La chaîne vidéo

Vidéo magazine N°2 : Jacques Monory

Le magazine N°2 de la chaîne vidéo des « Chroniques du chapeau noir » est dédié à Jacques Monory.

Extrait du dernier article paru dans le blog sur le peintre :

Le rencontrant pour la première fois en 1972, j’ignorais que son univers allait m’accompagner jusqu’à aujourd’hui à diverses occasions. Émotion de repenser à sa disponibilité pour un premier entretien vidéo alors que cet outil balbutiant venait tout juste d’arriver dans l’univers journalistique. Émotion encore de revoir sa silhouette au gré d’expositions y compris de celles auxquelles il accepta très simplement de participer à mon initiative.
Tout a été dit sur le bleu Monory depuis de longues années. Pourtant je n’ai jamais trouvé un texte aussi pertinent que celui de Jean-François Lyotard qui, dès 1973, avait magnifiquement cerné l’œuvre du peintre : « Cette profonde érosion des différences chromatiques, qui est comme une maladie des yeux (monochromatisme), elle est la pulsion de mort agissant dans le champ des couleurs. Elle atteste l’énorme teneur en charge mortifère de la tension libidinale chez Monory ». Il n’y a rien à ajouter.
Jacques Monory me confirmait cette analyse : “Cet insupportable événement de la mort, j’essaie de l’agrémenter du faste de la tragédie, le colorer de la froideur du roman noir, du thriller bleuté, du délire glacé d’un romantisme dérisoire”. Entre réalité et imaginaire, entre cinéma et rêve, le peintre se mettait en scène dans ses tableaux et installait son personnage dans ce no man’s land intouchable entre le réel et la fiction.
A-t-on oublié, cependant, que Monory a parfois fait une entorse à l’utilisation de ce bleu ? « New York N° 10 », dans le rêve du peintre, bascule et le tableau sera monochrome jaune «parce que ce jour là, dit-il, j’ai vu Central Park tout jaune ». Une autre hypothèse surgit : ce jaune envahissant ferait écho à une anecdote de son enfance liée aux projections en plein air des cinémas ambulants, où l’on mettait, devant la projection noir et blanc un filtre bleu pour représenter la nuit et un filtre jaune pour évoquer le jour. En outre la toile imposante avec ses plus de cinq mètres de largeur, adopte le format panoramique du cinéma hollywoodien.

Mais c’est peut-être davantage l’expérience humaine de Jacques Monory qui m’impressionne encore aujourd’hui. Car cet homme a toujours tout fait pour donner sa vie à son œuvre. L’entretien physique de sa personne faisait partie intégrante de cette démarche. On peut même s’interroger sur l’importance décisive du temps, sur cette impérieuse nécessité de le retenir coûte que coûte. Sans malice aucune, on peut rappeler que Jacques Monory avait, pendant un temps, quelque peu triché avec sa date de naissance, au point de donner le tournis aux biographes et aux wikipédiens. Je crois qu’il s’agissait à l’origine, de se donner une chance de participer à un concours réservé à de jeunes artistes. Mais il fallut bien du temps avant que son âge véritable réapparaisse dans les biographies. Au-delà de l’anecdote, c’est cette volonté de pouvoir consacrer une vie pleine et entière à son œuvre qui reste l’essentiel.
Au regard des analyses critiques, Jacques Monory, pour sa part, commentait parfois ses tableaux avec la distance de l’humour. Il m’expliqua un jour : « Au fond, quand j’ai envie de me faire plaisir, je peins un revolver. Alors pourquoi je me priverais ? » concluait-il en ponctuant se phrase d’un grande éclat de rire.

