.R.A.V.  agace Seuphor. Ce qu’il considère comme de l’insolence ne se limite pas à l’attitude de jeunes artistes turbulents. Il n’accepte pas que l’on se moque de la poésie et de la métaphysique. Il se sent blessé par ce qu’il prend pour une attitude primaire. En février 1971, Yvaral lui écrit pour s’étonner de le voir refuser leur présence à ses côtés dans une brochure « Formes et couleurs » et lui propose une rencontre avec les membres du groupe.

Seuphor décline l’invitation de façon cinglante :

– « Une originalité se conquiert et, peut-être se mérite. Vous n’avez, pour l’heure, que le mérite d’être le fils de Vasarely, ce qui vous donne beaucoup d’atouts. De toute manière, un contact entre votre groupe et moi n’est pas désirable, ce qui m’est cher étant pour vous un objet de dérision (…) ». 2

1 Cité dans « Julio Le Parc » JL Pradel catalogue Severgnini 1995 p 274

2 Archives ANCV  S 59 / Galerie Denise René

Expositions

François Morellet : le facétieux stratagème du hasard

Depuis plus de soixante années, l’indocile jeune homme presque nonagénaire François Morellet traverse l’art de son temps en s’employant à nous convaincre que la création n’est pas une affaire d’ego, de monde intérieur, de signature. A l’époque de l’art cinétique triomphant, il participe, dans les années soixante, au « G.R.A.V. »  (Groupe de recherche d’art visuel) qu’il fonde avec Hugo De Marco, Horacio Garcia-Rossi, Julio Le Parc, Francisco Sobrino, Joël Stein et Yvaral avec l’ambition de promouvoir un art collectif débarrassé de sa vocation d’auteur. Lorsqu’il se dirige vers un art concret où le recours au hasard est déterminant, ce «rigoureux, rigolard», comme il aime à se décrire,  trace alors un itinéraire personnel qu’il n’a pas quitté depuis.

Seven corridors

Seven corridors » François Morellet MAC VAL 2015

Aujourd’hui, le MAC VAL à Vitry sur Seine met à sa disposition un espace imposant  pour donner libre cours à cet inépuisable besoin de proposer de nouveaux développements à sa méthode. « Seven corridors » résulte une fois encore de ce recours au hasard comme moteur de l’œuvre : ici quatorze lettres pour dessiner sept couloirs selon le principe des lignes au hasard à partir des lettres de deux alphabets répartis autour d’un carré. Sept couloirs, quatorze entrées/sorties. Cette procédure, coutumière chez Morellet, prend donc une dimension inédite en plaçant le visiteur non plus devant un tableau mais en l’absorbant dans une oeuvre-sculpture, un environnement qui n’est pas précisément un labyrinthe  mais propose des parcours à l’intérieur d’un ensemble monumental. Il n’est pas impossible, me semble-t-il, de rapprocher cette imposante construction des tentatives du G.R.A.V des années soixante lorsque le visiteur se voyait invité à éprouver physiquement un parcours jalonné de plans instables préfigurant, quarante ans à l’avance, les idées d’un art relationnel.

« Ma musée »

Déjà en 2007 l’artiste proposait « Echappatoire » au MAC  de Lyon, distribuant l’ensemble de ses œuvres de la collection à la manière d’une trame, puis expérimentait dans « Ma musée » au musée des Beaux-arts de Nantes un tel environnement en agrandissant dans le patio central du musée un de ses tableaux constitué de lignes, créant ainsi autant de couloirs menant à des œuvres choisies. Au MAC VAL l’œuvre ne se limite pas à cette construction envahissant presque la totalité des mille trois cent mètres carrés de la salle, elle investit également l’intégralité du sol et tous les murs du volume avec le déploiement de lignes noires elles aussi issues de ce jeu de hasard initié avec le plus souvent comme point de départ un argument relevant de l’absurde. Certes Morellet n’a pas inventé le recours au hasard dans l’art. Jean Arp, avant lui, dans la mouvance de Dada dès 1916, créait un collage « selon les lois du hasard ». Mais il échafaude avec malice des règles improbables qui vont mettre en scène ce paramètre indomptable dans ses tableaux.
Une fois encore François Morellet s’échappe par l’humour de tout enfermement  dans une définition contraignante ou réductrice de sa démarche : «Les œuvres d’art sont des coins à pique-nique, des auberges espagnoles où l’on consomme ce que l’on apporte soi-même».

