Seuphor, libre comme l'art

Seuphor, libre comme l’art : le G.R.A.V.

Le blog des Chroniques du Chapeau noir poursuit la publication de « Seuphor, libre comme l’art », écrit par Claude Guibert sur la vie de l’écrivain, historien et artiste Michel Seuphor (1901-1999), de son vrai nom Fernand Berckelaers. Ce livre a été écrit en 2008 et sera publié intégralement à raison de quelques pages par publication, une fois par semaine.

Publication N° 73

Le GRAV

Au mois de juillet 1960, apparaît sur la scène artistique une nouvelle formation de l’art cinétique, le Groupement de recherche d’art visuel. L’acte fondateur est signé par Demarco, Garcia Miranda, Garcia Rossi, Le Parc, Vera Molnar, Morellet, Mayano, Servanes, Sobrino, Stein, Yvaral. Leur objectif : considérer le phénomène artistique en tant qu’expérience strictement visuelle située sur le plan d’une perception physiologique et non émotive. Au-delà de la préoccupation plastique, le groupe ambitionne de modifier durablement la relation entre l’art et le spectateur. Le principe fondamental auquel adhèrent ses différents membres, avec plus ou moins d’enthousiasme, est la dévalorisation de « l’artiste » et du « chef-d’œuvre », au profit d’une sollicitation du spectateur. Le collectif va se resserrer autour de Garcia Rossi , Le Parc , Morellet, Sobrino, Stein et Yvaral, ce dernier suivant les traces de son père Victor Vasarely. Ils décident de continuer à signer personnellement leurs œuvres et de poursuivre un travail individuel sur des matériaux de base, tout en élaborant collégialement des problèmes esthétiques tels que l’abandon de la deuxième dimension afin d’éviter toute connivence avec l’esthétique picturale. Ainsi Sobrino opte pour le plexiglas, Yvaral pour les fils de nylon et de vinyle tendu, Le Parc pour la lumière et le plexiglas, Stein pour les trièdres et la polarisation, Garcia-Rossi pour les boîtes à réflexion lumineuse et Morellet pour la programmation des pulsions de tubes de néon.
Le GRAV, bien décidé à secouer les habitudes visuelles ainsi que les pratiques sociales dans la relation art/spectateur, recourt à l’agitation. Dans la Biennale de Paris de 1961, ils produisent un trac distribué dans la manifestation sous le titre de « Assez de mystifications ». Le ton est donné :

Le Parc, Sobrino, Yvaral, Morellet, Stein, Garcia-Rossi en 1963

Le GRAV signale

1/ la platitude et l’uniformité des œuvres exposées,

2/ la lamentable situation de dépendance de la « Jeune génération »,

3/ La soumission absolue de la « Jeune Peinture » aux peintres consacrés (Nous espérons qu’il s’agit là seulement d’une crise de croissance)

4/ L’inconséquence et  l’inconscience chez les exposants et organisateurs des caractères réels de la vie où l’homme de notre temps est plongé ». 1

Suivent de nombreuses affirmations sur les positions du groupe. Deux ans plus tard, le troisième Biennale offre une place majeure au G.R.A.V. A cette occasion, les artistes disposant du grand hall d’entrée du musée d’Art moderne, privilégient la production collective. Pour enfoncer le clou, ils accompagnent leurs propositions plastiques d’un nouveau tract en forme de profession de foi :

–  «  Nous voulons intéresser le spectateur, le sortir des inhibitions, le décontracter. Nous voulons le faire participer. Nous voulons le placer dans une situation qu’il déclenche et transforme. Nous voulons qu’il soit conscient de sa participation. Nous voulons qu’il s’oriente vers une interaction avec d’autres spectateurs. Nous voulons développer chez le spectateur une forte capacité de perception et d’action. Un spectateur conscient de son pouvoir d’action et fatigué de tant d’abus et mystifications, pourra faire lui-même la vraie  « révolution dans l’art ». Il mettra en pratique les consignes :

DÉFENSE DE NE PAS PARTICIPER

DÉFENSE DE NE PAS TOUCHER

DÉFENSE DE NE PAS CASSER » 

                               A Paris, octobre 1963 le G.R.A.V.

Le comportement provocant des jeunes artistes du G.R.A.V.  agace Seuphor. Ce qu’il considère comme de l’insolence ne se limite pas à l’attitude de jeunes artistes turbulents. Il n’accepte pas que l’on se moque de la poésie et de la métaphysique. Il se sent blessé par ce qu’il prend pour une attitude primaire. En février 1971, Yvaral lui écrit pour s’étonner de le voir refuser leur présence à ses côtés dans une brochure « Formes et couleurs » et lui propose une rencontre avec les membres du groupe.

Seuphor décline l’invitation de façon cinglante :

– « Une originalité se conquiert et, peut-être se mérite. Vous n’avez, pour l’heure, que le mérite d’être le fils de Vasarely, ce qui vous donne beaucoup d’atouts. De toute manière, un contact entre votre groupe et moi n’est pas désirable, ce qui m’est cher étant pour vous un objet de dérision (…) ». 2

1 Cité dans « Julio Le Parc » JL Pradel catalogue Severgnini 1995 p 274

2 Archives ANCV  S 59 / Galerie Denise René

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