Pour mémoire

Jacques Monory : deux ou trois choses que je sais de lui

Les témoignages personnels, les regards critiques n’auront pas manqué, comme on pouvait s’en douter, après la mort du peintre Jacques Monory, au point de s’interroger sur la pertinence d’ajouter un article de plus sur cette disparition. Pourtant, difficile de passer sous silence la mémoire de ce presque demi-siècle traversé avec le croisement, au gré des circonstances de cet homme dont la gentillesse n’était pas une posture, dont le parcours répondait à une exigence personnelle.
Le rencontrant pour la première fois en 1972, j’ignorais que son univers allait m’accompagner jusqu’à aujourd’hui à diverses occasions. Émotion de repenser à sa disponibilité pour un premier entretien vidéo alors que cet outil balbutiant venait tout juste d’arriver dans l’univers journalistique. Émotion encore de revoir sa silhouette au gré d’expositions y compris de celles auxquelles il accepta très simplement de participer à mon initiative.
Tout a été dit sur le bleu Monory depuis de longues années. Pourtant je n’ai jamais trouvé un texte aussi pertinent que celui de Jean-François Lyotard qui, dès 1973, avait magnifiquement cerné l’œuvre du peintre : « Cette profonde érosion des différences chromatiques, qui est comme une maladie des yeux (monochromatisme), elle est la pulsion de mort agissant dans le champ des couleurs. Elle atteste l’énorme teneur en charge mortifère de la tension libidinale chez Monory ». Il n’y a rien à ajouter.
Jacques Monory me confirmait cette analyse : “Cet insupportable événement de la mort, j’essaie de l’agrémenter du faste de la tragédie, le colorer de la froideur du roman noir, du thriller bleuté, du délire glacé d’un romantisme dérisoire”. Entre réalité et imaginaire, entre cinéma et rêve, le peintre se mettait en scène dans ses tableaux et installait son personnage dans ce no man’s land intouchable entre le réel et la fiction.
A-t-on oublié, cependant, que Monory a parfois fait une entorse à l’utilisation de ce bleu ? « New York N° 10 », dans le rêve du peintre, bascule et le tableau sera monochrome jaune «parce que ce jour là, dit-il, j’ai vu Central Park tout jaune ». Une autre hypothèse surgit : ce jaune envahissant ferait écho à une anecdote de son enfance liée aux projections en plein air des cinémas ambulants, où l’on mettait, devant la projection noir et blanc un filtre bleu pour représenter la nuit et un filtre jaune pour évoquer le jour. En outre la toile imposante avec ses plus de cinq mètres de largeur, adopte le format panoramique du cinéma hollywoodien.

Mais c’est peut-être davantage l’expérience humaine de Jacques Monory qui m’impressionne encore aujourd’hui. Car cet homme a toujours tout fait pour donner sa vie à son œuvre. L’entretien physique de sa personne faisait partie intégrante de cette démarche. On peut même s’interroger sur l’importance décisive du temps, sur cette impérieuse nécessité de le retenir coûte que coûte. Sans malice aucune, on peut rappeler que Jacques Monory avait, pendant un temps, quelque peu triché avec sa date de naissance, au point de donner le tournis aux biographes et aux wikipédiens. Je crois qu’il s’agissait à l’origine, de se donner une chance de participer à un concours réservé à de jeunes artistes. Mais il fallut bien du temps avant que son âge véritable réapparaisse dans les biographies. Au-delà de l’anecdote, c’est cette volonté de pouvoir consacrer une vie pleine et entière à son œuvre qui reste l’essentiel.
Au regard des analyses critiques, Jacques Monory, pour sa part, commentait parfois ses tableaux avec la distance de l’humour. Il m’expliqua un jour : « Au fond, quand j’ai envie de me faire plaisir, je peins un revolver. Alors pourquoi je me priverais ? » concluait-il en ponctuant se phrase d’un grande éclat de rire.

Expositions

La ligne de mire

« Sonorette  » 1998 marbre de Carrare Roland Baladi

 « Les Conquérants de l’illusion »

Les relations peinture-photographie puis peinture-cinématographe ont fait l’objet au cours des décennies de croisements, concurrences, rencontres qui appartiennent désormais à l’Histoire. Des pionniers de l’image photographique jusqu’aux précurseurs de l’image animée, les repères ne manquent pas pour dessiner les contours de cette aventure des « Conquérants de l’illusion ».
La télévision a-t-elle produit ce même phénomène d’empathie  auprès des artistes de la deuxième moitié du vingtième siècle ? On peut en effet s’interroger sur cet attrait-répulsion envers un média qui a tout emporté sur son passage pour devenir le maître des images ? Cette interrogation, le peintre Ivan Messac l’a mise en lumière dans une des galeries présentes à  « Art Paris , Art Fair » ce dernier week-end.
Pour cet artiste qui lui-même s’est confronté à cette fascination de l’image télévisuelle dans une série intitulée : « Impression Prime-Time » en 2005, il a fallu partir à la recherche d’œuvres d’artistes contemporains pour observer les positions adoptées par eux avec des propositions fort diverses.