Libre à chacun de nous de penser ou non que l’œuvre est également le fruit de notre propre regard, de notre capacité à apporter une contribution à la lecture de cette structure énigmatique. L’espiègle descendant de Mondrian, François Morellet, feignant de n’intervenir sur rien, de laisser ce facétieux stratagème du hasard intervenir dans « Seven corridors », semble nous dire :  » Débrouillez-vous ! « . Plus d’un visiteur, au MAC VAL, tente de s’y retrouver dans la documentation disponible sur place, cherche à découvrir un sens à cet étrange objet non identifié placé là comme un défi.
François Morellet, j’imagine, doit bien jubiler de ce bon coup perpétré aux dépends de notre approche rationnelle d’une œuvre muséale, nous abandonnant à notre perplexité devant ce labyrinthe qui n’en est pas un, face à cette sculpture qui n’en est pas une.

François Morellet dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photos : de l’auteur

François Morellet
Seven Corridors
24 octobre-6 mars 2016
Vitry-sur-Seine. Mac/Val

Expositions

François Morellet «Rigoureux, Rigolard»

morellet vitrineLe point d’interrogation qui ponctue le titre de l’exposition « François Morellet, c’est n’importe quoi ? » à la galerie Kamel Mennour à Paris apparait comme un garde-fou superflu pour préserver l’intérêt que l’on peut porter, toutes recherches confondues, à cet artiste indocile, enfant terrible de quatre-vingt huit ans à l’œuvre insaisissable. Aujourd’hui encore, l’artiste permet de vérifier cette aptitude à prendre à contrepied celui qui croirait  pouvoir définir sans coup férir sa démarche.

« Rigoureux, Rigolard »

Il y a bien longtemps en effet que François Morellet déjoue en toute liberté les tentatives de cloisonnement. A l’époque de l’art cinétique triomphant, il participe, dans les années soixante, au «G.R.A.V.» qu’il fonde avec Hugo De Marco, Horacio Garcia-Rossi, Julio Le Parc, Francisco Sobrino, Joël Stein et Yvaral. Ce groupe expérimental, dans la mouvance de l’art cinétique, explore des voies novatrices qui restent très actuelles aujourd’hui dans l’optique d’un «art relationnel». Mais Morellet s’éloigne de ces rives pour creuser sa recherche dans un art concret où le recours au hasard est déterminant. En cela il se singularise par rapport à ses amis de l’art cinétique.
Le rencontrant dans les années quatre vingt dix, je garde en mémoire l’œil pétillant d’un artiste  qui mettait un point d’orgueil à se définir comme  « Rigoureux, Rigolard ».

Less is more

morellet mennourAujourd’hui, l’œuvre de François Morellet  atteint, avec ces œuvres récentes, un point minimaliste que les artistes du l’art concret revendiquent dans un « Less is more » chauffé à blanc. Mais aussitôt cette affirmation faite, il faut se résoudre à accepter une lecture réaliste  des « Entre deux mers n°2 & n°3  » se renvoyant  d’un tableau au suivant la ligne d’horizon sur une mer indéfinie.  Pour autant, les œuvres minimalistes exposées ici, mises en perspective avec des tableaux de Morellet datant de …. 1949 ( inspirées par les arts premiers et plus particulièrement par les œuvres aborigènes exposées en 1950 à la galerie Raymond Creuze)  permettent de mesurer le cheminement implacable de François Morellet vers ce dépouillement absolu qui n’a pourtant rien de sévère. Nous ne sommes pas dans l’univers austère d’Aurélie Nemours mais dans celui d’un artiste toujours prêt à regarder son travail au second degré.
A la Défense, près de Paris, Morellet se voit offrir, en 1990, la possibilité de réaliser une œuvre liée aux bâtiments du Fonds national d’art contemporain. Comment rivaliser avec la Grande Arche toute proche ? La réponse de l’artiste : on ne rivalise pas !
Morellet n’aime pas cette réalisation massive qu’il estime rappeler le temps d’une architecture que n’auraient pas désavoué les staliniens ou les fascistes. Sa volonté est donc de jouer « contre » avec une structure qui « se casse la gueule » m’explique-t-il. Et face à la Défense son œuvre devient « La Défonce ».
Dans le second espace de la galerie, rue du Pont de Lodi, c’est son travail sur les néons qui est de retour dans cette installation occupant l’ensemble de la salle en sous-sol. Un programme gérant l’allumage des néons perturbe les repères du spectateur juché sur une passerelle conçue par Tadashi Kawamata.
Depuis plus de soixante ans qu’il expose, François Morellet garde cette fraicheur d’enfant qui, devenu jeune homme, s’employait à concevoir de nouveaux modèles dans l’usine de jouets familiale.

