Alors que le décès du peintre Zao Wou Ki fait entrer désormais cet artiste dans les pages de l’histoire de l’art, les nombreux témoignages de presse suite à cette disparition, vont-il réussir à faire passer au second plan au moins quelques temps le douloureux conflit familial qui, de la France à la Suisse, brouille l’image sur son parcours exceptionnel ?
J’avais évoqué il y a quelques mois dans l’article « L’absence de Zao Wou Ki » la double absence de celui dont on évoque aujourd’hui la mémoire.
La double absence
La première absence fut celle de quitter la France où il s’était installé depuis 1948 lorsque le très jeune couple formé du peintre de sa première femme de seize ans La-Lan débarquait à Marseille. Il y a quelques années avec sa seconde épouse Françoise Marquet, le peintre se retrouve en Suisse. La suspicion est jetée sur ce départ contesté par des membres de la famille. Car la seconde absence de Zao Wou ki tient à cette maladie d’Alzheimer dont il est atteint. Son fils accuse sa belle-mère de vouloir accaparer l’œuvre de son mari. Il demande une mise sous tutelle de son père. J’arrête là la description de cette bataille à épisodes qui se poursuit aujourd’hui.

Mémoire pour mémoire, c’est davantage le souvenir personnel de la rencontre avec cet homme qui me revient aujourd’hui. En 1996, le peintre avait accepté de m’accorder une interview vidéo. Car c’était bien de mémoire qu’il s’agissait en captant le témoignage de cet homme et de ce parcours hors du commun.
Conscient de la stature désormais historique du peintre que je recevais, c’est avec quelque peu d’anxiété que j’attendais cet entretien. Je vis arriver un petit homme souriant qui créa immédiatement un climat détendu. Aucune prétention, aucune arrogance de cette figure de l’art mais au contraire une approche simple et ouverte.
Pour mémoire
Zao Wou ki me rappela comment ce fils de banquier éprouva le désir de s’orienter vers les Beaux-arts , comment , à Paris, il devient à Montparnasse le voisin d’Alberto Giacometti avant de partager l’amitié, excusez du peu, de Hans Hartung, Jean-Paul Riopelle, Nicolas de Staël, Sam Francis, Pierre Soulages, Maria Elena Vieira da Silva….
Zao Wou ki évoquait tout cela avec la plus grande simplicité devant un interlocuteur subjugué par ce témoignage égrené au fil des pages de l’histoire de l’art.
Pour autant, le peintre n’avait rien d’un tribun et, au tout au long de l’entretien, conservait une réserve et au bout du compte une économie de mots. Au regarde de l’immense œuvre de l’ artiste, de la reconnaissance internationale de cette œuvre, de l’incroyable palmarès de ses expositions à travers le monde, ce moment privilégié reste un souvenir marquant.
Il reste que, en 1996, en dépit de cette notoriété désormais mondiale, Zao Wou ki m’exprimait ses regrets de constater les difficultés rencontrées pour exposer dans les institutions françaises, notamment à Paris. Le monde de l’art avait les yeux ailleurs, vers d’autres recherches. Ce n’est qu’en 2003 que le Jeu de Paume lui offrit une superbe rétrospective.
Rappeler ces moments où une telle oeuvre se retrouvait quelques temps reléguée au second plan c’est aussi l’impérieuse nécessité de penser à une génération d’artistes dont ont fait souvent peu de cas avant de revisiter leur chemin et les replacer, parfois bien tard, devant les lumières.
Zao wou ki dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain
Photo:Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain.
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Je viens de poster un modeste article sur Zao Wou Ki en lien avec Paul Klee. Merci pour votre témoignage.
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