«T.V.8 TV Canal 8» 1977 Acrylique sur toile Jacques Monory

Car la télévision répond à cette double nature : à la fois canal d’une image continue, fascinante et dans le même temps objet physique occupant une place clef dans l’espace quotidien.
C’est peut-être par cette seconde caractéristique que l’on peut aborder le phénomène. Roland Baladi a sculpté en 1998 une « Sonorette » en marbre de Carrare, d’après un modèle de récepteur de télévision des années Cinquante. Objet intrigant, j’imagine, à l’époque par l’étroitesse de son écran laissant difficilement envisager que l’invention allait devenir dévorante pour les humains.  L’étrange lucarne ainsi figée dans le marbre se retrouve réduite à l’impuissance, pétrifiée avant même d’avoir écrit son histoire.
Mais bien vite ce maelström des images va emporter toutes les préventions, devenir le centre de toutes les convoitises, attirer tous les pouvoirs, fasciner et façonner les esprits.
Le monde rêvé d’un Jacques Monory trouve dans cette image froide de l’écran vidéo son propre reflet. Le plus inattendu reste peut-être l’œuvre de Nam June Paik dont on connaît le protocole anthropomorphe dans sa façon de jouer avec l’objet télévision. Ici ce sont les lignes invisibles de l’écran que l’artiste illustre avec une étonnante lecture inscrite dans ce balayage figé.

« Ni vu, ni connu »

Ivan Messac, pour sa part, met en perspective cette interrogation sur la télévision avec une première oeuvre de 1970 : « Ni vu, ni connu » posant d’entrée la question de ce média illustré ici avec un personnage cachant sous l’écran sa qualité de prestidigitateur. La télévision est dès lors dénoncée comme une manipulation.

L’empire des sens-100×100 cm Tehcnique mixte sur toile 2005 Ivan Messac

Trente cinq ans plus tard, avec la série « Impression Prime-Time », Ivan Messac continue à régler ses comptes avec ce phénomène désormais gagnant sur toute la ligne et dont il met un malin plaisir à rendre dérisoire les images sur des fonds de tissus qui ne le sont pas moins pour le kitch de leur décor. La mire est vraisemblablement l’émission qui lui paraît la moins pernicieuse.

Aujourd’hui, l’objet Télévision a perdu de sa superbe, mais en abandonnant sa position centrale dans l’univers familier, il s’est insidieusement infiltré dans tous les compartiments de notre vie et pris les commandes de notre rapport au monde. Ivan Messac à travers sa peinture garde aujourd’hui  cette invention incontrôlable en ligne de mire.

Télé-viseurs
Ivan Messac, Nam Jun Paik, Roland Baladi, Jacques Monory, Joan Rabascall, SKWAK, Volff Vostell, Ryan Mendoza, Bodys Izek Kingelez, François Boisrond, Sébastien Bayet

Art to be gallery
Art Partis, art Fair
29 au 31 mars 2017
Grand Palais Paris

 

Expositions

Figuration narrative : le retour

Il y a deux ans, un séisme inattendu survenait dans le paysage artistique en France : le retour au premier plan  de l’art cinétique. Julio Le Parc au Palais de Tokyo, Jésus Rafael  Soto au Centre Pompidou, les mêmes dans les galeries Denise René, Sobrino à la  galerie Nmarino notamment… L’exposition Dynamo au Grand Palais à Paris marquait le point culminant de ce retour en grâce de l’art cinétique et lumino-cinétique.

MONORY2Aujourd’hui, en 2015, on ne peut que constater un autre phénomène du même ordre : le retour, de façon spectaculaire, des peintres de la Figuration narrative.

