Seuphor, libre comme l'art

Seuphor, libre comme l’art : Berlin 1922



Le blog des Chroniques du Chapeau noir poursuit la publication de « Seuphor, libre comme l’art », écrit par Claude Guibert sur la vie de l’écrivain, historien et artiste Michel Seuphor (1901-1999), de son vrai nom Fernand Berckelaers. Ce livre a été écrit en 2008 et sera publié intégralement à raison de quelques pages par publication, une fois par semaine.

Publication N°3

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Ier congrès d’art moderne Anvers octobre 1920


Bientôt Peeters se voit promu à la direction des questions artistiques. Flamingante à ses débuts, héritière des premières tentatives De Klauwert ,  Storm,  Roeland Het Hoverzicht , avec l’entrée de Peeters, s’oriente alors résolument  vers les arts plastiques et  affirme sa vocation internationale. Fernand  prend position avec force :
– » Le postulat de la civilisation occidentale réside en ce qu’elle est mûre pour l’internationalisation des peuples et pour l’éducation individualiste des hommes. » (1)
Pour faire avancer cette internationalisation appelée de tous les vœux,  Het Overzicht  prend le meilleur vecteur : l’art de son temps. Fernand s’engage résolument pour ce qu’il décrit comme un fait de civilisation. Fort de cette nouvelle ligne d’ Het Overzicht, Peeters se montre actif, directif, monolithique souvent. Le premier congrès du Modern Kunst qu’il a organisé à Anvers l’année précédente, a développé ses relations avec Der Stijl aux Pays-Bas, Der Sturm en Allemagne. Il a rencontré Marinetti et les futuristes italiens. Pour Fernand, l’horizon s’ouvre sur l’Europe comme une évidence. Le petit bulletin au tirage confidentiel, imaginé par un gamin de vingt ans doit connaître un destin européen. Peeters le pousse à venir avec lui et sa femme, Pelagie, à Berlin. Pourquoi Berlin ? Le délabrement de l’Allemagne vaincue est terrible. En pleine inflation, les voyageurs peuvent se payer un somptueux périple là-bas pour quelques francs belges. Peeters n’a pas perdu son temps avec Het Overzicht. Il a cultivé les contacts avec l’Allemagne. Décembre 1922 arrive. En route pour l’Allemagne. Armés de leurs numéros d’ Het Overzicht, devenu à Anvers le fer de lance de l’art nouveau, ils vont conquérir Berlin. Incroyable cet appartement somptueux de huit pièces en plein centre de Berlin sur le Kurfürstendamm, les Champs-Élysées berlinois ! Le mark ne vaut plus rien : ce billet de 10 000 marks, puis celui-là de 50 000 marks…papier, papier… Dans les usines et les bureaux, on paie les salaires tous les soirs avant la fermeture. Les gens achètent ce qu’ils trouvent. Dès le lendemain, les prix doublent, triplent, quadruplent.

Avec Seuphor (debout) Edouard Du Perron, Paul Joostens et Jozef Peeters, Janvier 1924

Berlin 1922

Dans Berlin vaincu, la misère se répand inéluctablement. Les files d’attente des chômeurs s’allongent aux portes des mairies, devant la Croix-Rouge. Peeters, sa femme et Seuphor pénètrent dans des restaurants vides où des serveurs désœuvrés s’empressent vers ces nouveaux venus. Les trois jeunes Belges avec leurs devises mènent grande vie le soir. Der Blaue Vogel, cabaret russe, au somptueux programme, le Theater am Friedrichstrasse : Ballets russes, avec Pawlova. Theater am Koniggrützerstrasse : « Savonarola »; mais aussi, à la maison de l’opéra, « Les maîtres chanteurs de Nuremberg ». Dehors une troupe de l’armée du Salut, par une température de moins douze degrés, chante dans une rue désertée. Fallait-il ou non faire l’aumône avec cette liasse de billets inutiles ? 

Copyright Claude Guibert 2008

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1 Het Overzicht N°13 Novembre 1922

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