Portraits

Jean Miotte, le geste de l’intérieur

La Fondation Jean Miotte

Au 556 West 22nd Street à New-York, une fondation est consacrée à un artiste français vivant : Jean Miotte. Cette reconnaissance est remarquable pour un peintre quelque peu oublié dans son propre pays. Né en 1926 à Paris, lorsqu’il parle de son enfance pendant la guerre, Miotte évoque davantage le jazz que la faim ou la peur. Il brave le couvre-feu pour rejoindre ses amis et écouter Lester Young, Louis Armstrong, les rythmes de Duke Ellington, Benny Goodman ou encore Old Man River. Le jazz, par sa liberté, est un défi et une forme de résistance.

Jean Miotte en 1997

C‘est avec amusement que Jean Miotte raconte comment, au début de sa carrière de peintre, lors d’interminables discussions avec d’autres peintres, il clamait que « Jamais, jamais il ne pouvait être question de tomber dans l’abstraction ! ». Le lendemain, il réalisait son premier tableau abstrait ! Ce fut le point de départ d’une œuvre complètement dédiée à une abstraction lyrique, forte, turbulente.
En 1961, Jean Miotte reçoit le grand prix de la Ford-Foundation, ce qui lui donne accès à une bourse pour travailler aux USA. Il traverse l’Atlantique et découvre les grands espaces américains. Il achète une voiture avec l’argent de sa bourse et traverse les immenses étendues. Ses toiles prennent les dimensions du pays, la couleur rajeunit dans des tons plus vifs, plus contrastés, les gestes deviennent plus amples. Après avoir revendu sa voiture, Jean Miotte s’installe à Soho et fait la connaissance de plusieurs peintres dont Robert Motherwell (1915-1991), Mark Rothko (1903–1970), Jacques Lipschitz (1891-1973) ou Alexander Calder (1898-1976). Il n’aura pas moins de trois ateliers à Paris, Hambourg et New York. Dans la galaxie de l’abstraction, Jean Miotte, sur la planète du gestuel, côtoie Mathieu et Hartung.

Hommage à Delacroix 1999 Jean Miotte

Pour Jean Miotte « La peinture exige un engagement total du corps et de l’âme…. Ma peinture est une projection, une succession de moments aigus où la création se produit dans le milieu de la tension spirituelle à la suite de conflits internes. La peinture n’est pas une spéculation de l’esprit ou une pensée, c’est un geste de l’intérieur.  »

Paris – New York

Quand je le rencontre, dans la fin des années quatre-vingt dix, le peintre exprime quelque amertume au sujet du sort réservé à la peinture en cette fin de vingtième siècle. Depuis sa première exposition personnelle à la galerie Lucien Durand à Paris en 1957, c’est un demi-siècle de travail, d’expositions, de manifestations collectives qui constitue le bilan de cet artiste. Jean Miotte regrette de constater qu’il est davantage exposé à l’étranger qu’en France et cette souffrance s’exprime dans son discours.
Peut-être trouve-t-il dans ce constat la rage et l’énergie pour repartir encore davantage à l’assaut de sa toile pour livrer ce combat continuel avec le tableau ? Sur sa palette, à côté des ingrédients colorés, la passion, la douleur et l’angoisse s’étalent, prêtes à bondir sur la page blanche de l’œuvre à naître.

Jean Miotte dans l’Encyclopédie audiovisuelle de l’art contemporain

Photo: Wikipédia


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