Retour en grâce

Après les périodes de notoriété , les artistes de ce mouvement semblaient souffrir depuis quelques années des avancées de l’art contemporain qui reléguaient quelque peu au second plan les tenants d’une peinture considérée comme datée, voire dépassée.
Depuis près d’un an, sans que l’on puisse situer l’origine de ce déclenchement, sans qu’il soit possible de désigner un hypothétique grand ordonnateur de l’événement, il faut se rendre à l’évidence : la Figuration narrative connaît un retour en grâce indéniable.
Jacques Monory bénéficie actuellement au Fonds Hélène et Edouard Leclerc à Landerneau, d’une rétrospective magistrale pour ses quatre-vingt dix ans. Erró a les honneurs du musée d’art contemporain de Lyon depuis quelques mois. Après Gérard Fromanger il y a moins d’un an, c’est Valério Adami qui  est invité dans le vaste lieu d’exposition « A cent mètres du centre du monde  » à Perpignan. Vient de se terminer il y a quelques jours une rétrospective de la coopérative des Malassis (avec notamment  Cueco) au musée des Beaux-arts de Dôle, certes fidèle depuis des années au mouvement de la Figuration narrative. Le musée des Beaux-arts de Rennes vient d’ouvrir une rétrospective sur Gilles Aillaud.erro mac lyon Dans quelques jours au Centre Pompidou de Paris, Hervé Télémaque est accueilli avant Gérard Fromanger programmé au début de l’année 2016. Le même Télémaque sera présenté au musée Cantini à Marseille dès le moins de juin prochain. Ce panoramique n’est pas exhaustif mais témoigne d’un mouvement  significatif.

Vague de fond

Comment expliquer cet élan d’intérêt en direction de peintres dont  l’avènement datait des années soixante ?  Comment analyser ce passage de l’ombre à la lumière en quelques mois ? On objectera que des expositions de certains peintres de la Figuration narrative ont eu lieu pourtant les années passées, mais rien de comparable, me semble-t-il, avec la vague de fond observée aujourd’hui aussi bien dans les lieux privés que dans les centres d’art institutionnels. En revanche, l’oubli dans lequel étaient tombés d’autres artistes du mouvement tranchait avec cette résurrection. Pendant combien années le silence a recouvert le travail de la coopérative des Malassis avant que l’on redécouvre sa spécificité?
C’est le déclenchement d’un tel retour qui ne manque pas d’intriguer, comme ce fut le cas pour celui de l’art cinétique. Un critique d’art redoutable, non encarté, semble jouer de son influence : le temps. Ce critique à l’intégrité indiscutable se joue des modes, des aléas du marché de l’art. En outre, il possède sur chacun de nous un avantage implacable: il aura le dernier mot.

Moments privilégiés

Jacques Monory : le tableau jaune

Central Park

Mahattan. Un  soleil d’hiver, froid diffuse une lumière jaune sur Central Park. De la 110e rue au nord, la 8e avenue à l’ouest, la 59e rue au sud , l’oasis de verdure dans cette ville verticale apparaît  immense. Le  Jacqueline Kennedy Onassis Reservoir   s’étend sur presque toute la largeur du parc. Au cœur de cette urbanisation effrénée, à la spéculation galopante, Central Park s’offre comme une lumineuse exception.

New York N°10 1971 huile sur toile Jacques Monory

New York n° 10 de Jacques Monory  représente également une lumineuse exception  dans l’oeuvre du peintre. En 1969 Monory effectue son premier voyage à New-York. Dans cette ville magique, le peintre, appareil photo à la main, capte image après image un matériau considérable. Ce n’est que deux ans plus tard qu’il produira une série de douze toiles sur le thème de New-York.

Le bleu Monory

Du rêve, la peinture de Monory a la couleur bleue depuis quelques années déjà. Ce bleu manifeste, selon la formulation de Jean-François Lyotard,  “cette profonde érosion des rapports chromatiques (…), elle est la pulsion de mort agissant dans le champ des couleurs”. Jacques Monory confirme cette analyse : “Cet insupportable avènement de la mort, j’essaie de l’agrémenter du faste de la tragédie, le colorer de la froideur du roman noir, du thriller bleuté, du délire glacé d’un romantisme dérisoire”. Déjà en 1968 les « Meurtres » puis ensuite « Velvet Jungle » « Situation », « Mesures », toutes ces séries révèlent, toile après toile,  le symptôme de ces  «  maladies virales de la société » selon  Jean Baudrillard, maladies virales présentes dans le bleu de Monory nous dit Jean-Luc Chalumeau.

