Seuphor, libre comme l'art

Seuphor, libre comme l’art : Num Gabo





Le blog des Chroniques du Chapeau noir poursuit la publication de « Seuphor, libre comme l’art », écrit par Claude Guibert sur la vie de l’écrivain, historien et artiste Michel Seuphor (1901-1999), de son vrai nom Fernand Berckelaers. Ce livre a été écrit en 2008 et sera publié intégralement à raison de quelques pages par publication, une fois par semaine.

Publication N°6

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La fin des vacances de Noël approche. Peeters et Pélagie décident de rentrer à Anvers. Pour Seuphor, il y a encore tant de nouveautés à explorer. Après cette villégiature d’un luxe inattendu, comment quitter cet appartement du Kurfurstendamm ? Huit pièces pour lui seul désormais ! Il lui reste encore des milliers de marks à dilapider. Het Overzicht réclame son dévouement. Pénétré de son statut de directeur de revue, il décide de séjourner encore quelque temps à Berlin. Toujours prêt à servir de guide, Belling peut encore l’aider à rencontrer encore beaucoup d’acteurs de cet esprit nouveau qui souffle à Berlin comme à Paris, Rome ou Anvers.

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Num Gabo

Depuis peu, Naum Gabo, peintre, sculpteur et architecte, venu de Moscou, s’est installé dans une usine désaffectée dans la banlieue ouest de Berlin, à Licherfelde-Ost. Il reçoit Seuphor cordialement, lui donne des nouvelles de Moscou qu’il vient tout juste de quitter, lui présente ses travaux en cours dont cet étonnant éclairage pour l’ Alexanderplatz. Seuphor, ce jour-là, sait-il qu’il a, face à lui, une figure historique du constructivisme Russe, l’auteur avec son frère Pevsner du « Manifeste réaliste » publié deux ans plus tôt ? S’opposant à « l’erreur millénaire héritée de l’art égyptien, qui voyait dans les rythmes statiques les seuls éléments de la création plastique », Gabo, dans cet atelier de la périphérie de Berlin, est en train d’inventer l’art cinétique. Seuphor aperçoit, sur une table, dans l’encombrement de travaux en cours, « une sorte de tige dressée sur un pied et ça bougeait » raconte-t-il à Peeters à son retour à Anvers. Deux amis de Gabo, les frères Luckhardt, l’entraînent, dès le lendemain, dans une visite des cités ultra-modernes près de Berlin. Hans et Wassili Luckhardt, infatigables, ne lui épargnent aucun détail, aucun aspect de leurs constructions.

Villa Kluge « Am Rupenhorn » Berlin – Hans et Wassili Luckhardt 1928

Il faut pourtant se décider à quitter cette ville déroutante où la misère et le délabrement économique s’accompagnent d’un tel foisonnement intellectuel, d’une créativité si novatrice. Seuphor rentre à Anvers avec le sentiment d’avoir, pour la première fois, découvert concrètement le sens de son engagement. Les premiers numéros de Het Overzicht n’ont pas seulement permis d’établir des liens avec les avant-gardes européennes. A Anvers, Seuphor reçoit la visite d’un français de marque, Georges Blachon, ancien sous-préfet qui a découvert des numéros de Het Overzicht, à Lille, chez un correspondant. On lui a traduit de vive voix certains articles de la revue. Georges Blachon, la cinquantaine alerte, souriant, l’esprit ouvert à toutes les idées, se présente en fervent partisan d’un régionalisme militant apte à proposer une solution politique pour structurer le monde à venir. De plus, il aime la Flandre, y a vécu avant la guerre, et rêve pour elle d’un avenir digne de son passé. Il a d’ailleurs écrit un livre révélateur : « Pourquoi j’aime la Flandre ».
Singulière situation pour Seuphor qui s’est déjà éloigné de son double, Fernand Berckelaers. Georges Blachon, venu chercher Fernand Berckelaers pour ses valeurs régionalistes, trouve Seuphor, déjà engagé sur d’autres terrains, vers une patrie au-dessus des nations, l’art international. Son discours sur la cause flamande a pris beaucoup de recul, il en parle désormais de façon détachée. Romain Rolland est passé par là. Les visions régionalistes ont vieilli. Le pacifisme galvanise son approche internationaliste.

Copyright Claude Guibert 2008

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