François Morellet dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photo: galerie Kamel Mennour

François Morellet, C’est n’importe quoi ?
En collaboration avec Tadashi Kawamata
Galerie Kamel Mennour
Du 29/03/2014 au 17/05/201
47 rue Saint-André des arts
& 6 rue du Pont de Lodi –
75006 Paris

Expositions

Dynamo : pendant l’art contemporain, l’art cinétique continue.

Voilà plusieurs semaines, depuis le début de l’année, que l’occasion se présente de signaler et rappeler la vague cinétique qui déferle sur Paris  (Art cinétique , retour en force). Julio Le Parc au Palais de Tokyo, Jésus Rafael  Soto au Centre Pompidou, les mêmes dans les galeries Denise René, Sobrino à la  galerie Nmarino…
L’exposition Dynamo au Grand Palais à Paris marque une étape essentielle de ce retour en grâce de l’art cinétique et lumino-cinétique. Assurément cette exposition imposante permettra à un public jeune qui peut ne pas connaître ce mouvement singulièrement délaissé depuis vingt ans, de mettre à jour sa connaissance.

Retour aux sources

L’exposition présente les racines de l’art cinétique… en fin d’exposition. Difficile d’éviter l’encombrant Marcel Duchamp qui, dès 1913, proposait le tout premier Ready-made composé d’un tabouret et d’une roue de bicyclette, cinétique donc… C’est bien le même Duchamp qui, en 1920, dans « Rotative, plaques, verre » créait une œuvre animée électriquement, motorisée, aux effets optiques novateur. C’est peut-être avant tout à Num Gabo, peintre, sculpteur et architecte, venu de Moscou, qui  s’est installé dans une usine désaffectée dans la banlieue ouest de Berlin, à Licherfelde-Ost, que l’on doit une véritable préoccupation cinétique. L’auteur avec son frère Pevsner du «Manifeste réaliste » s’oppose à « l’erreur millénaire héritée de l’art égyptien, qui voyait dans les rythmes statiques les seuls éléments de la création plastique », Gabo, dans cet atelier de la périphérie de Berlin, est en train d’inventer l’art cinétique. Le jeune écrivain belge Michel Seuphor, en visite dans l’atelier de Gabo en 1922, aperçoit, sur une table, dans l’encombrement de travaux en cours, « une sorte de tige dressée sur un pied et ça bougeait » .
D’ Amérique Latine, aux sources de l’art concret avec Carmelo Arden-Quin, une école de l’art cinétique et lumino-cinétique naîtra et débarquera en France.

Une place dans l’Histoire

« Chromo-saturation » Carlo Cruz-Diez

Il est ainsi satisfaisant de voir reconnus pour l’histoire des artistes si bien délaissés depuis vingt ans. Certains sont morts (Vardanega, Bury ). J’entends encore leur témoignage personnel, leurs regrets de cet oubli, pour tout dire leur déception. D’autre, âgés, profitent de cette mise en lumière. Ainsi Cruz-Diez dont les chromo-saturations n’ont pas vieilli depuis  un demi-siècle : « Ces œuvres sont liées à l’idée qu’à l’origine de toute culture se trouve un évènement primaire comme point de départ. Une situation simple qui engendre tout un système de pensée, une sensibilité, un mythe, etc. ».
D’autres encore ont conservé une actualité pour une recherche qui se développait sur d’autres terrains, notamment François Mollet qui connaît la part belle pour son oeuvre personnelle et sa participation au G.R.A.V. dont le labyrinthe est reconstitué au grand Palais.