« New York N° 10« 

New York N° 10, dans le rêve du peintre, bascule et le tableau sera  monochrome jaune « parce que ce jour là, dit-il, j’ai vu Central Park tout jaune ». Une autre hypothèse surgit : ce jaune envahissant ferait écho à une anecdote de son enfance liée aux projections en plein air des cinémas ambulants, où l’on mettait, devant la projection noir et blanc un filtre bleu pour représenter la nuit et un filtre jaune pour évoquer le jour. En outre la toile imposante avec ses plus de cinq mètres de largeur, adopte le format panoramique du cinéma hollywoodien.
Dans cette immensité de Central Park, quelque chose se passe, une histoire invisible, une narration énigmatique dont nous n’aurons pas la clef apparaît : un visage féminin, anonyme occupe la partie gauche basse du panoramique. Sur la partie inférieure de la toile court une inscription de chiffres et de lettres entremêlés où l’on peut déchiffrer les mots « Sibérie », « beauté », « gouffre », « blessé », « jamais », « séparée ».  Pour Jean François Lyotard, «Le tableau Monoryen est ainsi fait (techniquement comme on dit) qu’il a toujours l’air d’une illustration. Il paraît illustrer un écrit qui est absent. Pour comprendre l’image, on est conduit à se fabriquer le texte qu’elle illustre, à faire oeuvre de littérature, même mineure ».
Pendant le temps de ce tableau unique, le peintre se serait-il guéri un moment de ce bleu obsédant et glacé pour donner à cette vue de Manhattan la couleur d’un moment privilégié, d’un souvenir heureux que nous n’arriverons pas à décrypter ?  Ce jour là Monory a peut-être exprimé le besoin de voir le monde avec ce filtre complémentaire indissociable du bleu qui, très vite, retrouve, dans ses toiles, la place privilégiée.

Jacques Monory dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photo:éditions IMAGO

« New York n°10 »
1971
Huile sur toile
195 x 520 cm Chaque panneau : 195x130cm

Expositions

Marcel van Eeden : journal d’avant la vie

A la galerie In situ Fabienne Leclerc à Paris les efforts n’ont pas été ménagés pour créer une scénographie remarquable : afin d’offrir aux petits dessins de Marcel van Eeden  un cadre valorisant, c’est une véritable salle de réception d’hôtel qui a été construite. Cette mise en scène séduisante crée une ambiance feutrée, presque inquiétante dans la pénombre, en phase avec les dessins de l’artiste.

Scénographie « The Hotel » galerie In Situ Paris 2012 pour l’exposition de Marcel Van Eeden

The Lobby

Ce « Lobby » qui signifie littéralement « vestibule » ou « couloir » désignait   les couloirs de la Chambre des communes britannique où les membres de groupes de pression pouvaient venir discuter avec les  membres du Parlement. Le mot lobby a fini par désigner les groupes d’intérêts eux-mêmes.
C’est dire si  ce lieu est chargé de toutes les histoires discrètes, parfois troubles, à l’abri des regards, lieu des confidences et des ententes secrètes, des complots possibles.
« Depuis 1993 Marcel van Eeden s’attache – à la manière d’un reporter ou d’un archéologue – à construire une iconographie singulière en sélectionnant soigneusement ses sources à partir de vieux journaux, magazines, livres d’histoire, manuels scolaires, fonds photographiques , cartes postales. Dépôt d’histoires chaotiques, arrachées à leur premier contexte et ressuscitées par le recyclage compulsif de l’artiste, cet univers visuel semble affecté par une forme radicale d’iconophilie, un besoin irrépressible de consumer ces images qui paradoxalement, une fois assouvi, les sauverait de l’Oubli. »

Marcel van Eeden

Cet artiste hollandais a déjà réalisé plus de quatre mille  dessins. Certains comportent des fragments de textes qui se suivent en série et prennent un sens lorsqu’on les lit dans la continuité.

L’artiste ne se contente pas simplement de reproduire des illustrations fortes ou de vieilles images. Seule condition sine qua non : que le sujet soit antérieur au 22 novembre 1965, jour de sa naissance.

Oswald Sollman

Autour de l’installation The Lobby, l’artiste nous emmène sur les pas d’Oswald Sollman, protagoniste central d’une histoire tissée d’images, de photographies, de personnages historiques et/ou fantasmés, tous puisés dans un vaste répertoire iconographique précédant l’année 1965.

