Expositions

Sur les murs j’écris ton nom : street art

« Capitales 60 ans d’art urbain »

Depuis son ouverture, l’exposition « Capitales 60 ans d’art urbain » à l’Hôtel de ville de Paris rencontre un succès considérable avec plus de 150.000 visiteurs au point que la manifestation bénéficie d’une prolongation jusqu’en juin prochain. Si le sujet de « Capitales » est bien le street art, il évite cependant l’écueil d’un reproche : celui de nommer street art ce qui est exposé entre quatre murs. Car présenter cette expression marginale au sein d’un musée ou d’un centre d’art est antinomique. L’équipe des commissaires d’exposition échappe donc à cette critique et offre un parcours qui, partant des précurseurs de l’art urbain dans Paris, nous conduit jusqu’aux confins de la réalité augmentée.

Une salle de « Capitales 60 ans d’art urbain » Hôtel de ville de Paris

Les artistes des années 60 et 70, dont le profil n’est pas celui des fantassins du street art, appartiennent à des courants de l’art contemporain : Jacques Villeglé, membre des Nouveaux Réalistes, Ernest-Pignon-Ernest légitimement reconnu par les institutions, ont pris possession de la rue chacun à sa manière. Pour Jacques Villeglé, les affiches de la rue ont fourni son matériau de départ pour introduire ce réalisme brut sur les murs des musées. Ernest-Pignon-Ernest a investi les rues avec ses sérigraphies qui l’ont fait reconnaître comme un des précurseurs de l’art urbain.
En France ce n’est qu’au début des années 80 qu’une nouvelle génération s’approprie les murs de la capitale. Jérôme Mesnager, plus jeune que les précurseurs Jacques Villeglé et Ernest-Pignon-Ernest, a établi des passerelles entre l’univers de l’art de son temps et la mouvance de l’art urbain. Créateur de l’« Homme en blanc », il est l’un des premiers peintres de rue parisiens tout en reprenant les codes de l’art contemporain.
Avec le graffiti s’affirme une expression rebelle, non autorisée, voire clandestine. De New York à Paris de Los Angeles à Londres, c’est une contre-culture qui s’approprie les murs de façon sauvage. Et c’est toute la difficulté d’inscrire dans une histoire de l’art consacrée par les institutions un phénomène social et culturel dont la nature même relève de la contestation, de la désobéissance, de la résistance à la culture dominante.
L’exposition de l’hôtel de ville de Paris présente le mérite de documenter ce mouvement urbain : outils des graffeurs, bombes à peinture etc.. ainsi que plusieurs programmes vidéo sur les témoignages de ces artistes de la rue.

RERO « The way out is in… »

Si ce phénomène urbain présentait, à son origine, une forme d’anonymat, des noms sont apparus, ont acquis une notoriété et se retrouvent légitimés par les institutions, Bansky, Keith Haring, Shepard Fairey notamment. A Paris RERO, à la frontière de l’art urbain et du conceptuel bénéficie, lui aussi, d’une visibilité renforcée par son accueil dans les centres d’art.
Pour autant la réalité sauvage du street art se réveille parfois. La disparition tragique il y a moins d’un an de deux artistes français à New York rappelle douloureusement combien le street art est identifié à une pratique hors des institutions, illégale parfois, underground souvent, risquée. Pierre Audebert et Julien Blanc, alias « Full 1 » et « Jibeone », sont morts le 20 avril 2022 à New York, happés par une rame de métro alors qu’ils s’apprêtaient à réaliser l’un de leurs rêves : graffer l’intérieur d’un des iconiques métros de la ville de New York, érigés au rang de symbole dans le monde du graffiti. Les corps ont été retrouvés près de la station Sutter Ave-Rutland Road un endroit connu pour être un haut lieu du graffiti new-yorkais. Les deux artistes Toulousains avaient 28 et 34 ans. C’est dire si ce « J’écris ton nom liberté » peut se payer au prix fort, celui de la vie.
Le street art , dans sa vocation originelle, n’est pas un long fleuve tranquille.


 Capitales 60 ans d’art urbain
Du samedi 15 octobre 2022 au samedi 3 juin 2023
Salle Saint-Jean de l’Hôtel de Ville de Paris
5 rue de Lobau, Paris 4e
Artistes présents dans l’exposition

Villeglé, Zlotykamien, Ernest Pignon-Ernest, Surface Active, Captain Fluo, Edmond Marie Rouffet, Blek le Rat, Miss.Tic, Vive La Peinture, Speedy Graphito, Jean Faucheur, Mesnager, Mosko, Jef Aérosol, Bando, Ash, Jay0ne, SKKI, Keith, Haring, Mambo, Nasty, Slice, Psyckoze, Lokiss, Shoe, Futura, A-One, Rammellzee, Jon0ne, André, Zevs, Dize, Invader, Shepard Fairey, JR, Vhils, Swoon, Banksy, C215, L’Atlas, YZ, Seth, Tarek Benaoum, El Seed, Ludo, Rero, Dran, O’Clock, Tanc, Lek, Sowat, Cristobal Diaz, Philippe Baudelocque, Levalet, Madame, Kashink, Vision, Pest, Greky, Sébastien Preschoux, Romain Froquet, Kraken, 9eme Concept, Les Francs Colleurs.