Un art contemporain

L’exposition offre, avec des artistes plus jeunes, un regard sur une création actuelle : Ann Veronica Janssens , Saâdane Afif ou Philippe Decrauzat apportent un sang neuf dans ce mouvement. La mise en perspective avec le minimalisme américain est-elle aussi bien justifiée ? Lorsque l’exposition « The Responsive Eye » à New-York en 1965 consacre le mouvement cinétique , les artistes du minimalisme sont-ils influencés ?  Dan Flavin, bien représenté dans l’exposition, permet de poser la question.

Dan Flavin Grans Plais

Cette confrontation a le mérite de replacer le mouvement de l’art lumino-cinétique dans une perspective  où cet art retrouve sa validité contemporaine, qualité qui lui était pourtant bien contestée depuis un certain nombre d’années.

 

 

Photo Cruz-Diez et Dan Flavin:de l’auteur

 

« Dynamo, un siècle de lumière et de mouvement dans l’art 1913-2013 ».

Commissaire d’exposition: Serge Lemoine
Grand Palais, Paris 7e. Jusqu’au 22 juillet.

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Expositions

Francisco Sobrino en noir et blanc

Cinéma

Francisco Sobrino

Pour rafraichir la mémoire sur le mouvement de l’art cinétique et de l’op-art  il faut, paradoxalement, rechercher le plus souvent dans des documents filmés en noir et blanc. C’est le cas notamment des films d’archives du G.R.A.V. auquel a participé Francisco Sobrino. Cette actualité de l’artiste espagnol est  en phase avec le phénomène évoqué dans des articles récents : l’étonnante vague d’expositions sur l’art cinétique qui déferle sur Paris, du Palais de Tokyo( Le Parc) au Centre Pompidou (Soto) en attendant l’imposante exposition « Dynamo » au Grand Palais. Cette convergence des grands lieux d’exposition parisiens en direction d’un courant si bien oublié  depuis un bon nombre d’années  ne cesse de surprendre. Quel est le grand ordonnateur de ce phénomène ?  A défaut de trouver un acteur unique à cet engouement, constatons que le mouvement est accompagné par des galeries parisiennes dont c’est la vocation, notamment la galerie Denise René, la galerie Lelia Murdoch et donc, avec Sobrino, la galerie Nmarino.
D’origine espagnole, Francisco Sobrino se retrouve dès l’âge de dix sept ans à Buenos-Aires où il entre à l’école nationale des Beaux-arts. C’est encore à Buenos Aires que les contacts se nouent avec Le Parc, De Marco, Garcia-Rossi. Ces rencontres orientent durablement l’avenir de cet artiste qui, peu de temps après son arrivée à Paris, fait partie des fondateurs de ce fameux « Groupe de recherche des arts visuels » où les Français Morellet, Stein et Yvaral s’associent à l’aventure.

Le temps du GRAV

Au départ de cette association, les positions radicales s’expriment : « Il s’agissait de définir des critères objectifs d’analyse pour obtenir une position théorique globale, à savoir la surestimation de l’individu et des circuit traditionnels de l’expression et de diffusion. »

Mais une évolution se fit jour : on décida donc de conserver la signature nominale des œuvres et une spécificité individuelle dans le travail : Yvaral travailla avec les fils de nylon et de vinyle tendus, Le Parc se consacra à la lumière, Stein s’intéressa aux trièdres et la polarisation, Garcia Rossi choisit les boîtes à réflexion lumineuse et Morellet s’investit dans la  programmation des pulsions de tubes de néon. Sobrino opta, pour sa part,  pour le plexiglas Il proposa des reliefs, formes plates superposées par interrelations, progressions, systématisation (Plexiglas blanc-noir et couleur), œuvres en volumes (Plexiglas transparent).

Sans titre 1970 Francisco Sobrino

Si Sobrino a beaucoup travaillé avec la couleur, on peut redécouvrir, dans l’exposition actuelle de la galerie NMarino, ses oeuvres jouant sur un contraste saisissant entre noir et blanc.
Il y a quelques années, l’artiste m’expliquait qu’il concevait sa démarche comme un travail de laboratoire, avec rigueur et précision. Les pièces noir et blanc n’ont rien perdu de leur force et de leur présence. C’est un privilège des oeuvres de cet art construit : résister au temps. Sur un demi-siècle, le travail de Sobrino conserve cette même aptitude à accaparer le regard que des oeuvres de la génération suivante. L’op-art et l’art cinétique vérifient dans cette actualité chargée à Paris leur capacité de survivre à l’oubli.