Marcel van Eed

« C’est une façon de prendre conscience chaque jour qu’en réalité, on est déjà mort bien avant la naissance. Lorsqu’on a compris cela, on peut envisager d’avoir moins peur du moment où l’on sera mort à nouveau. En réalité, le fait de ne pas exister est une situation bien plus naturelle qu’on ne le pense. »

La vie d’Oswald Sollman reconstituée par Marcel Van Eeden, dans cette narration et l’atmosphère créée ne sont pas sans rappeler l’oeuvre de Jacques Monory et «  La vie imaginaire de Jonc’Erouas Cym » dans l’inquiétant univers dont le bleu  « cette profonde érosion des rapports chromatiques  est la pulsion de mort agissant dans le champ des couleurs » écrivait Jean-François Lyotard.
Dans sa narration  achromatique Marcel van Eeden retrouve l’univers du Polar. Ses dessins nous donnent l’impression de feuilleter les vieux numéros de « Cinémonde » ou de « Détective »  C’est bien la vie d’avant la vie que l’artiste explore à travers ce dessin volontairement désuet.

Photo in situ: de l’auteur
Photos dessins: Marcel van Eeden

Marcel van Eeden
The Hotel
29 Novembre 2012 / 12 Janvier .2013
Galerie In situ
6 rue du pont de Lodi
75006 Paris

 

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Portraits

La vie imaginaire de Jacques Monory

L’œuvre de Jacques Monory, depuis plus d’un demi-siècle de peinture, a connu tous les états de la vie d’un artiste : reconnue, glorifiée, un peu oubliée, puis célébrée. Depuis ces années, combien de textes ont été écrits sur son travail ? Difficile d’intervenir après tant de réflexions brillantes sur l’itinéraire de ce peintre.
C’est davantage l’homme que je souhaite évoquer dans ces lignes. Ayant eu le privilège de faire sa connaissance il y a une quarantaine d’années et l’ayant recroisé plusieurs fois jusqu’à ce jour, je voudrais souligner la grande authenticité de son parcours. Jacques Monory a non seulement donné sa vie à la peinture, mais il a de plus tout fait pour mettre en œuvre toutes les conditions pour s’y consacrer physiquement et intellectuellement.

Jacques Monory dans un tableau de la série des « Meurtres »

Pour cet artiste, jouant parfois à cache cache avec sa date de naissance, à y faire perdre son latin aux biographes et aux Wikipédiens, la peinture est tout, au point que la frontière entre la peinture et la vie n’existe plus.
Dans ce monde qu’il dit détester, Jacques Monory peint. Il appartient à cette génération de peintres qui retrouvèrent la figuration. L’image photographique hante la peinture de Monory. Ce visible réel dont se sert le peintre est codé. Depuis qu’il peint, Monory interroge la peinture, l’image, la vie.
Cette seule présence au monde qu’il tolère, il la développe, depuis cinquante ans de peintures à travers les thèmes qui l’attirent ou le repoussent : “Meurtres”, “Premiers numéros du catalogue mondial des images incurables”, “Opéras glacés” ou la série de “La vie imaginaire de Jonc’Erouas Cym”. Dans les tableaux de Jacques Monory, la photographie intervient dans tous ses états : clichés personnels mais également photos de presse, magazines, images d’écrans de télévision ou de cinéma. Du rêve, la peinture de Monory a la couleur bleue. Ce bleu manifeste, selon la formulation de Jean-François Lyotard, de « « cette profonde érosion des rapports chromatiques (…), elle est la pulsion de mort agissant dans le champ des couleurs”.

La vie imaginaire de Jonc’Erouas Cym n 11 Jacques Monory

Jacques Monory confirme cette analyse : “Cet insupportable évènement de la mort, j’essaie de l’agrémenter du faste de la tragédie, le colorer de la froideur du roman noir, du thriller bleuté, du délire glacé d’un romantisme dérisoire”. Dans le filtre bleu d’un Monory, les maladies virales de la société sont là. Entre réalité et imaginaire, entre cinéma et rêve, le peintre se met en scène dans ses tableaux et installe son personnage dans ce no man’s land intouchable entre le réel et la fiction. Il y a bien longtemps que le peintre, à la manière des personnages de Woody Allen, dans “La rose pourpre du Caire”, sortant du film pour entrer dans la vie, a franchi cette frontière entre la vie et le tableau. Le peintre aura su construire une image de sa personne en adéquation avec son oeuvre. Jacques Monory est bien un personnage de roman, une silhouette de film, une ombre de polar.

Jacques Monory dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photo Wikipédia


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