Francisco Sobrino dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photos Galerie NMarino
Francisco Sobrino
Noir et blanc
Du 21 mars au 11 mai 2013
Galerie NMarino
8 rue des Coutures Saint Gervais
75003 Paris

Pour mémoire

Hommage à Horacio Garcia-Rossi

L’artiste Horacio Garcia-Rossi est décédé le 5 septembre dernier. Cofondateur du GRAV (Groupe de recherche d’art visuel, 1960-1968) avec Julio Le Parc, François Morellet, Francisco Sobrino, Joël Stein et Jean-Pierre Yvaral, son travail s’était affirmé autour de la «couleur-lumière». Après le récent décès de Joel Stein il y a quelques semaines, c’est encore un membre de ce célèbre G.R.A.V. qui disparaît.

J’avais évoqué, il y a quelques mois, (Horacio Garcia-Rossi, les années lumière) l’itinéraire de cet artiste lumino-cinétique qui retrouva le chemin de la peinture toujours au service de la lumière. Avec le récent décès de la galeriste Denise René, c’est tout un pan de l’art cinétique qui est touché alors que l’inscription de cette tendance dans l’histoire se vérifie : La Réunion des musées nationaux du Grand Palais organisera au printemps 2013 une exposition intitulée Lumineux ! Dynamique ! Espace et vision dans l’art, de nos jours à 1913 qui sera présentée dans les Galeries Nationales du Grand Palais à Paris.

Composition A 51 1983 Horacio Garcia-Rossi

Argentin, Horacio Garci-Rossi s ‘est rapidement trouvé au centre des préoccupations de l’art cinétique naissant : c’est à Buenos Aires que les contacts se nouent avec Le Parc, De Marco, Sobrino ; ce sont donc déjà certains des artistes du futur groupe du G.R.A.V. qui se destinent à venir en France où, peu de temps après son arrivée à Paris, Garcia-Rossi fait partie des fondateurs de ce fameux « Groupe de recherche des arts visuels » où les Français Morellet, Stein et Yvaral participent à l’aventure. Car c’est bien une aventure mémorable qui commence.
Art relationnel avant l’heure, la recherche du GRAV a marqué son époque. Dans ce groupe turbulent, Garci-Rossi a apporté son ton personnel :

«Horacio a été le sage du GRAV, il avait l’intelligence, le calme et l’humour nécessaires pour bien tenir ce rôle. Il n’avait pas envie comme d’autres, moi-même par exemple, d’agresser le spectateur ou de s’encombrer de lampes et de néons», écrivait François Morellet en 2010.

Horacio Garcia-Rossi dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photo Composition A 51 1983 Catalogue Drouot

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Coups de chapeau

La « Défonce » de François Morellet

François Morellet est un artiste malicieux qui aime jouer avec les définitions. Il se présente volontiers comme « rigoureux, rigolard ». C’est dire sa volonté d’échapper aux catégories, aux classifications, aux étiquettes.
Déjà son itinéraire artistique exprime cette liberté. A l’époque de l’art cinétique triomphant, il participe, dans les années soixante, au « G.R.A.V. » qu’il fonde avec De Marco, Garcia-Rossi, Le Parc, Sobrino, Stein et Yvaral. Ce groupe expérimental, dans la mouvance de l’art cinétique, explore des voies novatrices qui restent très actuelles aujourd’hui dans l’optique d’un « art relationnel ». Mais le chemin de Morellet s’éloigne de ces rives pour creuser sa recherche dans un art concret où le recours au hasard est déterminant. En cela, il se singularise par rapport à ses amis de l’art cinétique.

« La Défonce » François Morellet 1990

A la Défense, près de Paris, Morellet se voit offrir, en 1990, la possibilité de réaliser une œuvre liée aux bâtiments du Fonds national d’art contemporain. Comment rivaliser avec la Grande Arche toute proche ? La réponse de Morellet : on ne rivalise pas !
Morellet n’aime pas cette réalisation massive qu’il estime rappeler le temps d’une architecture que n’auraient pas désavoué les staliniens ou les fascistes. Sa volonté est donc de jouer « contre » avec une structure qui « se casse la gueule » m’explique-t-il. Et face à la Défense son œuvre devient « La Défonce ».

François Morellet dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photo Wikipédia


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